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Communiqués de presse Procédures spéciales

LES RAPPORTEURS SPECIAUX SUR LE MYANMAR ET LE SOUDAN FONT PART DE LEURS ESPOIRS ET DE LEURS PREOCCUPATIONS A LA TROISIEME COMMISSION

06 Novembre 2002



Troisième Commission
6 novembre 2002
37e séance - matin



La Troisième Commission a entendu ce matin les Rapporteurs spéciaux sur la situation des droits de l'homme au Myanmar et au Soudan.

M. Paulo Sergio Pinheiro, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, a rendu compte de sa dernière visite au Myanmar, du 17 au 28 octobre 2002. Les processus de politique ne sont pas des processus linéaires, a fait remarquer le Rapporteur spécial. Il a évoqué la libération de prisonniers politiques au Myanmar et a déclaré que bien que ce mouvement n'en soit qu'à ses prémices, 836 prisonniers politiques ont déjà été libérés depuis janvier 2001 et depuis la libération le 6 mai 2002 de Mme Daw Aung San Suu Kyi, 155 prisonniers politiques ont été élargis. M. Pinheiro a indiqué que des indices permettaient de penser que les mauvais traitements ne sont plus systématiques à l'encontre des détenus. Il a ajouté que la libération de Mme Daw Aung San Suu Kyi est un événement historique et que les relations entre le pouvoir et la Ligue nationale pour la démocratie(LND) se sont beaucoup améliorées.

Cependant, le Rapporteur spécial sur le Myanmar a observé que les arrestations avaient continué en 2002, et certains prévenus ont été maltraités au cours des interrogatoires. Les libertés d'expression et de réunion sont encore très limitées. Il s'est dit très inquiet des allégations de viols par le personnel du Conseil d'Etat pour la paix et le développement (SPDC) dans la province du Shan au cours des trois derniers mois. M. Pinheiro a décliné une invitation à se rendre dans cette province, car une courte visite ne lui semblait absolument pas suffisante pour vérifier les graves accusations qui lui avaient été rapportées, et a fait la proposition d'une enquête indépendante aux autorités. Au cours de la discussion, des délégations ont fait part de leurs préoccupations devant ces allégations de viols.

Dans sa présentation, M. Gerhart Baum, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Soudan, a mis l'accent sur le début des pourparlers de paix, à la suite de la signature du Protocole de Machakos, le 20 juillet 2002.

M. Baum a recommandé que le processus de paix soit assorti d'un système de surveillance et d'un calendrier précis. Il a appelé la communauté internationale à aider ce pays qui dispose enfin d'une véritable chance de paix et dégager des ressources en vue de préparer les populations à la paix et à la démocratisation. Toutefois, M. Baum a regretté qu'aucun engagement n'ait été pris en matière de droits de l'homme. Il a dénoncé les intimidations des forces d'opposition, la situation des femmes et la création de tribunaux d'exception dans le Darfour.

Le représentant du Soudan et plusieurs délégations ont vivement critiqué le rapport écrit de M. Baum, le considérant inique et mal informé. Des délégations lui ont également demandé de préciser son interprétation du droit au développement et se sont inquiétées qu'il examine, de nouveau cette année, la manière dont le Soudan, État souverain qui n'est pas sous mandat, utilise ses ressources. D'autres questions ont également porté sur la définition du mécanisme de contrôle international que recommande M. Baum dans son rapport.

La Troisième Commission poursuivra ses travaux cet après-midi, à 15 heures, et entendra le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Burundi ainsi qu'une déclaration qui sera faite au nom du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo.


QUESTIONS RELATIVES AUX DROITS DE L'HOMME

Documentation

Dans son rapport sur la situation des droits de l’homme au Soudan (A/57/326), M. Gerhardt Baum, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, indique qu’il s’est rendu dans la région en février et mars 2002. Au cours de sa visite, il a noté avec satisfaction qu’un certain nombre de mesures susceptibles de conduire à une amélioration de la situation des droits de l’homme avaient été prises. S’agissant des pourparlers de paix, le Rapporteur spécial se félicite de la signature le 20 juillet 2002 du Protocole de Machakos portant sur la question de l’autodétermination et de celle des rapports entre la religion et l’Etat, qui étaient jusque là les pierres d’achoppement des négociations. Toutefois, il note avec inquiétude que la participation de la société civile reste limitée. Il déplore également que depuis sa mission, il n’a cessé de recevoir des informations dénonçant les multiples et graves violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international perpétrées par toutes les parties au conflit, qui entre dans sa 19e année. En outre, le Rapporteur spécial a été informé que 150 000 à 300 000 personnes auraient été déplacées dans la seule région du Haut-Nil occidental depuis le début de 2002. Ces informations relèvent qu’entre janvier et avril 2002, le Gouvernement a détruit 40 villages dans l’ouest et le nord du Haut-Nil et que le 13 mars, le MPLS/APLS a brûlé le village de Tuhubak, dans l’Equatoria Est. De surcroît, l’ONU a condamné l’interdiction d’accès à 43 localités et s’est déclarée préoccupée de l’interdiction des vols d'assistance humanitaire.

Abordant la question du pétrole, le Rapporteur spécial a reçu d’alarmantes informations relatives aux graves violations des droits de l’homme qui se poursuivent dans le cadre de l’exploitation pétrolière visant à dépeupler les zones riches en pétrole afin d’en prendre le contrôle. Ainsi le cessez-le-feu dans les monts Nouba aurait facilité le déploiement de troupes au sein du riche Etat pétrolier d’Unity. D’après certaines sources près de 80 000 personnes du comté de Ruweng et près de 50 000 dans l’ouest du Haut-Nil seraient déplacées et en grand danger de manquer de vivres. Par ailleurs, le Rapporteur spécial a appris que les recettes du pétrole avaient permis un accroissement des dépenses militaires qui auraient plus que doublé. Il se déclare de nouveau inquiet de la situation qui règne dans l’état d’Unity, étant donné la recrudescence des activités guerrières et militaires.

S’agissant des enlèvements, le Rapporteur spécial a noté la création du Comité pour l’élimination des rapts de femmes et d’enfants (CERFE), placé sous la supervision directe du chef de l’Etat, et que dans le cadre du dialogue avec l’Union européenne, le Soudan s’était engagé à lutter contre les rapts. Il informe toutefois la Commission des conclusions du rapport publié par le Groupe de personnalités, créé à l’initiative du sénateur Danforth, qui mentionne que le Gouvernement soudanais et ses prédécesseurs avaient armé les groupes de Murahaleen, les avaient utilisés comme force militaire auxiliaire et avaient laissé les membres de ces forces perpétrer impunément une importante gamme de graves délits. Il signale également que le Groupe a conclu que dans un nombre important de cas, le rapt était la première étape de violences systématiques qui relèvent de l’esclavage. Toutefois, le Groupe n’a pas été en mesure de déterminer l’ampleur des rapts et de l’esclavage.

Le Rapporteur spécial attire l’attention sur la situation dans le Darfour, notamment sur la détérioration de la situation socioéconomique et du conflit local qui oppose les tribus Four et Massaleit aux Arabes du Darfour et du Tchad voisin. Ainsi, selon certaines sources, pas moins d’un million de personnes risquerait actuellement de mourir de faim. En outre, le Rapporteur spécial se déclare profondément préoccupé par l’établissement de tribunaux spéciaux.

Dans le cadre de la transition vers la démocratie, le Rapporteur spécial déplore que des violations des droits de l’homme surviennent constamment et qu’il n’y ait pas d’action officielle pour les sanctionner. Il s’inquiète de l'absence de liberté, de la liberté de religion et de la situation des femmes. Le Rapporteur spécial demande au Mouvement populaire de libération du Soudan et à l’Armée populaire de libération du Soudan (MPLS/APLS) de travailler à l’établissement de structures démocratiques pour remplacer les structures militaires actuelles et souligne l’importance de ce faire comme condition cruciale à l’application du droit à l’autodétermination. Le Rapporteur spécial encourage l’ensemble de la communauté internationale, les donateurs et les ONG à appuyer activement, notamment du point de vue financier, le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et le Gouvernement soudanais dans leur entreprise conjointe.

La note du Secrétaire général sur la situation des droits de l’homme au Myanmar (A/57/290) concerne le rapport intérimaire sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, établi par le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, M. Paulo Sergio Pinheiro. Il estime que la récente amélioration de la situation politique, en particulier la libération le 6 mai 2002 de Mme Daw Aung San Suu Kyi après 19 mois de résidence surveillée, n’avait pas amené de changements significatifs dans la situation humanitaire, ni dans celle des droits de l’homme dans ce pays. Le Rapporteur spécial estime que de tels changements ne seront réalisables que dans le contexte d’un processus de réconciliation nationale et de progrès concrets, comme la libération inconditionnelle de tous les prisonniers politiques, la suppression des entraves aux droits fondamentaux et aux libertés essentielles, la fin des restrictions au fonctionnement des partis politiques, et l’instauration de la primauté du droit.

Le Rapporteur spécial décrit un pays où la pauvreté est généralisée, l’économie pâtissant d’un déficit croissant, d’une inflation galopante, du manque de sources d’énergie et de devises, d’un enseignement médiocre, de la propagation du VIH/sida et de problèmes liés à l’abus de stupéfiants. Il estime qu’à court terme, la fourniture d’une aide humanitaire ciblée pourrait couvrir les besoins fondamentaux de la population, en particulier pour les groupes les plus vulnérables. Il signale des violations des droits de l’homme, notamment dans les zones d’opérations militaires et dénonce les déplacements de population. Enfin, le Rapporteur spécial demande une étude sur les conditions carcérales des détenus.


Déclaration liminaire

M. PAULO SERGIO PINHEIRO, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, a fait un compte rendu de sa dernière visite au Myanmar, du 17 au 28 octobre 2002. Il a indiqué avoir bénéficié une nouvelle fois de l'entière coopération des autorités du Myanmar. Les périodes de transition politique ne sont pas des processus linéaires, a-t-il déclaré, et l'on assiste parfois à des retards, comme c'est le cas au Myanmar. Lors de sa dernière visite, le Rapporteur spécial a cherché à comprendre comment et pourquoi certains prisonniers politiques sont libérés. Ce mouvement n'en est qu'à ces prémices, a -t-il indiqué, et 836 prisonniers politiques ont été libérés depuis janvier 2001. Les relations entre le pouvoir et la Ligue nationale pour la démocratie (LND) se sont améliorées, avec la libération de 401 femmes enceintes ou avec de jeunes enfants pour raison humanitaire et de 435 prisonniers politiques. Parmi ces derniers, 155 l'ont été après la libération le 6 mai 2002 de Mme Daw Aung San Suu Kyi et cinq ont même été libérés durant la mission du Rapporteur spécial qui a pu en rencontrer deux. M. Pinheiro a indiqué que certains indices permettaient de penser que les mauvais traitements ne sont plus systématiques. La libération de Mme Daw Aung San Suu Kyi a été un événement historique et elle peut désormais circuler dans le pays, a-t-il ajouté.

Cependant, a observé le Rapporteur spécial, les arrestations ont continué en 2002, et certains prévenus ont été maltraités au cours des interrogatoires. Leur crime était d'avoir été en possession de documents qualifiés d'illégaux ou avoir participé à des manifestations. Cela montre combien les libertés d'expression et de réunion sont limitées, a-t-il expliqué. Il a demandé officiellement la libération de 24 prisonniers politiques qui ont vu leur peine prolongée pour avoir fourni des informations aux Nations Unies. Les autorités lui ont indiqué que ces nouvelles peines ne seront pas appliquées. Concernant les détenus, il a déploré qu'il soit difficile, en l'absence de processus légal et judiciaire cohérent, de faire la différence entre les prisonniers politiques et les autres détenus. Garder les premiers en prison est injuste et contraire au processus démocratique, a rappelé M. Pinheiro.

Le Rapporteur spécial s'est dit très inquiet des allégations de viols par le personnel du Conseil d'Etat pour la paix et le développement (SPDC) dans la province du Shan au cours des trois derniers mois. M. Pinheiro a décliné une invitation à se rendre dans cette province, car une courte visite ne lui semblait absolument pas suffisante pour vérifier les graves accusations qui lui avaient été transmises. Il faudrait une équipe d'évaluation indépendante et M. Pinheiro s'est dit prêt à en coordonner les activités. Il a fait une proposition dans ce sens aux autorités du Myanmar. L'équipe indépendante pourrait associer au CICR le SPDC, et la LND a exprimé son souhait d'en faire partie. Le 4 novembre, le SPDC a accepté cette proposition. Dans toute transition démocratique, il faut faire preuve de persévérance et s'assurer que les droits de l'homme sont respectés, a conclu le Rapporteur spécial.


Réponse des parties concernées et dialogue avec les délégations

Le représentant du Myanmar a félicité le Rapporteur spécial pour son impartialité et l'objectivité avec laquelle il a rempli sa mission. Il a rappelé que le processus d'évolution démocratique dépendait aussi de mesures d'encouragement de la part des pays développés et a réaffirmé l'engagement de son pays d'instaurer un système démocratique sur des bases solides. Il a également rappelé que son pays s'était engagé en toute liberté dans la voie de la transition démocratique. Il a reconnu que des efforts restaient à faire dans le domaine de la liberté de la presse et de la mise en conformité de certaines lois. Toutefois, il a plaidé pour qu'on laisse au Myanmar le temps de prendre les mesures nécessaires. Il a assuré la Commission que la libération des prisonniers politiques s'accélère progressivement. S'agissant de la violence dans les prisons, le Représentant a annoncé que le Gouvernement avec l'aide du CICR avait pu y mettre un terme. Il a dénoncé l'action des séparatistes qui cherchent à influencer les travaux du Rapporteur spécial et à distraire son attention. Il s'est étonné de ce que le Rapporteur spécial ait refusé de se rendre dans l'Etat du Shan. A cet égard, il a indiqué que le Gouvernement avait demandé au CICR et au Centre suisse pour le dialogue humanitaire de visiter cet Etat et de faire un rapport sur la situation humanitaire et les allégations de viols systématiques. Il a attiré l'attention de la Commission sur le fait que le Myanmar se débattait toujours contre l'extrême pauvreté et contre les problèmes qui émanent des pressions l'extérieur. Il a signalé à la Commission que le Myanmar avait grimpé dans l'index de développement humain du PNUD. En outre, il a déclaré que le taux de prévalence du VIH/sida au Myanmar se situait en-dessous du taux épidémique.

S'agissant des conflits armés, le représentant a expliqué qu'ils avaient commencé depuis l'indépendance et n'étaient pas imputables au Gouvernement actuel, qui s'efforce de rétablir la coexistence pacifique au sein de l'Etat du Myanmar. Il a attiré l'attention sur le fait que la division des communautés avait été introduite par le pouvoir colonial et qu'elle était entretenue par les séparatistes, dont l'action continue de ralentir le processus de démocratisation. Le Gouvernement, a-t-il expliqué, était pleinement conscient que ces forces séparatistes avaient déjà renversé le premier Gouvernement démocratiquement élu, ce qui l'incite à la prudence dans son processus de démocratisation.

Au nom de l'Union européenne, le représentant du Danemark a posé la question de savoir comment la communauté internationale pouvait-elle contribuer à l'établissement du dialogue politique. M. Pinheiro a indiqué que tous les groupes ethniques devraient pouvoir participer aux discussions politiques. La libération de Mme Daw Aung San Suu Kyi est un signe très encourageant car elle pourra participer à ce dialogue en tant que dirigeante d'un parti politique, a-t-il ajouté. Concernant la libération de prisonniers politiques, il a estimé que la raison du rythme saccadé des libérations était que les autorités cherchent à en garder la maîtrise et veulent éviter la déstabilisation du pays. Cela dit, le Rapporteur spécial a annoncé qu'il continuerait à demander la libération de tous les prisonniers politiques "car c'est ma mission," a-t-il ajouté. Il a encouragé la communauté internationale à se mettre en contact avec la Secrétaire générale de la LND et à dialoguer avec les autorités du Myanmar. A la représentante du Canada qui demandait si les chiffres avancés dans son rapport par le Rapporteur spécial étaient exacts, M. Pinheiro a déclaré qu'il se félicitait de ce que ces chiffres n'étaient nullement contestés par le Gouvernement.

Aux représentants des Pays-Bas, de la Nouvelle Zélande, des Etats-Unis et de la République de Corée qui voulaient avoir des informations sur les allégations de viols dans la Province du Shan et la situation des personnes déplacées, le Rapporteur spécial a indiqué qu'il ne s'était pas rendu dans la province de Shan, et qu'il refusait d'y aller du fait de ses faibles moyens. C'est une région très difficile d'accès et il craint de ne rien pouvoir vérifier. Il avait fait une proposition aux autorités du Myanmar, ainsi qu'il l'avait expliqué dans sa déclaration liminaire. Il a insisté sur la nécessité d'une enquête indépendante. Les délégations citées ont soutenu la proposition d'une enquête indépendante, mais ont déploré la décision du Rapporteur spécial de ne pas se rendre dans la province du Shan.

Concernant les personnes déplacées, autre sujet de préoccupation des délégations citées, M. Pinheiro a indiqué que le HCR et le CICR travaillaient le long des frontières. Il a attiré l'attention sur les problèmes des "zones noires", c'est-à-dire des zones d'opérations militaires. Concernant le rôle des Nations Unies, le Rapporteur spécial a rencontré les institutions spécialisées, dont certaines sont en contact avec les autorités du Myanmar. Il a précisé que son mandat ne portait que sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, et ne couvrait donc pas ce qui se passait en dehors du pays. Certes, les témoignages de réfugiés sont importants, mais c'est à l'intérieur qu'il souhaite enquêter. La présence de la Croix-Rouge est très importante. Il a fait part de témoignages de détenus lui indiquant que leurs conditions de détention s'étaient améliorées après le passage de la Croix-Rouge. "Ne croyez pas que la prison soit un paradis, a-t-il déclaré. Là-bas, la prison, c'est l'enfer!"

La représentante de l'Inde a posé au Rapporteur spécial la question de savoir s'il était temps de lever les sanctions contre le Myanmar, afin de contribuer à la réalisation des grands changements qu'il décrit dans son rapport. M. Pinheiro a parlé de la longue transition au Brésil: si les grandes démocraties occidentales ne s'étaient pas engagées en faveur de la démocratie, le Brésil serait peut être encore soumis à une dictature militaire, a-t-il déclaré. "C'est la même chose au Myanmar", a-t-il précisé. Concernant la levée des sanctions, le Rapporteur spécial a estimé que toute réponse dépasserait de beaucoup les limites de son mandat. "J'ai déjà assez de problèmes avec mon mandat, sans en rajouter," a-t-il conclu.


Déclaration liminaire

M. GERHART BAUM, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Soudan, a rendu compte de sa dernière visite au Soudan, au Kenya et en Egypte aux mois de septembre et d'octobre 2002. Il a attiré l'attention sur le début du processus de paix et espérait qu'il serait couronné de succès, ce qui aurait une conséquence positive sur la situation des droits de l'homme. A cet égard, il s'est félicité de l'apport positif des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la Norvège. Il a estimé que le processus de paix devrait être assorti d'un système de surveillance et d'un calendrier précis, et a fait des propositions dans ce sens. Il a donné un aperçu général de la création de nouvelles institutions, mais a regretté qu'aucun engagement n'ait été pris en matière de droits de l'homme. En outre, il a déploré qu'en général les partis d'opposition, les étudiants politiquement engagés et les journalistes indépendants continuent d'être exposés à toutes sortes de harcèlement. Il a rappelé qu'il avait recommandé au Gouvernement d'établir une commission nationale des droits de l'homme. Il a regretté que l'état d'urgence reste en place et que les forces de sécurité continuent de commettre des exactions dans l'impunité.

M. Baum a souligné l'importance de garantir l'accès à l'aide humanitaire et a accueilli avec satisfaction la signature, le 15 octobre 2002, d'un mémorandum d'accord entre le Gouvernement et le MLPS/APLS en vue de cesser les hostilités pendant les pourparlers, ainsi que la signature le 26 octobre de l'accord d'aide entre le Gouvernement, le MPLS/APLS et les Nations Unies, destiné à garantir l'accès de l'assistance humanitaire. Le Rapporteur spécial a rappelé les préoccupations mentionnées dans son rapport concernant le nombre important de personnes déplacées. Il s'est inquiété aussi de la situation des femmes et a estimé qu'il était décourageant de constater que les coupables de violations des droits des femmes ne sont pas poursuivis. Face aux violations des droits de l'homme qui restent courantes dans le pays, le Rapporteur spécial a dénoncé l'énorme pouvoir des forces de sécurité et a demandé au Gouvernement de ratifier la Convention contre la torture.

M. Baum a rendu compte de sa visite dans le nord du Darfour et a demandé au Gouvernement d'abolir les tribunaux d'exception et de chercher d'autres moyens de résoudre les conflits tribaux. Le Rapporteur spécial a également attiré l'attention sur l'utilisation des ressources pétrolières dans le contexte du droit au développement. Il a estimé que l'heure était venue de mettre l'accent sur les pourparlers de paix et de dégager des ressources en vue de préparer les populations à la paix et à la démocratisation. Il a insisté sur le fait qu'il fallait donner toutes les chances de succès aux accords de Machakos et a appelé toutes les parties à l'intérieur et à l'extérieur du Soudan à joindre leurs efforts. Il a également encouragé la communauté internationale à aider ce pays qui dispose enfin d'une véritable chance de paix.


Réponse des parties concernées et dialogue avec les délégations

M. ELFATIH MOHAMED AHMED ERWA (Soudan) a rappelé l'engagement de son Gouvernement en matière de promotion et de protection des droits de l'homme. C'est en vertu de cet engagement que son Gouvernement a collaboré avec le Rapporteur spécial. Il a rappelé cependant que son pays était opposé à la politique des deux poids et deux mesures en ce qui concerne les droits de l'homme. L'approche adoptée par les rapporteurs spéciaux consiste à critiquer des pays qui sont tous des pays en développement et cela ne contribue pas à un monde plus juste, a-t-il ajouté. Le Représentant a indiqué que le rapport concernait le conflit dans le sud du pays. Son Gouvernement n'a épargné aucun effort pour mettre un terme à ce conflit et rétablir la paix. Mais les forces rebelles ont opposé une fin de non-recevoir à la proposition de son Gouvernement. Il a toutefois fait mention de développements positifs avec la signature de l'accord signé en juillet et confirmé en octobre. Le processus de paix dans le Sud-Soudan permettra de modifier les conditions des droits de l'homme dans son pays. Il a déploré que le rapport ne relate pas tous les efforts de son Gouvernement car les pourparlers de paix se poursuivent et tout effort visant à promouvoir la situation des droits de l'homme au Soudan devrait être soutenu plutôt que de mettre l'accent sur les aspects négatifs. Il a remercié le Rapporteur spécial de reconnaître que l'amélioration des droits de l'homme doit aller de pair avec la fin du conflit au Sud-Soudan.

Revenant sur le rapport remis aux délégations, le représentant a estimé que le Rapporteur était sorti du cadre de son mandat. M. Baum, a-t-il regretté, avait tenu une conférence de presse trois mois avant sa visite. Et comme prévu, ses préjugés sont devenus des conclusions. "Son comportement est aussi étrange que déplorable", a insisté le représentant. Sa délégation se demande si le Rapporteur n'a pas reçu un mandat différent pour sa mission. De plus, le Rapporteur spécial a offensé la religion de son pays, l'islam, car il a déclaré que la charia était à certains égards incompatible avec les droits de l'homme. Les valeurs de l'islam sont des valeurs profondément humaines, a repris le Représentant qui a demandé des explications. "M. Baum a offensé les musulmans en public et doit donc présenter des excuses publiques," a affirmé le représentant. Enfin, le rapport ne cite pas ses sources et parfois relaie des rumeurs. Ce rapport est inéquitable, a déclaré le Représentant, et va même jusqu'à critiquer des pratiques traditionnelles et faire des procès d'intention au Gouvernement. Le Représentant du Soudan a indiqué que son Gouvernement ne pouvait accepter ce document sans fondement.

Répondant à l'intervention du Soudan, M. Gerhart Baum s'est déclaré déçu de constater que le représentant ne semblait pas comprendre que ses recommandations étaient faites dans le sens d'une évolution positive vers la paix. Il a regretté que le représentant fasse allusion à la Charia qui n'est pas mentionnée dans son rapport. Il a soutenu que la plupart des violations des droits de l'homme sont liées au conflit, mais a insisté que les violations commises par les forces de sécurité ne sont pas le fait de la guerre. En outre, le Rapporteur spécial a précisé qu'il n'avait pas l'obligation de citer ses sources. Il a en outre déploré que le représentant s'offusque de ses recommandations concernant la réalisation du droit au développement et a de nouveau cité les instruments internationaux qui justifient sa position. Il a soutenu que le Gouvernement était tenu par cette obligation de réaliser le droit au développement à une plus grande transparence dans la manière dont il utilise ses ressources. Il a assuré que sa première préoccupation n'était pas de critiquer le Soudan, mais de l'aider et de lui donner des conseils pour stimuler son combat contre certaines tendances au sein de son pays.

A l'issue de cette intervention, de nombreuses délégations, notamment le Maroc et l'Egypte, ont émis des réserves concernant le fait que le Rapporteur spécial aurait communiqué ses conclusions à la presse, avant leur publication. S'agissant des accusations selon lesquelles, il aurait parlé à la presse avant la parution du document officiel, le Rapporteur spécial a, de nouveau, expliqué qu'il s'était limité à donner à la presse les grandes lignes d'un rapport qui avait été présenté à la Commission des droits de l'homme, ce qui n'était pas interdit. Il a réfuté les critiques selon lesquelles son rapport serait trop vague. Il a demandé aux délégations de se reporter à son texte qui mentionne le nom de nombreuses victimes qui ont été torturées et au sujet desquelles il a fourni de nombreux détails. La représentante du Danemark, au nom de l'Union européenne a déclaré son appui au Rapporteur spécial, appuyant aussi son choix de ne pas révéler ses sources. En outre, elle a remarqué qu'il était autorisé que les Rapporteurs spéciaux discutent avec des journalistes de documents officiels, qui sont accessibles à tous sur l'Internet.

Aux questions du Danemark portant sur l'aide concrète qui pourrait être apportée au Soudan, et sur la participation de la société civile, M. Baum a répondu qu'il fallait aider le Soudan à former une police, une magistrature indépendante et un système éducatif solide.

Répondant aux questions de l'Union européenne sur les tribunaux d'exception dans le Darfour et les condamnations à mort de 38 personnes dont 2 avaient moins de 18 ans au moment des faits, le Rapporteur spécial a précisé que ces cas sont en attente de jugement devant la Cour d'appel de Khartoum et a exprimé l'espoir que cette affaire connaîtrait un dénouement positif.

De même que l'Egypte, la République arabe syrienne, et la République islamique d'Iran, le Représentant de la Jamahiriya arabe lybienne a réaffirmé que le Soudan était un Etat souverain qui n'était pas sous mandat. Ces délégations ont accusé le Rapporteur spécial d'ingérence dans les affaires intérieures du Soudan, estimant que le Rapporteur spécial doit se garder de prononcer des jugements sur la manière dont ce pays dispose de ces ressources pétrolières. Ces délégations ont estimé que le Rapporteur spécial outrepassait le cadre de son mandat qui se limite à évaluer la situation des droits de l'homme et lui ont demandé de préciser son interprétation du droit au développement. La Chine a regretté que le Rapporteur spécial ne rende pas compte de l'amélioration de la situation, ce qui ne permet pas d'évaluer les progrès du Gouvernement. Répondant aux questions sur son interprétation du droit au développement, le Rapporteur spécial a demandé à ce que l'on discute de ce problème de manière approfondie, dans un cadre plus approprié à Genève. Il a néanmoins insisté sur le fait que le droit au développement sous-entend une répartition équitable des ressources. Il a estimé qu'il fallait se concentrer sur l'avenir du Soudan et a appelé toutes les forces de bonne volonté pour qu'elles aident le Soudan à aborder la question des personnes déplacées.

Les représentants de la République islamique d'Iran, de Cuba et du Canada ont demandé des précisons concernant le mécanisme international de surveillance de la situation des droits de l'homme que préconise le Rapporteur spécial. Malheureusement, celui-ci n'a pas eu le temps de répondre à ces questions.

Reprenant la parole, le représentant du Soudan a rappelé qu'il savait très bien ce qui se passait dans son Gouvernement. Il a confirmé que le Rapporteur spécial avait rencontré plus de 400 personnes dans son pays, mais a déploré que son rapport transmette des rumeurs. Revenant sur l'excision, il a déploré que le Rapporteur fasse des procès d'intention à son Gouvernement, alors que le Rapporteur reconnaît que son Gouvernement ne soutient pas cette pratique.




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