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LE PROJET DE CONSTITUTION DU KENYA SUSCITE UN ESPOIR QUANT A L'ACCELERATION DES PROGRES DANS LA PROMOTION ET LA PROTECTON DES DROITS DE LA FEMME
15 janvier 2003
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Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
592e et 593e séances – matin et après-midi
Après s’être montrés déçus par les troisième et quatrième rapports périodiques du Kenya, Etat partie à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes depuis 1984, les 23 experts du Comité du même nom (CEDAW) se sont déclarés rassurés par les informations complémentaires apportées, aujourd’hui, par la délégation kényenne, conformément à l’obligation faite aux Etats parties d'informer le Comité des progrès réalisés. Conduite par la Secrétaire permanente du tout nouveau Ministère de l’égalité entre les sexes, Deborah Ongewe, la délégation a rendu compte du nombre de changements intervenus entre l’élaboration du rapport et l’entrée en fonction du Gouvernement de Mwai Kibaki dont le «National Rainbow Coalition» (NARC) a remporté les élections générales du 27 décembre 2002.
La Secrétaire permanente a ainsi annoncé l’entrée en vigueur, prévue pour juin 2003, d’une nouvelle constitution portant interdiction de toute loi, culture, coutume ou tradition qui porte préjudice à la dignité, au bien-être, aux intérêts ou au statut des femmes et prévoyant, en outre, des mesures de discrimination positive pour corriger les injustices du passé. Deborah Ongewe a aussi tracé les contours du cadre institutionnel de la protection et de la promotion des droits de la femme qui, outre le Ministère de l’égalité entre les sexes, devrait comprendre une Commission nationale relative aux sexospécificités et au développement, une Commission des droits de l’homme et de la justice administrative, les différents bureaux créés dans les ministères pertinents et les structures des ONG et des communautés locales.
Satisfaits de ces «bonnes idées» comme les a qualifiées l’experte de l’Allemagne, les experts se sont néanmoins interrogés sur leur mise en oeuvre pratique. Le système juridique du Kenya et son dualisme entre la common law et le droit coutumier ont, en effet, suscité de nombreuses questions dont les premières ont porté sur la place de la Convention dans le droit national kényen. Rappelant qu’en vertu de la common law, le droit international n’a d’incidence que si des mesures législatives, juridiques et administratives sont prises en ce sens, les experts se sont inquiétés de l’action envisagée pour accélérer l’application de la Convention compte tenu de la longueur des procédures de «domestication» des dispositions internationales. Ils se sont, en conséquence, dits encouragés par le fait que le projet de constitution prévoit la reconnaissance du droit international comme source du droit kényen au même titre que la Loi judiciaire datant du protectorat britannique et du droit coutumier.
Toutefois, la place du droit coutumier dans le système juridique du Kenya a quelque peu modéré l’optimisme des experts. Comme l’a souligné l’experte de la France, ce droit, au titre du droit civil, contient souvent des dispositions néfastes aux femmes. S'ils ont pris acte du fait que le projet de Constitution vise l’abolition de toutes les formes de discrimination, ils ont néanmoins relevé plusieurs paradoxes dont le moindre n'est pas l'existence d'une disposition qui prévoit, au nom de la diversité ethnique, culturelle et religieuse, de mettre sur un pied d’égalité les quatre formes de mariage en vigueur au Kenya. D'autres dispositions du Code civil et du Code pénal relatives, entre autres, à l'accès à l'héritage, au viol ou à la prostitution ont suscité les inquiétudes des experts qui ont été, en partie, apaisés par les informations faisant état de la prochaine réforme pénale.
Les experts ne se sont pas arrêtés aux questions juridiques. Ils ont aussi abordé les questions administratives pour s'interroger sur le lien entre les différents mécanismes de promotion des droits de la femme et le partage des responsabilités. Les experts se sont, par ailleurs, attardés sur la question de la représentation des femmes dans la vie publique et politique. Là encore, le projet de constitution a été invoqué car il prévoit une représentation féminine d'un tiers au moins à tous les niveaux politiques. L'experte de la France a néanmoins mis en garde contre la tendance à considérer ce quota comme un plafond. Après avoir passé en revue la mise en oeuvre des 16 articles de fond de la Convention, aux côtés de ses homologues, l'experte du Bénin a conseillé à la délégation kényenne d’axer tous les efforts sur la mobilisation de la volonté politique, l'éducation des partis politiques et la sensibilisation des femmes.
Le Comité se réunira à nouveau demain, jeudi 16 janvier à 10 heures pour examiner le rapport initial et le deuxième rapport périodique de l’Albanie.
EXAMEN DES TROISIÈME ET QUATRIÈME RAPPORTS PÉRIODIQUES COMBINÉS DU KENYA
Rapports (CEDAW/C/KEN/3-4)
Le Kenya a ratifié la Convention en 1984 mais en vertu du droit commun du pays, l'application de la Convention découle de l'adoption de mesures législatives, juridiques et administratives. La procédure de «domestication» étant longue, le Gouvernement a fait des interventions délibérées en vue d'appliquer les dispositions de la Convention. Ainsi, il a créé un groupe de travail pour examiner les lois relatives aux femmes et aux enfants et il a engagé en 1988 un processus d'examen constitutionnel. Il a institué à cet effet une Commission composée d'hommes et de femmes et un Forum consultatif constitutionnel national qui comprend des organisations de femmes. Le Gouvernement propose de créer un Conseil national pour les sexospécificités et le développement.
La définition de la discrimination dans les lois du Kenya ne couvre toujours pas tous les aspects envisagés dans la Convention. Certaines sections de la Constitution réservent le droit de discriminer en matière d'adoption, de mariage, de divorce, d'enterrement, du droit coutumier et personnel. L'entrée en vigueur en 1981 de la loi sur la succession donne aux hommes et aux femmes des droits égaux pour ce qui est de l'héritage, de la possession ou de la session des biens. Les mesures que le Gouvernement a pris pour accélérer le processus d'égalité de facto touchent essentiellement le domaine de l'éducation où la note minimum pour l'examen d'entrée a été baissée d'un point pour les étudiantes.
Le Gouvernement a passé des directives pour atténuer les effets de certaines pratiques comme les mutilations génitales, les mariages précoces, les mariages forcés, la polygamie, le paiement de la dot, les traditions culturelles relatives à l'enterrement et les préférences accordées aux garçons. Les efforts d'élimination des stéréotypes dans les programmes scolaires et dans les programmes de formation de la police ses sont heurtés à des résistances dues aux pratiques traditionnelles, l'absence d'engagement des hommes, l'illettrisme et la pauvreté.
La prostitution, bien qu'illégale, est très répandue dans les centres urbains. Si elle est désormais réprimée plus souvent, ce sont seulement les femmes qui sont visées. Le proxénétisme est également un délit. Les lois relatives à la prostitution des enfants figurent dans les articles du Code pénal qui traitent essentiellement du délit de procréation. La loi relative au viol se trouve dans la partie du Code pénal qui traite des délits contre la moralité. Tous les délits relatifs au trafic des femmes et des prostitutions sont classés parmi les délits mineurs n'entraînant au maximum qu'une peine de trois ans.
Avec l'apparition d'un système multipartite, davantage de femmes cherchent à se faire élire. En 1997 lors des élections générales, 50 femmes ont brigué des positions parlementaires et deux femmes le siège présidentiel tandis que 51,1% des votants étaient des femmes. Toutefois, leur nombre au Parlement reste très inférieur à celui des hommes puisqu'elles constituaient en 1997 5,7% des parlementaires. Dans les conseils locaux, leur représentation est passée de 2,7% en 1992 à 8,1% en 1998.
La législation relative à la citoyenneté et à la nationalité est également discriminatoire à l'égard des femmes dans la mesure où celle-ci ne peut pas transmettre sa citoyenneté à son époux ou à ses enfants nés en dehors du territoire kényen alors que l'homme est autorisé à le faire. Les femmes célibataires doivent obtenir le consentement de leur père pour demander un passeport alors que les femmes mariées doivent obtenir l'assentiment de leur mari.
Les effectifs féminins dans le secondaire sont passés de 42,8% en 1990% à 46,7% en 1998 mais au niveau universitaire ce pourcentage est tombé à 30,5%. Le taux d'alphabétisme pour les femmes est de 67,4% contre 82,8% pour les hommes. Le Gouvernement a pour politique de réadmettre les filles ayant quitté l'école en raison d'une grossesse. Cependant, l'enseignement des filles au Kenya fait face à de multiples obstacles du fait de la pauvreté, des grossesses, des mariages forcés et des pratiques culturelles traditionnelles.
L'espérance de vie qui était de 63,2 ans pour les femmes et de 59 pour les hommes est tombée en raison de l'incidence du VIH/sida à 60,9 pour les femmes et à 50,7 pour les hommes. Le taux de mortalité maternelle est estimé à 590 pour 100 000 naissances vivantes. Le taux de fertilité est passé de 7,9 en 1979 à 4,7% en 1998. L'emploi des méthodes de contraception a augmenté de 26,9% en 1989 à 39% en 1998.
Dans les zones rurales, la plupart des femmes ne connaissent pas leurs droits et il n'existe pas de mécanisme chargé d'assurer l'exercice du droit des femmes. Les femmes rurales sont représentées par une femme au sein du Comité de développement des districts. La loi sur les coopératives disposant que seuls les propriétaires de terres peuvent avoir accès aux programmes de prêts, la plupart des femmes n'ont donc pas cette possibilité. Toutefois, le Kenyan Women Finance Trust et le Kenya Rural Entreprise fournissent des prêts aux femmes. Les programmes de sécurité sociale ne sont accessibles qu'aux employés et par conséquent les femmes rurales en sont exclues.
Le Code pénal contient encore des dispositions discriminatoires comme celle qui veut qu'une femme accusée d'un délit, à l'exclusion du délit de meurtre et de trahison, puisse bénéficier d'une défense spéciale si elle prouve que le délit a été commis en présence de son mari et sous la contrainte exercée par ce dernier. La loi du domicile stipule qu'à la naissance, toute personne acquiert le domicile de son père alors que l'enfant illégitime acquiert celui de sa mère.
Présentation
Mme DEBORAH ONGEWE, Secrétaire permanente au Ministère de l'égalité entre les sexes, des sports, de la culture et des services sociaux, a d'abord annoncé que son pays a tenu, le 27 décembre 2002, des élections réussies qui ont donné la victoire à la Coalition nationale Rainbow (NARC). La nouvelle administration, a-t-elle dit, sera guidée par les principes de la démocratie, de la bonne gouvernance, de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Rappelant que son pays a ratifié la Convention en mars 1984, la Secrétaire permanente a indiqué que pour son application, le Gouvernement collabore avec diverses ONG et organisations communautaires. Le Gouvernement, a-t-elle poursuivi, reconnaît la persistance d'inégalités entre les sexes. Il a ainsi pris la résolution d'éliminer les obstacles sociaux, culturels et juridiques auxquels sont confrontées les femmes. Le Gouvernement a donc l'intention de déployer des efforts en ce sens, y compris de développer des actions de discrimination positive. Dans ses efforts, le Gouvernement entend encourager la participation des ONG et des organisations communautaires avec lesquelles il travaille déjà.
Comme première mesure, a indiqué la Secrétaire permanente, le Gouvernement a décidé de faire du mécanisme national de promotion des femmes un Département à part entière au sein du nouveau Ministère de l'égalité entre les sexes, des sports, de la culture et des services sociaux. Le défi du Kenya, a-t-elle souligné, est la lutte contre la pauvreté pour laquelle le Gouvernement a établi un Document stratégique de lutte contre la pauvreté en 2001. L'élaboration de ce document a été l'occasion pour le mécanisme national de promotion des femmes, les groupes de femmes et la société civile d'influencer l'ordre du jour du développement et de renforcer des partenariats.
Le projet de Cons titution qui est en discussion actuellement et qui devrait entrer en vigueur cette année, est une percée pour les femmes, a encore dit la Secrétaire permanente. Il traite en effet des questions relatives à la promotion des femmes dans tous les domaines où la discrimination persiste. Ainsi, la nouvelle Constitution devrait éliminer le droit de discriminer dans les questions de droit coutumier et de droit personnel. Elle obligerait aussi le Gouvernement de prendre des mesures de discrimination positive pour rectifier les injustices du passé. La nouvelle Constitution interdirait toute loi, culture, coutume ou tradition qui porte préjudice à la dignité, au bien-être, aux intérêts ou au statut des femmes. Cela permettra aux femmes d'avoir accès à l'héritage ou à la propriété.
Le Comité permanent sur les droits de l'homme, créé en 1996, est devenu la Commission nationale depuis 2002, a annoncé la Secrétaire permanente avant de s'attarder sur la question de la prostitution. Elle a ainsi indiqué que le Gouvernement a publié, en 2002, une loi en la matière qui propose la création d'un fonds financé par le budget national pour assister financièrement les victimes. Quant à la participation des femmes à la vie pol itique et publique, la Secrétaire permanente a rappelé qu'en 1997, seulement 4 sur 210 membres du Parlement étaient des femmes. Depuis les récentes élections, le Parlement kéényen compte 9 femmes sur les 210 membres, soit 4,3%.
Commentant aussi la question de la nationalité, la Secrétaire permanente a indiqué qu'actuellement, la loi nie aux femmes le droit de conférer leur nationalité à un mari étranger et à ses enfants. Le projet de constitution devrait corriger cette situation et reconnaître ce droit à toute personne née d'un parent kényen et marié à un Kényen pendant plus de trois ans. Venant à l'éducation, elle a indiqué que le Gouvernement a mis en place une politique de scolarité obligatoire pour l'école primaire. De plus, une loi sur l'éducation permanente a été votée en 2001.
La Secrétaire permanente a indiqué ne pas disposer de statistiques sur les cas de harcèlement sexuel dans le travail dans la mesure où ce type de comportement n’est que rarement signalé. Il existe un Code d’éthique qui interdit toute forme de harcèlement sexuel dans la fonction publique et il existe également un Code de conduite à l’intention des enseignants.
Dans le domaine de la santé, le Kenya accorde la priorité à la fourniture de soins de base. Le Gouvernement est déterminé à éliminer les obstacles que rencontrent les femmes les plus pauvres dans l’accès aux soins de santé. Il s’est à cet effet engagé à lancer une réforme générale du secteur de la santé en accordant la priorité à la décentralisation; à l’investissement dans les soins de santé préventifs; à l’édification de relations de partenariat entre le Gouvernement, le secteur privé et la société civile dans la gestion et la réhabilitation du secteur de la santé; au développement d’une couverture médicale nationale et à l’amélioration des infrastructures et la fourniture de services. La pandémie du VIH/sida est une menace majeure à notre développement socioéconomique. Toutefois, les taux de prévalence du VIH/sida sont tombés de 14% à 10,2% en 2002 et le Gouvernement a l’intention d’intensifier sa campagne de lutte contre la pandémie. Parmi ses priorités figurent l’adoption de la loi sur la prévention du VIH/sida, le développement de programmes de recherche; l’édification des capacités d’organisations partenaires; la fourniture à un prix abordable des médicaments antirétroviraux à ceux qui sont déjà affectés.
Dans les zones rurales, le Gouvernement, en collaboration avec la société civile, a mis en oeuvre des programmes de sensibilisation des femmes à leurs droits. Le Gouvernement et ses partenaires continuent de fournir une aide aux groupes de femmes rurales par le biais de programmes de formation et d’accès au crédit agricole.
La Secrétaire permanente a par ailleurs indiqué qu’au Kenya, il existe de multiples lois régissant le mariage et le divorce. Il existe quatre formes de mariage qui sont reconnus en vertu de la Loi sur le mariage et le divorce africains chrétiens, de la Loi sur le mariage et le divorce Hindu, de la Loi sur la mariage, le divorce et l’héritage «Mohammedan» et de la Loi sur le mariage africain coutumier. En raison de la diversité culturelle, ethnique et religieuse, le projet de constitution exigera, une fois adopté, que le Parlement légifère pour reconnaître tout mariage contracté dans le cadre d’un système particulier. Les parties au mariage auront droit aux mêmes droits pendant la durée du mariage et à sa dissolution.
Le Gouvernement est déterminé à garantir l’application du projet de constitution de 2002, une fois adopté et entré en vigueur, la loi sur la violence familiale de 2002; la loi de 2002 sur la Commission nationale de la parité entre les sexes et le développement; la loi de 2002 amendant la législation pénale; la loi de 2002 sur la prévention du VIH/sida et celle de 2002 sur le Code d’éthique dans la fonction publique.
Dialogue avec les experts
La Présidente du Comité, Mme FERIDE ACAR, experte de la Turquie, s'est réjouie des élections du 27 décembre et de l'engagement du nouveau Gouvernement kényen en faveur de la démocratie. La protection des droits des femmes, a-t-elle souligné, doit être prise en compte dans ce cadre. Elle s'est donc félicitée de la disposition du nouveau Gouvernement à travailler dans ce sens et à reconnaître que des inégalités et une discrimination à l'égard des femmes existent. Elle a particulièrement salué le fait que la nouvelle Constitution interdira la discrimination sur la base du sexe, à savoir en matière du droit personnel et du droit coutumier.
A son tour, Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, s'est réjouie des informations supplémentaires apportées aujourd'hui qui soulignent, contrairement au rapport, les progrès réalisés en matière de promotion de la femme. Elle a particulièrement appelé les femmes à profiter de l'instauration d'un nouveau gouvernement pour imposer l'ordre du jour de la promotion de la femme. Dans ce cadre, elle a espéré que le Département concerné deviendra, dans un avenir proche, un ministère à part entière. Poursuivant, l'experte s'est dite inquiète du fait que le concept d'équité semble primer sur celui d'égalité. Pour elle, la Constitution doit parler d'égalité et reconnaître aux femmes et aux hommes les mêmes droits. Il s'agit en fait de changer de philosophie chez les femmes comme chez les hommes, a-t-elle insisté.
Mme CHRISTINE KAPALATA, experte de la République-Unie de Tanzanie, a souligné que c'est à la fois un privilège et un obstacle de voir un nouveau gouvernement obligé de faire rapport au Comité quelques jours à peine après son installation. Elle a prié instamment les nouvelles autorités kényennes de prendre l'engagement de faire une réalité des projets de loi à l'examen. La nouvelle législation doit se concrétiser et la Convention doit être mise en oeuvre, dans les plus brefs délais, a insisté l'experte. Intervenant aussi, Mme DUBRAVKA SIMONOVIC, experte de la Croatie, s'est félicitée des engagements pris par le nouveau Gouvernement. Elle s'est cependant inquiétée de la place du droit international dans le contexte de la nouvelle Constitution. Car selon le système de common law, en vigueur actuellement au Kenya, le droit interne prime sur le droit international, a-t-elle rappelé. Elle s'est aussi interrogée sur le rôle des administrations provinciales dans la mise en oeuvre de la nouvelle Loi sur les droits de l'enfant qui interdit, par exemple, les mutilations génitales ou les mariages forcés.
Prenant la parole, Mme AIDA GONZALEZ MARTINEZ, experte du Mexique, a elle aussi regretté que le rapport n'indique pas beaucoup de progrès dans l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Elle s'est donc réjouie du projet de constitution à l'examen et a demandé si ce texte implique un changement dans le système juridique actuel qui permet une application parallèle des règles de common law et du droit coutumier. Est-ce que des mesures ont été prises en ce qui concerne la mise en oeuvre de la Convention ou le droit des personnes? De plus, s'est-elle aussi interrogée, quelles sont les mesures prises pour lutter contre les stéréotypes qui continuent de fonder la vision des femmes au Kenya? L'experte a demandé si le nouveau Gouvernement envisage des efforts dans ce sens. Tout semble en attente au Kenya, a estimé Mme HUGUETTE BOKPE GNANCADJA, experte du Bénin, en insistant à son tour sur des progrès rapides. Elle a souligné la nécessité de coopération et de coordination entre les diverses structures s'occupant des femmes et les autres structures pour faire avancer la cause de la promotion de la femme. Dans le contexte de la réforme de la législation, l'experte s'est dite convaincue que le processus d'examen des lois est la clef du succès qui doit amener à déclarer anticonstitutionnelle toute loi discriminatoire. Elle a voulu, dans ce cadre, l'élimination du chevauchement entre le droit pénal et le droit coutumier qui permet à un tribunal de qualifier un acte de violence contre la femme soit de délit contre la personne, au titre du droit pénal, soit de délit contre la moralité, au titre du droit coutumier.
Répondant à cette série de questions d’ordre juridique, Mme JUSTER NKOROI, représentant du Parquet, a précisé que son pays n’a pas adopte de mesures particulières régissant les obligations internationale s contractées. Les Conventions et traités internationaux produisent des obligations et sont en vigueur dès leur ratification.
Mme MARTHA KOOME, représentante la Fédération des femmes juristes, a précisé que les sessions du Parlement commenceront plus tôt cette année et que le projet de loi sur la violence devrait être adopté avant juin. La Fédération des femmes juristes travaille en collaboration avec les services de police, a-t-elle indiqué, et nous avons mis au point un manuel à l’intention des policiers pour les aider à mieux traiter les cas de violence familiale. En outre, nous avons mis en oeuvre un programme qui encourage la création d’un bureau chargé des femmes dans chaque commissariat de police pour traiter des cas de violence. Un bureau de ce type est déjà ouvert à Nairobi. Un tribunal sera également chargé de cette question.
Mme ANNE AMBWERE, Commissaire pour les services sociaux, a précisé que le nouveau Ministère de l’égalité entre les sexes, des sports, de la culture et des services sociaux est dirigé par un homme, ce qui suppose que le Gouvernement compte associer des hommes à la promotion de la condition de la femme. Le dispositif national de promotion de la femme est devenu un département à part entière au sein du Ministère. Nous avons proposé la création d’une commission sur l’égalité entre les sexes et le développement qui comprendrait un commissaire à l’égalité entre les sexes.
Mme KOOME a expliqué que la démarche fondée sur les droits sous-tend le projet de constitution qui vise à garantir que l’application du droit coutumier ou personnel dans le respect de la promotion et de la protection des droits de la personne. Si une pratique coutumière enfreint les droits énoncés par la Constitution, elle sera abolie. La Constitution admet le droit coutumier et personnel mais ces derniers devront s’adapter à la Constitution et à ses exigences. Une personne dont les droits ont été bafoués peut exercer un recours devant les tribunaux.
Mme JOYCE MWIKALI MUTINDA, Commissaire pour l’enseignement supérieur, évoquant les activités de l’administration provinciale, a expliqué qu’au niveau des cantons, il existe un conseil pour l’éducation dirigé par un commissaire. Quand une jeune fille est victime d’un mariage forcé, le commissaire intervient et constitue une mission de secours. Le retour à l’école est également facilité. Nous disposons, a-t-elle indiqué, d’un centre de secours dans une de nos écoles publiques, qui est géré par une ONG. Si l’enfant ne peut pas regagner son foyer, l’enfant est en quelque sorte adopté par le centre jusqu’au moment où il peut réintégrer sa propre famille ou être adopté par une autre famille. Le Gouvernement a la volonté de changer les stéréotypes, notamment en matière d’éducation, et de restructurer ce dernier. Pour éliminer les nombreux stéréotypes qui existent dans les manuels scolaires, les autorités compétentes procèdent actuellement à l’élaboration d’un plan et une liste d’éléments à bannir des manuels scolaires a été établie.
Mme ONGEWE a, pour sa part, indiqué que les relations entre la société civile et le Gouvernement sont excellentes, comme le montre sa propre nomination en tant que Secrétaire permanente par les membres de la société civile.
Lançant la série de questions, Mme MARIA YOLANDA FERRER GOMEZ, experte de Cuba, a abordé le problème de la modification des mentalités pour dire que les efforts en ce sens exigent d'abord que le Gouvernement se dote d'un programme de travail exhaustif. Il est donc nécessaire, a-t-elle estimé, de mettre en place un programme de sensibilisation et de formation à l'intention des personnes qui seront chargées d'appliquer la nouvelle loi. Venant à la lutte contre la pauvreté au Kenya, elle a voulu savoir comment le Gouvernement entend tenir compte des questions de promotion de la femme dans le Document stratégique.
A son tour, Mme FRANÇOISE GASPARD, experte de la France, a qualifié d'exploit le fait que le nouveau Gouvernement kényen, qui n'a été formé qu’il y a 14 jours, ait jugé important d'envoyer une délégation devant le Comité. Saluant cette volonté politique de faire avancer l'ordre du jour de la promotion de la femme, l'experte a ensuite fait part de sa perplexité devant le rapport qui ne fait état d'aucun progrès notable dans l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Elle s'est, dans ce cadre, inquiétée de la cohabitation, dans le système juridique kényen, du droit écrit et de la coutume qui, a-t-elle précisé, en droit civil, est souvent néfaste pour les femmes. L'experte a aussi voulu savoir si le rapport a été soumis au Parlement. S'expliquant, elle a argué que bien souvent pour que la situation évolue dans un pays donné, il faut que des lois soient votées. Or, dans un Parlement où les femmes sont peu représentées, il est difficile de faire avancer leur cause. L'experte a donc jugé utile de présenter de tels rapports aux instances législatives. Poursuivant sa série de questions, elle s'est demandée comment la Commission nationale relative aux sexospécificités et au développement s'articule avec le Département de l'égalité entre les sexes. Venant à la question de la prostitution, elle s'est dite inquiète que les prostituées fassent l'objet de sanctions alors même que ce sont d'abord des victimes. Le Gouvernement envisage-t-il, a-t-elle demandé, d'agir rapidement pour remédier à la faiblesse des sanctions prévues pour les proxénètes?
M. GORAN MELANDER, expert de la Suède, a abordé la question des amendements à la législation en souhaitant savoir si le droit international primera désormais sur le droit interne. L'inclusion des traités internationaux et de la Convention dans le droit national implique une éducation et une formation à l’intention du personnel judiciaire. Est-ce qu’une telle mesure est prévue, s'est interrogé l'expert? A son tour, Mme NAELA GABR, experte de l'Egypte, a qualifié d'importante pour le continent africain, la question des stéréotypes. Cette question doit être abordée dans un contexte plus large que celui de l'éducation. Elle a donc prôné le lancement de campagnes de sensibilisation auprès des médias ou des villages. Elle a voulu aussi la confirmation du rôle central et primordial de la femme dans le développement. Les femmes doivent être perçues comme de véritables partenaires du développement. Quelle est la relation entre le mécanisme national sur la promotion de la femme et la Commission des droits de l'homme?
A son tour, Mme HANNA BEATE SCHOPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne,a souhaité une mise en oeuvre rapide «des bonnes idées» que présente la délégation kényenne aujourd'hui. Elle s'est aussi attardée sur le dualisme juridique qui prévaut dans le pays entre le système de common law et le droit coutumier. Est-ce que des consultations ont eu lieu avec les communautés qui privilégient le droit coutumier pour accélérer la mise en oeuvre de la Convention? Pourquoi la Commission n'a pas statut constitutionnel?
Mme REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, a aussi évoqué le lien entre la Commission et le Département de l'égalité entre les sexes. L'experte a aussi voulu connaître les mesures prises pour aller à l'encontre des pratiques discriminatoires. Elle s'est aussi inquiétée des voies de recours offertes aux victimes de la violence et aux prostituées. A son tour, Mme SJAMSIAH ACHMAD, experte de l'Indonésie, a voulu connaître la structure générale du Gouvernement et les responsabilités de chaque organe. Mme VICTORIA POPESCU SANDRU, experte de la Roumanie, a demandé si le nouveau Gouvernement a l'intention de conserver la teneur des politiques sur l'égalité ou de les amender. Y-a-t-il surtout une volonté de s'attaquer au problème de la longueur des procédures judiciaires? La politique nationale, qui met l'accent sur le développement, s'attaque, elle aussi, aux questions des droits des femmes, y compris de la violence à l’égard des femmes. Est-ce que la Commission des droits de l'homme est un organe gouvernemental ou un organe indépendant? Dans le premier cas, comment assurer sa capacité à traiter d'une plainte contre l'administration?
Mme KRISZTINA MORVAI, experte de la Hongrie, a qualifié de moment historique pour le Kenya et pour l’Afrique la nomination de femmes à un haut niveau de responsabilité... Elle a demandé comment, dans un pays frappé par de si nombreuses tragédies et injustices, les femmes peuvent s’assurer d’un appui constant de la part des institutions gouvernementales et de la part de la société civile pour atteindre leurs objectifs? Comment allez-vous pouvoir expliquer qu’en dépit des nombreux autres problèmes que connaît le pays, l’égalité entre les homnmes et les femmes doit figurer parmi les priorités? Avez-vous une politique de relations publiques et des projets en la matière? Il semble que la volonté politique existe mais elle doit être renforcée par des mesures concrètes dont l’application doit être assortie d’un suivi. Le Programme d’action de Beijing et la Convention vous fournit une bonne base pour l’élaboration d’un programme d’action qui permettra de transcrire dans les faits les objectifs de la Convention. Pour cela, vous devez vous fixer des échéances dans la mise en place de projets concrets. Nous vous suggérons de solliciter une aide technique auprès des Nations Unies qui disposent de connaissances qui vous seront utiles. La lutte contre la pauvreté, le VIH/sida et la corruption sont tout autant importants et les femmes doivent s’engager de manière visible dans ces domaines. Il ne faut pas qu’elles soient perçues comme s’occupant uniquement des questions féminines.
Mme PRAMILA PATTEN, experte de Maurice, a fait part de sa satisfaction quant aux mesures que le nouveau Gouvernement entend prendre pour abolir toutes les mesures discriminatoires. Il est important qu’il ait été reconnu que la culture et la tradition influent sur les comportements. Relevant que le projet de constitution doit abolir toute pratique coutumière qui constitue une discrimination, l’experte a demandé des précisions sur le projet de constitution lui-même et sur son évolution. Comment les femmes ont-elles participé au processus de réexamen de la Constitution? Sur les 27 commissaires chargés de l’élaboration de ce texte, combien d’entre elles y participent? Il existe une volonté politique et une grande détermination mais disposez-vous d’un calendrier régissant l’adoption des projets de loi mentionnés et disposez-vous d’indices sur le budget alloué aux questions de parité au sein du Ministère de l’égalité entre les sexes, des sports, de la culture et des services sociaux? Elle a demandé des précisions sur la manière dont le Gouvernement entend appliquer l’article 4.1 sur l’adoption de mesures temporaires spéciales visant à instaurer l’égalité de facto. L’experte a relevé que la Loi sur la succession contient des dispositions très discriminatoires. Qu’entend faire le Gouvernement à ce sujet?’
Mme AKUA KUENYEHIA, experte du Ghana, a relevé qu’en Afrique, la pauvreté a un visage féminin qui rend les femmes dépendantes et contribue à la violence. La stratégie de réduction de la pauvreté du Kenya sera-t-elle revue pour garantir qu’il existe des stratégies visant à répondre aux besoins spécifiques des femmes.
Mme SALMA KHAN, experte du Bangladesh, a relevé que la Stratégie de réduction de la pauvreté suit les directives de la Banque mondiale et donc ne tient pas compte des spécificités du pays. Le Kenya dispose pourtant d’une politique spécifique en faveur des femmes depuis 1970 qui doit être prise en compte dans les stratégies de réduction de la pauvreté comme c’est le cas en Afrique du Sud qui a consacré une part de son budget aux questions de sexospécificité. Elle a demandé comment le nouveau projet de constitution va traiter du droit au divorce. Est-ce que les dispositions du droit coutumier vont être remplacées? Elle a dit sa déception quant au fait que la violence contre les femmes n’est mentionnée que rapidement dans le rapport. Elle a demandé quelle était l’ampleur de ce phénomène.
Réponses de la délégation du Kenya
Pour sa part, la Commissaire pour l'enseignement supérieur a d'abord évoqué les actions de discrimination positive menées dans les universités. Elle a indiqué que l'admission à l'université se faisant sur concours, un point de plus est, en conséquence, accordé automatiquement aux filles pour leur permettre de figurer parmi les premières. A son tour, la représentante de l'ONG Maendeleo ya Wanawake, a indiqué que son organisation encourage les rites d'initiation tout en luttant contre la pratique de mutilations génitales. Il s'agit au Kenya d'une percée importante, a-t-elle dit en indiquant que le changement s'est produit parce qu'il est devenu possible aujourd'hui de parler de cette pratique qui n'est plus une question taboue. La pratique des mutilations génitales se limite à certaines tribus et il est très difficile de la modifier comme tout élément culturel. Avec l'entrée en vigueur de la Loi sur les droits de l'enfant, il sera possible d'effectuer davantage de progrès, a estimé la représentante tout en prévenant que l'évolution sera lente. La Loi sur les droits de l'enfant interdit la pratique des mutilations génitales et prévoit donc des mesures préventives, a-t-elle souligné. Abordant la question du VIH/sida, la Secrétaire permanente a jugé que là aussi, le changement d'attitude est au cœur du problème.
S'agissant des arrangements institutionnels, la Commissaire pour les services sociaux a souligné que lorsque l'on parle de mécanismes nationaux pour la promotion de la femme au Kenya, il s'agit d'un cadre qui comprend plusieurs unités. La question de l'égalité entre hommes et femmes étant intersectorielle, elle exige une incorporation dans divers éléments. Le Département pour l'égalité entre les sexes fait partie de ce cadre institutionnel tout comme les bureaux créés dans divers ministères, la Commission relative aux sexospécificités et les ONG. Au niveau des communautés, des programmes sont coordonnés par le Département des services sociaux. En outre, le projet de Constitution propose la mise en place d'une Commission des droits de l'homme et de la justice administrative dotée d'un Commissaire chargé des droits des femmes. Cette Commission deviendra, à son tour, partie intégrante du cadre institutionnel. Apportant des précisions budgétaires, la Commissaire pour les services sociaux a indiqué que son pays est aux premières étapes de la mise au point du budget qui est confiée à un Comité composé des responsables budgétaires des différents ministères.
La politique de promotion de la femme a été mise au point à l'issue de consultations et son approbation par le Parlement vise à lui donner force de loi, a souligné la Secrétaire permanente. Après l'adoption de cette politique, il reviendra alors au législateur d'amender les lois comprenant des dispositions discriminatoires, a-t-elle ajouté. A son tour, la représentante du Parquet a énuméré les sources du droit au Kenya que sont la Loi judiciaire du 19e siècle qui reconnaissait la common law et le droit coutumier comme sources du droit. Le droit coutumier, qui n'est pas codifié, ne s'applique que s'il n'est pas contraire à la moralité. Ainsi, aujourd'hui, il est question d'amender ce droit et de le débarrasser de toute disposition discriminatoire. Le dispositif sur l'égalité entre les sexes est à l’examen mais déjà le projet de constitution interdit le recours aux pratiques traditionnelles pour trancher les questions relatives au mariage.
Pour ce qui est du droit international, le projet de constitution reconnaît désormais clairement ce droit comme source du droit pour le Kenya. Concernant le viol, Mme Nkoroi a admis les préoccupations quant à la place double du viol dans le droit pénal et le droit coutumier. S'agissant de la Commission des droits de l'homme, l'intervenante a souligné qu'il s'agit désormais d'un organe indépendant qui échappe au Gouvernement. Poursuivant sur les sanctions en cas de viol, elle a annoncé la présentation d'un projet de loi au Parlement. Elle a aussi annoncé la décision du nouveau Gouvernement de redéfinir les fonctions du Ministère de la justice qui est désormais chargé des affaires constitutionnelles. Il revient au Ministère, aux côtés du Parquet, de proposer les amendements aux lois comprenant des dispositions discriminatoires. Au cas où la Constitution reste floue sur une question, il revient aussi au Ministre de la justice de proposer les précisions requises.
S'agissant du dualisme droit coutumier -common law, elle a indiqué que les lois à l'examen ont été présentées à la suite d'un rapport établi par un Groupe composé de diverses parties prenantes qui ont recueilli les vues de la population kényenne sur la discrimination à l'égard des femmes.
Dialogue
Mme KOOME a indiqué que le processus de révision de la Constitution a été achevé et que le texte révisé est paru hier. Le Premier Ministre s’est engagé à ce que la Conférence nationale de révision de la Constitution ait lieu en mars prochain. Les délégués à cette Conférence seront ceux qui ont participé à l’élaboration du projet de constitution, les parlementaires, les représentants des districts, dont une femme, ainsi que 25 représentants d’ONG. La Commission chargée de la révision a mis en place un programme de formation des délégués et les organisations féminines ont, pour leur part, mis au point un programme minimum de protection des droits des femmes en vue de créer une commission sur la parité entre les sexes. Le projet de constitution prévoit un calendrier pour l’adoption de lois par le Parlement en vue d’harmoniser la législation nationale avec la future constitution. Un rapport a également été établi fixant un calendrier sur l’élaboration de loi en faveur des femmes. En outre, un comité a été créé pour procéder à la réforme du système judiciaire et du système administratif. Tous les juges recevront une formation à la Convention et aux autres instruments internationaux des droits de l’homme. La Fédération des femmes juristes dispose également d’un programme prévoyant la formation des députés aux instruments internationaux des droits de l’homme ainsi qu’un programme de formation de la prochaine législature aux obligations de la Convention.
Mme KIRAGY a reconnu que les lois relatives à la prostitution favorisent les clients aux dépens des prostituées. Le Ministère de la justice et des affaires constitutionnelles a décidé de faire avancer la réforme pénale. Des modèles de réinsertion des prostituées et des victimes de violence domestique seront analysés par le Gouvernement pour une application future.
Reprenant la série de questions, Mme ACHMAD a souhaité connaître le nombre de femmes et leurs postes au sein des partis politiques. Quels sont les programmes gouvernementaux de promotion des femmes à des postes de responsabilité? Mme KUENYEHIA a demandé ce que comptait faire le Gouvernement pour aider les femmes à participer aux gouvernements locaux?
Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI, experte de l’Algérie, a constaté avec plaisir que presque l’ensemble de la délégation kényenne est composée de femmes, reflet de l’évolution de la situation dans le pays. Il reste encore beaucoup de choses à faire, ce qui est normal après la longue nuit coloniale qu’a connue le Kenya jusqu’en 1963. Les résultats que vous avez obtenus sont encourageants mais il ne faut pas s’arrêter là, les pays d’Afrique ayant en effet subi des programmes d’ajustement structurel qui ont sacrifié les domaines de la santé et de l’éducation. Le niveau de santé général au Kenya s’est amélioré, a relevé l’experte tout en attirant l’intention de la délégation sur la nécessité de maîtriser les taux de croissance démographique. Une femme qui a la maîtrise de ses droits reproductifs reste en bonne santé et est en mesure de donner de bonnes bases éducatives à ses enfants.
Mme TAVARES DA SILVA a relevé l’accroissement progressif du taux de femmes dans la vie publique et politique tout en suggérant le recours à des mesures positives. Par ailleurs, elle a demandé si toutes les discriminations étaient traitées dans le processus de révision de la Constitution. Est-ce que les femmes auront encore besoin du consentement de l’époux pour voyager, a-t-elle également demandé?
Mme POPESCU SANDRU a demandé si, parmi les mesures visant à accroître la participation des femmes dans la vie politique, il était prévu de mettre en place un système de quotas. Quel est le pourcentage de femmes inscrites sur les listes des candidats des partis politiques? L’experte a par ailleurs rendu hommage à la qualité des diplomates kényens rencontrés tout en demandant si le dispositif national était à même de faire des recommandations visant à réaliser un équilibre entre les hommes et les femmes lors des nominations dans la fonction diplomatique.
Le Gouvernement envisage-t-il l'adoption de mesures temporaires pour renforcer la participation des femmes à la vie politique, a demandé Mme SHIN qui a aussi demandé des informations sur le système politique du Kenya avant de recommander la mise en place d'un système électoral plus favorable aux femmes.
Répondant à cette série de questions, la Secrétaire permanente du Département pour l'égalité entre les sexes a indiqué que le principal programme du Gouvernement, dans le domaine électoral, est la Commission électorale qui est chargée de préparer les candidats au processus des élections. La Commission est devenue plus progressiste et essaye de travailler plus étroitement avec les organisations des droits de la femme et d'éducation civique. En outre, le Gouvernement a déployé tous les efforts pour créer un environnement favorable à la coopération entre le secteur public et la société civile dans ce domaine. Toutefois, les actions de défense des droits de la femme sont plus efficaces lorsqu'elles sont dirigées par la société civile, a estimé l'intervenante en soulignant, dans ce cadre, l'importance de la collaboration avec ce segment de la société.
S'agissant des gouvernements locaux, elle a attiré l'attention sur le projet de constitution qui traite spécifiquement de ce problème. Le projet prévoit que la représentation des femmes soit d'au moins un tiers et ce, à tous les niveaux. Le fait que cette position soit consacrée par une constitution représente un progrès considérable, a-t-elle fait observer. Venant à la représentation des femmes au niveau international, elle a estimé que leur nombre réduit dans le service diplomatique peut s'expliquer par le fait qu'il est plus facile pour une épouse de suivre son mari que le contraire. Parlant de la liberté de mouvement des femmes, la Secrétaire permanente a affirmé qu'avec le projet de constitution, les femmes auront désormais le droit de voyager sans le consentement préalable de leur époux.
Pour rassurer les experts sur les progrès en matière de droits de la femme, la Secrétaire permanente a tenu à souligner que son pays est peut-être le seul en Afrique qui reconnaît le rôle vital des ONG comme en témoigne l'existence d'une loi sur la coordination des activités des ONG. L'époque du statu quo est révolue. Le pays dispose de plans stratégiques qui reconnaissent, pour la première fois, à la pauvreté un visage féminin, a-t-elle souligné.
Revenant aux questions, Mme GASPARD a insisté sur la question de la représentation politique et administrative des femmes avant de demander au Kenya de fournir, dans son rapport, des statistiques qui permettent d'analyser au mieux la situation. Par ailleurs, si elle a salué la décision du Gouvernement de fixer à un tiers au moins le quota de la représentation des femmes dans les instances politiques, elle a néanmoins mis en garde contre la tendance à considérer ce quota comme un plafond. La question, a-t-elle souligné, est d'établir la pleine égalité entre les hommes et les femmes. Abordant la question des mutilations génitales, elle a demandé si le Gouvernement a envisagé de recycler les femmes qui pratiquent ces mutilations, mesure qui dans d'autres pays s'est révélée efficace pour la lutte contre ces pratiques.
Mme KAPALATA a souhaité davantage d’informations sur les diverses maladies dont souffrent les femmes en particulier. Est-ce que la pandémie du VIH/sida a été traitée dans une perspective sexospécifique?
Mme SCHÖPP-SCHILLING a relevé qu’en zone rurale, 55% des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté dont la majorité sont des femmes, soit 3,3 millions. Elle a suggéré à l’Etat partie de prendre des mesures innovantes pour que le rôle des femmes soit reconnu. Elle a notamment insisté sur la mise en place de nouveaux dispositifs qui faciliteraient l’obtention de crédits.
Mme PATTEN a, quant à elle, loué l’approche globale adoptée par la Chef de la délégation et la volonté politique du Gouvernement compte tenu des pratiques et traditions profondément ancrées au Kenya qui discriminent les femmes. Elle a demandé à la délégation d’insister auprès du Gouvernement pour que la nouvelle constitution soit connue auprès du public. Parmi les mesures visant à prévenir l’abandon scolaire des filles figurent l’existence de bourses, a relevé l’experte qui a souhaité des détails sur le nombre d’enfants qui en ont bénéficié. Elle a souhaité connaître le montant du budget consacré au programme de bourses.
Mme BOKPE GNANCADJA a demandé si les principales réformes des programmes scolaires ont permis de modifier les mentalités. Faisant référence à la situation des femmes des zones rurales, elle a souligné que leur avenir dépend de la réforme de la loi foncière. Elle a regretté ne pas disposer d’informations sur la situation salariale des hommes et des femmes.
Mme FUMIKO SAIGA, experte du Japon, a demandé d’expliquer la manière dont la question du harcèlement sexuel sur le lieu de travail était gérée.
Reprenant la parole, Mme BELMIHOUB-ZERDANI a demandé si le nouveau Gouvernement entend accorder une place importante aux femmes rurales. Elle a rappelé à cet égard que leur contribution est essentielle pour le Plan de développement durable mis en oeuvre dans le cadre du NEPAD. Est-ce que le Gouvernement envisage de garantir dans ses plans de développement l’accès des femmes rurales au crédit?
Répondant aux questions des experts, Mme MWIKALI MUTINDA a indiqué que le programme de bourses a été mis en place en 1994. Le budget pour l’exercice 2000-2001 lui consacrait 400 millions de dollars kényens. La loi sur les mariages précoces a été promulguée en mars 2002 et nous n’avons encore pas pu en évaluer l’effet.
Un autre membre de la délégation a précisé que c’est par l’éducation que l’on sensibilise progressivement la population au caractère néfaste des mutilations génitales, certaines femmes la pratiquant ont volontairement cessé de le faire. En zone rurale, le manque d’infrastructures et les besoins de base qui ne sont pas satisfaits constituent un problème considérable. Il faut des systèmes d’adduction d’eau et un réseau routier pour améliorer grandement la vie des femmes. Le nouveau Gouvernement a rétabli le Ministère des coopératives dans le cadre desquelles les Kényens peuvent obtenir des crédits sans avoir à présenter des garanties. Nous devons maintenant faire en sorte que les femmes puissent faire pleinement usage de cette possibilité.
Concluant, elle a répondu sur la question du VIH/sida. Elle a ainsi indiqué que le Conseil national du sida a mis au point une politique d'intégration de la sexospécificité grâce à une consultation avec les ONG. Se fondant sur les travaux du Conseil, le Gouvernement du Kenya s'est engagé à appuyer, de nouveau, la campagne de presse sur cette pandémie. Dans ce cadre, le Gouvernement travaille toujours en collaboration constante avec les ONG.
Lançant la dernière série de questions, Mme SIMONOVIC a voulu connaître le statut juridique des biens appartenant à des femmes après un divorce et sollicité un avis sur la compatibilité des dispositions existantes avec l'article 15 de la Convention relatif à l'égalité devant la loi. Elle s'est aussi interrogée sur les réformes prévues en ce qui concerne le droit de famille, en particulier les dispositions relatives au mariage. S'agissant du droit à choisir son nom de famille, l'experte a voulu savoir quelle est la pratique en vigueur au Kenya et s'il est question d'adopter une réglementation en la matière. Elle a enfin demandé des informations concernant la politique nationale de mise en oeuvre du Plan d'action de Beijing et du Plan d'action Beijing+5.
A son tour, Mme GONZALEZ MARTINEZ a regretté les contradictions entre le droit national au Kenya et les articles 15 et 16 de la Convention relatifs à l'égalité devant la loi et au droit de la famille. Aucun changement n'a été apporté à la loi sur le domicile, a-t-elle insisté en soulignant, en outre, que la Convention n'est pas respectée lorsque l'épouse ne peut inclure ses enfants dans son passeport sans le consentement préalable du mari. Mme KHAN est revenue sur les quatre formes de mariage en vigueur au Kenya. Ces lois personnelles, a-t-elle rappelé, sont la plupart du temps discriminatoires à l'égard des femmes. En conséquence, qu'en est-il de l'avenir de ces différents régimes de mariage, s'est inquiétée l'experte en relevant un paradoxe entre le projet de constitution qui interdit la discrimination et la persistance de ces régimes.
Intervenant à nouveau Mme TAVARES DA SILVA est revenue sur les iniquités de la loi sur le domicile et sur les différents régimes du mariage. Elle a aussi noté une contradiction entre l'interdiction frappant d'interdiction le mariage des mineurs alors que le régime de mariage musulman l'autorise. Au cas où le projet de constitution est adopté, qu'advient-il, a demandé Mme SHIN, d'une veuve chassée du domicile conjugal par ses beaux-parents. Qu’entend faire le Gouvernement pour y remédier? Mettrait-il les beaux-parents en prison, organiserait-il une séance de conciliation ou offrirait-il un abri à la femme?
Le Kenya, a dit avoir constaté Mme BOKPE GNACADJA, s'achemine vers une législation qui consacre l'égalité des droits entre hommes et femmes tout en ne touchant pas au problème de la discrimination à l'égard des femmes mariées. Tant que la législation n'aura pas qualifié de discriminatoires les pratiques ethniques, culturelles et religieuses, aucun progrès ne sera possible. L'experte a appelé à faire preuve de volonté politique, à éduquer les partis politiques et à sensibiliser les femmes. Mme MORVAI a ajouté à cette liste l'assistance juridique. Elle a ensuite souligné que lorsque l'on parle d'égalité entre les hommes et les femmes, il faut convaincre ces dernières que leurs responsabilités traditionnelles sont désormais à partager de manière égale avec les hommes. Il est important que les femmes politiques fassent passer ce message à la société, a-t-elle proposé comme mesure.
Mme BELMIHOUB-ZERDANI a, à son tour, relevé le fait que le droit kényen reconnaît le droit de discriminer en certaines matières. Elle est revenue, dans ce cadre, sur la loi sur le domicile conjugal. Elle a de manière générale, demandé des précisions sur les quatre formes de mariage et, en particulier le divorce et la dévolution successorale. Comment concilier la nouvelle constitution et le droit coutumier? a demandé Mme PATTEN en voulant savoir également si le Gouvernement envisage la reconnaissance du mariage coutumier.
Répondant aux questions des experts, Mme KOOME a expliqué que les droits de propriété des femmes en cas de divorce reposent sur la loi de 1882. On tente actuellement de mettre au point une loi sur le droit de propriété qui régira celui des femmes. A l’heure actuelle, il existe une jurisprudence qui détermine que tous les biens acquis au cours du mariage sont partagés entre le mari et la femme, et ceci est valable pour tous les types de mariage, y compris ceux contractés en vertu du droit coutumier. Une femme est donc en droit de réclamer son dû devant une juridiction ordinaire même si elle a contracté un mariage coutumier. Il est maintenant nécessaire que cette jurisprudence devienne loi. Même si la femme est en vertu du droit coutumier, tout tribunal ordinaire peut inverser une décision sur la base des principes énoncés dans la Constitution, à savoir la dignité de la personne et le principe de l’égalité. Nous tentons avec le Gouvernement de mettre au point un système d’aide judiciaire. Aucune loi n’exige de modifier son nom lors d’un mariage, a précisé la représentante. Il s’agit donc d’un choix personnel et la tendance actuelle veut que de nombreuses filles choisissent de garder leur nom de jeune fille.
Mme AMBWERE a expliqué qu’il existait un Plan d’action national pour la promotion de la femme qui reprend les principaux domaines prioritaires du Programme d’action de Beijing. Nous avons mis au point un Plan d’action stratégique pour 2001-2006, a-t-elle indiqué, précisant par ailleurs qu’il n’existe pas de discrimination au Kenya pour ce qui est des rémunérations.
Mme ONGEWE a expliqué que le système multipartite est en vigueur depuis 10 ans au Kenya et qu’il existe un énorme besoin de formation et de sensibilisation à la contribution des femmes à la vie politique et publique.
La Présidente du Comité, Mme ACAR, s’est dite impressionnée par le haut degré de compétence de la délégation et des efforts déployés, estimant que le Kenya se trouve actuellement à la croisée des chemins. La discrimination est encore présente malheureusement en raison de la persistance des traditions. Nous sommes très préoccupés par la contradiction qui existe entre la Constitution et les pratiques discriminatoires en vertu du droit coutumier, notamment la polygamie et les mutilations génitales. Il est troublant de constater une certaine résignation qui semble se dégager du rapport. La diversité religieuse et culturelle ne saurait être une excuse pour violer les droits des femmes.
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