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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT INITIAL DU BÉNIN

22 Octobre 2004


22 octobre 2004

Le Comité des droits de l'homme a examiné hier après-midi et aujourd'hui le rapport initial du Bénin sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

À l'issue de l'examen du rapport, le Président du Comité, M. Abdelfattah Amor, a salué les efforts que déploie le Bénin depuis les années 1990, mais a souligné qu'il convient de confronter les textes à la réalité. L'ambition d'instaurer un état de droit ne doit pas être détachée de celle de créer une société de droit, a déclaré M. Amor. À cet égard, il a rappelé que les comportements sociaux sont fonction de la culture. Il a relevé notamment que la femme au Bénin occupe une position secondaire. Il a aussi rappelé que des infanticides résultant de certaines croyances sociales persistent dans le pays. Soulignant enfin que la réaction populaire est souvent mue par des croyances très anciennes, il a attiré l'attention sur le poids de la culture dans le contexte de la tendance à se faire justice soi-même, dont témoigne le phénomène de la vindicte populaire. La culture ne peut pas évoluer lorsque l'éducation n'est pas suffisamment développée, a en outre souligné le Président du Comité.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le Bénin avant de les rendre publiques à la fin de la session, le vendredi 5 novembre 2004.

Présentant le rapport de son pays, M. Dorothé Cossi Sossa, Garde des Sceaux, Ministre de la justice, de la législation et des droits de l'homme du Bénin, a attiré l'attention sur certaines mesures administratives, judiciaires et autres qui ont été prises dans le pays pour donner effet aux dispositions du Pacte. Malgré ces efforts, des cas de violations des droits individuels et de l'intégrité continuent d'avoir cours, a-t-il reconnu. Ceci s'illustre par des cas de maltraitance des enfants placés, les vidomegon, et des exécutions sommaires de brigands par la vindicte populaire, a-t-il précisé. Le Ministre a souligné que son pays rencontre des difficultés dans la promotion d'une culture des droits de l'homme. M. Cossi Sossa a par ailleurs attiré l'attention sur la promulgation, le 25 août dernier, du Code de la famille et des personnes, qui consacre l'égalité totale des sexes dans le domaine de l'État et de la capacité des personnes s'agissant du mariage, du divorce, de la succession, de l'autorité parentale.
La délégation béninoise était également composée d'un Conseiller technique juridique du Président de la République et de représentants de la Cour constitutionnelle; du Ministère de la famille, de la protection sociale et de la solidarité; du Ministère de la justice, de la législation et des droits de l'homme; du Ministère de l'intérieur, de la sécurité et de la décentralisation; de la Cour suprême; ainsi que de la Mission permanente du Bénin auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant, entre autres, de l'indépendance de la justice; des attributions de la Cour constitutionnelle; des tribunaux dits de conciliation; de la condition de la femme; de l'interdiction de la torture; des crimes passibles de la peine de mort; des poursuites engagées suite aux brutalités policières dont ont été victimes des journalistes; de la situation de militaires togolais ayant acquis le statut de réfugiés au Bénin; de la durée de la garde à vue et du régime de la détention provisoire; des conditions carcérales; du droit à un procès équitable; du trafic d'êtres humains; de la liberté syndicale. L'ordonnancement juridique béninois énonce le principe selon lequel les coutumes cessent d'avoir force de loi dans toutes les matières régies par le nouveau Code des personnes et de la famille, a notamment fait valoir la délégation, ajoutant que ce nouveau Code a amélioré la situation de la femme béninoise qui est désormais soumise aux mêmes droits et devoirs que l'homme, y compris en matière d'héritage.

Le Comité entamera lundi matin, à 10 heures, l'examen du cinquième rapport périodique du Maroc (CCPR/C/MAR/2004/5).

Présentation du rapport du Bénin

M. DOROTHÉ COSSI SOSSA, Garde des Sceaux, Ministre de la justice, de la législation et des droits de l'homme du Bénin, a souligné que son pays accorde, dans sa Constitution du 11 décembre 1990, une place importante aux droits de l'homme comme en témoigne le préambule de cette loi fondamentale qui réaffirme son attachement aux principes de la démocratie et des droits de l'homme tels qu'ils ont été définis par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples adoptée en 1981. La Charte africaine fait partie intégrante de la Constitution, a précisé le Ministre béninois de la justice. À la faveur de la Conférence des forces vives de la nation tenue à Cotonou en 1990, l'option de démocratiser le pays, avec un multipartisme intégral, a été prise et a permis l'édification d'un État de droit, a-t-il rappelé. Dès lors, l'arbitraire a cédé du terrain au profit du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'appareil judiciaire a été assaini grâce au projet de réforme du système juridique et judiciaire et à la mise en place des différentes institutions prévues par la loi fondamentale béninoise. En ce qui concerne les acquis institutionnels, M. Cossi Sossa a fait valoir que la Constitution de 1990 a prévu des contrepoids sous la forme d'institutions et d'organes destinés à empêcher l'exécutif d'abuser du pouvoir et dont la compétence s'étend à la défense des droits de l'homme; il s'agit du pouvoir législatif, de la Cour constitutionnelle, de la Haute Cour de justice, du pouvoir judiciaire, de la Haute Autorité de l'audiovisuel et de la communication, ainsi que du Conseil économique et social.

Les organisations non gouvernementales béninoises de promotion et de défense des droits de l'homme ont connu un essor remarquable depuis 1990, a poursuivi M. Cossi Sossa. Elles sont systématiquement associées aux activités des structures étatiques œuvrant dans le domaine des droits de l'homme, a-t-il assuré. Les ONG sont membres du Conseil national consultatif des droits de l'homme et occupent deux des quatre places que compte le bureau du Conseil.

Depuis que le Bénin est devenu partie au Pacte, en mars 1992, a poursuivi le Ministre de la justice, plusieurs mesures administratives, judiciaires et autres ont été prises pour donner effet aux dispositions du Pacte, au nombre desquelles on peut citer: la loi de 1999 relative au Conseil supérieur de la Magistrature ou encore la loi de la même année portant loi organique de la Haute Cour de justice. Malgré ces efforts, des cas de violations des droits individuels et de l'intégrité continuent d'avoir cours, a reconnu M. Cossi Sossa. Ceci s'illustre par des cas de maltraitance des enfants placés, les «vidomegon», et des exécutions sommaires de brigands par la vindicte populaire, a-t-il précisé. C'est pourquoi le Gouvernement béninois s'attèle résolument à assurer l'efficacité de l'État de droit à travers, d'une part, la diffusion des droits de l'homme dans les programmes scolaires et universitaires et la formation des militaires et des forces de l'ordre aux droits de l'homme et, d'autre part, l'accroissement des moyens financiers pour assurer la promotion et la protection des droits humains. «Le véritable handicap du Bénin aujourd'hui n'est pas la mise en place des textes, ni la création des institutions, encore moins l'existence des organisations non gouvernementales; notre problème est celui de la promotion d'une culture des droits de l'homme au Bénin», a déclaré le Ministre. C'est une évidence que ce manque de culture fragilise les efforts consentis par le Gouvernement, a-t-il ajouté.

M. Cossi Sossa a par ailleurs attiré l'attention sur la promulgation, le 25 août dernier, du Code de la famille et des personnes, qui consacre l'égalité totale des sexes dans le domaine de l'État et de la capacité des personnes, en matière notamment de mariage, de divorce, de succession, d'autorité parentale. Le Garde des Sceaux a en outre attiré l'attention sur le décret présidentiel du 17 février 2004 portant création d'une Commission chargée d'inspecter les maisons d'arrêt et locaux de garde à vue sur toute l'étendue du territoire national. Cette Commission, qui a sillonné le pays du 15 mars au 30 avril 2004, a été chargée de détecter tous les cas arbitraires de garde à vue, de détention préventive et de violation des droits de la personne humaine dans les centres pénitentiaires et unités de gendarmerie et de police; d'examiner l'application des règles carcérales dans lesdits centres; et de rechercher les causes des irrégularités et suggérer des approches pour des solution.

Le rapport initial du Bénin (CCPR/C/BEN/2004/1) rappelle que le pays a accédé à la souveraineté internationale le 1er août 1960 et a connu une instabilité politique qui a abouti en 1974 à l'adoption de l'idéologie marxiste léniniste. Cette politique s'est traduite par une violation massive des droits de l'homme et une crise économique aiguë. En février 1990, la Conférence nationale des forces vives a posé les jalons d'un État de droit garantissant les libertés fondamentales, établi les fondements de la démocratie pluraliste et orienté l'économie vers le libéralisme. Pour tenter de mettre un terme à cette situation difficile, le Gouvernement s'est engagé, en 1989, à mettre en œuvre un Programme d'ajustement structurel (PAS) avec le concours de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Actuellement le Bénin est à son troisième Programme d'ajustement structurel. Ces programmes ont accordé la priorité à l'assainissement au niveau macroéconomique, au détriment des secteurs sociaux. Le présent rapport initial couvre la période de 1992-1996. Au Bénin on distingue huit grands groupes ethniques que sont: Adja, Bariba, Bêtamaribê, Dendi, Fon, Peulh, Yoa-Lokpa, et Yoruba. Les groupes majoritaires sont les Fons et apparentés (42,2 %), les Adjas et apparentés (15,6 %) et les Yorubas et assimilés (12,1 %). Plusieurs religions cohabitent au Bénin. Parmi celles-ci, l'animisme occupe 42 % et le christianisme 35 %. Viennent ensuite l'islam 20,6 % de fidèles, les autres religions 1,9 % et les religions non déclarées avec 0,5 %. On note cependant ces dernières années l'apparition de nombreuses sectes. Au Bénin, toutes les communautés ethniques et religieuses vivent en symbiose. Le Bénin n'est pas confronté à des problèmes de minorités ethniques ou religieuses, assure le rapport.

Un comité national de suivi de l'application des instruments internationaux en matière des droits de l'homme a été créé en 1996 pour suivre l'application de ces différents instruments internationaux. Au Bénin, toutes les personnes sont égales devant la loi sans distinction de race, de sexe, de religion, d'opinion politique ou de position sociale. L'homme et la femme sont égaux en droit. Tout individu, tout agent de l'État qui se rendrait coupable d'actes de tortures de sévices ou de traitements cruels inhumains et dégradants, dans l'exercice de ses fonctions soit de sa propre initiative soit sur instruction, sera puni conformément à la loi de la Constitution (article 19). Tout citoyen peut saisir la Cour constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois soit directement, soit par la procédure de l'exception d'inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui le concerne devant une juridiction. Les femmes sont peu représentées dans les institutions de l'État, reconnaît le rapport. Il souligne que la pratique judiciaire est fondée sur une dualité juridique en matière traditionnelle: les dispositions du Code civil et celles du coutumier du Dahomey. Bien que, en droit, les femmes soient égales aux hommes, elles sont souvent victimes des violences de leurs belles-familles et beaux-parents qui se refusent à respecter leurs droits. Ces cas s'observent aussi bien dans les villages que dans les villes, précise le rapport. Pour répondre aux contradictions de ce dualisme juridique, le projet de Code des personnes et de la famille a prévu l'égalité en matière civile: mariage, succession, etc.. L'âge nubile au Bénin est de 15 ans pour les femmes et de 18 ans pour les hommes.

Le rapport souligne par ailleurs que les juridictions où sont rendues des décisions par des juges populaires ont été supprimées en attendant la mise en œuvre d'une véritable réforme de la justice. Le Code pénal prévoit la peine de mort, rappelle le rapport. Le Bénin a dû maintenir cette solution extrême pour les cas prévus par la loi en raison de l'environnement géopolitique, explique-t-il. En effet, le seuil de criminalité dans la sous-région oblige le Gouvernement à conserver la peine de mort dans l'arsenal juridique comme mesure dissuasive. L'opinion publique béninoise trouve que la criminalité a atteint un seuil inquiétant dans la sous-région et craint que l'abolition de la peine de mort au Bénin ne transforme le pays en lieu de refuge des grands malfaiteurs. Néanmoins, depuis l'ère du Renouveau Démocratique, il n'y a plus eu d'exécution suite à une condamnation à la peine capitale. Le Bénin n'a pas connu de cas de condamnation de jeunes de moins de 18 ans ou de femmes enceintes à la peine capitale. Dans les prisons et les maisons d'arrêt, il existe des quartiers pour chaque catégorie de détenus (femmes, hommes et mineurs). Toutefois, il convient de retenir qu'au Bénin, les difficultés économiques et financières ne permettent pas de faire face à tous les besoins de la population carcérale. Le Bénin dispose d'un centre national de sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence situé à Agblangandan sur la route de Porto-Novo - Cotonou. Les mineurs frappés par la loi pénale qui y sont gardés apprennent un métier en vue de leur insertion dans la vie active.


Examen du rapport du Bénin

La délégation béninoise a fourni des renseignements complémentaires sur la base d'une Répondant à une liste de questions écrites qui lui avait été préalablement adressée (CCPR/C/82/L/BEN) et a répondu aux questions posées par des membres du Comité.


Cadre constitutionnel et juridique de l'application du Pacte, droit à un recours effectif, lutte contre l'impunité

La délégation a indiqué que le Pacte n'a été invoqué devant les instances judiciaires béninoises que dans quelques cas seulement. Elle a précisé que le Pacte a été invoqué une fois devant la Cour suprême et une fois devant la Cour constitutionnelle.

La délégation a par ailleurs déclaré que l'indépendance des juges est garantie par la composition du Conseil supérieur de la Magistrature et le principe d'inamovibilité des juges, inscrit dans la Constitution. Les juges ne sont soumis qu'à la seule autorité de la loi, a fait valoir la délégation. Bien qu'ils soient nommés par le Président de la République, ils sont totalement indépendants, a-t-elle assuré.

Un membre du Comité s'est enquis des modes de désignation des juges et des fonctions précises qui incombent à la Cour suprême et à la Cour constitutionnelle. La grève des magistrats intervenue au printemps 2004, si elle atteste qu'il est leur est possible de faire grève, n'en a pas moins constitué pour eux le seul moyen de revendiquer leur indépendance, ce qui témoigne de l'existence d'un vrai problème au sujet de l'indépendance des magistrats au Bénin, a estimé un autre expert.
La délégation a expliqué que la grève des magistrats qui s'est produite en mai dernier était une réaction à la signature d'une convention de coopération judiciaire autorisant l'échange de prisonniers entre le Nigéria et le Bénin. Soulignant le nombre important d'enquêtes qui portent sur des délits commis par des bandes de malfaiteurs opérant le long de la frontière entre les deux pays, cette convention de coopération judiciaire autorisait l'échange de prisonniers entre les deux pays pour les besoins de l'enquête. Mais les juges ont estimé qu'il ne leur était possible d'autoriser le déplacement de prisonniers que sur commission rogatoire. Le Gouvernement a porté toute l'attention voulue à la question qui a ainsi pu être réglée, a indiqué la délégation.

Si l'on doit parler de dysfonctionnement de la justice au Bénin, ce n'est pas au niveau de l'indépendance des juges que se situe le problème mais plutôt au niveau de l'insuffisance des moyens, a par ailleurs affirmé la délégation.

La délégation a rappelé que la Cour constitutionnelle est composée de quinze magistrats inamovibles. Cette Cour est garante, outre de la constitutionnalité des lois, des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques. Entre autres attributions, elle veille à la régularité des élections présidentielles et législatives, a par ailleurs indiqué la délégation. La Cour constitutionnelle statue sur tous les cas de violations du droit qui lui sont soumis par de simples citoyens, victimes ou témoins directs d'une telle violation. Il suffit d'une simple requête manuscrite pour saisir la Cour constitutionnelle, a insisté la délégation. La population étant majoritairement analphabète, la Cour a modifié son règlement de manière à permettre à tout citoyen de la saisir en spécifiant qu'une simple empreinte digitale au bas de la requête suffit pour valider la requête. La délégation a par ailleurs indiqué que la Cour a même eu à punir des agents de la garde rapprochée du Président de la République qui avaient fait subir à un citoyen des traitements inhumains.

Un membre du Comité a estimé que c'est «une véritable justice parallèle qui est rendue dans les «tribunaux de conciliation»par des notables qui n'ont aucune qualification juridique». En fait, les gens font appel à ces tribunaux de conciliation parce qu'ils n'ont pas confiance dans la justice ordinaire, a-t-il également déclaré. Le Comité ayant en outre fait état d'informations selon lesquelles les «tribunaux de conciliation» de droit coutumier ne respecteraient pas les garanties du droit à un procès équitable, la délégation a souligné que les tribunaux de conciliation ont pour mission de concilier les parties, c'est-à-dire de rechercher un arrangement à l'amiable. Ces tribunaux ne rendent pas de jugement et se contentent de soumettre au tribunal de première instance des procès-verbaux rendant compte des résultats de la conciliation; il appartient alors au Président du tribunal de première instance de vérifier les conditions de la conciliation et de s'assurer qu'aucune des parties n'a été lésée. Ainsi, un tribunal de conciliation ne tranche pas un différend; il recherche une conciliation dont la teneur ne s'impose pas de manière obligatoire, a insisté la délégation. Elle a précisé qu'en matière pénale, il n'est absolument pas possible de se tourner vers un tribunal de conciliation. Il ne saurait donc être question de parler de non-garantie du droit à un procès équitable ou de justice parallèle dans le contexte des tribunaux de conciliation, a souligné la délégation.

Il est vrai que pendant longtemps, la dualité entre droit moderne et droit coutumier a existé au Bénin, a poursuivi la délégation. Mais depuis l'adoption du nouveau Code des personnes et de la famille, on ne parle plus du droit coutumier dans l'ordonnancement juridique béninois puisque le principe est énoncé selon lequel les coutumes cessent d'avoir force de loi dans toutes les matières régies par le Code.

La délégation a par ailleurs rappelé que le Gouvernement béninois a mis sur pied, au sein du Ministère de la justice, une Direction des droits de l'homme qui est notamment chargée, à travers le Conseil national consultatif des droits de l'homme, de coordonner les activités des organisations non gouvernementales. La Commission béninoise des droits de l'homme fait partie de ce Conseil, a indiqué la délégation. Elle a précisé que le Conseil national consultatif des droits de l'homme a tenu huit sessions depuis sa création, qui ont permis de réfléchir à différents thèmes intéressant les droits de l'homme. La Direction des droits de l'homme du Ministère de la justice comprend également un Comité national de suivi de l'application des instruments internationaux en matière de droits de l'homme, a ajouté la délégation.

Interrogée sur les résultats de la commission créée en mai 1991 pour recenser les victimes de torture et de mauvais traitements et déterminer les circonstances de leur disparition, la délégation a rappelé que cette commission ministérielle a recensé et auditionné 1017 victimes; elle a alors recommandé que soit versée aux victimes une indemnité forfaitaire. Aux familles des cinq victimes décédées, une somme forfaitaire a également été allouée, a ajouté la délégation. Elle a par ailleurs rappelé que la loi d'amnistie de 1990 dispose que sont amnistiés tous faits et actes autres que de droit commun; les actes de torture échappent donc à cette amnistie, a-t-elle souligné.

La délégation a par ailleurs indiqué qu'à ce jour, le Bénin n'a pas eu recours à l'état d'urgence et n'a pas adopté de législation spécifique en matière de lutte contre le terrorisme. L'étude des projets de Code de procédure pénale et de Code pénal, qui contiennent des dispositions relatives à la répression des actes de terrorisme, est inscrite à l'ordre du jour de l'actuelle session de l'Assemblée béninoise, a par ailleurs précisé la délégation.


Égalité entre hommes et femmes

La délégation a notamment indiqué que la violence contre les femmes se traduit par des viols, par la pédophilie, par les abus sexuels sur les élèves filles, par les mutilations génitales féminines, par l'exploitation sexuelle des enfants, par les violences domestiques ou conjugales et par le trafic des enfants. Pour faire cesser ces violences, différents textes législatifs ont été adoptés et des campagnes d'information et de sensibilisation sont menées, a fait valoir la délégation.

La délégation a souligné que 31 dispositions du Code des personnes et de la famille - telles que celle exigeant de la femme mariée qu'elle prenne le nom de son mari ou celle permettant à l'homme d'être polygame mais pas à la femme - ont dû être reformulées après avoir été déclarées non conformes à la Constitution, laquelle, dans son article 26, garantit à tous l'égalité devant la loi sans distinction de sexe. Ainsi, seul le mariage monogamique est désormais reconnu et la femme mariée est autorisée à accoler son nom au nom de son mari. La délégation a assuré que le nouveau Code des personnes et de la famille a, de toute évidence, amélioré la situation de la femme béninoise qui est désormais soumise aux mêmes droits et devoirs que l'homme, y compris en matière d'héritage.

La délégation a par ailleurs rappelé qu'un texte de loi portant répression des mutilations génitales féminines a été adopté au Bénin. En vertu de ce texte, toute personne pratiquant une mutilation génitale sur une femme ou une fillette au Bénin encourt une peine allant de 6 mois à 3 ans d'emprisonnement, assortie d'une amende. La peine est aggravée en cas de décès de la victime. La délégation a fait état de chiffres issus d'une enquête menée dans le pays selon lesquels 16,8% des femmes au Bénin souffrent ou ont souffert de l'excision. Cette pratique est ancrée dans les coutumes de plusieurs ethnies, a ajouté la délégation.

Rappelant que l'enseignement primaire est obligatoire au Bénin, la délégation a indiqué que le taux net de scolarisation des filles est de 45,3%.

Un membre du Comité a souhaité savoir si les autorités béninoises envisageaient d'élargir les conditions dans lesquelles peut être pratiqué l'avortement. Quelles mesures effectives sont prises dans le pays pour éliminer le fléau que représentent les mariages forcés, a-t-il également demandé? Tout en jugeant encourageant que deux femmes siègent à la Cour suprême du Bénin, il a attiré l'attention sur le niveau inéquitable de représentation des femmes dans la vie nationale.

La traite des femmes est un problème grave et il serait bon de savoir comment le Gouvernement fait face à ce problème particulier, a pour sa part souligné un autre expert, avant de demander s'il existe au Bénin un système de protection des victimes et les témoins dans ce contexte.


Droit à la vie et interdiction de la torture

Interrogée sur le contenu de la réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale s'agissant de l'interdiction de la torture, la délégation a indiqué que la réforme de ces deux codes est en cours et n'a pas encore abouti. Ces deux codes se trouvent actuellement transmis à l'Assemblée nationale sous forme de projets, a-t-elle réitéré. Quant à l'interdiction de la torture, la délégation a reconnu qu'il y a là une omission, à laquelle il convient de remédier, d'autant plus que la Constitution prévoit que tout agent de l'État qui se rend coupable d'un acte de torture doit être puni conformément à la loi. La délégation a toutefois précisé qu'en l'état actuel, la loi béninoise ne permet pas les actes de torture. En outre, il existe une définition de la torture dans le système juridique béninois dans la mesure où le pays a ratifié la Convention contre la torture, laquelle est intégrée dans le droit interne, a ajouté la délégation.

Il arrive que des décès surviennent en prison, mais leur nombre n'excède pas les deux ou trois cas annuels, a par ailleurs affirmé la délégation. Il s'agit généralement de décès naturels, dus à des maladies et non pas à des actes de torture comme certains le prétendent, a-t-elle assuré. Un membre du Comité a toutefois déclaré à cet égard que des sources fiables assurent que la police a torturé des détenus pour leur extorquer des aveux.

Interrogée sur les crimes passibles de la peine de mort et sur l'état du débat relatif à la peine de mort dans le pays, la délégation a indiqué qu'au nombre des crimes passibles de la peine capitale figurent, entre autres: le meurtre commis dans un but d'anthropophagie, l'assassinat (c'est-à-dire le meurtre avec préméditation ou guet-apens), le parricide, l'empoisonnement ou encore le vol qualifié à main armé. La question de l'abolition ou du maintien de la peine de mort au Bénin a constitué l'un des thèmes de la huitième session du Conseil national consultatif des droits de l'homme, a précisé la délégation. Deux thèses s'y sont affrontées: la thèse abolitionniste, défendue par Amnesty International, et la thèse non-abolitionniste, fondée sur la stratégie de dissuasion. C'est l'Assemblée nationale qui tranchera, a rappelé la délégation.

Le Comité s'étant enquis des poursuites engagées suite aux brutalités policières dont auraient été victimes quatre journalistes en mars 2003, la délégation a indiqué que des journalistes du quotidien Le Télégramme ont effectivement saisi la Cour constitutionnelle pour violation de l'article 18 de la Constitution (qui protège les individus contre la torture et les sévices). Rappelant les faits, la délégation a expliqué qu'au printemps 2003, sur instruction du Directeur général de la police nationale, qui avait jugé injurieux certains articles publiés par leur journal, ces journalistes ont été arrêtés par des agents qui leur ont fait subir des sévices. La Cour constitutionnelle a conclu que les journalistes avaient été victimes d'arrestation et de détention arbitraires ainsi que de traitements inhumains et dégradants; elle a précisé que le préjudice leur ouvre droit à réparation.


La corruption semble encore assez répandue dans le pays, a déclaré un membre du Comité. Une définition de la torture est-elle envisagée dans le projet de Code pénal, a-t-il par ailleurs demandé? Un autre membre du Comité a souhaité savoir sur initiative de qui une personne peut être poursuivie en application de l'article 19 de la Constitution (qui stipule que toute personne, tout agent de l'État qui se rendrait coupables d'actes de torture, de sévices ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants dans l'exercice de ses fonctions, soit de sa propre initiative, soit sur instruction, sera puni conformément à la loi).
Plusieurs membres du Comité ont constaté l'abolition de facto de la peine de mort au Bénin. L'un d'entre eux a recommandé que cette abolition de facto se traduise dans la loi (Code pénal).

Un membre du Comité s'est inquiété d'infanticides commis au Bénin, notamment contre des enfants nés mal formés. La délégation a indiqué que les autorités mettent en œuvre des programmes de sensibilisation pour prévenir ce phénomène.

En réponse au Comité qui s'inquiétait de la situation de onze anciens militaires togolais ayant acquis le statut de réfugiés au Bénin et accusés d'avoir fomenté un coup d'État contre le Président togolais, la délégation a affirmé qu'effectivement 11 anciens militaires togolais ont été arrêtés pour association de malfaiteurs et pour avoir été accusés de fomenter un coup d'État au Togo. Néanmoins, leur interpellation n'a fait l'objet d'aucune poursuite judiciaire, les faits n'étant pas constitués, a expliqué la délégation. Les intéressés sont donc actuellement en attente d'un nouveau pays d'accueil, a indiqué la délégation, ajoutant qu'il incombe à l'État béninois d'assurer la sécurité des personnes réfugiées sur son territoire. Il est vrai que ces personnes ne sont pas «logées dans un hôtel quatre étoiles», mais elles ne sont pas malmenées; leur objectif premier est d'atteindre un autre pays d'asile, a insisté la délégation.

Un membre du Comité s'est dit satisfait de constater que, dans cette affaire, l'extradition des personnes concernées a été exclue par le Gouvernement béninois.

La délégation a précisé que, depuis qu'ils ont été interpelés, ces réfugiés togolais se trouvent dans le commissariat de Cotonou et ce, afin d'empêcher qu'ils ne soient victimes d'un enlèvement. Les intéressés eux-mêmes n'ont pas émis d'objection à cet égard, a fait valoir la délégation. Elle a indiqué que plusieurs États se sont d'ores et déjà proposé d'accueillir ces personnes.


Sécurité de la personne et protection contre les arrestations arbitraires

Le Comité ayant fait part de ses préoccupations s'agissant de la durée de la garde à vue, qui peut légalement se prolonger jusqu'à atteindre huit jours et dont certaines informations indiquent qu'elle a parfois duré plus d'un mois, la délégation a indiqué que le régime de la garde à vue au Bénin est régi par la Constitution et par le Code de procédure pénale. L'article 18 de la Constitution énonce que nul ne peut être détenu en garde à vue plus de 48 heures sans autorisation d'un magistrat, la garde à vue ne pouvant en aucun cas excéder huit jours. En outre, le Code de procédure pénale stipule que les officiers de police judiciaire sont tenus d'informer sans délai le Procureur de la République des crimes et délits dont ils ont connaissance. Si, pour les besoins de l'enquête, l'officier de police judiciaire doit garder une ou plusieurs personnes, il ne peut prolonger leur détention plus de 48 heures, voire 72 heures dans les cas de personnes contre lesquelles il existe des indices graves et concordants pouvant indiquer qu'elles pourraient être inculpées; toute prolongation de ce délai - en tout état de cause pour une période supplémentaire de 48 heures au maximum - requiert une autorisation du Procureur.

S'agissant du régime de la détention provisoire, la délégation a indiqué qu'en l'état actuel du Code de procédure pénale, on parle au Bénin de détention préventive et non de détention provisoire. En tout état de cause, il s'agit d'une mesure exceptionnelle dont la durée ne peut excéder 15 jours lorsque la peine encourue est inférieure à un an (et que le prévenu n'a jamais été condamné auparavant pour un délit de droit commun) et 6 mois lorsque la peine encourue dépasse un an. Le juge d'instruction peut prolonger ce dernier délai sur réquisition motivée du Procureur. Le projet de nouveau Code de procédure vise à limiter le nombre de prolongation de la détention provisoire a une fois en matière correctionnelle et à quatre fois en matière criminelle, a par ailleurs indiqué la délégation.

Pour réduire les cas de détention préventive, des sessions spéciales d'audience des flagrants délits se tiennent régulièrement dans les tribunaux, a par ailleurs indiqué la délégation.

Traitement des personnes privées de liberté

Il est vrai que des difficultés économiques et financières ne permettent pas de faire face à tous les besoins de la population carcérale, a déclaré la délégation. Mais cela ne doit pas occulter l'effort constant que déploie le Gouvernement pour améliorer les conditions de vie des détenus, a-t-elle souligné. En effet, le taux des crédits alloués à l'entretien des prisonniers n'a cessé de croître depuis dix ans, a fait valoir la délégation.

Le Comité ayant fait état d'informations selon lesquelles les conditions de détention des condamnés à mort dans la prison de Cotonou seraient particulièrement déplorables, la délégation a déclaré que les personnes condamnées à mort - que l'on trouve également dans d'autres prisons du pays, notamment à Porto Novo - constituent une catégorie de détenus particulièrement dangereuse. Ces criminels sont donc écartés des autres détenus; ils sont placés dans des conditions de haute sécurité afin d'éviter qu'ils ne s'évadent, a indiqué la délégation. Il n'en demeure pas moins qu'ils sont nourris et qu'ils bénéficient de soins médicaux lorsque de besoin, a-t-elle poursuivi. Ils sont en outre autorisés à recevoir les membres majeurs de leurs familles, a-t-elle précisé. Aucun décès ni suicide n'a été enregistré dans le rang des condamnés à mort au cours de ces dix dernières années, alors que des décès ont été enregistrés parmi d'autres catégories de détenus.

Eu égard aux conclusions de la visite que la Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme (FIDH) a effectuée au Bénin, les conditions d'hygiène et le manque de soins dans les prisons apparaissent particulièrement préoccupants, a insisté un membre du Comité. De nombreux experts ont fait état de leurs préoccupations s'agissant de la situation dans les prisons. S'agissant des conditions dans les prisons béninoises, la délégation a déclaré qu'il ne faudrait quand même pas exagérer la situation et a fait valoir que les prisons sont ouvertes à de nombreuses organisations non gouvernementales. Dans les prisons du Bénin, ce n'est pas l'enfer, a insisté la délégation.

Droit à un procès équitable

Le Comité ayant fait état d'informations selon lesquelles peu de personnes seraient assistées d'un avocat au cours des procès pénaux de première instance, la délégation a indiqué que l'assistance d'un avocat au cours d'un procès pénal n'est pas obligatoire au Bénin. Il n'en demeure pas moins, qu'il doit en revanche obligatoirement être pourvu à l'assistance d'un accusé devant la Cour d'assises, y compris, le cas échéant, par la commission d'office d'un avocat.

Autres questions

Le Comité ayant fait état d'informations selon lesquelles le Bénin est un pays d'origine, de transit et de destination du trafic international d'êtres humains, en majorité des enfants, la délégation a déclaré que le problème du trafic d'enfants - jadis connu sous la forme du placement d'enfants chez une tierce personne - est devenu un véritable fléau qui fait de nombreuses victimes. Il a même pris de l'ampleur, a insisté la délégation par la voie de la Secrétaire générale du Ministère de la famille, de la protection sociale et de la solidarité, Mme Marie Sabine Vieyra née d'Almeida. Face à ce phénomène, et afin de le prévenir, le Gouvernement a pris quelques mesures, notamment en matière de sensibilisation, a indiqué la délégation. Elle a en outre rappelé qu'une journée en faveur de l'enfant béninois est célébrée le 23 décembre de chaque année. Récemment, un protocole d'accord relatif aux déplacements frontaliers d'enfants a été signé avec le Nigéria, a par ailleurs indiqué la délégation. Elle a également fait état de l'existence d'un projet de loi portant répression de la traite d'enfants.

Le chef de la délégation, M. Cossi Sossa, a par la suite déclaré que si l'on parle beaucoup du trafic des enfants au Bénin ces dernières années, c'est non pas parce que le phénomène est plus fréquent qu'auparavant mais parce qu'il existe désormais un système de veille sur les frontières.

En ce qui concerne la liberté syndicale, la délégation a indiqué qu'elle est consacrée par divers textes au nombre desquels figurent, entre autres, la loi du 26 février 1986 portant statut des agents permanents de l'État ainsi que diverses conventions de l'Organisation internationale du travail ratifiées par le Bénin. Il ressort de ces textes que les travailleurs et employeurs ont le droit de s'affilier à des syndicats. Les autorités publiques doivent s'abstenir de toute ingérence dans ce droit et le siège des syndicats est inviolable, a précisé la délégation.

Un membre du Comité ayant souhaité savoir dans quelle mesure le droit de grève est limité par l'ordonnance 69/14 du 19 juin 1969 relative au droit de grève, la délégation a assuré que le droit de grève ne souffre aucune restriction au Bénin, sauf pour des raisons de sécurité et de santé susceptibles d'entraîner une obligation de service minimum dans les secteurs de la sécurité et de la santé.

Le même expert, relevant que 1800 réfugiés, sur les 5000 environ que compte le Bénin, proviennent du Togo, s'est enquis des mesures de protection prises par le pays en faveur de ces réfugiés togolais. En 2002, a poursuivi cet expert, des réfugiés du Nigéria se sont adressés au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) pour se plaindre de mauvais traitements de la part de la police béninoise. En juin 2002, a également fait observer ce même membre du Comité, le Bénin a empêché 152 passagers libériens - dont le HCR a affirmé qu'il s'agissait de requérants d'asile -de débarquer sur son territoire.


Observations préliminaires

Dans ses observations préliminaires sur le rapport du Bénin, le Président du Comité, M. Abdelfattah Amor, a salué le dialogue entre le Comité et la délégation s'agissant du rapport initial béninois. Il a en outre salué la sincérité qui s'est dégagée des propos tenus de la délégation. Le rapport est parvenu tardivement et il n'est pas particulièrement développé, en particulier quant aux faits, a toutefois souligné M. Amor. Si l'énoncé d'une règle juridique est important, l'effet de cette règle est tout aussi, voire plus, important, a-t-il insisté.

Le Bénin suscite beaucoup de sympathie tout en laissant perplexe, a poursuivi le Président du Comité. Sympathie eu égard aux efforts qu'il déploie depuis les années 1990; mais perplexité car il convient de confronter les textes à la réalité. Dire que tout citoyen peut saisir la Cour constitutionnelle pour toute violation de l'un de ses droits est certes une bonne chose; mais dans quelle mesure les citoyens peuvent-ils tirer parti de cette disposition lorsque la majorité de la population est analphabète et lorsque la situation socioéconomique est ce qu'elle est. L'ambition d'instaurer un état de droit ne doit pas être détachée de celle de créer une société de droit, a déclaré M. Amor.

Les comportements sociaux sont fonction de la culture, laquelle englobe les traditions et la religion, a poursuivi le Président du Comité. Il a posé le problème de la culture à trois niveaux: au niveau de la femme, à celui de l'enfant et à celui du peuple. La femme, au Bénin comme dans nombre de pays d'Afrique, occupe une position seconde et secondaire, a rappelé le Président du Comité. Il a déclaré que la manière dont la femme est perçue dans ce pays ne laisse pas indifférent et inquiète même. Les mutilations génitales féminines continuent d'être considérées, socialement, comme étant non seulement normales mais aussi nécessaires, a-t-il fait observer. Il ne peut pas en être autrement dans la mesure où la scolarisation des filles est limitée, a-t-il souligné. Dans nombre de régions, la non-mutilation peut même constituer un handicap, a-t-il ajouté.
Certes, seul le mariage monogame est reconnu mais il n'a pas été dit que le mariage polygame est sanctionné, a par ailleurs noté M. Amor. Il a rappelé qu'une observation générale du Comité a qualifié la polygamie d'attentatoire à la dignité de la femme. Le Président du Comité a par ailleurs relevé que persistent au Bénin des infanticides résultant de certaines croyances sociales. Il a en outre rappelé que la réaction populaire est souvent mue par des croyances très anciennes. M. Amor a attiré l'attention sur le poids de la culture, s'agissant notamment de la tendance à se faire justice soi-même - tendance dont témoigne le phénomène de la vindicte populaire.

Ainsi, existe-t-il au Bénin comme ailleurs un problème de culture qui ne favorise pas une intériorisation rapide des droits de l'homme, a poursuivi M. Amor. La culture ne peut pas évoluer lorsque l'éducation n'est pas suffisamment développée, a-t-il souligné. Aussi, le rôle de prévention de l'État, notamment par le biais de l'éducation, est-il fondamental, a insisté le Président du Comité. Il a néanmoins souligné que la volonté d'instaurer un état de droit se heurte à des difficultés dont certaines peuvent pourtant être facilement surmontées. Rappelant que l'efficacité d'une règle de droit dépend notamment de la publicité qui lui est faite, il s'est demandé si tous les textes de lois adoptés au Bénin sont dûment publiés au journal officiel.

Si les libertés de réunion et de la presse sont assurées dans le pays, il convient de s'interroger sur les limites à ne pas dépasser en matière de restriction de ces libertés, a par ailleurs déclaré M. Amor. En outre, si le Bénin dit clairement non à la torture, il y a certaines pratiques sur lesquelles on a l'impression que l'on ferme parfois les yeux, a ajouté le Président du Comité.

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