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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT INITIAL DE L'ALBANIE

20 Octobre 2004


20 octobre 2004


Le Comité des droits de l'homme a examiné hier après-midi et aujourd'hui le rapport initial de l'Albanie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Dans ses observations préliminaires sur ce rapport, le Président du Comité, M. Abdelfattah Amor, a salué le fait que l'Albanie ait ratifié le Protocole n°6 à la Convention européenne des droits de l'homme, qui traite de la peine de mort, et a exprimé l'espoir que le pays ratifiera bientôt le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte. La délégation a indiqué que le pays s'est engagé à accélérer les mécanismes législatifs permettant de ratifier dès que possible le Protocole.

Après avoir souligné que l'Albanie a déjà beaucoup fait sur le plan législatif, M. Amor a ajouté qu'il reste encore des efforts sérieux à mener en ce qui concerne la condition de la femme, d'un côté, et les minorités, en particulier les Roms, de l'autre. Il convient néanmoins de prendre note d'une direction et d'un choix fondamental qui méritent d'être soutenus, a conclu le Président du Comité.

Le Comité adoptera , dans le cadre de séance privées, des observations finales sur le rapport de l'Albanie, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 5 novembre 2004.

Présentant le rapport de son pays, M. Luan Hajdaraga, Vice-Ministre albanais des affaires étrangères, a souligné que l'Albanie a adopté d'importantes mesures juridiques et pratiques pour jeter les bases d'une société équitable pour les hommes et les femmes; garantir le droit à la vie; abolir la peine de mort; interdire la torture; garantir le droit à la liberté et à la sécurité des personnes, ainsi que la liberté de mouvement et le libre choix du lieu de résidence; assurer l'égalité de tous devant les tribunaux; garantir la liberté de pensée, de conscience et de religion, ainsi que la liberté d'expression et la liberté de la presse; et garantir les droits de l'enfant et les autres droits civils et politiques prévus dans le Pacte. Des résultats significatifs ont été enregistrés en matière de protection et de respect de l'ensemble de ces droits et libertés, a ajouté M. Hajdaraga.

Dans le cadre de l'exercice de leurs droits, les personnes appartenant à des minorités jouissent d'une pleine égalité devant la loi: elles ne font l'objet d'aucune discrimination, a poursuivi M. Hajdaraga. Dans le but d'améliorer la représentation des minorités dans la vie publique albanaise, le Conseil des Ministres a mis sur pied en mars 2004 un Comité d'État sur les minorités. Tenant compte des besoins spécifiques de la minorité rom, le Gouvernement albanais a par ailleurs adopté en septembre 2003 la Stratégie nationale pour l'amélioration des conditions de vie des Roms, a indiqué le Vice-Ministre.

La délégation était également composée de M. Vladimir Thanati, Représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère des affaires étrangères; du Ministère du travail et des affaires sociales; du Ministère de l'ordre public; du Ministère de la justice; du bureau de l'Ombudsman; et de la Mission permanente de l'Albanie auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, les mesures prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme; l'égalité entre hommes et femmes; la violence au foyer; les meurtres commis dans le cadre de la vendetta; les cas d'actions abusives imputables aux forces de police; la traite des femmes et des fillettes; la détention provisoire; l'institution de l'avocat du peuple; les mines terrestres; l'objection de conscience, et la situation des minorités nationales et ethno-linguistiques.


Le Comité entamera demain, à 15 heures, l'examen du rapport initial du Bénin (CCPR/C/BEN/2004/1).


Présentation du rapport de l'Albanie

Présentant le rapport de son pays, M. Luan Hajdaraga, Vice-Ministre des affaires étrangères de l'Albanie, a souligné que cette journée revêt un caractère particulier pour les Albanais qui commémorent l'anniversaire de la béatification d'une honorable personnalité albanaise, Mère Teresa, qui a consacré sa vie à des millions de personnes qui, à travers le monde, étaient dans le besoin. M. Hajdaraga a par ailleurs rappelé que le respect et le protection des droits de l'homme constitue les piliers fondamentaux sur lesquels la société démocratique a été fondée en République d'Albanie. Depuis la ratification du Pacte en 1991, l'Albanie a pris d'importantes mesures juridiques et pratiques pour jeter les bases d'une société équitable pour les hommes et les femmes; garantir le droit à la vie; abolir la peine de mort; interdire la torture et toute autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant; garantir le droit à la liberté et à la sécurité des personnes, ainsi que la liberté de mouvement et le libre choix du lieu de résidence; assurer l'égalité de tous devant les tribunaux; garantir la liberté de pensée, de conscience et de religion, ainsi que la liberté d'expression et la liberté de la presse; et garantir les droits de l'enfant et les autres droits civils et politiques prévus dans le Pacte. Des résultats significatifs ont été enregistrés en matière de protection et de respect de l'ensemble de ces droits et libertés, a ajouté M. Hajdaraga. L'Albanie a notamment adopté l'une des lois les plus avancées en matière de droit à l'information. Depuis plus de sept ans, aucun cas de violence, d'arrestation ou d'emprisonnement de journalistes dans le cadre de l'exercice de leur fonction n'a été constaté. S'il y a eu récemment des cas impliquant des journalistes, ils concernent des personnes à titre individuel, a assuré le Vice-Ministre.

Grâce à une législation très libérale en la matière, l'Albanie peut se prévaloir de compter plus de 60 partis politiques et plus de 80 syndicats dûment enregistrés et menant librement leurs activités, a poursuivi M. Hajdaraga. Il a également fait valoir l'existence d'un grand nombre d'organisations non gouvernementales axées sur la protection des droits de l'homme. Le Vice-Ministre a en outre rappelé la longue tradition de non-discrimination dont témoigne l'histoire de la société albanaise. Dans le cadre de l'exercice de leurs droits, les personnes appartenant à des minorités jouissent d'une pleine égalité devant la loi: elles ne font l'objet d'aucune discrimination, a insisté M. Hajdaraga. Dans le but d'améliorer la représentation des minorités dans la vie publique albanaise, le Conseil des Ministres a mis sur pied en mars 2004 un Comité d'État sur les minorités qui avance des propositions concrètes en vue du développement économique et social des minorités, contribuant ainsi à l'amélioration de la situation en matière de droits des minorités. En se fondant sur ces propositions, le Bureau des minorités au sein du Ministère des affaires étrangères a alors rédigé un projet de plate-forme pour la politique du Gouvernement albanais concernant les demandes des minorités. Le Gouvernement accorde en outre une grande importance à l'éducation des minorités, a ajouté M. Hajdaraga. À cet égard, il convient de souligner que le rapport élèves-enseignant est de 6 pour un dans les classes de minorités alors qu'il est de 19 pour un dans les autres classes. Tenant compte des besoins spécifiques de la minorité rom, le Gouvernement albanais a par ailleurs adopté en septembre 2003 la Stratégie nationale pour l'amélioration des conditions de vie des Roms, laquelle met l'accent sur les domaines de l'éducation, des arts, de la culture, des médias et de la participation à la vie publique, ainsi que sur l'emploi, le logement, les questions sociales, l'ordre public, l'administration centrale et locale, la santé, la justice et l'économie.

M. Hajdaraga a indiqué que l'Albanie est parfaitement consciente du fait que, tant au moment de la présentation du rapport initial que maintenant, des incidents en matière de droits de l'homme se sont produits qui attestent que les choses ne sont pas idéales. Le Gouvernement albanais s'engage à tenir compte des suggestions et recommandations que pourra lui adresser le Comité à l'issue de l'examen de ce rapport, a ajouté M. Hajdaraga.

Le rapport initial de l'Albanie (CCPR/C/ALB/2004/1) souligne qu'aux termes de la Constitution, tout accord international s'applique directement, sauf dans les cas où il n'est pas auto-exécutoire et où son application nécessite la promulgation d'une loi à cet effet, et . prévaut sur les lois internes qui seraient incompatibles avec lui. Le peuple, par l'intermédiaire de 50 000 citoyens jouissant du droit de vote, a le droit d'exiger un référendum sur l'abrogation d'une loi ou 'sur des questions qui revêtent une importance particulière. L'Assemblée, sur proposition d'un cinquième au moins des députés, ou le Conseil des Ministres, peuvent également décider qu'une question ou un projet de loi revêtant une importance particulière soit soumis à référendum. La Constitution garantit aux personnes appartenant à des minorités nationales la pleine égalité devant la loi ainsi qu'en matière de droits de l'homme et de libertés fondamentales. Elles ont le droit d'exprimer librement leur appartenance ethnique, culturelle, religieuse ou linguistique, de suivre des enseignements dans cette langue et de se réunir en organisations ou sociétés destinées à protéger leurs intérêts et leur identité. La Constitution stipule que quiconque naît d'au moins un parent de nationalité albanaise acquiert automatiquement cette nationalité. L'incitation à la haine ou au conflit national, racial ou religieux, ainsi que la préparation, la diffusion ou la détention en vue de leur diffusion d'écrits ayant un tel contenu sont passibles d'une amende ou d'une peine de prison de 10 ans maximum. Le fait d'interdire les activités de personnes souhaitant participer à des cérémonies religieuses ou exprimer librement leur foi constitue une infraction pénale passible d'une amende ou d'une peine de prison d'une année maximum. La loi sur l'éducation n'autorise aucune propagande religieuse de quelque culte que ce soit. Le Comité national des cultes présente au Ministère de l'éducation et de la science des avis sur les programmes, matières et textes des enseignements non laïques.

L'avocat du peuple est pour sa part habilité à faire des recommandations et à proposer des mesures s'il constate des violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales de la part de l'administration. Tout individu, groupe d'individus ou organisation non gouvernementale qui estime que ses droits, ses libertés ou ses intérêts légitimes ont été violés par suite d'actions ou d'inactions illicites ou irrégulières de la part d'organes de l'administration publique a le droit de saisir ou d'aviser l'avocat du peuple et de lui demander d'intervenir pour mettre fin à cette violation.

Une personne placée en détention préventive a le droit de faire appel de cette décision, souligne par ailleurs le rapport. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée sous caution. Dans tous les autres cas, la personne privée de liberté extrajudiciairement a le droit de saisir le juge à tout moment afin qu'il statue dans les 48 heures sur la légalité de cette mesure. Suite à la ratification de la Convention européenne pour la prévention de la torture, le Comité européen pour la prévention de la torture a organisé cinq visites en Albanie entre 1997 et 2003. Les rapports publiés à l'issue de ces visites jugent préoccupants la congestion des établissements psychiatriques, la maltraitance des patients, les conditions de résidence et d'alimentation, d'habillement, d'hygiène, de respect de la vie privée, d'approvisionnement en électricité et de chauffage ainsi que le manque de médicaments, la formation professionnelle des infirmières et le fonctionnement des locaux d'isolement.

La violence au sein de la famille reste perçue en Albanie comme une affaire privée qui doit se régler en privé. De ce fait, bien que toute une série de règles soient inscrites dans le Code pénal pour interdire la violence au sein de la famille ou à l'extérieur, le nombre des femmes battues serait assez élevé et peu de cas sont signalés à la police, aux autorités sanitaires ou aux services spécialisés mis en place à cette fin.


Examen du rapport

La délégation de l'Albanie a fourni des renseignements complémentaires sur la base d'une liste de questions écrites qui lui avait été préalablement adressée (CCPR/C/82/L/ALB) et a répondu aux questions de membres du Comité.


Cadre constitutionnel et juridique de l'application du Pacte

La délégation a notamment indiqué que, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, l'Albanie a établi avec les institutions internationales et les États des ponts de communication et des mécanismes qui ont permis d'engager une action de prévention et de lutte contre le terrorisme. Cette action a permis de détecter et d'éliminer des éléments et des cellules terroristes, a poursuivi la délégation. L'un des éléments les plus importants pour prévenir les actes de terrorisme et assurer le bon fonctionnement des structures mises en place pour lutter contre le terrorisme réside dans la détection et le blocage des canaux et des sources de financement du terrorisme, a rappelé la délégation. Des changements substantiels ont été apportés à la législation pénale albanaise, s'agissant du terrorisme et de son financement; du crime organisé; des trafics de toutes sortes; de la séquestration et de la confiscation des propriétés criminelles; de l'utilisation des moyens modernes d'interception des télécommunications; de la protection des témoins; ainsi que de la législation relative à l'organisation et au fonctionnement du pouvoir judiciaire et du bureau du Procureur. Initialement, a ensuite expliqué la délégation faisant référence à un projet de loi sur la prévention et la lutte contre le terrorisme, la loi devait se concentrer sur la prévention et la lutte contre le terrorisme; mais étant donné que les actes terroristes étaient déjà abordés dans le Code pénal, la nouvelle loi à porté sur les mesures contre le financement du terrorisme. Du fait qu'elle fait partie de la Coalition antiterroriste internationale, l'Albanie s'est engagée à prendre des mesures concrètes afin de lutter contre le terrorisme, a rappelé la délégation.

En ce qui concerne l'extradition d'un terroriste vers un pays tiers, la délégation a rappelé que la loi albanaise interdit l'extradition d'une personne ayant commis un crime vers un pays où elle encourt, pour ce même crime, une peine supérieure à celle prévue dans la législation albanaise.

Égalité entre hommes et femmes, violence contre les femmes et les enfants

En ce qui concerne la parité hommes-femmes et l'interdiction de la discrimination, la délégation a reconnu qu'il existe dans la partie nord du pays des pratiques en matière d'héritage et de propriété en vertu desquelles, par exemple, seul un homme ou un garçon peut hériter. Dans de tels cas, les femmes et les filles font effectivement l'objet de discriminations, a reconnu la délégation.

La violence, en particulier au sein de la famille, reste un problème dans la société albanaise, a également reconnu la délégation. L'absence de structures d'aide et d'accueil pour les victimes de violences au sein du foyer constitue un véritable problème, a-t-elle souligné.

La violence contre les femmes est un problème social qui est fortement lié au phénomène du trafic, a déclaré la délégation. Le Comité ayant fait état de renseignements selon lesquels la traite des femmes et des fillettes demeure un grave problème dans le pays, la délégation a souligné que la traite des femmes à des fins de prostitution est considérée comme un délit sérieux, passible d'une peine d'emprisonnement allant de 7 à 15 ans, voire de l'emprisonnement à vie si elle s'accompagne de la mort de la femme. La délégation a par ailleurs indiqué que 13 officiers de police en 2003 et deux en 2004 ont été inculpés pour avoir favorisé des trafics.

Le problème de la traite des femmes est très important dans la région des Balkans, a pour sa part insisté un autre expert, qui a souligné que des gangs sillonnent les routes dans les zones rurales. Il faut que les témoins de ces exactions puissent être protégés, a souligné l'expert. Dans quelle mesure l'Albanie envisage-t-elle de coopérer avec d'autres pays afin de lutter contre ce phénomène, s'est-il enquis? Faisant état de l'implication d'officiers de police dans des crimes de traite, il a en outre souhaité connaître les mesures que l'Albanie envisage de prendre pour éliminer complètement une telle pratique.

Selon le code de la famille récemment approuvé en Albanie, les deux conjoints ont des droits égaux. La propriété que la femme a eue avant le mariage reste sa propriété aussi pendant le mariage, sauf si dans un contrat formel entre les deux conjoints il est prévu autrement, a précisé la délégation. La fille est héritière à plein titre comme le fils, a-t-elle ajouté. Par contre, selon la loi coutumière (kanun), la femme est défavorisée par rapport au mari, ainsi que les filles par rapport au fils. Mais il faut souligner que la loi coutumière n'est plus ne vigueur en Albanie depuis 1928, a fait observer la délégation. Il ne reste que quelques vestiges, notamment en ce qui concerne la vendetta dans certaines zones du pays, surtout dans le nord, a poursuivi la délégation. Dans ces zones, la femme est encore victime de discrimination du fait que la mentalité patriarcale est très forte, a-t-elle indiqué.


Droit à la vie, droit à ne pas être soumis à une détention arbitraire, conditions de détention, droit à la non-immixtion dans la vie privée

La délégation a rappelé que la peine capitale a été abolie dans le pays en 1999. Le pays s'est engagé à accélérer les mécanismes législatifs permettant de ratifier dès que possible le deuxième Protocole se rapportant au Pacte, a par la suite indiqué la délégation.

Le Comité ayant fait état de renseignements en sa possession selon lesquels des meurtres continuent d'être commis dans le cadre de la vendetta, des familles étant condamnées à vivre recluses chez elles par peur de la vengeance, la délégation a assuré que l'État albanais s'est engagé à lutter contre le phénomène de la vendetta (vengeance). Ainsi, les actes criminels commis au titre d'une vendetta sont très clairement distingués du point de vue juridique en vertu du Code pénal tel qu'amendé à cet effet en 2001, a fait valoir la délégation. Cette année, 92 assassinats ont été enregistrés dont 8 étaient dus à des actes de vengeance, a précisé la délégation.

'Le meurtre est puni d'une peine d'emprisonnement allant de 15 à 25 ans et par une peine qui ne peut être inférieure à 20 ans d'emprisonnement et peut aller jusqu'à la prison à perpétuité lorsqu'il s'agit d'un crime de sang ou d'un crime de vengeance, a par ailleurs précisé la délégation.

Le Comité ayant fait état de renseignements selon lesquels se poursuivent en Albanie les violations de droits de l'homme telles que les arrestations ou les détentions arbitraires, l'usage excessif de la force par la police, les mauvais traitements infligés aux personnes placées en garde à vue et la détention dans des conditions inhumaines, la délégation a indiqué que la Direction du Service interne de contrôle du Ministère de l'ordre public ne dispose pas de statistiques pour la période 1999-2002 s'agissant des cas d'actions abusives imputables aux forces de police. Pour l'année 2003, 190 officiers de police ont fait l'objet de poursuites et deux ont été condamnés à des peines privatives de liberté.

Ayant été priée de fournir des informations sur des cas particuliers d'agents de police poursuivis pour mauvais traitements, la délégation a indiqué que 34 cas d'actes arbitraires contre la liberté des citoyens ont été enregistrés en 2003 et 24 en 2004; ces cas renvoient parfois aussi à des cas de torture.

En ce qui concerne les questions relatives au traitement des détenus et prisonniers, la délégation a indiqué que le nombre total de personnes détenues dans des centres de détention provisoire en attente de jugement s'établit à 645, dont 39 femmes et 31 mineurs. En cas de détention illégale, conformément au Code de procédure pénale et sur décision du tribunal, toute journée d'emprisonnement illégale donne lieu à une compensation, a assuré la délégation. La durée moyenne de la détention provisoire est de 8 à 10 mois, a précisé la délégation. Les jeunes placés en détention provisoire sont séparés des adultes, a-t-elle ajouté.

Un autre expert a fait état d'informations alarmantes émanant d'organisations non gouvernementales internationales qui dénoncent une utilisation inappropriée de la force par les membres de la police, donnant lieu à des actes de torture voire à des décès, ainsi que l'impunité dont jouissent ces actes.

S'agissant de l'institution de l'avocat du peuple (ombudsman), la délégation a notamment précisé que la loi de 1999 sur cet ombudsman prévoit qu'à l'issue des enquêtes qu'il mène, l'avocat du peuple peut adresser à l'organe administratif ayant commis la violation ou à l'autorité administrative qui supervise cet organe une recommandation sur la manière de remédier à l'infraction commise. Il peut également recommander au procureur d'engager une enquête s'il conclut qu'un délit pénal a été commis. Lorsqu'il s'avère qu'une grave violation a été commise, il peut enfin proposer aux autorités pertinentes de démettre de leurs fonctions les agents relevant de leur juridiction.

Interrogée sur les mécanismes de contrôle judiciaire des mesures de surveillance qui compromettent la confidentialité des communications, la délégation a rappelé que l'article 36 de la Constitution garantit la confidentialité de la correspondance et de tout autre moyen de communication. Néanmoins, conformément à l'article 122 du Code de procédure pénale, l'interception d'appels téléphoniques et des moyens de communications est possible sur décision d'un tribunal et, dans les cas urgents uniquement, sur ordre du procureur, cet ordre devant alors être évalué par un tribunal dans les 48 heures faute de quoi l'interception ne peut se poursuivre et ses résultats ne peuvent être utilisés.


Système judiciaire, droit à un recours effectif, droit à un procès équitable

Le Comité ayant fait état, dans ses questions écrites adressées à la délégation, de renseignements en sa possession selon lesquels l'appareil judiciaire albanais connaît des problèmes sérieux allant de l'inefficacité du système à des allégations de corruption du personnel judiciaire, la délégation a cité, au nombre des difficultés que rencontre le judiciaire: la faiblesse des infrastructures; la présence, dans le système, de juges non formés; l'insuffisance des salaires; ainsi que le manque d'évaluation de la performance du pouvoir judiciaire. Le Ministère de la justice est en train d'élaborer une nouvelle loi qui devrait réglementer l'infrastructure judiciaire et stimuler les juges, assurant ainsi de meilleures conditions de travail, a précisé la délégation. Elle a indiqué que l'inspection du pouvoir judiciaire est assurée par deux organes: le Haut Conseil de justice, d'une part, et le Ministère de la justice, de l'autre. Suite à ces inspections, a ajouté la délégation, des mesures disciplinaires ont été prises contre des juges: trois juges ont été démis de leurs fonctions en 2004.


Droits des minorités, non-discrimination

S'agissant de la situation des minorités, la délégation a souligné que les communautés ethniques, ethno-linguistiques, religieuses et autres ont un accès égal à la fonction publique. Afin d'améliorer la représentation des minorités dans la vie publique albanaise, le Conseil des Ministres a décidé, en mars 2004, de créer un Comité d'État sur les minorités, qui opère sous l'autorité du Conseil des Ministres. Ce Comité fait des recommandations concrètes en faveur du développement économique, social et éducatif des minorités, contribuant ainsi à l'amélioration de la situation des droits des minorités partout où elles vivent. La participation active des personnes appartenant à des minorités aux affaires publiques et à la vie culturelle, sociale et économique du pays se fait par le biais de la participation de leurs représentants dans les institutions législatives et exécutives de l'Albanie, tant au niveau central qu'au niveau local. Les minorités en Albanie n'ont pas créé leurs propres partis politiques, a poursuivi la délégation. Pour autant, leurs intérêts politiques, économiques et sociaux sont souvent protégés par les différents partis politiques existants, du fait qu'un grand nombre de membres des minorités ont adhéré à ces partis.

Les minorités sont représentées au Parlement par l'Union du Parti des droits de l'homme. Ce parti ne s'est jamais reconnu comme étant un parti appartenant à la minorité grecque, a précisé la délégation. Pour ce qui est du niveau de représentation dans les gouvernements locaux, si l'on se réfère aux dernières élections d'octobre 2003, on peut affirmer que la minorité grecque a des représentants à tous les niveaux des gouvernements élus (conseillers de district, maires, conseillers municipaux, conseillers régionaux), a également indiqué la délégation. En ce qui concerne la minorité macédonienne vivant dans la commune de Liqenas, dans la région de Korça, la délégation a fait observer que tous les représentants du gouvernement local appartiennent à cette minorité. On trouve aussi des représentants de cette minorité dans le Conseil régional de Korça, a-t-elle ajouté. Aucune statistique n'est en revanche disponible s'agissant de l'accès des autres minorités aux institutions publiques, a précisé la délégation.

La délégation a indiqué qu'il existe trois minorités nationales reconnues en Albanie: la minorité grecque, la minorité macédonienne (composée d'environ 5000 personnes) et une petite minorité serbo-monténégrine (constituée de 2 à 3000 personnes). Il faut ajouter à ces trois minorités nationales dont on peut dire en quelque sorte qu'elles ont un «État parent», deux minorités ethno-linguistiques (ou ethno-culturelles): les Aroumains et les Roms. Les Aroumains ont joué un rôle très important dans l'histoire de l'Albanie au cours de laquelle ils ont été à l'avant-garde du mouvement de libération nationale albanais. Quant aux Roms, ils étaient nomades dans un premier temps puis se sont sédentarisés. Il existe une autre catégorie, les Gyps, qui se font appeler «Égyptiens» mais qui n'ont rien à voir avec l'Égypte, si ce n'est qu'ils sont venus en Albanie en provenance de l'Inde via l'Égypte et ce, en deux phases: la première, constituée de personnes qui n'ont pas conservé leur langue et se sont mêlées à la population albanaise - dont elles ont adopté la langue, et la seconde, constituée de Roms qui, eux, ont donc conservé leur langue.

En ce qui concerne la «communauté égyptienne» et la requête de cette communauté de se voir accorder le statut de minorité nationale, la délégation a attiré l'attention sur une déclaration de l'Ambassade d'Égypte à Tirana qui affirmait elle-même que cette communauté n'avait pas de liens ethniques avec les Égyptiens et qui ne reconnaissait donc aucune minorité égyptienne en Albanie. La délégation a par ailleurs rappelé que pour prétendre au statut de minorité nationale, il faut répondre à un certain nombre de critères parmi lesquels figurent, outre la volonté de s'identifier à la communauté visée, l'existence d'éléments particuliers (caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques) distinctifs de l'essentiel de la population; la taille; ainsi que l'expression de l'engagement à préserver la culture, les traditions, la religion ou la langue. En se fondant totalement sur les instruments internationaux relatifs aux minorités et sur les critères ci-dessus, l'Albanie considère qu'il n'existe aucun fondement pour reconnaître la «communauté égyptienne» comme constituant une minorité nationale.

Les Roms en Albanie sont confrontés à des problèmes sociaux et éducatifs, a par ailleurs reconnu la délégation. Malgré l'intérêt que lui porte désormais l'État, cette ethnie est la plus défavorisée, a-t-elle insisté. Les autorités ont donc pris des mesures pour favoriser la scolarisation de cette minorité. Les Roms ne font l'objet d'aucune discrimination, mais ils connaissent de mauvaises conditions de vie. À cet égard, la délégation a attiré l'attention sur la Stratégie nationale pour l'amélioration des conditions de vie des Roms qui a été adoptée par l'Albanie.

Il convient de souligner que le statut de minorité ethno-linguistique - ou minorité culturelle - n'a aucun effet négatif ou discriminatoire quant à l'application de la Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales, a souligné la délégation. La reconnaissance du statut de minorité linguistique pour ces groupes est basée sur le fait que les Aroumains (Vlachs) et les Roms n'ont pas de «mère-patrie», a-t-elle expliqué.

Un membre du Comité a souhaité savoir si des personnes font l'objet de discrimination en raison de ce que leurs parents ont pu faire entre les années 1944 et 1990.

Un expert ayant fait observer que, selon des statistiques, 100% des Albanais ont une croyance religieuse, la délégation a indiqué qu'en Albanie, personne n'est obligé de déclarer son appartenance religieuse. Beaucoup de gens en Albanie n'appartiennent à aucune confession religieuse, a ajouté la délégation.

Bien que l'on ne puisse pas nier qu'il existe une minorité aroumaine, qui préserve et cultive ses propres caractéristiques et qui enrichit la vie sociale et culturelle, la plupart des membres de cette minorité en Albanie ne se distinguent pas eux-mêmes du reste de la population. La part totale des minorités nationales dans la population totale de l'Albanie ne dépasse pas 1,4%, a précisé la délégation.

La délégation a par ailleurs souligné que des programmes spécifiquement destinés à encourager l'emploi au sein de la population rom et à intégrer la minorité rom dans le processus d'éducation sont en cours d'application.


Autres questions

Un membre du Comité s'est enquis des mesures prises pour réduire le pourcentage très élevé des avortements et s'est inquiété du taux relativement élevé de la mortalité infantile résultant en particulier de la malnutrition des enfants en bas âge. Reconnaissant que le nombre d'avortements va croissant en Albanie - sans pour autant constituer une méthode de planification familiale -, la délégation a expliqué que souvent, les jeunes filles enceintes n'ont pas la possibilité d'offrir une nourriture adéquate à un futur nouveau-né et choisissent donc d'avorter.

La délégation a souligné que seuls quelques villages en Albanie sont menacés par des mines terrestres. Le Gouvernement albanais, en coopération avec les institutions et organisations internationales pertinentes, prend toutes les mesures possibles pour assurer le déminage des zones concernées, a assuré la délégation. Elle a expliqué que c'est pendant la crise avec le Kosovo, en 1999-2000, que cette zone a été bombardée par l'artillerie serbe. Des milliers de très petites mines ont été plantées qu'il est très difficile d'enlever car aucune carte n'est disponible et on ne sait donc pas où elles se trouvent. Beaucoup de Slovènes participent aux activités de déminage. Il faut espérer que d'ici deux à trois ans, tout le secteur concerné aura été déminé. Il est important que cette zone puisse être déminée car des Kosovars se trouvent de part et d'autre de la frontière de la zone concernée, a ajouté la délégation.

S'agissant de la question de l'objection de conscience, la Constitution prévoit qu'un citoyen qui, pour des raisons de conscience, refuse de servir dans les forces armées doit effectuer un service alternatif. Il est également possible de payer pour ne pas effectuer le service militaire, a ajouté la délégation.


Observation préliminaires

Présentant des observations préliminaires sur le rapport albanais, le Président du Comité, M. Abdelfattah Amor, a remercié la délégation pour toutes les réponses qu'elles a apportées aux questions soulevées par les membres du Comité. Il a jugé particulièrement riche et volumineux le rapport initial de l'Albanie. Il s'est dit impressionné par le sérieux avec lequel le pays aborde la question de la mise en œuvre du Pacte. M. Amor a souligné que l'Albanie revient de loin et que le processus de transition a été entamé. Il est vrai que l'Albanie a déjà beaucoup fait sur le plan législatif et qu'elle entend poursuivre cet effort, a poursuivi le Président du Comité.

Néanmoins, au-delà des textes, le Comité aurait souhaité avoir davantage d'informations sur le contexte, c'est-à-dire sur la mise en œuvre concrète des dispositions du Pacte dans le pays, a déclaré M. Amor. Il a salué le fait que l'Albanie ait ratifié le Protocole n°6 à la Convention européenne des droits de l'homme (qui traite de la peine de mort) et a exprimé l'espoir que le pays ratifiera bientôt le deuxième Protocole se rapportant au Pacte.

Il reste encore des efforts sérieux à mener en ce qui concerne la condition de la femme, d'un côté, et les minorités, en particulier les Roms, de l'autre, a poursuivi le Président du Comité. D'autres questions méritent également davantage d'attention, a-t-il ajouté, citant notamment la détention préventive, les conditions dans les prisons ou encore la confidentialité des communications. Il convient néanmoins de prendre note d'une direction et d'un choix fondamental qui méritent d'être soutenus s'agissant de l'Albanie, a conclu M. Amor.

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