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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT D'HAÏTI

02 août 1999

APRÈS-MDI
HR/CERD/99/33

2 août 1999



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entamé, cet après-midi, l'examen du rapport d'Haïti sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de la discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, M.Camille Leblanc, Ministre de la justice et de la sécurité publique d'Haïti, a affirmé que la présentation de ce rapport marque la fin de la période de crise en Haïti. Le Ministre s'est engagé, au nom de son gouvernement, à ce que les droits et les principes fondamentaux reconnus par les nations civilisées dans le cadre de toutes les conventions internationales, soient respectés en Haïti. Le Ministre a en outre indiqué que la législation haïtienne garantit à toute personne vivant sur le territoire l'égalité d'accès aux tribunaux, ainsi que l'exercice et la mise en oeuvre de leurs droits civils et politiques, conformément aux traités et Conventions dont Haïti est signataire.

La délégation haïtienne est également composée de représentants de la Mission permanente d'Haïti auprès des Nations Unies à Genève.

L'expert chargé du rapport d'Haïti, M.Yuri Rechetov, s'est félicité de ce que ce pays renoue le dialogue. Il a néanmoins estimé que l'affirmation figurant dans le rapport selon laquelle il n'y aurait pas de discrimination raciale en Haïti n'est pas crédible. Il a demandé que cela soit rectifié dans le prochain rapport, et que la discrimination raciale soit reconnue afin de permettre une progression réelle dans ce domaine. M.Rechetov a en outre demandé à ce que des informations plus précises soient fournies en ce qui concerne la situation socio-économique du pays, et l'application réelle de la législation.

Les membres suivants du Comité sont également intervenus : M.Eduardo Ferrero Costa, MmeDeci Zou, M.Luis Valencia Rodriguez, M.Ivan Garvalov, M.Rüdiger Wolfrum, M.Régis de Gouttes, MmeShanti Sadiq Ali, M.Agha Shahi, M.Michael Sherifis, M.Michel Banton et M.Mahmoud Aboul-Nasr.

Le Comité poursuivra l'examen du rapport d'Haïti demain matin, mardi3août, à dix heures.

Présentation du rapport d'Haïti

Présentant le rapport de son pays, M.CAMILLE LEBLANC, Ministre de la justice et de la sécurité publique d'Haïti, a déclaré que la lutte contre la discrimination raciale constitue une priorité aux yeux du Gouvernement haïtien. Il a par ailleurs affirmé que la présentation de ce rapport marque la fin de la période de crise en Haïti. Il a reconnu les lacunes du document au niveau statistique, dus à la rapidité de son élaboration. M.Leblanc a indiqué que la législation haïtienne garantit à toute personne vivant sur le territoire l'égalité d'accès aux tribunaux, ainsi que l'exercice et la mise en oeuvre de leurs droits civils et politiques, conformément aux traités et conventions dont Haïti est signataire.

Le Ministre a déclaré que la question des langues créole et française renvoie au problème de l'éducation. En effet, seules les personnes qui ont accès à l'éducation parlent le français. Les deux langues ne sont reconnues officiellement que depuis 1987, a ajouté M.Leblanc.

Le Ministre a affirmé que les pratiques fondées sur la discrimination raciale, constituant dans le passé un problème pour les Noirs et les mulâtres, ont été éliminées par François Duvallier. Cependant, il a reconnu que beaucoup reste à faire. Dans ce cadre, le Ministre s'est engagé, au nom de son gouvernement, à ce que les droits et les principes fondamentaux reconnus par les nations civilisées dans le cadre de toutes les Conventions internationales, soient respectés en Haïti. À ce titre, il a notamment évoqué les mesures prises pour améliorer l'efficacité des forces de police et pour sanctionner les pratiques inadéquates.

Le rapport d'Haïti (CERD/C/366/Add.1) en date du 25 mai 1999, réunit en un seul document les dixième, onzième, douzième et treizième rapports périodiques. Il rappelle la conjoncture politique difficile que traverse le pays en évoquant les événements socio-politiques les plus marquants survenus depuis 1990. Le rapport indique que le Gouvernement haïtien n'a pas jugé devoir prendre des mesures spécifiques de lutte contre la discrimination raciale du fait que cette forme de discrimination n'a pas cours en Haïti.

Le rapport fait état de la création en 1995 d'une Commission nationale de vérité et de justice (CNVJ) dans le but d'enquêter et de faire la lumière sur les graves violations des droits de l'homme survenus durant la période du coup d'État, c'est-à-dire de septembre 1991 à octobre 1994. Suite au rapport rendu par la CNVJ, et dans le but d'apporter une réponse urgente aux victimes de la violence du gouvernement militaire, le Gouvernement haïtien a mis en place, au sein du Ministère de la justice, un Bureau des poursuites et suivi pour les victimes (BPSV). Ce dernier a chargé la Mission civile de vérification en Haïti (MICIVIH) de la distribution du rapport.

Le Gouvernement haïtien a en outre entrepris, en collaboration avec les États-Unis, la France, le Canada, l'Union européenne et la MICIVH notamment, une réforme de fond du système judiciaire afin de le rendre moderne, indépendant et efficace. En 1995, la Police nationale d'Haïti (PNH) a été instituée avec l'aide de la communauté internationale. Un organe de contrôle et d'enquête y a été institué, l'Inspection générale de la police nationale haïtienne (IGPNH). Ainsi, dans la période allant de novembre 1995 à décembre1997, 2278 dossiers ont été transmis à l'IGPNH. Dans le domaine des droits politiques, toutes les élections ont été organisées jusqu'à présent par un Conseil électoral provisoire. Ainsi, afin de combler le vide parlementaire datant 11 janvier 1999, un nouveau conseil électoral provisoire de neuf membres a été créé. Par ailleurs, suite à un long processus de consultation initié en 1993, en partenariat avec notamment l'UNESCO, l'USAID et l'UNICEF, un Plan national d'éducation et de formation d
éfinit pour les dix années à venir les priorités de l'État haïtien en matière d'éducation. Ce plan se veut un instrument fondamental du développement économique et social.


Examen du rapport d'Haïti

L'expert chargé du rapport d'Haïti, M.Yuri A. Rechetov, s'est félicité de ce que ce pays renoue le dialogue avec le Comité en produisant son rapport. Cette reprise des relations entre Haïti et le Comité a également été salué par les autres intervenants, qui ont souligné la qualité de la délégation haïtienne.

M.Rechetov a constaté que le Ministre de la justice s'est associé, dans son intervention, à l'affirmation figurant dans le rapport selon laquelle la discrimination raciale n'existe pas en Haïti. Cette thèse mérite une discussion approfondie. Il a en outre noté que le rapport stipule que la Constitution haïtienne proclame que tous les Haïtiens sont d'une même race, la race noire.

Les experts ont souhaité une explication de la délégation en ce qui concerne cette affirmation. Une explication a également été demandée concernant la distinction faite entre la sphère privée et le domaine public en matière de lutte contre la discrimination raciale (§ 21 du rapport). Les experts ont souligné que les obligations de l'État consistent aussi à lutter contre toutes les manifestations de discrimination raciale, y compris celles qui se déroulent entre les individus. Les experts ont fait observer qu'il n'y a jamais eu de cas de pays où la discrimination raciale n'existe pas, seules l'ampleur et les pratiques de discrimination raciale changent d'un pays à l'autre. En conséquence, M.Rechetov a estimé que le rapport est largement critiquable. Les autres experts ont également considéré que l'affirmation de l'absence de discrimination raciale en Haïti n'est pas crédible. Ils ont demandé que cela soit rectifié dans le prochain rapport, et que la discrimination raciale soit reconnue afin de permettre
une progression réelle dans ce domaine.

M.Rechetov a en outre rappelé les questions concernant la composition démographique de la population haïtienne déjà soulevées à l'issue du dernier examen du rapport d'Haïti en 1989. Les experts ont regretté que ces renseignements ne figurent pas dans le rapport à l'étude. Des minorités blanche et mulâtre existent en Haïti, et méritent d'être prises en compte. Ainsi, il est souvent question de progrès et de transformations dans le rapport sur Haïti sans que les effets sur les droits des différents groupes ethniques soient évoqués. En outre, il serait bon d'envisager la diffusion en créole des dispositions de la Convention. Les experts ont par ailleurs souligné que des informations socio-économiques précises permettraient au Comité de mieux comprendre la situation haïtienne, tels que les chiffres du chômage et de l'émigration.

Concernant l'intégration des dispositions des accords internationaux dans la législation nationale, les membres du Comité ont demandé des précisions sur leur application concrète. D'une façon générale, le rapport d'Haïti comporte des lacunes importantes en ce qui concerne la façon dont la législation est appliquée. Les experts ont en outre rappelé que des informations supplémentaires sur le droit au travail, au logement et à l'éducation avaient été demandée en 1998, lors de l'examen de la situation en Haïti en l'absence de rapport fourni par le gouvernement. Un expert a toutefois salué les efforts accomplis en Haïti pour favoriser l'accès à l'éducation.

M.Rechetov a soulevé la question de l'impunité des auteurs de crimes liés à la discrimination raciale, estimant qu'il serait nécessaire de fournir davantage d'informations sur les forces de l'ordre et la police. Ainsi des explications plus précises sur les dossiers de violations des droits de l'homme et les mesures de réparations prévues pour y répondre doivent être fournies. Concernant les mesures de réforme entreprises au sein des forces de police, la part et l'efficacité de l'assistance internationale doivent être évaluées.

Une experte a abordé le thème des droits politiques des Haïtiens qui ont renoncé à leur nationalité puis l'ont reprise : ont-ils les mêmes droits que ceux qui n'y ont jamais renoncé ? Elle a noté que la législation haïtienne en matière de nationalité établit une distinction entre Haïtiens d'origine et Haïtiens naturalisés, ce qui va à l'encontre du principe de non-discrimination. De même, il est fait mention de restriction des droits de propriété immobilière des étrangers, sur laquelle des renseignements supplémentaires doivent être fournis. Concernant la liberté de la presse (§56 du rapport), un expert s'est interrogé sur la teneur exacte de la loi.

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