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Communiqués de presse Procédures spéciales

LE GROUPE DE TRAVAIL SUR LES DISPARITIONS FORCÉES OU INVOLONTAIRES CONCLUT SA VISITE AU MAROC

26 Juin 2009



26 Juin 2009

Le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires s’est rendu au Maroc du 22 au 25 juin 2009. Il s’agissait de la première visite du Groupe de travail dans un pays Arabe ou Africain. Le Groupe de travail souhaite remercier le Gouvernement du Royaume du Maroc (“Maroc”) pour son invitation et pour avoir coopéré de manière positive avant et pendant la mission. Le Groupe de travail souhaite également remercier le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) au Maroc et le Secrétariat des Nations Unies pour l’aide inestimable qu’ils lui ont apporté.

L’objectif de cette visite était de rassembler des éléments d’information qui pourraient permettre de clarifier des cas non résolus ainsi que de faire un bilan des activités de l’Instance Equité et Réconciliation (IER). Pendant la mission, le Groupe de travail a rencontré le Ministre de la Justice, des hauts fonctionnaires du Ministère des affaires étrangères et de la coopération, du Ministère de la Justice et du Ministère de l’intérieur, ainsi que la coordination interministérielle en charge du dossier des disparitions forcées, le Président de la Chambre des Conseillers, un membre de la Chambre des représentants, et le Président de la Cour suprême. Le Groupe de travail a également rencontré des membres du Conseil consultatif des droits de l’Homme - l’institution nationale marocaine des droits de l’homme – des organisations non gouvernementales, des membres des familles et des victimes de disparitions forcées, des avocats et d’autres acteurs de la société civile. Le Groupe de travail a visité certains anciens centres de détention et leurs cimetières, à Kelaat M’gouna et Agdz, ainsi que l’ancien centre de détention de Derb Moulay Chérif à Casablanca.

Depuis sa création, le Groupe de travail a transmis 249 cas au Gouvernement du Maroc. 191 cas ont été résolus, dont 144 sur la base d’informations fournies par le Gouvernement et 47 sur la base d’informations fournies par la source. 58 cas restent non résolus à ce jour. Le Groupe de travail espère que les informations réunies pendant la mission conduiront à la résolution des cas encore en suspens. Le Groupe de travail remercie le Gouvernement marocain pour les Žclaircissements qu’il a fournis sur un grand nombre de cas. Cette attitude devrait servir d’exemple aux autres pays.

L’expérience de l’IER, qui s’est consacrée aux violations des droits de l’Homme de 1956 à 1999, est digne d’éloges et d’autres pays de la région ou dans le monde peuvent la considérer comme un exemple, s’ils souhaitaient adopter une approche de justice transitionnelle au regard de leur passé.

Il est extrêmement positif, que l’IER ait couvert une si longue période, ait entendu des milliers de victimes, ait tenu des auditions publiques et commencé le travail d’établissement des archives.

Le Groupe de travail se félicite en particulier de l’approche “genre” adoptée par l’IER.

Le Groupe de travail accueille avec satisfaction le fait que, selon le rapport final de l’IER, ses enquêtes on conduit à l’élucidation de 742 cas de disparitions forcées. Le Groupe de travail espère que la publication de la liste consolidée, accompagnée des circonstances détaillées de la disparition des 742 cas, ainsi que des 66 cas qui restent irrésolus à ce jour pourra être effectuée aussitôt que possible.

Les sources officielles ont assuré au Groupe de travail que certains auteurs présumés avaient témoignés devant l’IER. Il est cependant dommage que l’IER n’ait pas disposé d’un pouvoir d’injonction à l’endroit des auteurs de violations graves des droits de l’Homme, y compris des disparitions forcées. Certaines victimes ont exprimé leurs préoccupations quant au fait que le résultat des investigations n’avait pas été remis par écrit aux victimes. Le Groupe de travail est conscient du fait que, quatre ans après la fin du processus, beaucoup de recommandations de l’IER n’ont pas été encore mises en oeuvres. Il prend note de l’engagement du Gouvernement de mettre en oeuvre ces recommandations dans un futur proche.

Le Groupe de travail accueille avec satisfaction le programme ambitieux de réparations individuelles et collectives. Ce programme inclut une partie relative à la préservation des sites consacrés à la mémoire, que le Groupe de travail a pu étudier sur place. Cependant, le Groupe de travail note que certaines victimes ont ressenti un manque de transparence dans la mise en oeuvre de ce programme.

Selon la Déclaration, tout Etat a l’obligation de mener des enquêtes sur les présumés auteurs de disparitions forcées, de les poursuivre et, si leur responsabilité est avérée, de les condamner à des peines appropriées. Pendant la durée de l’enquête, les présumés responsables devraient être relevés de toutes fonctions officielles. Même si des sources officielles ont expliqué que le processus de l’IER était basé sur la réconciliation et non pas sur les poursuites judiciaires, le Groupe de travail est préoccupé par l’effet que cela peut avoir en termes d’impunité. Il a par ailleurs été rapporté au Groupe de travail que des victimes avaient tenté en vain de faire en sorte que la justice ne se saisisse de ces cas. Le Groupe de travail a également reçu des allégations selon lesquelles certains auteurs occupent toujours des positions officielles.

Selon la Déclaration de 1992 sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (“la Déclaration”), “tout acte conduisant à une disparition forcée est un crime passible de peines appropriées, qui tiennent compte de son extrême gravité au regard de la loi pénale.” Le Groupe de travail a noté que les dispositions du Code pénal actuellement en vigueur traitent de manière indirecte de la disparition forcée, mais qu’il n’existe pas d’article spécifique criminalisant les disparitions forcées. Le Groupe de travail prend note de l’information fournie par des sources officielles selon lesquelles un nouveau code pénal est entrain d’être rédigé qui contiendrait une incrimination autonome de disparition forcée.

En général, le Groupe de travail encourage le Maroc à accomplir des réformes constitutionnelles et de la procédure pénale pour harmoniser les textes avec les standards internationaux en matière de droits de l’Homme. Le Groupe de travail souligne qu’en vertu de la Déclaration, “aucune circonstance quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse d’une menace de guerre, d’une guerre, d’instabilité politique, intérieure ou de toute autre situation d’exception, ne peut être invoquée pour justifier des disparitions forcées.”
Le Groupe de travail note avec satisfaction l’engagement du Maroc de ne plus tolérer ou autoriser quelque forme de disparition ou de détention secrète que ce soit, même pour de courtes périodes. Tandis que l’IER a traité de la période allant jusqu’en 1999, il y a eu des allégations selon lesquelles d’autres violations des droits de l’Homme auraient été commises après cette date, et l’Etat devrait oeuvrer davantage pour affronter et régler définitivement ce problème.

Le Groupe de travail se félicite du rôle important et actif joué par le Maroc dans la rédaction et la promotion de la Convention Internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Le Maroc a été un des premiers Etats à signer cet instrument. Le Groupe de travail attend avec impatience la ratification par le Maroc de la Convention et l’acceptation de la compétence du Comité au regard des articles 31 et 32 de la Convention, de même que la ratification d’autres instruments internationaux qui ont une incidence sur la disparition forcée, comme le premier protocole au Pacte international sur les droits civils et politiques et le second protocole de la Convention contre la torture. Le Groupe de travail appelle également le Maroc à ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui inclut les disparitions forcées en tant que crime contre l’humanité.

Le Groupe de travail attend avec impatience l’entrée en vigueur de la Convention et se réjouit à l’idée de travailler en coopération étroite avec le futur Comité sur la disparition forcée. Il estime que les deux institutions joueront des rôles complémentaires, comme cela est le cas d’autres mécanismes et mandats au sein du système international de protection des droits de l’Homme.

Les conclusions préliminaires qui précèdent, ainsi que d’autres questions qui ressortent des informations recueillies durant la visite, de même qu’un série de recommandations et d’observations, seront développées en détail dans le rapport qui sera présenté ultérieurement au Conseil des droits de l’Homme.

Le Groupe de travail est composé de cinq experts de toutes les régions du monde. Le Président-Rapporteur est Santiago Corcuera (Mexico) et les autres experts membres sont Darko Göttlicher (Croatia), Olivier de Frouville (France), Saied Rajaie Khorasani (Iran) and Jeremy Sarkin (South Africa).


Pour des informations supplémentaires sur le Groupe de travail :
http://www2.ohchr.org/english/issues/disappear/index.htm

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