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Communiqués de presse Organes conventionnels

L’EQUATEUR EST INVITE A PROMOUVOIR LES DROITS DE LA FEMME PAR LA MISE AU POINT DE MECANISMES EFFICACES D’APPLICATION DES LOIS

11 Juillet 2003




Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
11 juillet 2003
622e et 623e séances – matin et après-midi




Pléthore de lois mais absence d’application ont diagnostiqué les 23 experts du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) après avoir examiné les quatrième et cinquième rapports périodiques de l’Equateur sur la mise en œuvre de la Convention du même nom. La détection des symptômes a été facilitée par les informations supplémentaires fournies aujourd’hui par la délégation équatorienne que conduisait la Directrice technique du Conseil national de la femme (CONAMU), Mme Sonia Garcia Alvarado.

Des avancées positives expliquées par cet Etat partie à la Convention depuis 1981 et à son Protocole depuis l’année dernière, les experts ont retenu l’adoption, en 1998, d’une Constitution qui reconnaît l’égalité des hommes et des femmes devant la Loi; les 81 amendements apportés au Code civil; les mesures spéciales telles que la loi contre la violence à l’égard des femmes, des enfants et de la famille; la Loi de protection des travailleuses et la Loi relative à la maternité gratuite; ou encore la réforme du Code pénal. Les experts ont aussi pris acte du placement, sous la tutelle directe de la Présidence de la République, du Conseil national des femmes, chargé de coordonner les politiques en matière d’égalité entre les sexes.

Les membres du CEDAW ont pourtant dû se rendre à l’évidence et reconnaître avec la Directrice technique du CONAMU que le mandat du Conseil n’est pas prévu par la Loi, mais par un décret présidentiel. Le CONAMU demeure, en conséquence, une petite entité non institutionnalisée et sans véritable pouvoir de contrôle dont l’influence auprès des ministères est minime. Conjuguées à la persistance des stéréotypes et à une situation économique difficile, la faiblesse des mécanismes institutionnels de promotion des droits de l’homme au titre duquel figurent aussi le Tribunal constitutionnel et le Défenseur du peuple, a permis aux experts de s’expliquer le manque de progrès dans l’émancipation de la femme. Les experts se sont particulièrement attardés sur la mise en œuvre des articles 6, 10, 11 et 12 de la Convention relatifs à l’exploitation sexuelle des femmes, à l’éducation, à l’emploi et à la santé.

Ce sont les dernières questions qui ont suscité le plus d’émotion au sein du Comité, comme en témoigne la réflexion de l’experte du Nigéria qui a jugé «choquante et tragique» une situation où, en 1995, 74% des garçons et 43% des filles âgées entre 10 et 17 ans exerçaient une activité productive et où 17,5% des adolescentes âgées de 15 à 19 ans étaient mères ou enceintes. Se rendant à l’avis du Comité, la Directrice technique du CONAMU a comparé cette décennie en Equateur à une collision frontale entre, d’un côté, les nombreuses mesures juridiques et politiques en faveur des femmes, et de l’autre, la persistance des pratiques culturelles favorables à la discrimination.

L’acceptation des stéréotypes comme des pratiques culturelles fait perdurer la situation de facto observée aujourd’hui en Equateur, a tranché la Présidente du Comité, en conclusion du diagnostic. Frappée par «les incohérences et les contradictions» entre la loi et son application, l’experte de la Turquie a prescrit le renforcement de l’efficacité des lois et la garantie de leur mise en œuvre par la sensibilisation des fonctionnaires et des communautés. Quant au prochain rapport périodique, la Présidente du Comité a dit s’attendre à une évaluation chiffrée de l’impact des mesures prises par le Gouvernement, en particulier dans les domaines de l’emploi, de l’éducation et de la santé.

Lundi 14 juillet à 10 heures, le Comité examinera les rapports périodiques de la Nouvelle-Zélande.


QUATRIEME ET CINQUIEME RAPPORTS PERIODIQUES DE L’EQUATEUR

Rapports (CEDAW/C/ECU/4-5)

Etat partie à la Convention depuis 1981, l’Equateur présente des rapports qui couvrent la période 1990-1998. Si la deuxième partie concerne la mise en œuvre de chaque article de la Convention, la première porte sur une description du pays, à savoir son territoire et sa population; son organisation politique; son cadre normatif de protection des droits de l’homme; et les efforts d’information et de publicité. La Constitution de l’Equateur de 1998, nous dit le rapport, reconnaît l’égalité des hommes et des femmes devant la loi. Un système intégré d’indicateurs sociaux regroupe d’ailleurs les informations statistiques sur la problématique hommes/femmes.

Enumérant les diverses lois d’application des articles de la Convention, le rapport contient, par exemple, des informations sur la participation des femmes à la vie politique. Il indique ainsi qu’elle ne cesse de s’affirmer et précise qu’aux élections de 1997, le nombre de candidates a été le plus élevé de l’histoire électorale du pays. La Constitution prévoit depuis cette date la présence de 20% des femmes sur les listes électorales comprenant plusieurs noms. Le rapport donne aussi des indications sur la lutte contre la violence. Il indique que la Loi contre la violence à l’égard de la femme et dans la famille, adoptée en 1995, couvre la violence physique, psychologique et sexuelle et stipule notamment que les instruments internationaux relatifs à la prévention et à la répression de la violence à l’égard des femmes, ratifiés par l’Equateur, ont force de loi. Ses principes fondamentaux sont la gratuité, l’application immédiate obligatoire, la rapidité et la réserve. La loi a conduit à la création de commissariats aux femmes spécialisés dans la violence au sein de la famille. Cette loi oblige aussi les policiers, le Ministère public et les professionnels de la santé à dénoncer dans un délai de 48 heures tout cas d’agression.

Les mesures de protection comprennent l’éviction de l’agresseur du domicile, la réintégration de la victime au domicile et l’interdiction pour l’agresseur de s’approcher du lieu de travail de la victime. Deux institutions de caractère autonome, public et national, le Tribunal constitutionnel et le Défenseur du peuple ont été créés aux termes de la Constitution pour assurer dans la pratique l’exercice des droits fondamentaux. De plus, en 1995, un Bureau de la défense des droits de la femme (ODMU) de la Police nationale a été créé à Quito.

Concernant les questions de santé, le rapport souligne que selon la législation, l’Etat protège l’enfant dès sa conception. Toutefois, l’article pertinent du Code pénal stipule que l’avortement n’est pas passible de poursuites s’il est pratiqué pour éviter de mettre en danger la vie de la mère et si la grossesse est due à un viol ou un abus sexuel commis sur une femme handicapée mentale ou malade mentale. Les taux d’avortement pratiqués sur des adolescentes préoccupent les pouvoirs publics, reconnaît le rapport. En 1997 à Guayaquil, 40% des adolescentes se sont fait avorter. On enregistre un taux de 17,15% d’avortements chez les adolescentes de moins de 15 ans. Malgré le taux élevé des femmes informées des méthodes contraceptives –87% en milieu urbain et 63,8% en milieu rural-, seulement 35,6% de ces femmes en milieu urbain et 23,4% en milieu rural les utilisent.


Présentation par l’État partie

Présentant la délégation équatorienne, M. MIGUEL CARBO BENITES, Représentant permanent adjoint de la Mission de l’Equateur, a d’abord attiré l’attention sur les réformes du Code civil et les autres lois adoptées récemment en faveur des femmes. En 1997, a-t-il indiqué, un Conseil national des femmes (CONAMU) a été créé pour coordonner les politiques en matière d’égalité entre les sexes. L’Etat équatorien, a-t-il assuré, est convaincu de la nécessité de conforter le rôle de la femme et d’assurer sa participation au développement économique et social du pays. Il a ensuite cédé la parole à Mme SONIA GARCIA ALVARADO, Directrice technique du Conseil national des femmes, qui a d’emblée indiqué que le Conseil est désormais placé sous la tutelle directe de la Présidence de la République. A partir de 1999, a-t-elle précisé, 81 réformes ont été apportées au Code civil conduisant à l’élimination de la tutelle maritale et de l’incapacité relative des femmes. La Constitution a ainsi consacré le principe de l’égalité des droits sans discrimination fondée sur le sexe. Un système d’indicateurs sociaux consacré aux femmes permet d’obtenir des informations ventilées par sexe dans de nombreux domaines. Il s’agit là d’un instrument qui est progressivement intégré dans la planification des politiques publiques.

En se fondant sur les données ainsi recueillies, le CONAMU a élaboré un plan actuellement en vigueur et qui vise à orienter les politiques et les projets publiques. Toutefois, a admis la Directrice technique, en dépit des progrès juridiques, de la création d’instances ad hoc et la participation croissante des femmes dans la vie publique, des stéréotypes persistent. Citant des exemples, elle a indiqué que ce sont surtout les garçons qui sont encouragés à aller à l’école, que les postes de direction sont majoritairement réservés aux hommes ou encore que le harcèlement sexuel est une pratique courante. Venant à la question de la violence à l’égard des femmes, la Directrice technique a attiré l’attention sur la Loi de 1995 qui est dotée d’une dimension civile et pénale, définit la violence, stipule les mesures de protection constitutionnelles et établit les responsabilités des fonctionnaires du Ministère public et de la police nationale. En 2001, un projet de règlement et un manuel de procédure ont été ajoutés à la loi avant que le Ministre public n’approuve, en 2002, un protocole médico-légal. Pour assurer la diffusion de la loi, des campagnes ont été réalisées grâce à l’aide des ONG et les administrateurs de la justice ont tous reçu une formation. La loi a aussi conduit à la mise en place de Commissariats chargés de la femme et de la famille et, en 2003, d’un Comité de l’égalité hommes/femmes au sein du Ministère public.

Poursuivant, la représentante a indiqué qu’avant la réforme du Code pénal de 1998, l’Equateur ne disposait pas de données sur les cas d’abus sexuel ni sur les femmes prostituées. Après cette date, un service national spécialisé sur les mineurs a été créé et les travailleurs sexuels ont été enregistrés. 15% d’entre eux sont organisés en association et 33% utilisent des contrôles prophylactiques. La prostitution et l’exploitation sexuelle des mineurs sont à présent interdites et pénalisées. Un observatoire des droits de l’enfant a été créé en l’an 2000 pour assurer le suivi des politiques en leur faveur. Il faut noter que jusqu’en 1983, la corruption de police empêchait d’appliquer de véritables sanctions.

Soulignant que l’Equateur a été le premier pays d’Amérique latine à accorder le droit de vote aux femmes en 1929, la représentante a néanmoins fait savoir que tout au long des années 90 moins de la moitié des femmes votaient et que seulement 8% d’entre elles étaient élues aux élections locales. Le nombre de ministres femmes était de 26% en 1996 et de 20% en 1998. En l’an 2000, des conseils de paroisse ont été créés où les femmes représentent 24% des membres. Au début de l’an 2000, la réforme de la loi électorale et la décentralisation ont accompagné l’introduction de mesures en faveur des femmes avec l’introduction d’un quota de 30% aux élections populaires. Les femmes jouissent d’un meilleur accès aux postes électoraux mais les structures patriarcales sont encore en place. On constate également une grande différence dans la représentation des femmes aux postes diplomatiques. En 1998, l’Equateur avait trois femmes ambassadeurs et, en 2003, elles étaient seulement au nombre de cinq.

Evoquant le domaine de l’éducation, la représentante a fait savoir qu’en 1990, le taux d’analphabétisme des femmes était de 13,8%. Le principe de l’égalité des hommes et des femmes pour l’accès à l’éducation ainsi que de l’égalité des chances est reconnu en Equateur. Cependant, il existe encore de grandes différences entre les femmes et les hommes. La qualité de l’éducation publique est nettement inférieure à celle de l’éducation privée. Le niveau de rendement de l’éducation publique est inférieur de 43% à celui de l’éducation privée. Des mesures ont en outre été prises en vertu de la loi sur l’éducation sexuelle et l’amour mais cette dernière est considérablement manipulée par les secteurs conservateurs et par l’Eglise. L’Etat n’a pas non plus rempli ses obligations en matière de quotas prévus pour assurer la représentation des femmes dans l’éducation.

La participation des femmes aux activités de production est de 26%. Le chômage est de 16% pour les femmes et de 8% pour les hommes. La constitution garantit l’égalité des chances pour la participation aux activités rémunérées et le travail domestique est reconnu comme étant un travail productif. Les entreprises sont quant à elles tenues d’embaucher au moins 20% de femmes. La couverture de sécurité sociale est de 100% dans le public et seulement de 60% dans le privé. 90% de la population autochtone ne dispose pas de couverture sociale.

En ce qui concerne la santé, la représentante a fait savoir que son pays a connu une réduction certaine des taux de mortalité maternelle et une amélioration de l’assistance à l’accouchement. En revanche, le nombre de consultations que les femmes doivent effectuer durant leur grossesse n’a pas augmenté. La constitution garantit en outre à chaque individu le choix de sa propre vie sexuelle alors qu’auparavant ce droit était conféré au couple. Les maris étaient donc maîtres des choix. Il subsiste néanmoins une vision très médicalisée de la santé des femmes qui porte essentiellement sur la période de sa vie fertile.

Poursuivant, la Directrice technique a abordé les questions de l’accès à la propriété, au crédit et au logement. Elle a ainsi indiqué que dans les zones rurales, 5% seulement des familles ont accès au crédit. Tous les indicateurs sociaux montrent que les femmes des zones rurales connaissent des conditions moins favorables que les femmes des zones urbaines. L’analphabétisme est plus élevé dans les campagnes et l’accès aux services de santé y est inférieur à la moyenne nationale. Le Conseil de développement des nationalités et peuples de l’Equateur et le Conseil des peuples afro-équatoriens ont lancé un projet financé par la Banque mondiale qui a octroyé des crédits à quelque 400 groupes de femmes. Le Ministère de l’agriculture a également lancé un programme de crédits. Ces initiatives n’ont pourtant pas empêché l’exode rural, a regretté la Directrice technique.

Venant à la question du mariage, elle a fait part des réformes juridiques visant à consacrer l’égalité entre l’homme et la femme. Elle a pourtant reconnu que la culture nationale continuait de placer la femme au centre du bien-être familial. Les progrès officiels et institutionnels n’ont pas empêché la persistance de la culture patriarcale, a conclu la Directrice technique.

Dialogue avec les experts

Lançant la première série de questions, l’experte de la Hongrie, Mme KRISZTINA MORVAI, a qualifié de «grave problème» en Equateur, la question de l’exploitation des femmes et des enfants à des fins sexuelles. Elle a ainsi reproché au Gouvernement d’intérioriser cette situation comme partie de la culture équatorienne. Elle l’a donc rappelé à son obligation morale et légale de demander de l’assistance, y compris de l’assistance juridique, pour s’attaquer aux racines du problème. Il faut concevoir une nouvelle philosophie et abandonner cette «attitude ambivalente» à l’égard de la prostitution, a insisté l’experte hongroise. Revenant sur le mécanisme national de promotion de la femme, l’experte de Cuba, Mme MARIA YOLANDA FERRER GOMEZ, a voulu savoir s’il existe une loi qui régit la hiérarchie du CONAMU et si ses ressources humaines et matérielles ont été augmentées. Où en-est, a-t-elle encore demandé, la proposition faite en 2002, d’élaborer un Plan de travail? Elle s’est ensuite attardée sur la question de la pauvreté et de l’exil qu’il provoque pour en savoir plus sur la nature des projets du Gouvernement en la matière.

La question de la mise en œuvre du Plan des droits de l’homme et du Plan de l’égalité entre les hommes et les femmes a été abordée par l’experte du Nigéria, Mme FATIMA KWAKU, qui a demandé si une évaluation avait été faite. Quelle stratégie a été mise en place pour assurer le suivi de ces plans et de la Loi sur l’emploi, s’est-elle interrogée? Venant à la situation des femmes indigènes, l’experte de la Roumanie, Mme VICTORIA POPESCU SANDRU, a voulu savoir si la plupart des femmes indigènes vivent à la campagne et en connaÎtre plus sur la manière dont elles sont aidées à participer à la vie publique. A l’instar de l’experte de la Hongrie, elle a abordé la question de l’exploitation sexuelle des adolescents pour demander si une loi est envisagée pour contrôler le rôle des médias dans ce domaine. Les informations données à ce sujet ne sont pas très claires, voire contradictoires, a estimé l’experte du Mexique, Mme AIDA GONZALEZ MARTINEZ, qui a estimé que les programmes de l’Equateur ne tiennent pas compte de la Convention qui contraint les Etats à prévenir la traite des femmes et des filles. L’experte mexicaine a aussi regretté la non-pénalisation de l’inceste, en voulant en savoir davantage sur les mesures de protection accordées aux enfants. Il semble que lorsque les cas de violence sont rapportés, ils restent impunis, a constaté, à son tour, l’experte du Portugal, Mme MARIA REGINA TAVARES DA SILVA. Dans ce contexte, elle a souhaité des précisions sur le statut juridique du CONAMU. Enfin, l’experte de la Croatie, Mme DUBRAVKA SIMONOVIC, a demandé si la réforme du Code pénal vise aussi à modifier les dispositions juridiques sur l’honneur de la famille qui permettent de justifier des violences ou des agressions.

Répondant à la première série de questions posées par les experts, la délégation de l’Equateur a rappelé que même si des ONG ont travaillé sur la question de l’exploitation sexuelle et de la traite des mineurs, les maigres informations recueillies ne permettent pas de mesurer toute l’ampleur du phénomène de la prostitution. En Equateur, rien n’est fait pour lutter contre ce phénomène, a admis la Directrice de la CONAMU. Cette institution, a-t-elle poursuivi, est une petite entité centralisée qui ne dispose pas d’antennes dans le pays. C’est seulement la société civile qui permet d’assurer la mise en place des programmes dans tous le pays. Le CONAMU a officiellement la possibilité d’avoir une influence au niveau des différents ministères mais beaucoup de temps a été perdu à négocier avec des fonctionnaires qui ont changé à chaque fois qu’un nouveau gouvernement était nommé. La CONAMU n’est en outre pas un organisme de contrôle.

L’élimination de la tutelle du mari a représenté une mesure importante, laquelle a néanmoins été affaiblie par certains obstacles culturels. Les chiffres montrent par exemple que beaucoup d’enfants travaillent. Or, il est délicat d’interdire ce phénomène, notamment au sein des populations autochtones pour lesquelles le travail des enfants est une coutume traditionnelle. Des progrès ont donc été réalisés au niveau de la loi, mais les traditions remettent souvent en jeu des systèmes culturels très enracinés.

Depuis 1999, les données en matière de plaintes déposées suite à une agression doivent être enregistrées dans les commissariats nationaux transformés en commissariats aux femmes et à la famille, spécialisés dans les problèmes de violence faite aux femmes. On remarque par ailleurs que, dans 70% des cas, les femmes retirent leurs plaintes.

Répondant à la question sur la pénalisation du viol sur mineur, elle a indiqué que le Code pénal prévoit des peines d’emprisonnement de 8 à 12 ans dans les cas de viol, mais qu’aucun article ne qualifie le viol sur mineur de circonstance aggravante. Le Code pénal ne comprend pas non plus de disposition sur l’inceste. Quant aux maisons de tolérance, le Code pénal ne prévoit aucune sanction contre leurs propriétaires sauf s’ils font travailler des mineurs. Là encore, la Directrice technique a admis que dans la pratique, cette disposition ne s’applique que trop rarement. Elle s’est tout de même félicitée du fait que la police nationale comprend désormais une cellule qui s’occupe de la question de parité et des droits de l’homme.

S’agissant des questions de migration, la Directrice technique a, entre autres, attiré l’attention du Comité sur le Département de la protection des migrants au sein du Ministère de la justice. En outre, dans certains cantons, les municipalités mettent en place un réseau d’appui aux migrants. Un autre mécanisme permet de réinvestir les fonds envoyés par les migrants. Le CONAMU, aidé par la Fondation des migrants se trouvant en Espagne, met au point une stratégie conjointe pour venir en aide aux femmes migrantes. En ce qui concerne la modification des lois sur la famille, le projet le plus novateur en cours est celui de la réforme du Code de la famille, a poursuivi la Directrice technique.

Revenant aux questions, l’experte de l’Algérie, Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI, a, compte tenu de la situation économique de l’Equateur, souligné le devoir des pays riches à mettre à la disposition des pays les plus pauvres 0,7% de leur PNB, conformément à la Déclaration et au Programme d’action de Beijing. A propos de la question de la participation des femmes à la vie politique, l’experte de Cuba a qualifié de «recul» le fait que le Tribunal constitutionnel équatorien ait déclaré anticonstitutionnel l’article 40 du Code électoral relatif à un quota de 30% de représentation des femmes sur les listes électorales. Ce commentaire a été approuvé par la Directrice technique du CONAMU.

Le bilinguisme ne contribue-t-il pas à isoler les enfants du reste de la société s’ils ne peuvent pas disposer d’un enseignement dans la langue nationale, a demandé Mme SJAMSIAH ACHMAD, experte de l’Indonésie. Cette dernière a aussi voulu savoir dans quelle mesure les principes généraux de la réforme de l’enseignement fondés sur l’égalité entre les sexes sont enseignés aux professeurs. Quel est le rôle joué par les parents en la matière? Mme HANNA BEATE SHÖPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne, s’est quant à elle dite préoccupée que les politiques de l’INAMU ne soient pas appliquées dans tous les ministères. Les conclusions des travaux du CEDAW seront-elles examinées par le Gouvernement équatorien? Elle a également souhaité que des résultats plus concrets sur les contributions des différents ministères à la rédaction du prochain rapport soient intégrés dans ce dernier.

Soulevant la question de l’accès au sport des femmes, Mme FRANÇOISE GASPARD, experte de la France, a suggéré à la délégation équatorienne d’inclure dans le prochain rapport le nombre de femmes présentes dans la délégation de ce pays aux Jeux olympiques, car il s’agit d’un indice intéressant reflétant l’état d’avancement des politiques d’égalité entre les hommes et les femmes. L’Equateur dispose-t-il en outre de statistiques récentes concernant les grossesses précoces?

Le plan d’amélioration du sort des femmes paysannes a-t-il été suspendu, a demandé l’experte cubaine? Dans quelle mesure la Constitution a-t-elle facilité l’accès des femmes à la sécurité sociale, a encore demandé l’experte de la Hongrie? Mme PRAMILA PATTEN, experte de Maurice, laquelle s’est également interrogée sur les mesures concrètes mises en place pour améliorer la situation de l’emploi des femmes. Mme FATIMA KWAKU, experte du Nigéria, a souligné la situation «choquante» des jeunes enfants en Equateur où un cinquième des jeunes femmes entre 15 et 19 ans sont mères de famille. Elle s’est dite encore plus choquée de lire dans le rapport que 74% des garçons et 75% des filles de 10 à 17 ans travaillent ou cherchent du travail. Que fait le pays pour faire face à cette situation «tragique et choquante», a-t-elle demandé?

La situation des enfants est-elle seulement liée à la pauvreté ou à la culture équatorienne, a insisté l’experte du Bangladesh, Mme SALMA KHAN? Quelle est la nature exacte des programmes visant à protéger les droits des enfants, a demandé, à son tour, l’experte de la Roumanie, en voulant en savoir davantage sur les mesures visant à lutter contre le travail des enfants et à améliorer la prise de conscience des parents et des enseignants dans ce domaine. L’experte du Japon, Mme FUMIKO SAIGA, a profité de cette dernière question pour s’interroger sur le système éducatif en vigueur en Equateur, en particulier sur la durée de l’enseignement obligatoire.

Répondant à cette série de questions, la Directrice technique du CONAMU a indiqué que la réforme de l’éducation élargit l’enseignement obligatoire à 10 ans au lieu de six et consacre les valeurs de la non-discrimination fondée sur le sexe. Le problème est que si l’éducation publique est gratuite, les coûts et les différents frais sont toutefois très élevés. De plus, les enseignants sont la catégorie professionnelle la moins bien rémunérée du pays, ce qui a un impact sur la qualité de l’enseignement. S’agissant du travail non rémunéré, la Directrice technique a souligné la «valeur symbolique» de la question car il s’agit de faire en sorte que les mères en foyer aient accès à la sécurité sociale. En Equateur, le travail domestique est désormais considéré comme un travail productif, ce qui permet de comptabiliser les femmes concernées dans les statistiques nationales sur l’emploi. Par ailleurs, le CONAMU examine la question du travail à temps partiel pour renforcer la garantie de l’emploi des femmes. A ce propos, elle a attiré l’attention sur les sanctions administratives et les amendes prévues en cas de licenciements de femmes enceintes. Enchaînant sur la question des grossesses précoces, la Directrice technique a estimé que le phénomène s’explique par le fait que la vie sexuelle commence vers 13 ans en moyenne. La lutte contre ce problème est rendue difficile, a-t-elle confié, par la culture en vigueur dans de nombreuses communautés autochtones. La situation est encore aggravée par l’absence de politiques sur l’éducation sexuelle. Le CONAMU est d’ailleurs en train de concevoir un projet pour lutter contre ce fléau. Concernant le travail des enfants, la Directrice technique a attiré l’attention sur l’échec d’un programme dit d’aide à ces enfants. Toutefois, depuis 2002, des bons scolaires sont accordés aux familles pour qu’elles maintiennent leurs enfants à l’école. A court terme, a estimé la Directrice technique, il sera difficile de sortir tous les enfants du marché du travail dans la mesure où la survie de la famille en dépend. Pour ce qui est des plans de développement des régions rurales, elle a indiqué que le CONAMU, en collaboration avec l’Institut national du développement agricole, a lancé un programme pour améliorer l’accès des femmes à la terre. Cette initiative n’a toutefois pas été retenue. La Directrice technique du CONAMU a ensuite indiqué aux experts que des discussions ont lieu actuellement sur l’éventualité de créer une assurance de santé et une sécurité sociale universelles.

En matière de violences faites aux femmes, la Directrice a déploré que de nombreuses femmes autochtones qui présentent une plainte la retirent ensuite sous la pression des chefs des communautés locales. Il est donc extrêmement difficile pour la CONAMU de promouvoir l’accès à la justice pour ces femmes. Concernant la question du travail des enfants, l’experte hongroise a demandé si le Gouvernement équatorien était au fait des accords internationaux passés pour protéger l’emploi d’enfants par des sociétés multinationales étrangères. Dans un autre ordre d’idées, elle a demandé s’il existe des statistiques ventilées par classe sociale sur les grossesses précoces. La Directrice a répondu que des pressions étaient effectivement faites sur les sociétés étrangères qui emploient des enfants. Il y a même des appels au boycott, ce qui fragilise d’autant plus l’économie équatorienne.

Reprenant la série de questions, l’expert des Pays-Bas, M. CORNELIS FLINTERMAN, a demandé si toutes les dispositions discriminatoires du Code civil ont été supprimées. Il semblerait en outre qu’il existe un âge de mariage différent pour les femmes et les hommes. L’experte béninoise, Mme HUGUETTE BOKPE GNANCADJA a demandé si le Gouvernement a l’intention de nommer un ombudsman pour accélérer les réformes concernant l’établissement d’une société égalitaire entre les hommes et les femmes. Quelle est l’attitude du judiciaire en matière de mariage pour les individus de moins de 18 ans, a demandé l’experte de Maurice? L’autorisation de mariage est-elle donnée facilement? Qu’en est-il du partage des biens matrimoniaux en cas de dissolution du mariage, a-t-elle voulu savoir? Le Gouvernement a-t-il aligné sa constitution sur les dispositions de la Convention, a pour sa part demandé l’experte de la Croatie. Le rapport ne donne pas beaucoup de détails sur la question de l’égalité des femmes en matière de droits de la famille, a regretté l’experte du Mexique, qui a souhaité obtenir des informations supplémentaires sur ce sujet. Même si le respect de la diversité culturelle est important, a fait remarquer l’experte du Portugal, il est de la responsabilité du Gouvernement de préserver les droits fondamentaux qui pourraient être mis en danger en leur nom.

Répondant, une nouvelle fois, sur la question des grossesses précoces, la Directrice technique du CONAMU a indiqué qu’en Equateur comme ailleurs, l’âge de la grossesse dépend du niveau d’éducation. Elle a donc reconnu qu’il ne s’agit pas d’un problème culturel mais d’un problème d’accès à l’éducation et aux méthodes contraceptives. Concernant l’avortement, elle a rappelé sa pénalisation à l’exception de raisons très strictes. Répondant à une autre question concernant l’accès à la propriété foncière, la Directrice technique a attiré l’attention du Comité sur les réformes apportées au Code foncier pour assurer une égalité entre les hommes et les femmes. Toutefois, parmi les populations hautement analphabètes, cette règle ne saurait s’appliquer, le chef de famille restant le maître dans ce domaine.

Les dispositions sur l’âge du mariage, a-t-elle poursuivi, prévoient qu’à partir de 15 ans, un adolescent peut se marier sans l’assentiment des parents. S’agissant des unions de fait, la Constitution prévoit les mêmes devoirs et obligations aux deux personnes concernées qui doivent attester d’une vie commune pendant deux années au moins. Concernant le divorce et l’assistance judiciaire, la Directrice technique a reconnu l’absence de services gratuits de conseil juridique. La Constitution prévoit la médiation des centres qui dépendent du Ministère de la justice qui travaille, en l’occurrence, avec les ONG. Quant à la place de la Convention, la Directrice technique a déclaré que la Constitution prévoit la primauté du droit international sur les lois nationales. Elle a tout de même prévenu qu’il faudrait encore une période de quatre ans pour modifier l’ensemble des lois.

En conclusion, la Présidente du Comité et experte de la Turquie a reconnu les circonstances difficiles que connaît l’Equateur en raison des conditions économiques et politiques précaires, et des catastrophes naturelles qui ont frappé le pays. Le Comité est conscient, a-t-elle dit, de la grande difficulté qu’il y à lutter contre la discrimination dans ces conditions. La Présidente a donc félicité le pays pour ses efforts, en particulier au niveau législatif et juridique. Le fait de reconnaître la violence contre la femme comme un problème social et un problème de santé est appréciable, mais, a-t-elle précisé, c’est la reconnaissance de ce fait comme une violation des droits de la femme qui est au cœur de la Convention.

L’Equateur a donc encore beaucoup de chemin à parcourir, a poursuivi la Présidente, en se déclarant frappée par les incohérences et les contradictions entre la loi et son application, ainsi que par les disparités économiques entre les différents groupes sociaux. Ainsi, a-t-elle dit comprendre, les femmes autochtones et rurales sont sous l’influence combinée des circonstances négatives existant dans le pays. S’agissant de la protection des femmes et des filles contre l’exploitation sexuelle, les lois doivent être renforcées par des sanctions plus sévères, a prescrit la Présidente, en soulignant la nécessité d’efforts plus ambitieux en ce qui concerne le droit du mariage et le statut de la femme mariée. Les lois doivent être plus efficaces et tous les efforts doivent être faits pour garantir leur mise en œuvre par la sensibilisation des fonctionnaires et des communautés, a insisté la Présidente. Le fait d’accepter des stéréotypes comme des pratiques culturelles, a-t-elle dit, semble faire perdurer la situation de facto observée aujourd’hui.

Dans son prochain rapport, l’Equateur doit présenter des résultats d’études et de recherches sur ces questions et sur l’incidence des campagnes de défense des droits et des mesures juridiques et politiques prises par le Gouvernement pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes. C’est surtout le domaine de l’emploi et de l’éducation qui demande le plus de mesures, a prévenu la Présidente en se montrant préoccupée par la différence des taux d’analphabétisme entre les hommes et les femmes. De même, le très grand nombre de grossesses chez les adolescentes montre un problème de droit de l’homme et exige du Gouvernement des mesures prioritaires, a-t-elle conclu.




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