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Communiqués de presse Commission des droits de l'homme

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME : LA HAUT-COMMISSAIRE AUX DROITS DE L'HOMME FAIT LE POINT SUR LA SITUATION AU KOSOVO

09 Avril 1999


APRÈS-MIDI
HR/CN/99/29
9 avril 1999


Le Groupe sur les disparitions forcées et la Rapporteuse sur les exécutions
extrajudiciaires insistent sur l'importance de la lutte contre l'impunité



La Commission des droits de l'homme a entendu, cet après-midi, une déclaration de MmeMary Robinson, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, sur la situation au Kosovo. Elle a notamment annoncé que le Rapporteur spécial sur la situation dans l'ex-Yougoslavie, M.Jiri Dienstbier, et son représentant personnel sur le Kosovo, M.Michel Moussali, sont à présent à Skopje pour recueillir des informations sur la situation exacte dans le domaine des droits de l'homme au Kosovo.

Mme Robinson a fait le point de la situation sur le terrain et attiré l'attention de la Commission sur l'état et les besoins des plus de 500000 réfugiés kosovars. Elle l'a également appelée à réfléchir au sort des réfugiés refoulés à la suite de la fermeture des frontières par les autorités serbes. Elle a fait état d'informations indiquant un nettoyage ethnique systématique, délibéré et méthodique et exprimé son extrême préoccupation face à la situation des femmes et des enfants en particulier.

La Commission des droits de l'homme a ensuite poursuivi son examen de la question des droits civils et politiques. À ce titre, elle a entendu la présentation des rapports de MmeAsma Jahangir, Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, de M.Ivan Tosevski, Président du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et de M.Carlos Vargas Pizarro, Président du Groupe de travail sur la question d'un projet de protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture.

La Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a mis l'accent sur les facteurs contribuant au phénomène des exécutions extrajudiciaires, notamment les régimes dictatoriaux et la polarisation des sociétés. Elle a attiré l'attention sur la nécessité de mettre un terme à l'impunité des responsables de tels actes. Elle s'est également prononcée en faveur de l'élimination de la peine de mort.

Le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires réitère son appel aux Gouvernements afin qu'ils effectuent des recherches pour éclaircir les cas de disparitions passées, pour faire comparaître les responsables devant la justice, pour exhumer les dépouilles des victimes et pour offrir une compensation adéquate aux victimes et à leurs familles. Il dénonce l'impunité comme étant la principale cause de disparitions forcées et un obstacle majeur dans l'éclaircissement des cas de disparitions forcées survenus par le passé. Le rapport fait état des missions du Groupe de travail en Turquie et au Yémen. Le Président du Groupe de travail a demandé à la Commission de renforcer le mandat de son Groupe et de lui fournir des moyens logistiques adéquats.

Le rapport du Groupe de travail chargé d'examiner le projet de protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, indique qu'il reste, à ce stade des travaux du Groupe de travail, huit articles à approuver en seconde lecture sur les 25 que devraient comporter le protocole, qui devrait porter création d'un mécanisme de prévention de la torture prévoyant un système de visites périodiques dans tous les lieux de détention relevant de la juridiction des États parties au protocole.

Au cours du débat, les représentants des pays suivants ont pris la parole: Vietnam, Costa-Rica, Saint-Siège, Algérie, Suisse, Afghanistan, République islamique d'Iran, Brésil, Turquie, Albanie, Bosnie-Herzégovine et Bélarus. Un représentant de l'Ordre Souverain de Malte a également pris la parole, ainsi que les organisations non gouvernementales suivantes : Parti radical transnational, Association pour l'éducation d'un point de vue mondial, Christian Solidarity International, Association internationale pour la liberté religieuse, Pax Romana, Mouvement international pour l'union fraternelle entre les races et les peuples, Human Rights Watch, Commission internationale de juristes, Conseil international de réhabilitation pour les victimes de la torture, Organisation mondiale contre la torture, Fédération internationale des droits de l'homme, Freedom House, Fédération PEN et Association américaine de juristes.

La Commission poursuivra son débat sur les droits civils et politiques, ce soir, à partir de 18 heures.

Déclaration de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur la situation au Kosovo

MME MARY ROBINSON, Haut-Commissaire des NationsUnies aux droits de l'homme, a indiqué que le Rapporteur spécial, M.Jiri Dienstbier, et son représentant personnel sur le Kosovo, M.Michel Moussali, sont à présent à Skopje (ex-République yougoslave de Macédoine) pour recueillir des informations sur la situation exacte dans le domaine des droits de l'homme au Kosovo. En outre, le personnel de la mission des droits de l'homme en République fédérale de Yougoslavie a également été redéployé à Skopje, à Tirana (Albanie) et au Monténégro avec les objectifs suivants : établir une présence des droits de l'homme aussi proche que possible des développements récents; consulter et maintenir la liaison avec les partenaires institutionnels, recueillir des informations sur les violations des droits de l'homme et la faire parvenir à la Commission. Elle a également indiqué qu'elle avait reçu une demande du Procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie pour enquêter sur les crimes présumés ou commis au Kosovo
.

Mme Robinson a ensuite fait le point des informations rassemblées au sujet de l'évolution de la situation sur le terrain. Ainsi, elle a indiqué que selon le Haut Commissaire pour les réfugiés, le nombre de réfugiés ayant fui le Kosovo s'élevait à plus de 500000 personnes, dont la majorité est à présent en Albanie et en République yougoslave de Macédoine. Les personnes déplacées à l'intérieur sont estimées à plusieurs centaines de milliers. Ces derniers jours, les Kosovars ont en outre fait face à des obstacles considérables pour fuir la province, à la suite notamment de la fermeture des frontières par les autorités yougoslaves. Elle a appelé la Commission à réfléchir à l'état physique et au sort des réfugiés kosovars refoulés. Selon des Albanais de souche du Kosovo, des violences extrêmes ont été perpétrées contre la population qui a été forcée de quitter ses villes et villages sous la menace des armes. Il est fait état d'un nettoyage ethnique systématique, délibéré et méthodique contre les Albanais du Kosovo, a précisé MmeRobinson.

La Haut-Commissaire aux droits de l'homme a par ailleurs fait état des nombreuses exécutions sommaires et arbitraires en citant des exemples précis rapportés par les organisations internationales, ainsi que de cas de disparitions forcées. MmeRobinson a en outre exprimé son extrême préoccupation face à la situation des femmes et des enfants qui ont particulièrement souffert. En particulier, elle s'est dite alarmée des cas d'agressions contre des femmes et des fillettes. Elle s'est également dite préoccupée par les conditions de santé des réfugiés affaiblis par la fatigue et le manque de nourriture, en particulier des femmes et des enfants, et des risques d'épidémies de rougeole et de choléra. Elle a enfin évoqué les civils tués ou blessés et les destructions d'établissements civils au cours des opérations militaires.

En conclusion, elle a annoncé qu'elle restait en contact avec les partenaires institutionnels et qu'elle continuerait à rassembler des informations sur la situation pour les communiquer à la Commission. Elle a également fait part de la préoccupation des chefs des institutions humanitaires face à la situation des réfugiés et à leurs besoins immédiats, ainsi que sur les implications de cette situation, en particulier, son impact sur les pays d'accueil.

Présentation de rapports sur les droits civils et politiques

M.CARLOS VARGAS PIZZARO, Président-Rapporteur du Groupe de travail chargé d'examiner le projet de protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a rappelé que le Groupe de travail a entamé son travail en 1992 en vue de créer un mécanisme de prévention de la torture qui, dans le cadre d'une coopération entre les États membres et en respectant les principes de confidentialité, d'indépendance, d'impartialité, d'universalité et d'efficacité, permettra de mettre en place un système de visites périodiques dans tous les lieux de détention relevant de la juridiction des États parties au protocole. Il reste, à ce stade des travaux du Groupe de travail, huit articles à approuver en seconde lecture sur les 25 que devraient comporter le protocole. Il a été proposé que le travail relatif à l'approbation finale, en seconde lecture, de ces huit articles soit effectué, dans le cadre de la prochaine session du Groupe de travail, sous la présidence et la conduite de la Vice-Présidente du CostaRica, MmeElizabeth Odio Benito.

Dans son rapport (E/CN.4/1999/59), le Groupe de travail présente les articles qui ont été adoptés en deuxième lecture. Ainsi, l'article 2 (b) de ce projet de protocole constituerait un Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants du Comité contre la torture qui s'acquitterait des fonctions prévues par le protocole et serait chargé d'organiser des missions dans les États parties au protocole. En vertu de l'article 4, adopté en deuxième lecture, le Sous-Comité se composerait de dix membres et lorsque le nombre des adhésions au protocole aurait atteint 50, celui des membres du Sous-Comité serait porté à 25. Les membres du Sous-Comité seraient choisis parmi des personnalités de haute moralité ayant une expérience professionnelle démontrée dans le domaine de l'administration de la justice. Le Sous-Comité ne pourrait comprendre plus d'un ressortissant d'un même État. Les membres du Sous-Comité siégeraient à titre individuel et seraient indépendants et impartiaux dans l'exercice de leurs mandats. Selon les dispositions de l'article 5 adopté en deuxième lecture, les personnes désignées pour le Sous-Comité auraient la nationalité d'un Étatpartie au présent protocole.

En vertu de l'article 6, les membres du Sous-Comité seraient élus au cours de réunions biennales des États parties convoquées par le Secrétaire général de l'ONU. À ces réunions, seraient élus membres du Sous-Comité les candidats qui obtiendraient le plus grand nombre de voix et la majorité absolue des votes des représentants des États parties présents et votants, le quorum étant constitué par les deux-tiers des États parties. Les membres du Sous-Comité seraient élus au scrutin secret. Selon l'article 9 du projet de protocole adopté en deuxième lecture, les membres du Sous-Comité seraient élus pour quatre ans et seraient rééligibles une fois.

D'après le texte de l'article 13 adopté en deuxième lecture, les missions devraient être effectuées par deux membres au moins du Sous-Comité. Selon l'article 16, les dépenses résultant de l'application du protocole seraient prises en charge par l'ONU. Selon l'article 17, il serait institué un fonds spécial pour aider à financer l'application des recommandations faites par le Sous-Comité à un Étatpartie si cet État déclarait avoir besoin d'une aide supplémentaire pour poursuivre ses efforts en vue d'améliorer la protection des personnes privées de liberté. Ce fonds pourrait être financé par des contributions volontaires. Selon l'article 18, le protocole serait ouvert à la signature de tout État qui aurait signé la Convention. En vertu de l'article 20, les dispositions du protocole s'appliqueraient sans limitation ni exception aucune à toutes les unités constitutives des États fédératifs.

M.IVAN TOSEVSKI, Président du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, a présenté le rapport du Groupe de travail (E/CN.4/1999/62 et Add.1 et Corr.1 et Add.2), qui rend compte notamment des missions effectuées en Turquie et au Yémen. Il a remercié les Gouvernements de ces pays pour la coopération totale dont ils ont fait preuve. Il a également remercié les Gouvernements des pays suivants pour les éclaircissements sur les cas en suspens et les informations spécifiques qu'ils ont fournies après l'adoption du rapport : Algérie, Angola, Arabie Saoudite, Brésil, Chine, Colombie, Guatemala, Inde, Indonésie, Malaisie, Mexique, Népal, Pérou, Philippines, Soudan, Sri Lanka et Syrie.

Le Groupe de travail réitère son appel aux Gouvernements afin qu'ils effectuent des recherches pour éclaircir les cas de disparitions passées, pour faire comparaître les responsables devant la justice, pour exhumer les dépouilles des victimes et pour offrir une compensation adéquate aux victimes et à leurs familles. Les Gouvernements ont également été encouragés à prendre des mesures concrètes afin de lutter contre les disparitions forcées, y compris dans les situations d'urgence. En tant qu'intermédiaire entre les familles de personnes disparues et leurs Gouvernements respectifs, le Groupe de travail a aussi intensifié ses efforts pour parvenir à des règlements acceptables par les deux parties.

L'impunité est la principale cause de disparitions forcées, a souligné M.Tosevski. C'est aussi un obstacle majeur dans l'éclaircissement des cas de disparitions forcées survenus par le passé. Les personnes responsables de disparitions forcées ne doivent pas être exemptées de poursuites ou de sanctions dans le domaine criminel, a-t-il déclaré. La prévention des disparitions forcées passe aussi par le droit des détenus à avoir accès dans de brefs délais à leur famille, à un avocat et à un médecin de leur choix. Il faut aussi tenir à jour les registres officiels, inspecter régulièrement les lieux de détention et former aux droits de l'homme le personnel pénitentiaire et les membres des forces armées. M.Ivan Tosevski a aussi appelé la Commission à renforcer le mandat de son Groupe et à lui fournir des moyens logistiques adéquats.

Le Groupe de travail note que le nombre total de cas portés à l'attention de gouvernements depuis sa création s'élève à 48770. Le nombre total des cas maintenus à l'étude parce que non encore élucidés s'élève à 45825. Le nombre de pays comptant des cas présumés de disparitions encore en suspens était de 69en 1998. Au cours de la période considérée, le Groupe de travail a été saisi de quelque 1015 nouveaux cas de disparitions concernant 31 pays, dont 240 se seraient produits en 1998. Le Groupe de travail regrette que sur les 69 pays où des cas n'ont pas été élucidés, les gouvernements de 32 d'entre eux, soit près de la moitié, n'aient pas communiqué avec lui. En raison des restrictions budgétaires de l'année écoulée, le Groupe de travail a connu de graves pénuries de personnel, ce qui l'a mis dans l'impossibilité de s'acquitter de tous les aspects de son mandat de façon satisfaisante.

Le Groupe de travail exprime sa reconnaissance pour la collaboration et l'appui dont il a bénéficié auprès des organisations non gouvernementales, mais note avec une vive inquiétude que dans certains pays, ces organisations sont harcelées et persécutées au point de ne pouvoir s'acquitter de leur tâche. Le Groupe de travail demande aux gouvernements concernés de faire le nécessaire pour garantir l'entière protection de ces organisations et de leurs adhérents. Par ailleurs, la mise en place de mécanismes thématiques par la Commission des droits de l'homme pour recevoir les plaintes, enquêter sur les violations graves des droits de l'homme et rendre compte publiquement de leurs conclusions a été l'une des grandes réalisations du programme des NationsUnies dans le domaine des droits de l'homme.

Le Groupe de travail souligne que l'impunité est l'une des causes fondamentales, sinon essentielle, des disparitions forcées. Il est extrêmement important que tous les États observent la Déclaration, qui fait obligation aux États de considérer tout acte conduisant à une disparition forcée comme un crime au regard du droit pénal, d'enquêter immédiatement, de façon approfondie et impartiale sur toute allégation de disparition forcée et de traduire les auteurs en justice. Le Groupe de travail a noté que dans certains pays, l'absence d'une coopération appropriée du gouvernement l'a empêché de progresser dans l'élucidation des cas. Les Gouvernements du Burkina Faso, du Burundi, de la Guinée équatoriale, du Mozambique, du Tadjikistan et du Tchad n'ont jamais répondu à ces demandes d'information. Le Groupe de travail a demandé à la Commission des droits de l'homme de prendre toutes les mesures qui s'imposent à l'égard de ces pays.

Dans son rapport sur la mission effectuée au Yémen (additif 1) le Groupe de travail indique que sa délégation, qui a été invitée par le gouvernement yéménite, a pu avoir une vue d'ensemble du contexte dans lequel les disparitions étaient survenues durant la guerre civile de 1986. Les personnes disparues avaient probablement été exécutées immédiatement après leur arrestation, comme l'ont affirmé leurs familles et les organisations de défense des droits de l'homme. La délégation a noté avec préoccupation que le gouvernement n'a jamais admis publiquement les violations des droits de l'homme en général, et en particulier, les disparitions qui ont suivi la guerre civile de 1986. La délégation est vivement préoccupée par les causes sous-jacentes des disparitions forcées, dont certaines remontent à la guerre civile de 1994, en particulier l'impunité dont jouissent les forces de l'ordre et l'existence de centres de détention non reconnus où des personnes sont détenues au secret pendant de longues périodes. Le Groupe de travail a recommandé que le gouvernement fasse une déclaration publique dans laquelle il admet et regrette les événements ayant conduit à la disparition et à la mort de centaines d'êtres humains.

Dans un additif à son rapport relatif à la mission qu'il a effectuée en Turquie en septembre 1998 (additif 2), le Groupe de travail souligne qu'en règle générale, le Gouvernement turc a répondu sans retard aux allégations qui lui étaient transmises et a fourni au Groupe de travail les renseignements pertinents relatifs aux cas transmis. Grâce à cet esprit de coopération, près de la moitié des cas de disparitions transmis par le Groupe de travail ont été élucidés, la plupart d'entre-eux par le Gouvernement. Dans ses précédents rapports, le Groupe de travail a indiqué que la principale source de préoccupation au sujet de la situation des droits de l'homme dans ce pays restait le conflit violent en cours entre le gouvernement et le PKK. Faute d'une solution à ce problème chronique et persistant, il est difficile d'espérer une amélioration globale et durable de la situation des droits de l'homme en Turquie. Compte tenu du nombre des cas de disparitions forcées en suspens ainsi que de la diminution des alléga
tions au cours des dernières années, principalement depuis 1994, les disparitions forcées en Turquie ne devraient pas être considérées comme des pratiques massives ou systématiques des pouvoirs publics. Dans un pays en proie à un conflit interne comme la Turquie, où il existe un grand nombre d'organes répressifs habilités à détenir des personnes, les risques d'abus augmentent. Le Gouvernement turc devrait énoncer les règles précisant les conditions dans lesquelles les agents de l'État sont autorisés à détenir des personnes.

MME ASMA JAHANGIR, Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a déploré le manque de ressources auquel elle a dû faire face mais surtout du manque de coopération de certains États. Elle a mis l'accent sur la nécessité pour les acteurs régionaux et internationaux de jouer un rôle plus actif en matière collecte d'information et de mobilisation de l'opinion contre les exécutions extrajudiciaires. Elle a également souligné l'importance de réactions appropriées et en temps utile de la part de la communauté internationale. À chaque fois que des incidents majeurs se produisent, que ce soit au Rwanda, en Bosnie ou au Kosovo, par exemple, il est crucial qu'on réagisse rapidement. L'absence de réaction ne fait que conforter et renforcer les dictateurs, a-t-elle ajouté, soulignant la nécessité de renforcer le rôle des Nations Unies dans ce domaine.

Par ailleurs, elle a rappelé que les pires excès se produisent sous des régimes despotiques. Les conflits internes qui résultent de systèmes dictatoriaux sont également légion comme l'illustrent les cas du Rwanda, de la République démocratique du Congo, de l'Angola, de l'Algérie, de l'Afghanistan, de l'Indonésie, de l'ex-Yougoslavie, de l'Iraq, du Soudan ou du Nigéria. Le cas de la Colombie illustre l'urgence pour l'État de mettre un terme à l'impunité et à juger les responsables d'excès. MmeJahangir a en outre attiré l'attention sur le cas du Myanmar où la montée des tensions pourrait prendre un tour violent. D'autres facteurs peuvent aussi contribuer au phénomène des exécutions extrajudiciaires, a-t-elle déclaré, citant en particulier la polarisation des sociétés sur des clivages ethniques, religieux, politiques ou historiques. Les Gouvernements qui font face à de telles situations doivent demander l'aide de la communauté internationale pour renforcer leur système de gouvernance et leur société civile afin d'éviter que la polarisation ne dégénère.

Mme Jahangir a par ailleurs demandé que la situation et la sécurité des militants de la paix, des droits de l'homme et d'autres groupes exposés, fassent l'objet d'une surveillance étroite. Elle a dénoncé en outre les cas d'exécutions judiciaires prononcées arbitrairement en particulier par des cours spéciales, mais aussi par des juridictions ordinaires selon des traditions cruelles. À cet égard, elle a cité la coutume visant à tuer les femmes dans le cadre de soi-disant crimes d'honneur, au Pakistan. Enfin, elle a dénoncé l'arbitraire des condamnations à mort et s'est prononcée pour l'élimination de la peine de mort, ou à tout le moins, pour une forte restriction de son recours.

Dans son rapport sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires (E/CN.4/1999/39), MmeJahanqir a estimé que la communauté internationale doit redoubler d'efforts pour lutter contre les atrocités de ce type d'exécutions. Elle constate que si certaines personnes comme les défenseurs des droits de l'homme, les militants politiques, les personnes déplacées et les membres de diverses minorités sont les plus fréquemment victimes d'atteinte au droit à la vie, elles ne sont pas les seules. Elle tient à souligner que pour que les violations des droits de l'homme cessent, il faut que les gouvernements aient réellement la volonté de s'acquitter de l'obligation qui leur incombe de protéger les droits de ceux qui relèvent de leur juridiction.

La Rapporteuse spéciale recommande vivement aux États qui ne l'ont pas encore fait de ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le deuxième Protocole facultatif s'y rapportant. Les Étata dans lesquels la peine capitale existe encore sont invités instamment à n'épargner aucun effort pour en restreindre l'application et à prendre les mesures en vue de l'abolir complètement, dans la législation et la pratique. Par ailleurs, les gouvernements doivent garantir la protection des droits de l'homme de tous leurs ressortissants et procéder à une enquête dans tous les cas de menace de mort ou de tentatives d'assassinat dont ils ont connaissance. En outre, elle engage les gouvernements à s'efforcer de minimiser le temps de détention provisoire prescrit par la loi et de veiller à ce que les normes relatives au traitement des personnes placées en détention provisoire soient respectées. De plus, le refoulement des réfugiés ou de personnes déplacées à l'intérieur d'un pays vers des pays où leur vie est en danger doit être interdit en toutes circonstances. En ce qui concerne le génocide, la Rapporteuse spéciale a invité instamment la communauté internationale à coopérer pleinement avec le Tribunal pénal international pour l'ex-yougoslavie et le Tribunal pénal international pour le Rwanda, notamment en arrêtant les suspects et en les mettant à la disposition des ces tribunaux. La Rapporteuse traite aussi du cas des actes par omission, de l'impunité et du cas des enfants soldats.

La Rapporteuse spéciale examine dans le rapport (add.1) la situation dans 62 pays mis en cause. Le rapport contient également les réponses faites par les gouvernements aux communications de la Rapporteuse spéciale, et, le cas échéant, les observations de cette dernière.

Suite du débat sur les droits civils et politiques

M.EDOUARD DECAZES (Ordre Souverain Militaire de Malte) a affirmé que l'on est encore bien loin de voir un monde nouveau où l'intolérance et la discrimination fondées sur la religion soient éliminées. Des individus, des groupes, des communautés, des autorités locales et nationales continuent à pratiquer l'intolérance avec impunité. Dans la plupart des cas, l'intolérance religieuse n'est plus avouée ouvertement et se fait plus subtile, ceux qui la pratiquent n'hésitant pas à se munir d'un arsenal de lois qui semblent promouvoir la tolérance religieuse mais sont en fait rédigées de manière à confondre les esprits ou à rester inopérantes. La pratique de l'intolérance religieuse d'aujourd'hui s'accompagne de plus en plus souvent d'hypocrisie, de mensonge, de rationalisation ou de tentatives de justification et se cache parfois derrière l'invocation des traditions, de la sécurité de l'État, des droits d'autrui voire des principes moraux.

Dans un univers où tout change rapidement, la tolérance religieuse progresse avec une lenteur désespérante, faisant de grands bonds en arrière, a poursuivi M.Decazes. Les persécutions religieuses persistent, l'éducation de la tolérance reste au stade de balbutiements et un instrument international qui garantirait l'abolition de l'intolérance religieuse continue à faire défaut. Aussi, serait-il judicieux que les gouvernements ainsi que les organisations non gouvernementales discutent du rapport sur l'intolérance religieuse avec le Rapporteur spécial et lui fournissent une information plus complète sur l'intolérance religieuse à travers le monde.

M.NGUYEN THAN CHAU (Viet Nam) a assuré que la réalisation des droits de l'homme en général et plus particulièrement des libertés et droits religieux est un principe très important dans la politique que mène le Gouvernement vietnamien. Les Vietnamiens sont libres de suivre le culte de leur choix et d'avoir des activités religieuses entrant dans le cadre de la loi. Il existe environ 20 000 lieux de culte au Vietnam. Six religions sont pratiquées au VietNam, a précisé le représentant.

En tant que membre des NationsUnies, le Vietnam attache une grande importance au travail de la Commission des droits de l'homme. Il est prêt à coopérer avec ses différents organes spécialisés. À cet égard, le Viet Nam a accueilli avec bienveillance les Rapporteurs spéciaux sur différentes questions qui ont effectué des missions sur place par le passé, a souligné le représentant. Au sujet de la récente mission au Vietnam du Rapporteur spécial sur l'intolérance religieuse, le représentant espère qu'elle contribuera à témoigner de la politique de respect et de protection des droits et libertés religieux que mène le Gouvernement vietnamien.

M.JORGE RHENAN SEGURA (CostaRica) a indiqué que son pays présenterait encore une fois, cette année, un projet de résolution portant sur le projet de protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants demandant la poursuite des travaux du Groupe de travail chargé de l'élaboration de ce projet. Le CostaRica propose en outre que la présidence du Groupe de travail soit assumée par la Vice-Présidente du CostaRica, MmeElizabeth Odio Benito, qui fut Présidente du Groupe de travail lors des deux premières années de ses travaux.

Le CostaRica souhaite que le Groupe de travail achève promptement ses travaux et engage des consultations officieuses afin que les quelques articles qu'il reste à approuver puissent être finalisés lors de la session d'automne du Groupe de travail. Le représentant a lancé un appel afin que tous les pays appuient le projet de résolution que son pays présentera sur la question.

M.GIUSEPPE BERTELLO (Saint-Siège) a déploré, à la lecture du rapport sur l'intolérance religieuse, que la liberté de religion et de conviction soit encore loin d'être reconnue universellement. Il a repris à son compte la recommandation du Rapporteur spécial sur la nécessité de promouvoir une stratégie de prévention de l'intolérance et de la discrimination par l'élaboration d'une culture de la tolérance en particulier par le biais de l'éducation. Il a estimé que la tolérance nécessitait une information exacte et une communication avec l'autre afin d'ouvrir le chemin à une exacte compréhension du respect du droit à la liberté religieuse. Celui-ci doit être garanti par les lois nationales. Or, il faut admettre que la mise en oeuvre des affirmations solennelles rencontre plusieurs difficultés, a-t-il regretté. M.Bertello a également souligné l'importance, dans un État qui accorde un statut spécial à une religion, qu'il assure le droit de chacun à la liberté de conscience.

M.MOHAMED-SALAH DEMBRI (Algérie) a exprimé des critiques sur la méthodologie employée dans l'élaboration le rapport du Rapporteur spécial sur la torture et du rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. La délégation algérienne a demandé que les conditions de méthodologie de travail et d'objectivité soient scrupuleusement respectées. Le représentant a rappelé que son pays a continué à coopérer normalement avec ce mécanisme des droits de l'homme et à répondre aux différentes communications.

Sur le plan interne, la question des disparus est prise en charge par les mécanismes de la justice, de la Médiature et de l'Observatoire national des droits de l'homme qui viennent d'être complétés par l'ouverture de bureaux d'accueil du Ministère de l'intérieur à travers l'ensemble du territoire national, a déclaré le représentant.

MME SILVIA DENAILOV (Suisse) a noté que le protocole facultatif à la Convention contre la torture traverse une phase difficile. Lors de la session d'octobre 1998 du Groupe de travail, que la Suisse espérait être la dernière, le Groupe de travail a buté sur des obstacles non négligeables. La Suisse lance donc un appel à tous les États participants afin qu'ils reprennent la discussion, lors de la session d'automne 1998 du Groupe de travail, sans camper sur des positions fixes afin d'aboutir rapidement à un protocole encore efficace. Ce protocole n'a aucunement prétention de condamner des États mais de leur offrir confidentiellement, dans le cadre d'un dialogue fondé sur la coopération, une assistance technique destinée à prévenir la torture. Le protocole est un instrument juridique de diplomatie préventive, a ajouté la représentante.

Soulignant que le Groupe de travail sur la détention arbitraire fait état dans son rapport d'un incident s'étant produit en décembre 1991 à la prison de Drapchi à Lhassa où «un prisonnier qui avait manifesté à haute voix son soutien au Dalaï Lama lors d'une délégation de hauts fonctionnaires suisses avait été condamné à huit ans de prison supplémentaires», la représentante suisse a déclaré que la Suisse est intervenue en vain, à de très nombreuses reprises, en faveur de ce prisonnier. S'agissant du projet de convention sur les disparitions forcées, il est regrettable que le Groupe de travail chargé de cette question n'ait pas été en mesure de faire cette année des recommandations sur l'opportunité et la faisabilité d'une telle convention. La représentante suisse a exprimé son profond regret que onze pays n'aient pas cru opportun de répondre à la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires au cours de ces dernières années. Elle a par ailleurs insisté sur des situations que la Suisse, à l'instar du Rapporteur spécial sur l'intolérance religieuse, juge préoccupantes, à savoir les situations en Afghanistan, en Chine, au Myanmar et en République islamique d'Iran.

M.HUMAYUN TANAR (Afghanistan) a dénoncé les exécutions sommaires et massives commises par les Taliban dans les régions de Mzar-i-Charif et de Bamyan dont les principales victimes sont les minorités hazara et ouzbèque. Il a indiqué que les massacres avaient été systématiques et planifiés et accompagnés de manifestations violentes d'intolérance religieuse. Plus de 200 personnes ont été arrêtées et torturées, dont des enfants. Il a également dénoncé le musellement de la presse et la suppression de toute liberté religieuse ainsi que les assassinats et les exécutions extrajudiciaires qui sont monnaie courante chez les Taliban.

M.ALI KHORRAM (République islamique d'Iran) a indiqué que son Gouvernement a entrepris de promouvoir la liberté d'expression et d'opinion. Au cours des dernières années, des mesures concrètes ont été prises afin de créer un environnement favorable à la pleine réalisation des droits de l'homme, dont les droits à la liberté d'expression et d'opinion. Grâce à la politique menée par le Gouvernement iranien, on observe aujourd'hui une diversité sans précédent en nombre et en nature au sein des médias et de la presse iranienne. La presse et les médias ont d'ailleurs joué un rôle important au cours des élections locales qui se sont déroulées récemment, a précisé le représentant iranien.

M.ANTONIO DO NASCIMENTO PEDRO(Brésil) a reconnu que son pays pouvait avoir des faiblesses mais a assuré la Commission que le Brésil, non seulement le Gouvernement mais aussi la société civile, a la volonté politique de les surmonter. Souhaitant analyser les raisons qui sont à l'origine de toute violence dans le pays, le Brésil est fermement décidé à engager un dialogue avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme. Le Brésil fournira à cet égard à tous les Rapporteurs spéciaux, Groupes de travail et mécanismes pertinents de la Commission des informations détaillées, en particulier en ce qui concerne des cas spécifiques.

M.MURAT SUNGAR (Turquie) a salué le rapport sur les disparitions forcées ou involontaires. Il a souligné que la moitié des cas mentionnés concernant la Turquie avaient d'ores et déjà été éclaircis. Pour l'autre moitié, des problèmes de fausses identités se posaient qui retardent leur éclaircissement. Le Gouvernement turc n'a jamais nié l'existence de disparitions forcées, mais rejette les allégations visant à en faire une politique systématique et délibérée. Il a en outre attiré l'attention sur le problème des disparitions consécutives à l'action du PKK, qui a recours à la conscription forcée. Il a toutefois estimé que considérer la lutte du Gouvernement turc contre le terrorisme comme une confrontation avec le PKK était réducteur.

S'agissant du rapport sur la torture, il a exprimé sa déception et ses regrets. Il a contesté plusieurs allégations notamment tendant à démontrer la pratique systématique de la torture dans son pays. Il a également déploré que le rapport se fonde sur des sources non précisées et tende à faire croire que la torture avait une base sociale en Turquie. Il a attiré l'attention sur les dangers de ce genre de généralisation à partir de quelques cas et estimé qu'elles n'avaient pas leur place dans un rapport de la Commission.

MME MARGARITA GEGA (Albanie) a demandé que la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires sommaires ou arbitraires supprime de son rapport les paragraphes se référant à l'Albanie. En effet, les autorités compétentes de l'Albanie n'ont reçu de la part de la Rapporteuse spéciale aucune information sur les cas précis sur lesquels elle souhaitait enquêter. La délégation a également indiqué que les cas rapportés aux paragraphes 11 et 31 du rapport sur la torture et les détentions arbitraires appartiennent aux années 1995 et 1996. La délégation de l'Albanie a réitéré la volonté de son pays de créer une atmosphère favorable à la jouissance des droits et libertés fondamentales pour tous les citoyens d'Albanie.

M.IVICA MISIC (Bosnie-Herzégovine) a déclaré que plus de trois ans après la signature des Accords de Dayton, il existe encore un grand nombre de personnes disparues dont, malheureusement, la grande majorité n'est plus en vie. Il a déclaré que le règlement des problèmes liés aux personnes disparues est l'une des questions essentielles qui se pose dans le contexte des droits de l'homme en Bosnie-Herzégovine. La résolution de cette question est essentielle dans le cadre du processus de réconciliation. En 1998, un processus d'exhumation des charniers a commencé. L'an dernier, 2560 corps ont été exhumés, dont près de la moitié sont identifiés. Des progrès ont pu être enregistrés grâce, notamment, à la Commission pour la recherche des personnes disparues. Un grand nombre des personnes exécutées appartenaient aux catégories protégées, à savoir les enfants, les personnes âgées, les handicapés, le personnel médical, les prisonniers de guerre et les aveugles. Le processus d'exhumation est onéreux et la Bosnie-Herzégovine ne dispose pas de suffisamment de médecins légistes et d'experts en anthropologie, et les équipements pour procéder aux autopsies et à l'identification des corps sont obsolètes. L'aide de la communauté internationale est donc encore cruciale à cet égard.

M.STANISLAV OGURTSOV (Bélarus) a indiqué qu'en dépit des difficultés auxquelles son pays fait face, les autorités bélarussiennes sont déterminées à observer scrupuleusement les droits de l'homme et les libertés fondamentales. Il a souligné l'efficacité de cette politique, dont témoigne le fait que le Bélarus est le seul pays de l'ex-Union soviétique où pas une goutte de sang n'a été versée dans des conflits ethniques, religieux ou sociaux. Les conditions mises en place dans le pays excluent tout recours à la torture ou à des traitements inhumains ainsi qu'aux disparitions forcées et aux exécutions arbitraires. La liberté d'expression est assurée, mais les appels à la guerre à la violence ou à la haine religieuse ou sociale sont interdits par la loi. L'indépendance du pouvoir judiciaire est inscrite dans la Constitution ainsi que le droit à une protection judiciaire adéquate. Enfin, la paix entre les confessions est assurée. Cela démontre qu'en dépit de quelques difficultés, les droits civils et politiques sont non seulement garantis par la Constitution mais existent bien en pratique au Bélarus, a souligné le représentant.

MME CHIARA STEINDLER (Parti radical transnational) s'est inquiétée des violations constantes et systématiques des droits civils et politiques en Tunisie, où la répression prend des formes très insidieuses malgré les démentis du Gouvernement tunisien. Ces violations des droits de l'homme prennent notamment la forme du non-respect du droit à un procès équitable et de la liberté d'opinion, a indiqué la représentante.

M.DAVID LITTMAN (Association pour l'éducation d'un point de vue mondial) a dénoncé la fatwa qui pèse toujours sur Salman Rushdie. À cet égard, il a lancé un appel à l'Organisation de la Conférence islamique afin qu'elle agisse et se prononce contre tout terrorisme ou toute exécution arbitraire perpétrés au nom de Dieu ou de la religion. Depuis le début de «l'affaire Rushdie», on a enregistré à travers le monde une escalade de fatwa de mort, notamment en Algérie et ailleurs. Le «syndrome Rushdie», par lequel une autorité religieuse prononce une sentence de mort arbitraire à l'encontre d'une personne, s'est étendu à d'autres croyances, comme en témoignent certaines déclarations actuelles du clergé bouddhiste sri-lankais, de groupes hindous en Inde et de chrétiens fondamentalistes extrémistes. En ce qui concerne le judaïsme, M.Littman a fait état d'une lettre datée du 22 juin 1994 dans laquelle son organisation avertissait le Premier Ministre Yitzhak Rabin, 16 mois avant son assassinat, des graves dangers inhérents à une déclaration religieuse, une sorte de fatwa, faite par l'ancien Chef ashkénaze israélien Rabbi Shlomo Goren. Au moment où se répand le syndrome Rushdie, il est temps pour la Commission et les autres organisations concernées de condamner tout appel au meurtre au nom de Dieu et de la religion.

MME SHARON PAYT (Christian Solidarity International) a estimé que la liberté religieuse est une des premières libertés. Elle a dénoncé les politiques totalitaires d'intolérance religieuse notamment au Tibet et en Corée du Nord et exprimé sa préoccupation face à la résurgence de l'antisémitisme en Europe de l'Est. Mais surtout elle a dénoncé le nettoyage ethnique qui frappe les musulmans en ex-Yougoslavie. En outre, elle a dénoncé l'intégrisme islamique et les persécutions contre les minorités religieuses au Soudan, en Iran et au Moyen-orient. En revanche, elle s'est félicitée de l'adoption du International Religious Freedom Act aux États-Unis qui vise à soutenir les efforts internationaux en faveur de la liberté religieuse. Il faut déclarer clairement que la liberté religieuse est un droit inaliénable et une liberté universelle, a-t-elle déclaré.

M.GIANFRANCO ROSSI (Association internationale pour la liberté religieuse) a salué le travail du Rapporteur spécial sur l'intolérance religieuse, M.Abdelfattah Amor. M.Rossi a déploré que certaines religions soient prisonnières de traditions qui considèrent l'apostasie comme un crime punissable par la mort. C'est en se basant sur cette tradition d'intolérance extrême que les extrémistes islamistes en arrivent à tuer des innocents en Algérie, en Iran, au Pakistan, en Indonésie, en Arabie Saoudite et ailleurs, a-t-il déclaré. La communauté internationale devrait aider les musulmans à se libérer des traditions intolérantes qui donnent une image déformée de leur religion, a-t-il dit.

M.PETER JACOB (Pax Romana) a attiré l'attention de la Commission sur le défi posé par la croissance de l'intolérance religieuse et des incidents de violence organisée visant les minorités religieuses dans divers pays. Il a exprimé sa profonde préoccupation face aux destructions de lieux de culte églises, mosquées et temples , aux attaques contre les localités où résident les minorités religieuses, aux meurtres et aux viols de personnes innocentes. Il a déploré le manque de mesures prises par les pays concernés afin de mettre fin à cette situation, en particulier en Inde, au VietNam et au Pakistan.

MME ESTELA BARNES DE CARLOTTO (Mouvement international pour l'union fraternelle entre les races et les peuples) a évoqué la question des disparus en Argentine pendant la dictature militaire et, en particulier, le problème posé par les appropriations d'enfants de disparus et la recherche de leur identité. À cet égard, elle a indiqué que la responsabilité des anciens chefs de la dictature militaire avait été attestée. Elle a demandé une aide et une coopération internationale pour retrouver les identités de ces jeunes disparus et pour les aider. Elle a également souligné la nécessité de doter la Banque nationale de données génétiques en ressources et d'une coopération de l'État pour établir les identités.

M.REED BRODY (Human Rights Watch) s'est félicité que des despotes responsables d'actes de torture ne jouissent plus d'impunité. Mais il a demandé pourquoi des pays tels que l'Arabie Saoudite, le Zimbabwe, la France, le Sénégal, les États-Unis, le Brésil et Panama persistent à protéger des personnalités politiques coupables de crimes perpétrés contre des parties importantes de leurs populations. Il a également dénoncé les violations des droits des détenus aux États-Unis. Le représentant a notamment suggéré à la Commission de charger un rapporteur spécial d'enquêter sur le meurtre de MmeRosemary Nelson en Irlande du Nord, ainsi que la constitution d'un Groupe de travail sur un projet de convention sur les «disparitions».

MME NONA RISHMAWI (Commission internationale de juristes) a indiqué que selon le rapport annuel de son organisation, en 1997 et 1998, 446 juristes ont subi de sévères représailles dans 40 pays pour avoir exercé leur profession. Sur ce nombre, 49 ont été tués et 3 ont disparu. Pour la seule Colombie, 14juristes ont été assassinés. L'autorité du système judiciaire dans ces affaires est souvent minée par l'impunité dont jouissent les fonctionnaires de l'État lorsqu'il s'agit de poursuivre les responsables de violations des droits de l'homme. Les systèmes judiciaires de l'Algérie, de la Colombie, du Mexique, du Pérou et du SriLanka sont sérieusement concernés à cet égard. Au Pérou, la législation antiterroriste continue de priver le système judiciaire d'une grande partie de ses prérogatives en matière d'arrestation et de détention.

La représentante a en outre dénoncé le non-respect de l'indépendance du judiciaire à Bahreïn, la corruption et l'inefficacité du système judiciaire en Albanie, au Brésil et en Fédération de Russie, ainsi que le démembrement de l'association du Barreau en Égypte depuis 1996 et l'arrestation au Soudan, le 8 avril 1999, d'avocats qui ne soutenaient pas l'Association du Barreau qui appuie le Gouvernement. La représentante a par ailleurs dénoncé le meurtre de Rosemary Nelson perpétré il y a quelques semaines en Irlande du Nord et a indiqué que la Commission internationale des juristes a recensé 92 avocats ayant été victimes de harcèlement, détenus voire arrêtés en Turquie. Elle a par ailleurs souligné que plus d'une cinquantaine d'avocats ont été poursuivis au Myanmar et a attiré l'attention sur les problèmes sérieux rencontrés par les défenseurs des droits de l'homme en Tunisie. Elle a aussi dénoncé les obstructions faites aux avocats de la défense dans l'exercice de leurs fonctions en Malaisie et a affirmé que plus de 300 avocats ont été physiquement attaqués au Zimbabwe en janvier dernier. Les avocats sont aussi victimes de harcèlement en Algérie, à Djibouti, en République démocratique du Congo, au Bélarus, en Fédération de Russie, en Inde, au Mexique et au Pakistan, a déclaré la représentante.

MME INGE GENEFKE (Conseil international de réhabilitation pour les victimes de la torture) a évoqué les effets de l'impunité des tortionnaires sur le processus de réhabilitation des victimes. Elle a rappelé que ces processus sont longs et difficiles. Les tortionnaires choisissent délibérément des modes de torture qui ont recours à des objets de la vie quotidienne afin de susciter un sentiment de honte à leurs victimes. L'impunité ajoute aux souffrances des victimes. Le cas de Pinochet a suscité l'espoir de tous ceux qui luttent contre la torture et demandent une reconnaissance publique des souffrances subies qui est cruciale pour la réhabilitation des victimes. Elle a demandé qu'il soit mis fin à l'indifférence et au silence qui entourent la torture ainsi qu'à l'impunité des bourreaux. On ne peut pas oublier et pardonner tant que la vérité et la justice ne sont pas faites, a-t-elle affirmé.

MME ANN-LAURENCE LACROIX (Organisation mondiale contre la torture) a regretté que des violations massives des droits de l'homme continuent d'être commises au Soudan. Son organisation espère aussi vivement que le Groupe de travail sur les détentions arbitraires sera en mesure de visiter, au Bahreïn, les détenus dont la détention relèvent de son mandat et que les autorités du Bahreïn prendront toutes les mesures nécessaires pour mettre fin aux abus des droits de l'homme relevés dans ce pays. La représentante a notamment dénoncé des violations des droits de l'homme commises par les autorités turques et par des membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). La représentante a déclaré que certains précédents en Amérique latine montrent que l'impunité est un facteur grave de déstabilisation politique à long terme.

M. VO VAN AI(Fédération internationale des droits de l'homme) a dénoncé, au nom de Ding Zilin, intellectuelle chinoise, la situation en Chine eu égard aux droits civils et politiques. Il a par ailleurs demandé que la Commission exhorte le Gouvernement vietnamien à mettre en oeuvre les recommandations du Rapporteur spécial sur l'intolérance religieuse et à cesser le harcèlement dont sont victimes les membres de l'Église bouddhique unifiée du VietNam. Il a par ailleurs déclaré que la politique du Gouvernement tunisien est mise en cause par plusieurs organes des NationsUnies, parmi lesquels figure le Comité contre la torture, et a dénoncé les entraves graves et systématiques dont sont victimes les défenseurs des droits de l'homme dans ce pays. Il a d'autre part dénoncé les violations des droits de l'homme perpétrées au Pérou dans le domaine de l'administration de la justice et s'est dit préoccupé par le sort des prisonniers politiques au Bhoutan.

M.JOSEPH ASSAD (Freedom House) a dénoncé les restrictions croissantes imposées à la liberté de la presse dans le monde et les nouvelles formes de censure. À cet égard, il a mis l'accent en particulier sur les violations de la liberté d'expression à Cuba et en Chine. Il a en outre dénoncé les persécutions et les discriminations subies par les coptes en Égypte, par les chrétiens en Chine et l'islamisation forcée au Soudan qui impose la loi islamique aux chrétiens et aux animistes et fait de la guerre contre le Sud une véritable guerre de religions. À cet égard, il a estimé que la répression religieuse au Soudan était la plus brutale au monde. Il a également dénoncé les violences religieuses en Inde et en Indonésie ainsi qu'au Vietnam. Il a félicité le Rapporteur spécial pour ses activités au Vietnam et a recommandé qu'il se rende en Égypte, en Inde, en Indonésie et au Soudan en compagnie, pour ce dernier pays du Rapporteur spécial sur le Soudan.

MME ISOBEL HARRY (Fédération PEN) a salué le fait que moins de Gouvernements ont désormais recours à l'emprisonnement des personnes qui mettent en cause leur autorité. Toutefois, les pratiques de harcèlement des opposants et de répression de la liberté d'expression n'ont pas complètement disparu. En particulier en Turquie, en Bulgarie et en Serbie. La représentante a notamment suggéré que la Commission renouvelle le mandat du Rapporteur spécial sur la liberté d'expression.

MME CARMEN GARCÉS (Association américaine de juristes) a exprimé le souhait que les futures directives concernant le droit à réparation des victimes de violations des droits de l'homme s'étendent aux victimes des violations transnationales ou transfrontières des droits de l'homme. Ces directives devraient notamment s'appliquer aux victimes de l'appui logistique apporté par le Gouvernement des États-Unis aux contras du Nicaragua et aux victimes du bombardement perpétré par les États-Unis au Panama en 1989 et qui a fait deux mille victimes civiles. Il est inévitable d'établir un certain parallèle entre le bombardement de Panama et celui actuellement infligé à la Yougoslavie, qui constitue un crime de guerre en vertu du protocole additionnel I de 1979 des Conventions de Genève dans la mesure où il détruit délibérément des infrastructures civiles et des maisons.

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