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Communiqués de presse Commission des droits de l'homme

LE MINISTRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES DU PÉROU PLAIDE POUR L'EXTRADITION PAR LE JAPON DE L'ANCIEN PRÉSIDENT PÉRUVIEN FUJIMORI

26 Mars 2004


26.03.2004


Présentation des rapports sur les situations des droits de l'homme
au Myanmar et en République démocratique du Congo


La Commission des droits de l'homme a entendu, cet après-midi, au cours d'une brève séance publique, une déclaration du Ministre des relations extérieures du Pérou, M. Manuel Rodríguez-Cuadros, qui a plaidé en faveur de l'extradition par le Japon de l'ancien président péruvien Alberto Fujimori, garantissant que ce dernier bénéficierait au Pérou d'un procès juste et respectueux des droits de la défense. Poursuivant par ailleurs son débat sur la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales où qu'elle se produise dans le monde, elle a également entendu la présentation des rapports du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar ainsi que de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo.

Présentant son rapport, M. Paulo Sérgio Pinheiro, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, a indiqué qu'il n'a pas été en mesure d'effectuer une visite dans ce pays avant la présente session de la Commission. Il a précisé que les autorités ont néanmoins donné leur accord de principe pour qu'il se rende dans le pays, une date restant désormais à fixer. Des violations des droits de l'homme se sont produites dans le contexte des incidents survenus à Depayin le 30 mai 2003, ce qui constitue un revers pour la situation des droits de l'homme dans le pays, de nombreuses personnes ayant été arrêtées dans ce contexte, même si plusieurs d’entre elles ont été relâchées depuis. Néanmoins, d'autres sources font état de près de 250 arrestations depuis ces incidents. M. Pinheiro a renouvelé son appel en faveur d'une amnistie immédiate de tous les prisonniers politiques, amnistie qui constituerait la meilleure voie sur le chemin de la réconciliation nationale au Myanmar. La délégation du Myanmar a fait une déclaration suite à la présentation de ce rapport.

Mme Iulia-Antoanella Motoc, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo, a qualifié de remarquables les progrès réalisés ces derniers temps sur le plan politique dans le pays. Elle a néanmoins souligné que le processus demeure fragile et inachevé, s'agissant notamment du désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion des anciens combattants. Elle a estimé urgent de mettre en place un plan national d'urgence pour les personnes déplacées et a insisté sur la nécessité d'une implication plus forte de la communauté internationale sur cette question. La délégation de la République démocratique du Congo est intervenue suite à la présentation du rapport de Mme Motoc.

Des débats interactifs ont suivi la présentation de ces deux rapports.

Dans le cadre du débat sur la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales où qu'elle se produise dans le monde, des déclarations ont été faites par les représentants du Centre Europe tiers-monde et de la Fédération internationale des Pen clubs.

L'Érythrée et le Japon ont exercé le droit de réponse.

La Commission poursuivra lundi matin, à 10 heures, l'examen de la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales, où qu'elle se produise dans le monde.


Déclaration du Ministre des relations extérieures du Pérou

M. MANUEL RODRÍGUEZ CUADROS, Ministre des relations extérieures du Pérou, a rappelé que son pays était passé, durant la décennie écoulée, par une période de violence terroriste. En 2003, la Commission de vérité et réconciliation nationale a rendu son rapport sur cette violence. Après avoir recueilli plus de 17 000 témoignages, elle a chiffré le nombre de morts du fait de la violence terroriste à 32 000; le nombre total de victimes, disparus compris, s'élève à plus de 69 000. Si le terrorisme a été la cause première de ces pertes, le Ministre a relevé que, dans un tel contexte, des violations graves des droits de l'homme - exécutions sommaires, disparitions forcées et cas de torture - doivent également être imputées à des agents de l'État. La justice péruvienne a ouvert une procédure pénale contre l'ancien président du pays au motif de sa responsabilité dans ces crimes et délits contre l’humanité, a poursuivi M. Rodríguez Cuadros. Le Gouvernement du Pérou a donc présenté au Gouvernement du Japon une demande d'extradition de M. Alberto Fujimori; le dossier d'extradition est étayé de preuves concluantes, a souligné le Ministre.

Le ministre péruvien des relations extérieures a rappelé que les États ont l'obligation de garantir l'accès des victimes à une justice juste et efficace; nier l'accès à la justice revient en effet à consacrer l'impunité, a-t-il insisté. Le respect des droits de l'homme et l'impunité s'excluent l'un l'autre, a poursuivi M. Rodríguez Cuadros, relevant par ailleurs que d'autres méthodes utilisées pour consacrer l'impunité existent : lois d'amnistie ou refus d'extradition, par exemple. Le droit international confirme par ailleurs que les chefs d'État responsables de délits contre l'humanité doivent être jugés dans les pays où ils ont commis ces crimes et que les autres États doivent prêter la main à ces poursuites. De plus, le principe de non-extradition des nationaux ne s'applique pas en l'espèce, M. Fujimori ayant aussi la nationalité péruvienne. Les Gouvernements du Japon et du Pérou ont tous deux ratifié la Convention contre la torture, a rappelé le Ministre, soulignant que M. Fujimori s'est rendu coupable de ce crime, ainsi que le précise la demande d'extradition. En l'absence de traité d'extradition entre les deux États, c'est donc l'article 8 de la Convention sur la torture qui doit s'appliquer, a fait valoir le ministre péruvien. Le Gouvernement démocratique du Pérou demande que justice soit rendue aux victimes. Dans le même temps, il garantit que l'ancien président Fujimori bénéficiera d'un procès juste et respectueux des droits de la défense.


Présentation du rapport sur la situation des droits de l'homme au Myanmar

Présentant son rapport, M. PAULO SÉRGIO PINHEIRO, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, a rappelé qu'il n'a pas été en mesure de se rendre dans le pays avant la tenue de la présente session. Il a toutefois informé la Commission de l'accord de principe donné par les autorités du Myanmar s'agissant de sa prochaine visite. Nous sommes actuellement en pourparlers pour arrêter une date qui convienne, a-t-il précisé. Des violations des droits de l'homme se sont produites dans le contexte des incidents survenus à Depayin le 30 mai 2003, ce qui constitue un revers pour la situation des droits de l'homme dans le pays, 153 personnes ayant été arrêtées dans ce contexte, même si 151 ont été relâchées par la suite. D'autres sources font état de 250 personnes qui auraient été arrêtées depuis ces incidents. Il a donc lancé un appel aux autorités du Myanmar pour qu'elles libèrent toutes les personnes encore emprisonnées à ce jour. M. Pinheiro a renouvelé son appel en faveur d'une amnistie immédiate de tous les prisonniers politiques, amnistie qui constituerait la meilleure voie sur le chemin de la réconciliation nationale au Myanmar. Il a exprimé l'espoir que les engagements pris par le Myanmar à Bangkok en décembre dernier lors du Forum international de soutien à la réconciliation nationale au Myanmar seront éclaircis et qu'il sera à même, à la suite de sa prochaine visite, d'enquêter sur leur mise en œuvre.

M. Pinheiro a par ailleurs souligné que la mise en œuvre de la feuille de route par les autorités du Myanmar doit se traduire par des changements tangibles sur le terrain, à travers un processus transparent incluant l'ensemble des partis politiques, des minorités nationales et des membres de la société civile. Les droits civils et politiques doivent être respectés afin de créer un environnement favorable à l'avènement de la démocratie dans le pays, a-t-il souligné. Ainsi, le Rapporteur spécial a-t-il insisté sur l'importance qu'il y a à lever les restrictions encore en vigueur à la liberté d'expression, de mouvement, de réunion et d'association. M. Pinheiro a par ailleurs exprimé son inquiétude s'agissant des allégations faisant état de violations de droits de l'homme des minorités ethniques. Toutefois, il s'est félicité de la coopération engagée par le Myanmar avec le Comité international de la Croix-Rouge, des accords récemment conclus avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et a dit prendre bonne note de la coopération engagée avec l'Organisation internationale du travail. Tout en se félicitant de la coopération des autorités du Myanmar avec les mécanismes spéciaux de la Commission des droits de l'homme, le Rapporteur spécial a regretté que ses recommandations n'aient été suivies, jusqu'ici, que d'effets limités.

Dans son rapport sur la situation des droits de l’homme au Myanmar (E/CN.4/2004/33), le Rapporteur spécial demande au State Peace and Development Council (SPDC) d’envisager sérieusement d’appliquer les recommandations qu’il a faites dans ses rapports sur les réformes à accomplir dans le domaine des droits de l’homme. Il demande notamment aux autorités du Myanmar d’ouvrir une enquête sur l’incident de Depayin. Les résultats de cette enquête devraient être annoncés publiquement, les responsables devraient rendre compte de leurs actes et les victimes devraient se voir accorder réparation. Ceux qui coopéreront pour établir la vérité à propos de l’incident de Depayin devraient aussi se voir garantir qu’ils ne subiront pas de représailles ni d’intimidation. D'autre part, pour renverser cette tendance à la régression, toutes les personnes qui ont été placées en détention ou assignées à résidence depuis le 30 mai 2003 devraient être libérées immédiatement et sans conditions.
Le Rapporteur spécial réaffirme que la liberté de circulation et d’activité politique de Daw Aung San Suu Kyi doit être immédiatement rétablie. De l’avis du Rapporteur spécial, la position politique actuelle du SPDC, qui propose une feuille de route consistant en une transition politique vers un régime civil, doit s’accompagner d’une évolution réelle et concrète sur le terrain vers un processus authentiquement libre. Quoi qu'il en soit, le Rapporteur spécial estime que le plus urgent aujourd’hui est de lever toutes les restrictions qui subsistent aux libertés d’expression, de circulation, d’information, de réunion et d’association; d’abroger les textes législatifs connexes sur la «sécurité»; enfin, d’ouvrir ou de rouvrir tous les bureaux des partis politiques dans l’ensemble du pays. Ces initiatives contribueront à créer un climat ou un environnement propice à des discussions ouvertes et étendues entre le SPDC et l’ensemble des partis politiques, des ethnies et de la société civile. Le Rapporteur spécial réaffirme une fois encore que tous les prisonniers politiques doivent être libérés immédiatement et sans conditions. Il pense que le Gouvernement pourrait s’appuyer sur l’expérience des amnisties politiques qu’a acquise le Myanmar au cours de son histoire et qu’une amnistie générale serait le meilleur chemin à suivre : libérer tous les prisonniers politiques, qui pourraient ensuite jouer un rôle positif dans le futur processus politique de transition. M. Pinheiro estime enfin qu'une réparation effective des violations des droits de l’homme donnerait certainement une orientation morale permettant d’engager le pays sur la voie de la réconciliation et de la démocratisation.

Déclarations suite à la présentation du rapport sur la situation des droits de l'homme au Myanmar

M. U MYA THAN (Myanmar), en tant que pays concerné, s'est félicité de ce que la présentation orale du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar ait été plus positive que le rapport lui-même. Estimant que l'approche adoptée par le Rapporteur spécial est constructive, il a cité les mentions faites dans le rapport des évolutions positives, notamment en ce qui concerne la coopération des autorités du Myanmar, l'accès accordé au Haut Commissariat pour les réfugiés aux zones frontalières dans l'Est du pays et la reprise des pourparlers de paix entre le Gouvernement et le plus important groupe armé de l'opposition, l'Union nationale Karen. Le représentant a fait valoir en outre que depuis la nomination de M. Pinheiro, 460 prisonniers ont été relâchés sur des bases humanitaires ainsi que 700 autres. M. U Mya Than a toutefois souhaité certaines erreurs et inexactitudes du rapport, s'agissant notamment du traitement exagéré qui est fait des incidents du 30 mai 2003. Ce «regrettable» incident aurait pu être évité si Daw Aung San Suu Kyi avait agi de bonne foi et avait coopéré avec les autorités qui l'avaient mise en garde contre une visite dans cette région. Le représentant a insisté sur le fait qu'il n'y a eu aucune préméditation de la part du Gouvernement. S'agissant des cas allégués d'intolérance religieuse, le représentant a souligné que la tolérance religieuse est un des piliers de la culture du Myanmar et qu'il n'y a pas de discrimination, d'aucune sorte, basée sur la religion, la race ou le sexe au Myanmar. Il a en outre affirmé qu'en aucun cas les contacts ou la coopération d'un citoyen avec l'Organisation internationale du travail, les Nations Unies ou toute autre organisation internationale peuvent constituer une infraction pénale et qu'au contraire le Myanmar est en faveur de cette coopération. Il a souhaité que les évolutions positives dans le pays soient dûment reflétées dans le projet de résolution sur le Myanmar.

Au cours du dialogue interactif qui a suivi la présentation du rapport de M. Pinheiro, M. CARLOS ANTONIO DA ROCHA PARANHOS (Brésil) a rappelé que dans bien des cas, le Brésil a manifesté sa désapprobation face à la politisation des débats de la Commission. Cependant, le travail des rapporteurs spéciaux, par son impartialité notamment, contribue certainement à une approche créative et efficace en faveur de l'amélioration de la situation des droits de l'homme. En s'acquittant de son mandat avec un esprit d'indépendance et d'engagement sincère, M. Pinheiro a fait avancer la noble cause des droits de l'homme et sa crédibilité est encore renforcée par le fait qu'il a explicitement reconnu avoir bénéficié de la coopération du Gouvernement du Myanmar.

M. BRAD BÉCHARD (Canada) a demandé au Rapporteur spécial où en était son enquête au sujet d'accusations de viols commis par les forces armées dans l'État de Shan et quelle avait été la réponse des autorités du Myanmar à sa demande d'enquête indépendante au sujet de l'incident de Depayin du 30 mai 2003. Le représentant a également demandé au Rapporteur spécial si, à son avis, l'engagement des autorités du Myanmar et des comités de la Convention nationale était suffisant pour assurer une participation significative au processus de rédaction d'une nouvelle Constitution.
M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a demandé au Rapporteur spécial comment concrétiser le lien entre les droits de l'homme et les dispositions de la feuille de route : faut-il prévoir un code de conduite, la nomination d'un conseiller spécial aux droits de l'homme? D'autre part, si un accord sur les modalités d'une mission d'enquête indépendante ne pouvait être trouvé, quelles autres options envisager pour évaluer les allégations de viols systématiques de femmes de l'ethnie shan?

M. ALAN GIBBONS (Irlande, au nom de l'Union européenne) a demandé au Rapporteur spécial quelle était son évaluation des conditions de détention des prisonniers au Myanmar. L'Union s'inquiète du sort réservé notamment aux personnes âgées et malades.

Le Rapporteur spécial, M. PINHEIRO, répondant aux questions relatives aux allégations de violences sexuelles systématiques sur les femmes, a déclaré que jusqu'ici, les autorités du Myanmar n'ont pas répondu à ses requêtes à ce propos. S'agissant de la situation dans l'État de Shan, le Rapporteur spécial a fait part de son scepticisme quant à l'idée de créer une commission d'enquête internationale. Une meilleure manière de faire la lumière sur cette question serait de réunir les amis du Myanmar pour amener les dirigeants de ce pays à comprendre qu'il serait très utile que l'enquête entre dans le cadre du mandat du Rapporteur spécial. M. Pinheiro a déclaré que le Premier Ministre du Myanmar semble engagé à poursuivre dans la voie de la transition politique. Il a exprimé l'espoir que le Premier Ministre sera en mesure de donner effet aux dispositions de la feuille de route. M. Pinheiro a émis des doutes sur l'opportunité d'inclure dans la feuille de route des éléments ayant trait aux droits de l'homme. Toutefois, l'on pourrait rappeler les exigences relatives aux droits de l'homme communes à toutes les transitions politiques intervenues dans l'histoire. Le Rapporteur spécial n'est toutefois pas hostile à ce que le Gouvernement du Myanmar soit éclairé sur les modalités permettant d'intégrer les éléments relatifs aux droits de l'homme dans la Constitution. Il a toutefois indiqué que la mise en place, à cet effet, d'une entité particulière ne lui semblait pas opportune. Il a enfin estimé qu'il n'y a pas eu d'aggravation de la situation en ce qui concerne les conditions de détention.

MME IULIA MOTOC, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo, a indiqué qu'elle a effectué trois missions en République démocratique du Congo au cours de l'année 2003 qui l'ont conduite à Kinshasa, Kisangani, Bunia, Bukavu, Kindu et Lubumbashi et qui lui ont permis de s'entretenir avec les différentes autorités, organisations internationales et non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu'avec des victimes de violations des droits de l'homme. Elle a souligné que les efforts accomplis sur le plan politique sont impressionnants. Toutefois, le processus demeure fragile et inachevé, comme le prouvent les événements récents de Bukavu, s'agissant notamment du désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion des anciens combattants, de l'intégration et de la restructuration effective des forces armées des ex-belligérants ou de l'établissement d'une police nationale intégrée. Elle s'est félicitée de ce que l'intervention de la Force internationale d'urgence conduite par la France ainsi que le renforcement de la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) ont contribué à une amélioration de la situation sécuritaire en Ituri. À cet égard, Mme Motoc a condamné les attaques contre la MONUC et exprimé sa vive préoccupation face à la propagande contre la Mission.

La Rapporteuse spéciale s'est par ailleurs dite très préoccupée par le sort du projet de loi sur l'Observatoire national des droits de l'homme, qui ne remplit pas les conditions requises pour l'indépendance et l'impartialité de ses membres. En outre, relevant que la réconciliation se heurte à des difficultés, Mme Motoc a estimé qu'il est de l'intérêt de l'État congolais de déférer au Procureur de la Cour pénale internationale les crimes relevant de la compétence de la Cour, et reste convaincue qu'un mécanisme efficace de justice devrait être mis en place pour prendre en considération les crimes commis avant juillet 2002. Elle a également préconisé une meilleure coordination des institutions internationales impliquées dans la question de l'impunité. Soulignant l'insécurité de la population civile soumise aux exactions des militaires et de la police, elle a particulièrement mis l'accent sur la corruption généralisée qui alimente l'impunité. Elle a par ailleurs estimé urgent de mettre en place un plan national d'urgence pour les déplacés et une implication plus grande de la communauté internationale sur cette question. Mme Motoc a également mis l'accent sur la situation catastrophique de la justice, des prisons et des centres de détention. Elle a aussi exprimé sa préoccupation sur la situation des groupes vulnérables, et en particulier des enfants soldats et des femmes victimes de violences sexuelles, de viols systématiques accompagnés d'actes de cruauté. À cet égard, elle a estimé absolument nécessaire d'envisager des réparations pour les victimes de violations massives des droits de l'homme.

Dans son rapport sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo (E/CN.4/2004/34), la Rapporteuse spéciale se dit favorablement impressionnée par les progrès remarquables enregistrés sur le plan politique en 2003 tout en estimant cependant que le processus demeure fragile et inachevé. En outre, la Rapporteuse spéciale s'inquiète du sort des institutions qui sont en charge de la promotion des droits de l'homme. Rappelant que l'année 2003 a été marquée par des violations massives des droits de l'homme qui s'apparentent à des crimes internationaux, elle note qu'une solution juste aux questions de l'impunité et de la réconciliation pourrait apporter une paix durable. L'insécurité de la population civile est un des obstacles à la réalisation des droits de l'homme et une réforme judiciaire de grande ampleur est nécessaire. La Rapporteuse spéciale souligne la situation humanitaire dramatique, avec notamment 3,4 millions de personnes déplacées, et estime qu'il est absolument nécessaire d'envisager d'accorder des réparations aux victimes des violations massives des droits de l'homme pour permettre leur réinsertion dans la société. Elle attire également l'attention sur le nombre de malades du VIH/sida, qui est estimé à 1,3 millions de personnes, et souligne le paradoxe chronique de ce pays qui est l'un des plus riche du monde en ressources naturelles et dont la population souffre de pauvreté endémique, avec environ 17 millions de personnes souffrant de malnutrition.

Dans ses conclusions et recommandations, la Rapporteuse spéciale demande à toutes les parties en conflit de mettre fin à toute activité militaire et de respecter les obligations dérivant de l'application de la Constitution de transition. Elle demande également au Gouvernement de coopérer avec la Cour pénale internationale et à la communauté internationale de s'impliquer davantage dans la question de l'impunité et de continuer d'analyser la question de l'exploitation illégale des ressources naturelles afin de mettre en place un mécanisme efficace de redistribution en faveur des populations défavorisées.


Déclarations concernant le rapport sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo

S'exprimant à titre de pays concerné, M. SÉBASTIEN MUTOMB MUJING (République démocratique du Congo) a déclaré qu'après quatre visites dans son pays, Mme Motoc s'était imprégnée de manière objective des réalités liées aux droits de l'homme. Elle a présenté un rapport qui semble globalement positif et équilibré. En ce qui concerne l'évolution politique du pays, le représentant a fait valoir que la République démocratique du Congo s'est dotée d'une Constitution de transition qui consacre 49 de ses articles aux libertés publiques, aux droits et devoirs fondamentaux du citoyen. La Constitution prévoit la création d'institutions nationales d'appui à la démocratie : commission électorale indépendante, observatoire national des droits de l'homme, commission d'éthique et de lutte contre la corruption et haute autorité des médias. Concernant le processus de désarmement, le Gouvernement de transition n'a ménagé aucun effort pour aider la MONUC à rapatrier les combattants étrangers sur son territoire, et attend sur ce point précis un soutien approprié de la part de la communauté internationale. Pour ce qui est des violations massives des droits de l'homme relevées dans le rapport, le représentant a relevé qu'elles concernent essentiellement des zones où l'autorité de l'État n'est pas encore totalement rétablie. Cette situation est due à la présence de bandes armées incontrôlées. Le problème de l'insécurité des populations pourra être résolu notamment par le déploiement d'unités des forces armées et de la police nationale.

Le Gouvernement de la République démocratique du Congo est conscient qu'après plusieurs années de guerre, la réconciliation passe par la justice réparatrice en faveur des victimes, a déclaré M. Mutomb Mujing. La population congolaise place dans ce contexte tous ses espoirs dans le fonctionnement efficace de la Commission de vérité et réconciliation. Le représentant a d'autre part relevé que dans son pays, qui héberge par ailleurs un très grand nombre de réfugiés étrangers, le nombre de déplacés internes était de trois millions et que leur réinstallation posait des problèmes épineux. Le Ministère de la Solidarité et des affaires sociales s'emploie à exécuter le programme de réinsertion rapide de ces personnes. Le représentant congolais a également demandé une coopération technique beaucoup plus élaborée avec le Haut Commissariat des droits de l'homme, dont le budget pour les programmes menés dans son pays devrait être accru. Le représentant a enfin nié que les pygmées fassent l'objet de marginalisation sociale, comme le soutient la Rapporteuse spéciale.

Dans le cadre du dialogue interactif qui a suivi, M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a relevé que la Rapporteuse spéciale s'est prononcée en faveur de la mise en place d'un mécanisme de justice efficace en République démocratique du Congo pour juger des crimes commis avant l'entrée en vigueur en juillet 2002 de la Cour pénale internationale. Il a demandé quelle forme devrait selon elle prendre cette institution.

Répondant à la question posée par le représentant de la Suisse, la Rapporteuse spéciale, MME JULIA MOTOC, a souligné que, en effet, la question de l'impunité se pose avec sérieux dans le pays. Il est prématuré de se prononcer sur cette question, a-t-elle affirmé. Toutefois, elle a déclaré que, pour sa part, la mise en place d'un tribunal mixte, composé de représentants nationaux et de membres de la communauté internationale serait le bienvenu.


Autres rapports dont la Commission est saisie au titre de la question de la violation des droits de l'homme où qu'elle se produise dans le monde

La Commission est notamment saisie d'une note du Secrétariat sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée et d'une note du Secrétariat sur la situation des droits de l'homme au Turkménistan. Elle est également saisie du rapport du Secrétaire général concernant la coopération avec les représentants d'organes de l'Organisation des Nations Unies chargés des droits de l'homme.

La note du Secrétariat sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée (E/CN.4/2004/31), présentée conformément à la résolution 2003/10 de la Commission qui demandait au Haut-Commissariat aux droits de l'homme d'engager un dialogue approfondi avec les autorités de la République populaire démocratique de Corée, indique que le Haut-Commissaire par intérim a été informé, le 30 décembre dernier, que sa lettre invitant le pays à engager avec lui un dialogue sur des questions de coopération technique avait été transmise à Pyongyang et que le Gouvernement était attaché à une coopération étroite avec le Haut Commissariat. La présente note fait état des observations finales adoptées par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels suite à l'examen, en novembre 2003, du deuxième rapport périodique de la République populaire démocratique de Corée. Elle précise en outre qu'aucun instrument relatif aux droits de l'homme auquel le pays n'était pas encore partie n'a été ratifié par lui depuis l'adoption de la résolution 2003/10 de la Commission. La note indique par ailleurs que la demande que le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation a présentée au pays afin de s'y rendre en mission n'a reçu aucune réponse à ce jour, pas plus que n'ont reçu de réponse les demandes similaires formulées par le Rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression et par le Rapporteur spécial sur l'intolérance religieuse.
S'agissant de la demande que la Commission avait adressée au pays dans sa résolution 2003/10 afin que celui-ci résolve toutes les questions non élucidées concernant l'enlèvement d'étrangers, la note indique que des représentants du Gouvernement japonais et des familles de ressortissants japonais enlevés sont entrés en contact avec le Haut Commissariat afin d'obtenir une aide dans leurs efforts visant à traiter de la question des ressortissants japonais enlevés et emmenés en République populaire démocratique de Corée. Le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires a été saisi de la question. En particulier, le Groupe de travail s'est inquiété au sujet de neuf ressortissants japonais qui auraient été enlevés il y a quelques années au Japon ou en Europe par des agents de la République populaire démocratique de Corée et emmenés sur le territoire de cette dernière. En ce qui concerne la situation humanitaire, la note du Secrétariat souligne que les informations communiquées par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires indiquent qu'une assistance bien ciblée peut avoir des répercussions immédiates sur la vie des personnes vulnérables. Toutefois, les progrès considérables que l'assistance humanitaire a entraînés sont mis en échec par des difficultés économiques persistantes et une action internationale affaiblie.

La note du Secrétariat sur la situation des droits de l'homme au Turkménistan (E/CN.4/2004/118) indique que le Ministre des affaires étrangères du Turkménistan a adressé en octobre 2003 une lettre commune au Secrétaire général adjoint aux affaires politiques et au Haut-Commissaire aux droits de l'homme par intérim, déclarant notamment que le Turkménistan était disposé à recevoir une délégation d'experts du Haut-Commissariat qui examinerait, avec les institutions turkmènes compétentes, les questions relatives à la fourniture d'une assistance technique dans le domaine des droits de l'homme. La note rappelle que la résolution 2003/11 de la Commission, sur la situation des droits de l'homme au Turkménistan, engageait le Gouvernement turkmène à coopérer pleinement avec tous les mécanismes de la Commission. À ce jour, aucun des mécanismes de la Commission n'a reçu une invitation à visiter le pays. À ce jour, ajoute la note, le Turkménistan n'a présenté aucun rapport aux organes conventionnels de l'ONU au titre des instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme qu'il a signés et ratifiés.

La Commission est également saisie du rapport du Secrétaire général concernant la coopération avec les représentants d'organes de l'Organisation des Nations Unies chargés des droits de l'homme (E/CN.4/2004/29), qui fait état d'actes d'intimidation et de représailles à l'encontre de particuliers et de groupes qui cherchent à coopérer avec l'ONU et les représentants de ses organes de défense des droits de l'homme. Le Secrétaire général se dit inquiet de ce que la nature des représailles exercées s'aggrave en comparaison de l'année précédente, puisque les victimes subissent des violations des droits les plus fondamentaux, notamment les droits à l'intégrité mentale et physique, voire dans les cas les plus graves du droit à la vie. Ainsi en témoigne le meurtre de deux des personnes ayant fourni des informations à la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires lors de sa mission d'enquête au Brésil.


Suite du débat sur sur la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales où qu'elle se produise dans le monde

M. MALIK OZDEN (Centre Europe tiers-monde)a estimé que les États-Unis portent une responsabilité particulière dans la poursuite des violations des droits de l'homme dans le monde du fait de leur poids et de leur position dominante. À cet égard, il a cité les prisonniers capturés en Afghanistan qui continuent de croupir à Guantanamo et les actions entreprises sous couvert de lutte contre le terrorisme qui entraînent de graves violations des droits de l'homme. Cette attitude est malheureusement «copiée» par d'autres États tels que les pays membres de l'Union européenne qui ont tendance à tomber dans une dérive sécuritaire ouvrant la voie à la montée du racisme et de la xénophobie. Cette situation porte en elle-même les germes des conflits intercommunautaires et sociaux qui sont déjà visibles dans plusieurs pays. Actuellement, se sont surtout des réfugiés, des migrants et des militants altermondialistes qui sont victimes de ces mesures liberticides. Personne, ni aucun État, ne peut et ne devrait être au-dessus du droit car les violations des droits de l'homme d'aujourd'hui sont les causes des conflits futurs. Le moment est venu de faire le bilan de la lutte antiterroriste, a estimé le représentant, affirmant que celle-ci a exacerbé la méfiance entre les peuples, que l'insécurité est devenue la règle et qu'elle cache l'imposition par la force d'un ordre social et international injuste et d'un pillage généralisé des ressources de la planète par quelques puissants.

MME FAUZIA ASSAAD (Fédération internationale des Pen clubs) a souligné que l'on dénombre aujourd'hui pas moins de 200 journalistes emprisonnés dans le monde. Leur seul crime ayant été d'exercer leur droit à la liberté d'expression. La Chine, l'Érythrée et Cuba sont les trois pays qui comptent le plus de personnes emprisonnées en raison de leurs opinions. La représentante a exhorté les États membres de la Commission à respecter les dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme et à mettre un terme à la politique d'arrestation de ceux qui expriment des vues contraires à celles des autorités.


Droit de réponse

M. AMARE TEKLE (Érythrée) en réponse à l'intervention de PEN International, a déclaré que cette organisation sait parfaitement que les journalistes qu'elle mentionne ont été détenus pour avoir commis une infraction à la loi. Ils ont en effet été transférés dans un centre de détention conformément aux dispositions de la Constitution qui prévoient que tous les citoyens - journalistes compris - ont le devoir d'accomplir leur service militaire national.

M. SHIGERU ENDO (Japon) en réponse à la déclaration du Ministre des affaires étrangères du Pérou, a précisé que son Gouvernement avait reçu la demande d'extradition formulée par le Gouvernement de ce pays et qu'il l'examinait avec toute l'attention requise.



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Rectificatifs :

Dans notre communiqué HR/CN04/23 d'hier après-midi, 25 mars, une erreur s'est introduite dans le nom du premier orateur : le représentant de la République du Congo qui est intervenu au nom du Groupe africain était M. ROGER JULIEN MENGA.

Dans le même communiqué, l'intervention du représentant de la Turquie, exerçant son droit de réponse, aurait dû se lire comme suit :

M. TÜRKEKUL KURTTEKIN (Turquie) répondant aux interventions sur la situation à Chypre par les représentants grec et chypriote grec, a rappelé que la République de Chypre avait été fondée à l'origine en tant que partenariat entre deux peuples. Cette république a été détruite par la force par l'un des partenaires en 1963. L'extermination totale de l'un des deux peuples fondateurs et l'intégration de l'île à un pays tiers ont été évitées grâce à l'intervention de l'une des puissances garantes. Le peuple chypriote turc a exercé son droit à l'autodétermination et promulgué la République turque de Chypre du Nord, reconnue par la Turquie. Le représentant a souligné que les efforts déployés actuellement sous l'égide du Secrétaire général des Nations Unies pour un règlement pacifique de la question de Chypre est fondée sur l'égalité des deux peuples fondateurs. Il a exprimé l'espoir que les pourparlers de Bürgenstock, en Suisse, aboutiront, et a estimé qu'il n'était pas souhaitable de blâmer un éventuel échec sur la partie chypriote turque, comme cela s'est produit par le passé.

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