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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME CLÔT LES TRAVAUX DE SA QUATRE-VINGT-DEUXIÈME SESSION

05 Novembre 2004


5 novembre 2004



Il présente ses observations finales sur la Finlande, l'Albanie,
le Bénin, le Maroc et la Pologne


Le Comité des droits de l'homme a clos, ce matin, les travaux de sa quatre-vingt deuxième session, qui s'est tenue à Genève depuis le 18 octobre, en présentant ses observations finales sur les rapports de la Finlande, de l'Albanie, du Bénin, du Maroc et de la Pologne, soumis en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Dans ses observations finales sur la Finlande, le Comité relève avec satisfaction l'adoption de nouvelles dispositions du Code pénal réprimant le trafic d'êtres humains. Il se dit préoccupé par la situation des personnes en détention provisoire retenues dans les locaux de police et note l'absence de clarté en ce qui concerne le droit du prévenu à un avocat au stade de la garde à vue. Il note avec préoccupation que les Roms continuent d'être victimes de discriminations. En outre, la Finlande devrait adopter, dans de brefs délais, des mesures décisives, de concert avec le peuple sami, en vue de trouver une solution appropriée au litige foncier, et tenant dûment compte de la nécessité de préserver l'identité sami. La Finlande est priée de s'abstenir, entre-temps, de toute mesure qui pourrait préjuger de la solution de la question des droits fonciers des Samis de manière négative.

Le Comité se félicite des progrès accomplis par l'Albanie dans le domaine de la réforme législative et institutionnelle après le changement de régime du début des années 1990 et félicite le pays d'avoir aboli la peine de mort en 2000. Il lui recommande néanmoins de prendre des mesures fermes pour éradiquer toute forme de mauvais traitement de la part des agents des forces de l'ordre. Tout en reconnaissant que le rôle de l'Albanie en tant que pays de transit pour le trafic d'êtres humains a diminué, il reste préoccupé par ce phénomène ainsi que par les informations faisant état de l'implication d'agents de la police et d'agents gouvernementaux dans des actes de trafic. L'Albanie est instamment priée de s'assurer que tous les personnes appartenant à des minorités ethniques et linguistiques, qu'elles soient ou non reconnues comme minorités nationales, soient effectivement protégées contre toute discrimination.

S'agissant du Bénin, le Comité prend note avec satisfaction de la possibilité de chacun de saisir la Cour constitutionnelle et se félicite de la promulgation d'un nouveau code de la famille et des personnes tendant à l'égalité entre les sexes. Le Bénin devrait abolir la peine de mort. Il devrait en outre veiller à ce que les dispositions des projets de code pénal et de code de procédure pénale relatives à la lutte contre le terrorisme ne portent pas atteinte aux droits énoncés dans le Pacte, souligne le Comité. Le Comité est préoccupé par la persistance de phénomènes de vindicte populaire et constate avec préoccupation les infanticides motivés par des croyances populaires. Il s'inquiète aussi d'informations selon lesquelles l'utilisation abusive du système de garde à vue, la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants demeurent une pratique courante. Il constate avec préoccupation que le Bénin est devenu un pays de transit, d'origine et de destination du trafic international d'enfants.

Le Comité prend acte avec satisfaction que le Maroc a poursuivi ses réformes démocratiques et se félicite de sa pratique constante, depuis 1994, de commutation des peines de mort. Il reste néanmoins préoccupé par l'absence d'avancée de la question de l'application du droit à l'autodétermination du peuple du Sahara occidental. Il reste aussi préoccupé par les nombreuses allégations de torture et de mauvais traitements à l'égard de personnes en détention ainsi que par le fait que des fonctionnaires coupables de telles actions ne voient, en général, que leur responsabilité disciplinaire engagée, pour autant qu'il y ait une sanction. De l'avis du Comité, le Maroc devrait revoir sa législation sur la garde à vue et la mettre en conformité avec les dispositions du Pacte. Le Comité se dit en outre préoccupé du fait que le Code pénal permet de qualifier toute «atteinte grave par la violence» comme constitutive d'un acte terroriste. Il note avec préoccupation que les inégalités entre femmes et hommes subsistent dans le domaine de l'héritage et du divorce.

Le Comité note avec satisfaction les améliorations apportées par la Pologne dans le domaine des droits des femmes. Il est néanmoins d'avis que la Pologne devrait libéraliser sa législation et sa pratique en matière d'avortement. Il se dit préoccupé par la persistance d'un nombre élevé de personnes placées en détention avant jugement et affirme d'autre part que la Pologne devrait encourager le pouvoir judiciaire à imposer plus fréquemment des peines alternatives. Le Comité regrette que les personnes détenues ne puissent jouir de leur droit à une assistance juridique dès le début de leur détention. Il se dit préoccupé par le fait que les Roms continuent de souffrir de préjugés et de discrimination, en particulier en matière d'accès aux services de santé, d'assistance sociale, d'éducation et d'emploi. Il estime que la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle devrait être spécifiquement interdite en vertu de la loi polonaise.

Au cours de la session, le Comité a en outre examiné, dans le cadre de séances privées, des communications reçues conformément aux dispositions du Protocole facultatif qui habilite le Comité à examiner les plaintes émanant de particuliers qui relèvent de la juridiction d'un des États parties au Pacte ayant ratifié ce protocole.


Lors de sa prochaine session, qui se tiendra à New York du 14 mars au 1er avril 2005, le Comité examinera les rapports du Kenya, de la Grèce, de l'Ouzbékistan, de Maurice et de l'Islande.


Observations finales

Dans ses observations finales sur le cinquième rapport périodique de la Finlande, le Comité relève avec satisfaction l'adoption d'une nouvelle loi sur la non-discrimination et de nouvelles dispositions du Code pénal réprimant le trafic d'êtres humains et permettant de poursuivre conformément à la loi finlandaise tout citoyen finlandais coupable de trafic de personnes à l'étranger et ceci quelle que soit la loi applicable au lieu du délit. Le Comité a pris note avec satisfaction de la préoccupation du pays tendant à intégrer les droits de l'homme dans le cadre des mesures prises au titre de la lutte contre le terrorisme. Il souligne en outre le rôle positif joué par la Finlande au niveau international dans l'établissement d'un Forum européen pour les Roms. Le Comité regrette néanmoins que la Finlande maintienne ses réserves à l'égard de diverses dispositions du Pacte; il lui recommande d'envisager de les retirer. Regrettant que la Finlande n'ait que partiellement donné suite à ses constatations concernant la communication n°779/1997 (Anni Aärelä et Jouni Näkkäläjärvi c. Finlande), le Comité prie instamment le pays de donner plein effet à ses constatations. Tout en étant conscient des efforts importants déployés par la Finlande afin de garantir l'égalité des hommes et des femmes, le Comité constate la persistance de la disparité des rémunérations selon le sexe. Le Comité est en outre préoccupé par la situation des personnes en détention provisoire retenues dans les locaux de commissariats de police et note l'absence de clarté en ce qui concerne le droit du prévenu à un avocat au stade de la garde à vue, ainsi que sur l'intervention et le rôle du médecin durant cette période. La Finlande est invitée à fournir les éclaircissements nécessaires afin que le Comité ait l'assurance que la législation et la pratique dans ce domaine sont compatibles avec le Pacte.

Notant l'absence de clarté s'agissant des implications et conséquences de l'amendement à la législation sur les étrangers de juillet 2000, qui prévoit une procédure plus rapide pour les demandes d'asile manifestement mal fondées et celles émanant d'étrangers en provenance d'un pays «sûr», le Comité recommande à la Finlande de veiller à ce que la législation et la pratique dans ce domaine soient compatibles avec les dispositions du Pacte, et en particulier que l'appel ait un effet suspensif. La Finlande devrait par ailleurs prendre les mesures nécessaires afin de préserver l'indépendance de l'autorité judiciaire et la confiance de la population dans l'indépendance des juges. Le Comité regrette la reconnaissance limitée du droit à l'objection de conscience aux périodes de paix ainsi que le caractère punitif de la durée de ce service alternatif par rapport à celle du service militaire. Il réitère ses préoccupations sur le fait que le traitement accordé aux Témoins de Jéhovah ne soit pas étendu aux autres groupes d'objecteurs de conscience. Tout en reconnaissant les efforts déployés par la Finlande à l'endroit de la minorité rom à la fois pour le maintien de sa langue et de sa culture et pour sa pleine réintégration au sein de la société, le Comité note, à nouveau, avec préoccupation que les Roms continuent d'être victimes de discriminations dans les domaines du logement, de l'éducation, de l'emploi et de l'accès aux lieux publics. La Finlande devrait donc renforcer ses efforts dans sa lutte contre l'exclusion sociale et la discrimination et allouer les ressources nécessaires à la mise en œuvre de l'ensemble des mesures visant à éliminer les obstacles à l'exercice effectif par les Roms des droits qui leur sont reconnus dans le Pacte.

Préoccupé par la persistance de comportements négatifs et par la discrimination s'exerçant de facto à l'encontre des immigrants dans certaines couches de la population finlandaise, le Comité estime que la Finlande devrait renforcer les mesures prises afin de promouvoir la tolérance et combattre les préjugés, notamment par le biais de programmes d'éducation de la population. Le Comité regrette enfin de ne pas avoir eu de réponse claire sur les droits des Samis en tant que peuple autochtone au regard de l'article premier du Pacte (relatif au droit à l'autodétermination). Il réitère sa préoccupation quant au non-règlement de la question des droits des Samis relativement au domaine foncier ainsi qu'aux différentes formes d'utilisation publique et privée des terres affectant les moyens de subsistance traditionnels des Samis, en particulier l'élevage de rennes, mettant ainsi en danger la culture et le mode de vie traditionnel des Samis et donc leur identité. De l'avis du Comité, la Finlande devrait adopter, dans de brefs délais, des mesures décisives, de concert avec le peuple sami, en vue de trouver une solution appropriée au litige foncier, et tenant dûment compte de la nécessité de préserver l'identité sami. La Finlande est priée de s'abstenir, entre-temps, de toute mesure qui pourrait préjuger de la solution de la question des droits fonciers des Samis de manière négative.


Le Comité se félicite des progrès accomplis par l'Albanie, qui présentait son rapport initial, dans le domaine de la réforme législative et institutionnelle après le changement de régime du début des années 1990, s'agissant en particulier du rétablissement de la liberté de conscience et de croyance ainsi que de l'adoption d'une Constitution démocratique (1998) qui améliore la protection des droits de l'homme. Il se félicite également que le pays ait ratifié les principaux instruments de droits de l'homme des Nations Unies. Il se réjouit en outre que les dispositions du Pacte soient directement applicables dans l'ordre juridique interne et qu'elles aient été invoquées devant les tribunaux nationaux. Le Comité se félicite des mesures prises pour améliorer la protection et la promotion des droits de l'homme, s'agissant en particulier de la création d'un Comité d'État sur les minorités; de la mise en place d'une stratégie national pour l'amélioration des conditions de vie des Roms; et de la création d'un Comité pour l'égalité des chances. Il se réjouit également de la mise sur pied d'un Défenseur du peuple. Il félicite en outre l'Albanie pour avoir aboli la peine de mort en 2000 et l'encourage à ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte. De l'avis du Comité, l'Albanie devrait néanmoins faire en sorte que ni le droit d'ester en justice afin que le tribunal puisse décider sans délai de la légalité d'une détention, ni le droit de toute personne privée de liberté d'être traitée avec humanité et dans le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ne puissent être réduits par une quelconque dérogation aux dispositions du Pacte durant une période d'état d'urgence.

Préoccupé par le fait que les femmes continuent d'être victimes de discrimination en vertu du droit coutumier et des codes traditionnels (kanun) et préoccupé par les informations faisant état de taux élevés de violence domestique, le Comité recommande à l'Albanie d'adopter et d'appliquer des politiques appropriées afin de combattre effectivement et de prévenir l'application de tout droit coutumier discriminatoire; il lui recommande également de renforcer ses politiques de lutte contre la violence domestique et d'aider les victimes. Préoccupé par le faible niveau de participation des femmes dans les affaires publiques, le Comité estime que l'Albanie devrait à cet égard envisager d'adopter une politique d'action positive. Le pays devrait en outre prendre des mesures fermes en vue d'éradiquer les crimes commis sous le prétexte du droit coutumier et des codes traditionnels. De l'avis du Comité, l'Albanie devrait par ailleurs prendre des mesures pour s'assurer que l'avortement n'est pas utilisé comme méthode de planification familiale. Tout en reconnaissant que le rôle de l'Albanie en tant que route de transit pour le trafic d'êtres humains a diminué, le Comité reste préoccupé par ce phénomène ainsi que par les informations faisant état de l'implication d'agents de la police et d'agents gouvernementaux dans des actes de trafic; il reste également préoccupé par le manque de mécanismes effectifs de protection des témoins et des victimes. Il est par ailleurs recommandé à l'Albanie de renforcer les mesures visant à combattre les violences à l'égard des enfants et leur exploitation. Préoccupé par le fait que la communauté rom continue de souffrir de préjugés et de discrimination - s'agissant en particulier de l'accès aux services sociaux, à l'aide sociale, à l'éducation et à l'emploi -, le Comité recommande à l'Albanie de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que, dans la pratique, les Roms jouissent de leurs droits énoncés dans le Pacte. L'Albanie est également instamment priée de s'assurer que tous les personnes appartenant à des minorités ethniques et linguistiques, qu'elles soient ou non reconnues comme minorités nationales, soient effectivement protégées contre toute discrimination et puissent jouir de leur propre culture et utiliser leur propre langue, tout en ayant accès à tous les droits sociaux et en participant aux affaires publiques.

Préoccupé par les allégations d'arrestations et de détentions arbitraires, par l'usage excessif de la force par les agents responsables de l'application des lois, par les mauvais traitements à l'encontre de détenus aux mains de la police, ainsi que par le recours à la torture pour extorquer des aveux à des suspects, le Comité regrette que les actes de torture imputables à des agents des forces de l'ordre ne soient considérés que comme des «actes arbitraires». Il recommande à l'Albanie de prendre des mesures fermes pour éradiquer toute forme de mauvais traitement de la part des agents des forces de l'ordre. L'Albanie est en outre instamment priée d'améliorer les conditions de détention, tant pour les personnes placées en garde à vue que pour les personnes reconnues coupables - ces deux catégories de personnes devant en outre être séparées les unes des autres durant leur détention. Il convient d'autre part de rappeler que la règle générale ne doit pas être de placer les suspects en détention en attendant qu'ils soient jugés. L'Albanie devrait en outre mettre en place un système effectif de mise en liberté provisoire sous caution. Le Comité reste en outre préoccupé par les allégations faisant état de pressions du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire. Restent également préoccupants les problèmes persistants de corruption, de manque d'accès à une assistance juridique et de délais indus dans lesquels interviennent les procès. Préoccupé par les cas de harcèlement et de violence physique contre des journalistes ainsi que les menaces de poursuites pour diffamation qui pèsent sur eux, le Comité recommande au pays de garantir et protéger le droit à la liberté d'opinion et d'expression des journalistes et des représentants des médias.


Dans ses observations finales sur le rapport initial du Bénin, le Comité prend note avec satisfaction de la possibilité conférée aux individus de saisir la Cour constitutionnelle selon une procédure simple, et du rôle conféré à cette institution en matière de protection des droits fondamentaux. Il constate toutefois avec préoccupation que la procédure de saisine de la Cour constitutionnelle demeure peu connue des justiciables. Il se félicite de la promulgation, le 25 août 2004, d'un nouveau code de la famille et des personnes tendant à l'égalité entre les sexes, notamment en matière de mariage, de divorce et d'autorité parentale. Il salue en outre l'adoption en mars 2003 de la loi portant répression de la pratique des mutilations génitales féminines, tout en demeurant préoccupé par la persistance de ces mutilations dans certaines régions du pays. Le Comité constate néanmoins avec inquiétude que la Commission béninoise des droits de l'homme n'est plus effective et que le Bénin n'a pas à ce jour adopté les mesures nécessaires, y compris celles d'ordre budgétaire, pour lui permettre de fonctionner efficacement. S'inquiétant d'informations selon lesquelles la violence domestique contre les femmes serait couramment pratiquée dans le pays, le Comité affirme que le Bénin devrait adopter des mesures efficaces et concrètes pour lutter contre ce phénomène. De l'avis du Comité, le pays devrait en outre clairement interdire la conclusion de nouveaux mariages polygamiques.

De l'avis du Comité le Bénin devrait veiller à ce que les dispositions des projets de Code pénal et de Code de procédure pénale relatives à la lutte contre le terrorisme ne portent pas atteinte aux droits énoncés dans le Pacte, en particulier le droit à la sécurité et à la liberté de la personne, le droit à un procès équitable, et le droit ne pas être soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants. Tout en saluant le fait que, depuis 18 ans environ, aucune condamnation à mort prononcée par un tribunal n'a été exécutée au Bénin, le Comité affirme que le Bénin devrait restreindre la peine capitale aux crimes les plus graves et envisager d'abolir cette peine et d'adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il recommande au Bénin de commuer les peines capitales déjà prononcées en peine de prison et vérifier immédiatement les conditions de détention des condamnés à mort. Le Comité est par ailleurs préoccupé par la persistance de phénomènes de vindicte populaire et constate également avec préoccupation que des infanticides motivés par des croyances populaires sont commis dans le pays. Il s'inquiète en outre d'informations selon lesquelles l'utilisation abusive du système de garde à vue, la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants demeurent une pratique courante au Bénin. Il est préoccupé par le fait que les responsables de l'application des lois auteurs de ces violations semblent jouir d'une large impunité. Le Bénin devrait notamment garantir le droit des personnes gardées à vue d'accéder à un avocat dans les premières heures de détention, d'informer leurs proches de leur détention, et d'être informées de leurs droits. Une visite médicale devrait être prévue en début et en fin de garde à vue. Des possibilités de recours rapides et efficaces permettant aux personnes concernées de contester la légalité de la garde à vue et de faire valoir leurs droits devraient être ouvertes. Le Comité demeure en outre préoccupé par la situation dans les prisons, en particulier en matière d'hygiène, d'accès aux soins de santé et d'alimentation. Il s'inquiète de la forte surpopulation carcérale et du fait que la séparation des mineurs et majeurs n'est pas garantie dans tous les cas. Le Bénin, puisqu'il n'est pas en mesure de répondre aux besoins des détenus, doit réduire dans les plus brefs délais la population carcérale, affirme le Comité.

Le Comité note avec inquiétude les protestations de magistrats contre la remise pure et simple aux autorités nigérianes de personnes et de véhicules sous main de justice, et d'autres actes liés à l'affaire Hamani. Il affirme que le Bénin devrait garantir que l'expulsion d'individus ne pourra être décidée qu'en exécution d'une décision prise conformément à la loi. Le Comité s'inquiète par ailleurs que peu de personnes, y compris les mineurs, sont assistées d'un avocat au cours des procès pénaux, une telle assistance n'étant obligatoire que devant la Cour d'Assises. Estimant que l'obligation faite aux prévenus et aux condamnés de porter un gilet indiquant le lieu de leur détention constitue un traitement dégradant et que l'obligation faite aux prévenus d'apparaître ainsi vêtus à leur procès est de nature à porter atteinte au principe de la présomption d'innocence, le Comité recommande au Bénin d'abolir cette mesure. Le Bénin devrait par ailleurs abolir les peines de prison pour délits de presse. Le Comité s'inquiète en outre des dérives choquantes du placement d'enfant chez une tierce personne dans le cadre d'une entraide familiale ou communautaire (vidomégons), source de trafic et d'exploitation économique des enfants à l'intérieur même du Bénin. Il constate avec préoccupation que le Bénin est devenu un pays de transit, d'origine et de destination du trafic international d'enfants. Le Bénin devrait accroître ses efforts pour lutter contre le trafic d'enfants.

S'agissant du cinquième rapport périodique du Maroc, le Comité prend acte avec satisfaction que, depuis la présentation du quatrième rapport marocain, le pays a poursuivi ses réformes démocratiques, adopté de nouveaux textes législatifs en ce sens - notamment le nouveau Code de la famille - et a mis en place l'institution de l'ombudsman (Diwan Al Madhalim). Le Comité se félicite en outre de la pratique constante du Maroc, depuis 1994, de commutation des peines de mort. Préoccupé par le fait que le nombre d'infractions passibles de la peine de mort a augmenté depuis l'examen du précédent rapport périodique, le Comité est d'avis que le Maroc devrait, en vue d'abolir la peine capitale, réduire au minimum le nombre d'infractions passibles de cette peine. Il se félicite de l'arrêt du 26 septembre 2000 de la Cour suprême du Maroc quant à la primauté de l'article 11 du Pacte, interdisant la contrainte par corps pour non-respect d'une obligation contractuelle, sur la loi et la pratique nationales. Le Comité demeure néanmoins préoccupé par l'absence d'avancée de la question de l'application du droit à l'autodétermination du peuple du Sahara occidental. Il est d'avis que le Maroc devrait déployer tous ses efforts pour permettre aux populations concernées de jouir pleinement des droits reconnus par le Pacte. Le Comité est en outre préoccupé du fait que la législation marocaine sur l'état d'exception reste vague et ne précise ni de limite les dérogations qui peuvent être apportées aux dispositions du Pacte en cas de danger exceptionnel.

De l'avis du Comité, le Maroc devrait par ailleurs mettre en place un système permettant à tout étranger qui prétend que son renvoi l'exposerait à la torture, à de mauvais traitements ou à la peine capitale, d'interjeter appel - appel qui aurait un effet suspensif sur son renvoi. Le Comité reste préoccupé par les nombreuses allégations de torture et de mauvais traitements à l'égard de personnes en détention ainsi que par le fait que des fonctionnaires coupables de telles actions ne voient, en général, que leur responsabilité disciplinaire engagée, pour autant qu'il y ait une sanction. Tous les lieux de détention devraient faire l'objet d'une inspection indépendante, estime le Comité. Il considère en outre comme excessive la période de garde à vue - 48 heures (renouvelables une fois) pour les crimes ordinaires et 96 heures (renouvelables deux fois) pour les crimes liés au terrorisme - période pendant laquelle un suspect peut être détenu sans être présenté devant un juge. Le Maroc devrait donc revoir sa législation sur la garde à vue et la mettre en conformité avec les dispositions du Pacte. Le Comité est également préoccupé du fait que les prévenus ne puissent bénéficier des services d'un avocat qu'à partir du moment où leur garde à vue a été prolongée, c'est-à-dire au bout de 48 heures ou de 96 heures; le Maroc devrait modifier sa législation et sa pratique pour permettre à la personne arrêtée d'avoir accès à un avocat dès le début de sa garde à vue. Le Comité demeure aussi préoccupé par les rapports sur les mauvaises conditions d'incarcération. De l'avis du Comité, le Maroc devrait en outre prendre les mesures nécessaires pour garantir l'indépendance et l'impartialité de la magistrature. Le Comité se dit par ailleurs préoccupé du fait que le Code pénal permet de qualifier toute «atteinte grave par la violence» comme constitutive d'un acte terroriste. Il est également préoccupé par de nombreuses informations faisant état de l'application rétroactive de la loi sur la lutte contre le terrorisme adoptée en mai 2003.

D'autre part, le Comité est préoccupé par des informations persistantes selon lesquelles des journalistes ont été assujettis à des amendes ou ont été harcelés dans le cadre de l'exercice de leur profession. Le Maroc devrait en outre supprimer les obstacles à l'exercice du droit de réunion. Par ailleurs, le Comité reste préoccupé par le nombre encore élevé d'analphabètes, particulièrement chez les femmes; il est aussi préoccupé par l'interdiction en droit des mariages entre des femmes de confession musulmane et des hommes d'autres religions ou convictions. Le Comité est également préoccupé par le niveau élevé de cas de violence domestique contre des femmes. Il note avec inquiétude que l'avortement demeure une infraction pénale en droit marocain sauf s'il est pratiqué pour sauver la vie de la mère. Le Maroc devrait par ailleurs abolir la polygamie de manière claire et définitive. Le Comité note que le travail des enfants reste répandu au Maroc, malgré l'interdiction de travail des personnes de moins de 15 ans par le nouveau Code du travail. Enfin, le Comité note avec préoccupation que les inégalités entre femmes et hommes subsistent dans le domaine de l'héritage et du divorce.

Dans ses observations finales sur le cinquième rapport périodique de la Pologne, le Comité accueille avec satisfaction l'adoption récente d'une législation prévoyant la possibilité de porter plainte pour violation du droit d'une partie, dans une procédure judiciaire, de voir son cas examiné sans retard excessif. Il note par ailleurs avec satisfaction les améliorations apportées dans le domaine des droits des femmes, s'agissant en particulier de la désignation d'une Plénipotentiaire gouvernementale sur l'égalité entre hommes et femmes. Le Comité réitère toutefois sa profonde préoccupation face aux lois restrictives qui existent en Pologne en matière d'avortement et qui peuvent inciter les femmes à se tourner vers des avortements illégaux et dangereux pour leur santé. Dans la pratique, l'avortement n'est pas disponible, même lorsque la loi le permet, notamment en cas de grossesse résultant d'un viol, s'inquiète le Comité. Il est d'avis que la Pologne devrait libéraliser sa législation et sa pratique en matière d'avortement. Par ailleurs, la Pologne devrait assurer la disponibilité de contraceptifs et le libre accès aux services et méthodes de planification familiale, estime le Comité. Il affirme par ailleurs que la Pologne devrait assurer une égalité de traitement entre hommes et femmes à tous les niveaux de la fonction publique; des mesures appropriées devraient également être prises pour assurer que les femmes jouissent d'un accès égal au marché du travail et bénéficient de salaires égaux à travail égal. Le Comité regrette en outre que le nombre de cas de violence domestique reste élevé.

Tout en prenant note des mesures prises pour remédier au surpeuplement dans les prisons, le Comité reste préoccupé par le fait que de nombreux prisonniers continuent d'occuper des cellules qui ne sont pas conformes aux exigences fixées par les règles minima des Nations Unies concernant le traitement des prisonniers. La Pologne devrait en outre encourager le pouvoir judiciaire à imposer plus fréquemment des peines alternatives. Le Comité se dit notamment préoccupé par la persistance d'un nombre élevé de personnes placées en détention avant jugement. Tout en prenant note de l'intention du pays d'entreprendre une réforme globale du système d'aide juridique, le Comité regrette que les personnes détenues ne puissent, à ce jour, jouir de leur droit à une assistance juridique dès le début de leur détention. Notant que la durée du service militaire alternatif est de 18 mois alors que la durée du service militaire n'est que de 12 mois, le Comité recommande à la Pologne de faire en sorte que la durée du service militaire alternatif n'ait pas un caractère punitif. Le Comité regrette par ailleurs qu'aucune disposition générale en matière de non-discrimination n'ait été introduite dans la législation nationale.

Tout en prenant note des mesures prises pour améliorer les conditions de la communauté rom, le Comité se dit préoccupé par le fait que les Roms continuent de souffrir de préjugés et de discrimination, en particulier en matière d'accès aux services de santé, d'assistance sociale, d'éducation et d'emploi. Le Comité est également préoccupé par le fait que les actes de violence contre des membres de la communauté rom ne font pas l'objet d'enquêtes et de sanctions appropriées. La Pologne devrait intensifier ses efforts pour prévenir la discrimination contre les Roms et leur assurer la pleine jouissance de leurs droits énoncés dans le Pacte. Préoccupé par le fait que le droit des minorités sexuelles à ne pas être victimes de discrimination n'est pas pleinement reconnu et par le fait que les actes et attitudes discriminatoires à l'encontre de personnes sur la base de leur orientation sexuelle ne font pas l'objet d'enquêtes ni de sanctions adéquates, le Comité estime que la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle devrait être spécifiquement interdite en vertu de la loi polonaise. Le Comité note par ailleurs avec préoccupation que les incidents de profanation de cimetières catholiques et juifs ainsi que les actes d'antisémitisme n'ont pas toujours fait l'objet d'enquêtes appropriées, ni leur auteurs punis. Il est enfin recommandé à la Pologne de s'assurer que la nouvelle législation sur les minorités soit pleinement conforme aux dispositions du Pacte, s'agissant en particulier des droits des minorités à être reconnues comme telles et à utiliser leur propre langue.


Composition du Comité des droits de l'homme

Le Comité est composé de dix-huit experts qui siègent à titre individuel. Les membres du Comité sont M. Abdelfattah Amor (Tunisie); M. Nisuke Ando (Japon); M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati (Inde); Mme Christine Chanet (France); M. Franco Depasquale (Malte); M. Maurice Glèlè-Ahanhanzo (Bénin); M. Walter Kälin (Suisse); M. Ahmed Tawfik Khalil (Égypte); M. Rajsoomer Lallah (Maurice); M. Rafael Rivas Posada (Colombie); M. Nigel Rodley (Royaume-Uni); M. Martin Scheinin (Finlande); M. Ivan Shearer (Australie); M. Hipolito Solari Yrigoyen (Argentine); M. Patrick Vella (Malte); M. Ruth Wedgwood (États-Unis); M. Roman Wieruszewski (Pologne); et M. Maxwell Yalden (Canada).

M. Amor est Président du Comité. MM. Rivas Posada, Rodley et Wieruszewski sont vice-présidents et M. Shearer est le Rapporteur du Comité.

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