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Communiqués de presse Organes des Nations Unies

LES POPULATIONS AUTOCHTONES REVENDIQUENT LA RECONNAISSANCE DE LEURS SAVOIRS TRADITIONNELS POUR GERER L’ENVIRONNEMENT

16 Mai 2003



Instance permanente sur
les questions autochtones
16 mai 2003
9e et 10e séances – matin & après-midi



A l’issue de sa première semaine de travaux, l’Instance permanente sur les questions autochtones a entendu vendredi les préoccupations des communautés sur l’environnement: l’industrie minière et pétrolière polluante, les manipulations génétiques de semences et leurs conséquences sur la biodiversité des terres autochtones et les modes de production et d’alimentation traditionnels.

Au-delà de la dénonciation, illustrée par de nombreux exemples concrets, s’est manifesté le souci de l’héritage à léguer aux générations futures: les représentants autochtones qui se sont exprimés ont revendiqué le droit à la maîtrise de leur environnement, de leurs territoires et de leurs ressources, fondée sur leurs connaissances ancestrales et leurs pratiques traditionnelles pour lesquelles ils ont réclamé un cadre juridique.

Le développement des activités minières a souvent entravé le développement économique des communautés autochtones, a expliqué une de leurs représentantes péruviennes: les mines traditionnelles ont été privées de leurs revenus et les systèmes fluviaux pollués. Les grands projets de barrage ou d’aménagement touristique ont détourné les fleuves, noyé à jamais des sites sacrés ou transformé des territoires riches en zones arides. Le représentant de plusieurs communautés mésoaméricaines au sein de la Fondation pour la promotion des connaissances autochtones a ainsi souligné que ces populations vivent souvent dans la pauvreté extrême en dépit de la richesse de leurs terres.

L’autre préoccupation exprimée de façon récurrente avait trait à l’agriculture: l’Alliance mondiale des peuples autochtones des forêts tropicalesa indiqué qu’avec la multiplication des organismes génétiquement modifiés, la biodiversité disparaissait et les savoirs ancestraux étaient oubliés. A l’inverse, deux orateurs venus du Brésil ont raconté comment les 11 à 12% du territoire national garantis comme territoires autochtones avaient été mieux préservés du déboisement et de la désertification: les autochtones sont peut-être plus modernes dans leurs enseignements traditionnels que tous les enseignements modernes, a fait valoir l’un d’eux.

A ce titre, les représentants des populations autochtones ont estimé que la reconnaissance de leur droit à l’autodétermination, le respect et la reconnaissance de leurs cultures et de leur vision du monde sont leurs seules garanties pour l’avenir de leurs enfants et la protection de leurs ressources naturelles. Ils ont donc réclamé un cadre juridique et éthique protégeant leurs droits sur leurs terres ancestrales, reconnaissant également l’apport des savoirs traditionnels pour la gestion de l’environnement.

Ils ont demandé à l’Instance d’aider à la mise en place de programmes et de mécanismes soulignant la responsabilité des industries et intégrant la notion de dommage culturel et de veiller à ce que les Etats consultent les populations autochtones avant d’élaborer lois et programmes qui les concernent. Ils l’ont appelée à travailler avec les organismes qui traitent des connaissances traditionnelles afin qu’ils puissent se coordonner avec les organismes de l’ONU. Le représentant d’un Réseau environnemental autochtone du Nouveau-Mexique a aussi demandé à l’Instance d’appuyer l’organisation d’une conférence mondiale défendant les droits des peuples autochtones, dans le cadre du suivi de la Déclaration de Kimberley d’août 2002.

La représentante du Fonds international pour le développement agricole (FIDA) a confirmé que lorsque les droits de propriété ne sont pas reconnus, les risques de marginalisation sont accrus et elle a assuré que le Fonds cherchait de son côté à promouvoir une meilleure utilisation des ressources et des savoirs autochtones, en matière notamment de gestion des écosystèmes et de médecine traditionnelle.

Le Président a par ailleurs donné lecture d’une lettre adressée par l’Instance au Président du Conseil de sécurité concernant le sort des populations pygmées de République démocratique du Congo, demandant à pouvoir le rencontrer à ce sujet dans le cours de cette deuxième session.

La deuxième session de l’Instance permanente sur les questions autochtones poursuivra ses travaux lundi 19 mai à 10h00 avec l’examen des questions de santé.



ENVIRONNEMENT

Suite du débat

Le représentant de l’Indonésiea insisté sur la protection des écosystèmes, car l’environnement pour les populations autochtones a une importance fondamentale: quand il est détruit, elles perdent leur passage vers un monde viable. Il a donc réaffirmé son appui aux engagements contenus dans la Déclaration de Johannesburg relatifs aux populations autochtones et a soutenu l’idée d’un sommet sur les populations autochtones et le développement durable. Il a encouragé l’Instance permanente sur les questions autochtones à traduire les documents pertinents dans les langues autochtones et à les diffuser auprès des communautés autochtones; il a également prôné une enquête sur le savoir-faire des autochtones en matière de protection de l’environnement et a demandé à l’Instance de promouvoir l’association des populations autochtones aux délibérations sur le développement durable.

La Fundación para la Promoción de Canoc Indígena, représentant des communautés méso-américaines, a rappelé que ces peuples sont classés parmi ceux qui vivent dans une pauvreté extrême en dépit des richesses et ressources de leurs territoires. Son représentant s’est déclaré préoccupé par les processus d’intégration et de mondialisation découlant des accords commerciaux et des accords passés dans le cadre de l’OMC, qui entraînent une baisse de qualité de vie pour les populations autochtones. Il s’est opposé à plusieurs grands projets touristiques ou hydrographiques de la région maya: la conception et l’application de tels projets doivent passer par le consentement préalable et libre et par la reconnaissance au droit à l’autodétermination. Il a également réclamé un cadre juridique protégeant les droits des autochtones sur leurs territoires et reconnaissant l’apport des connaissances traditionnelles dans la gestion de l’environnement. Enfin, il a appelé les Etats à adopter des mesures urgentes pour protéger les programmes agricoles menacés par le déboisement et la désertification des territoires autochtones.

Le délégué du Conseil Saami a rappelé que la région arctique abrite quelque 50 peuples autochtones. De nouvelles zones y ont été ouvertes à l’industrie pétrolière et gazière; le climat très dur et la fragilité de ces territoires mettent ces peuples en danger et leurs droits sont oubliés. Le Conseil Saami entend coopérer avec le Conseil arctique, qui comprend des éléments prometteurs pour relever les défis sur une base régionale, a-t-il expliqué. Le Conseil Saami en fait partie et souhaite confronter son point de vue avec les autres peuples de la région. Il a souhaité des études sur le respect par les organes de l’ONU des principes fondamentaux et sur le consentement préalable des populations autochtones et demandé que les résultats soient remis au Secrétariat de l’Instance.

Pour Cordillera Peoples’s Alliance, le souci premier est le pillage des ressources naturelles et sa déléguée a plaidé pour des industries minières responsables; ces industries ont entravé le développement économique des populations autochtones, les mines traditionnelles ont été privées de leurs revenus et, en outre, les systèmes fluviaux ont été pollués par les déchets toxiques. Mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg, selon elle: si les droits des populations autochtones sur leurs territoires et leur droit à l’autodétermination ne sont pas reconnus, ces catastrophes se multiplieront. L’Instance permanente sur les questions autochtones doit donc développer des programmes et des mécanismes sur la responsabilité des industries et la compensation des communautés qui endurent les dommages engendrés par leurs activités.

Le représentant de Peace Campaign Group a expliqué que de nombreux groupes basent leurs croyances, leurs modes de vie et leurs traditions sur les forêts qui sont source de vie. Les peuples autochtones des collines du Bangladesh vivaient une vie prospère depuis des siècles jusqu’à ce que leur environnement soit devenu hostile, ce qui a aggravé non seulement leur dépendance envers le monde développé, mais également leur marginalisation. Nous avons été témoins de la militarisation de nos terres et de l’exploitation commerciale de nos forêts. De 1979 à 1984, le Gouvernement a tenté de procéder à un programme de transfert systématique des populations musulmanes, des centaines de milliers de personnes ayant alors dû abandonner la terre de leurs ancêtres. Le Gouvernement militaire du Bangladesh a créé un conseil de développement pour les peuples autochtones qui vise en réalité à les assimiler à la culture bangladaise. Le Gouvernement a utilisé des fonds de la Banque mondiale pour éliminer l’habitat des terres autochtones.

Mme VANDA ALTARELLI, Fonds international pour le développement agricole (FIDA), a expliqué que le Fonds se concentre sur l’élimination de la pauvreté dans les zones rurales avec la participation des populations pauvres elles-mêmes. Grâce à cette expérience de terrain, nos activités sont réellement fondées sur les aspirations des peuples pauvres, parmi eux les populations autochtones qui sont les plus pauvres parmi les pauvres. Les droits de propriété n’étant pas reconnus, les risques de marginalisation en sont accrus. Le Fonds cherche également à promouvoir une meilleure utilisation des ressources et savoirs autochtones en matière notamment de gestion des écosystèmes et de médecine traditionnelle.

Le représentant du Conseil des Sages, a dénoncé, au nom d’un collectif d’association, les destructions des monuments traditionnels au Nouveau-Mexique et la violation des lieux sacrés. La protection de ces lieux doit faire partie des travaux de l’Instance qui doit reconnaître comme un droit de l’homme l’enseignement de la religion et des croyances spirituelles, l’accès aux lieux spirituels et la protection des lieux sacrés. Nous demandons à l’Instance de reconnaître le droit des peuples autochtones à lutter contre des projets de développement nuisibles.

Le Frente Indegenio Oaxaqueno and binacional, qui défend les migrants et travailleurs agricoles autochtones originaires du Mexique en Californie, se soucie particulièrement de l’impact des produits pesticides sur la santé: ces polluants s’attachant en outre à leurs vêtements, ils touchent aussi les familles, femmes et enfants. Son délégué a demandé à l’Instance d’adopter les principes reconnus depuis 1989 d’interdire les termes péjoratifs pour qualifier ces personnes qui ont été obligées de quitter leur pays, de faire pression sur le gouvernement américain pour qu’il souscrive à ces principes établis par les conventions internationales, comme celle de l’OIT. L’Instance doit assumer une politique plus énergique en faveur des migrations des autochtones.

Au nom du Caucus des populations autochtones pour le développement durable et la Fondation Tebtebba, une représentante a recommandé à l’Instance d’encourager les mises en œuvre concrètes des résultats des sommets conférences pertinentes sur les questions autochtones, d’inviter les organes des Nations Unies à œuvrer à la mise en œuvre des plans d’action de Johannesburg et Kimberley.

Pour la Haudenosaunee Six Nations of Iroquois Confederacy of Turtle Island (Amérique du Nord), la protection des connaissances traditionnelles et des ressources génétiques sont garanties par les propres lois de ces communautés que chacun doit respecter. Dans une communauté, les connaissances traditionnelles, le droit à l’autodétermination, le respect et la reconnaissance de la culture et de la vision du monde sont ses seules garanties pour l’avenir de ses enfants et la protection de ses ressources naturelles. La représentante a demandé à l’Instance de veiller à ce que les Etats consultent les populations autochtones avant d’élaborer des lois et programmes qui les concernent; qu’elle travaille avec les organismes qui traitent des connaissances traditionnelles pour qu’il y ait une coordination avec les organismes de l’ONU qui traitent de ces questions.

NAVIN RAI, de la Banque mondiale a évoqué un examen en cours des conditions d’extraction minière par un département de la Banque; plusieurs études ont été demandées au titre de cette enquête pour corriger l’idée selon laquelle beaucoup de projets miniers ont été réalisés depuis plusieurs années dont certains auraient eu un impact négatif sur les populations autochtones. Les données à disposition de la Banque ne confirment pas cette idée.

Reprenant la parole, Mme ALTARELLI, du FIDA, a précisé que son organisme était en train de mettre en place un groupe des politiques au sein de son Département des affaires extérieures, destiné à la coopération avec les populations autochtones et qui, une fois installé, pourra collaborer avec l’Instance.

Mme HENRIETTA MARRIE, Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, a expliqué que les questions relatives à la propriété intellectuelle des populations autochtones et au développement des mécanismes participatifs de leurs communautés sont à la base du travail du Secrétariat. Ces activités sont menées grâces à la collecte de fonds et à la diffusion d’informations. Nous menons à l’heure actuelle une étude sur les connaissances traditionnelles qui sera présentée en janvier 2004. Une réunion d’un groupe d’experts sur l’impact de la biogénétique sur l’environnement aura lieu prochainement.

Le représentant de l’Association Awete Kaiwa a fait état des conditions de vie désastreuses dans les favelas où de nombreuses communautés autochtones vivent désormais. Nous ne disposons plus de bois ou de nos herbes médicinales. Nous sommes arrivés au bout de nos possibilités et nous demandons à l’Instance de nous aider.

La représentante de l’Association Halau Ku Mana a expliqué que 20% des sans-abri à Hawaï sont autochtones dont 14% d’enfants. Elle a demandé à l’Instance d’approuver immédiatement le projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones.

La représentante de Caucus du Pacifique a fait part de sa grande satisfaction au sujet des résultats des travaux de la première session de l’Instance permanente tout en regrettant que les informations relatives aux aspects administratifs et budgétaires n’aient pas été plus détaillées. Nous recommandons notamment que le Secrétariat de la Convention sur la biodiversité participe à nos travaux et que l’ECOSOC créé un groupe de travail chargé d’étudier des lignes directrices sur les questions portant sur l’environnement.

Le représentant deYachay Wasi a rappelé que les ancêtres des communautés autochtones ont demandé aux générations futures de préserver la terre et l’équilibre naturel. Aujourd’hui pourtant, l’agriculture a pris un nouveau visage Les technologies émergentes dans le domaine des sciences de la vie, notamment de la biogénétique, vont modifier nos modes de pensée mêmes au XXIe siècle et mettre en péril les moyens de subsistance traditionnels des agriculteurs. Nous voulons pouvoir breveter nos ressources et en garder le contrôle. Le temps est également venu de réclamer le droit à l’autodétermination.

La représentante du Centre universitaire d’études de Hawaï, une jeune femme de vingt ans, a expliqué que 100 000 hectares sont contrôlés par des militaires américains dont 56% devaient être utilisés au profit du peuple hawaïen, mais ont été en fait pillés. Tous les sites culturels et les traditions sont piétinés par les militaires; 45 lieux, contaminés, sont désormais toxiques et 400 dépôts toxiques devront être nettoyés à grands frais. Elle a donc demandé qu’Hawaï soit inscrite sur la liste des territoires à décoloniser.

Un délégué de l’association ACRICAR, qui représente les Lamas andins et d’autres populations autochtones du Pérou, a exposé la discrimination notoire dont celles-ci sont l’objet dans ce pays, notamment dans les zones d’altitude, à plus de 3000 m au-dessus de la mer. Nombre d’entreprises minières usurpent les terres de ceux qui vivent de l’alpaga, éleveurs de lamas ou de vigognes. Certains lieux sont transformés en terres arides. Certaines communautés autochtones souffrent des politiques visant à éradiquer la coca au profit d’autres cultures. Il a recommandé à l’Instance de demander aux gouvernements de respecter les droits des territoires et populations autochtones du Pérou et d’autres pays.

Pour l’Association des femmes autochtones de la région du Pérou, sa présidente a dénoncé les graves pollutions liées à l’industrie minière; les femmes et les enfants autochtones de la région qui élèvent les alpagas sont affectés. Elle a demandé à l’Instance de prier le Gouvernement de cesser sa politique discriminatoire à leur égard.

Le représentant de l’Institut de la propriété intellectuelle du Brésil a rappelé que ce pays abrite 230 peuples et représente la plus grande diversité linguistique et culturelle de la Terre, mais ces populations autochtones n’ont pas de représentation politique. Néanmoins, 12% du territoire national ont été assurés comme terres autochtones. La science examine notre terre comme source de richesse mais sans respecter nos traditions et nos cultures et sans tenir compte d’un partage possible de richesses, a-t-il dénoncé. Les autochtones sont peut-être pourtant les plus modernes, dans leurs enseignements traditionnels, que tous les enseignements modernes, a-t-il suggéré. Ils ont droit à une alimentation sans manipulation génétique, à vivre des médicaments qu’ils produisent. Le représentant a donc invité l’Instance à se rapprocher des peuples en venant tenir sa prochaine session au Brésil.

Le représentant du Brésila déclaré que la reconnaissance des droits des peuples autochtones est l’un des principes du Brésil où plus de 11% du territoire est réservé aux populations autochtones qui y vivent en permanence. Le défi est de faire respecter la loi pour qu’elle devienne une source de droit pour ces populations. L’obligation de créer des lignes de démarcation et de respecter les terres est essentielle au maintien de la biodiversité. La zone de forêt de pluie la plus importante se trouve en effet dans les zones autochtones de l’Amazonie. Nous devons promouvoir le principe du consentement préalable à tout projet sur les terres autochtones.

Le représentant de Indigenous Environmental Networkdu Nouveau-Mexique a demandé à l’Instance permanente d’organiser une conférence mondiale défendant les droits des peuples autochtones sur le suivi de la Déclaration de Kimberley d’août 2002. Nous réaffirmons notre droit à la terre avec laquelle nous avons un rapport spirituel. Le modèle de développement occidental a détruit des systèmes familiaux et d’alimentation qui nous avaient permis de vivre pendant des générations.

La représentante de l’Alliance mondiale des peuples autochtones des forêts tropicales a expliqué que les alliances entre communautés autochtones ont permis de pérenniser les connaissances traditionnelles et d’assurer leur sécurité alimentaire. Avec la multiplication des agents génétiquement modifiés, la biodiversité disparaît et les systèmes de savoir ancestraux sont oubliés. Les institutions des Nations Unies doivent allouer des fonds à la restauration de la biodiversité, reconnaître les droits des populations autochtones à leurs domaines territoriaux ancestraux et sites sacrés, au contrôle de leurs ressources et enfin celui de participer au Congrès mondial des zones protégées. Nous demandons à l’Instance d’élaborer un cadre éthique, d’intégrer la notion de dommage culturel comme un élément des instruments juridiques visant à nous protéger, et de veiller à la cohésion entre les divers instruments relatifs aux peuples autochtones et à l’environnement. Il faudrait, dans le cadre de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, créer un groupe de travail sur les populations autochtones.

Une représentante, s’exprimant au nom du Réseau d’information autochtone et de l’Organisation des femmes africaines autochtones, a expliqué que la désertification en Afrique s’accentue de jour en jour posant le problème de la survie des générations futures. La pression démographique, la mauvaise gouvernance, les activités des multinationales, les changements climatiques, l’effet de serre et les conséquences de la sécheresse sont catastrophiques pour les modes de vie nomades. Nous recommandons une amélioration des moyens de communication, la réalisation d’une étude sur les populations autochtones et leur environnement, nous invitons les gouvernements africains à manifester davantage d’intérêt pour les populations autochtones et à mettre un terme à la discrimination qui est exercée contre eux; nous demandons aux institutions des Nations Unies de favoriser la participation des peuples africains aux débats relatifs à l’environnement.

Le représentant de la Conférence polaire Inuit a expliqué que cette communauté continue de dépendre en grande partie de la terre et des ressources marines pour l’alimentation. La couche de glace devient de plus en plus fine en raison du réchauffement de l’atmosphère et en 2004 une étude évaluera les changements climatiques dans la région du cercle polaire. En 2001, la Convention de Stockholm a tenté de limiter les émissions de polluants et nous invitons les Etats membres à ratifier ce texte.

La représentante du Danemark, au nom du Groenland, a expliqué que son Gouvernement avait créé un partenariat avec les organisations autochtones pour promouvoir le développement durable qui s’est concrétisé par l’organisation d’un atelier associant 43 organisations autochtones. Un plan d’action a été élaboré et une commission de planification a été créée. L’idée de base était de lancer des activités spécifiques et de faire rapport à l’Instance permanente. Il a été convenu de travailler aux questions suivantes: propriété intellectuelle, droits des peuples autochtones et leur inclusion dans le cadre d’une approche sectorielle.

Le représentant de OPIAC ET AMAAI au Brésil a expliqué que ces deux organisations travaillent à la gestion environnementale des terres autochtones, à la sensibilisation des jeunes autochtones, à la préservation et à l’utilisation durable des ressources naturelles. Nous nous heurtons à un problème grave de déforestation en raison de la surexploitation des forêts à la frontière du Brésil et du Pérou. La population augmente alors que les ressources s’amoindrissent du fait de leur mauvaise exploitation. Nous recommandons à l’Instance de tenter de promouvoir la gestion durable des terres sur la base d’une réelle coordination avec les organismes des Nations Unies. Nous aimerions qu’une étude soit menée sur la mise en œuvre du programme Agenda 21 par les communautés autochtones et que ces dernières soient associées à l’examen des questions écologiques.

Le représentant de l’Association Habitatpro du Pérou a développé l’idée du caractère sacré de la terre, de sa gestion et de sa survie. Selon lui, la mondialisation n’est que la poursuite du colonialisme, le néolibéralisme n’est qu’une façon de perpétrer l’exploitation. Les grandes entreprises pétrolières et forestières ont envahi les terres et anéanti leurs ressources; la destruction des forêts a eu de graves conséquences sur la chasse et les cultures. L’invasion européenne dans les vallées andines a été dévastatrice pour l’environnement. Aujourd’hui l’Instance doit lutter pour que la déclaration sur les droits des populations autochtones soit adoptée.

L’organisation Minorités ethniques et droits des autochtones d’Afrique a évoqué la dégradation environnementale qui touche tous les territoires africains autochtones. Pour son représentant, les Etats africains n’ont pas été sensibles aux souffrances des communautés autochtones, comme en témoigne la situation dans le delta du Niger, au Nigéria: l’exploitation du pétrole pollue les terres et la pauvreté qui en résulte exacerbe les tensions ethniques. Cette situation, selon les experts, risque de mettre en péril la survie de millions de personnes.

La représentante de Wara Instituto Indígena, venue du Brésil, a déploré que les Etats aient ignoré la nécessité de prendre en considération les savoirs traditionnels dans la gestion de l’environnement. Or, au Brésil, une grande partie des terres préservées sont des terres autochtones. Par conséquent garantir le droit à la terre signifie garantir un développement durable. Il faut donc que les Etats protègent les systèmes de valeurs et de savoirs des autochtones.

Un délégué de la Aboriginal and Torres Strait Islander Commission a estimé que le véritable problème est que les communautés autochtones ne disposent pas de droit d’accès à leurs terres. L’analyse des statistiques montre que ce sont les grandes entreprises qui bénéficient de tout ce système; mais en Australie, les aborigènes n’arrivent pas à faire valoir leurs arguments devant les tribunaux. L’association a donc souhaité que le Gouvernement australien revoie sa législation concernant les autochtones.

Le représentant du Comité de coordination africain entre les peuples autochtones a insisté sur le droit des autochtones à participer à la gestion de l’environnement, droit qui n’est pas respecté dans la majorité des Etats africains. Il a donc recommandé à l’Instance, à l’ECOSOC et aux gouvernements de redoubler d’efforts pour mettre un terme à la discrimination raciale dans tous les domaines. Il a demandé aux membres de l’Instance d’élaborer une recommandation sur la participation des autochtones aux questions concernant l’environnement.

Le représentant de Aboriginal and Torres Strait Islander Social Justice Commissioner a expliqué que le Gouvernement australien ne reconnaît pas le principe du consentement préalable informé qu’il refuse d’appliquer aux populations autochtones, tout comme il refuse de leur accorder le droit à l’autodétermination. Sans l’exercice de ce droit, les populations autochtones ne disposeront pas du droit à la gestion de leurs terres.

Le représentant de l’Université des régions autonomes de la côte caraïbe du Nicaragua, a indiqué que les zones protégées constituent le seul modèle de développement durable. Ceci n’est pas une nouveauté pour nous car notre histoire nous a toujours amené à protéger la nature. Malheureusement les cadres législatifs imposés à ces zones sont discriminatoires dans la mesure où ils ne nous permettent pas de commercialiser nos produits ou d’exercer nos connaissances traditionnelles. Il est nécessaire de recommander à l’ECOSOC d’élaborer des lignes directrices contraignantes pour les Etats prévoyant une gestion durable des écosystèmes et la préservation de ce lien spirituel entre nous et la nature. Le Fonds mondial pour l’environnement doit mettre en place des mécanismes de travail et dégager des ressources pour que nos propositions soient prises en considération.

Le représentant de l’Organisation nationale de Colombie a recommandé aux gouvernements de Bolivie et de Colombie d’éliminer les cultures illégales de manière progressive et concertée, de dégager des ressources pour les cultures alternatives, de tenir compte des avis des responsables autochtones et de mettre en place les procédures de consultation et de participation avec les populations concernées.

Le représentant de l’Assemblée nationale autochtone pour l’autonomie, a réaffirmé le lien des peuples autochtones avec la nature. Cette conception n’a pas grand chose à voir avec les valeurs du monde non autochtone qui ne reconnaît pas l’importance des ressources des communautés autochtones. Le représentant a dénoncé la construction de barrages ayant menée à l’inondation de territoires autochtones mais non à leur électrification ainsi que la déforestation de terres ancestrales. Nous sommes préoccupés par le fossé qui existe entre les déclarations de bonnes intentions des dirigeants politiques et la réalité sur le terrain. Nous demandons que l’Instance élabore une recommandation afin que des enquêtes soient menées dans les communautés autochtones spoliées de leur terre. Il faut que les accords de Johannesburg et de Kyoto soient suivis d’effet, que les gouvernements créent des centres de communication permettant aux autochtones d’avoir des relations avec les peuples du monde. Enfin, le représentant a jugé indispensable de proclamer une nouvelle décennie des populations autochtones.

M. CHARLES MC NEILL, Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a souligné que les populations autochtones sont celles qui ont le moins de chances de participer aux décisions internationales, mais le PNUD s’est engagé à travailler au niveau local avec elles depuis le Sommet de Johannesburg: les activités du Programme ont été restructurées en ce sens, notamment pour ce qui a trait à la gestion de l’eau, celle des sols, à la biodiversité, la gouvernance environnementale et le droit à la propriété intellectuelle. En Colombie, le PNUD travaille avec sept groupes autochtones afin de créer un réseau de zones protégées; en Guinée un projet a été lancé dans les montagnes; et l’Equateur fait l’objet d’un autre programme. Les cadres de développement sont des outils essentiels et les populations autochtones sont invitées à coopérer avec le PNUD.

La déléguée des Ashaninka du Pérou, au nom de l’association AIDESEP qui représente les communautés d’Amazonie péruvienne, a demandé au Gouvernement péruvien d’accorder la priorité à l’octroi de titres de propriétés sur les territoires communaux: 130 communautés sont concernées. Elle a sollicité l’appui de l’Instance dans cette revendication. Les organisations autochtones ne sont pas contre le développement, mais celui-ci doit se faire en accord avec leurs besoins et leurs modes de vies. Il convient de ne pas autoriser de concessions forestières ou de construction de routes dans les forêts avant que ces titres de propriétés aient été octroyés.

L’Association Jeunesse autochtone d’Hawaï a rappelé que les connaissances traditionnelles se perdent sans territoire; ce déclin de l’environnement et du peuple hawaïen fait que ce dernier a perdu tout contrôle des terres et des décisions. L’an dernier 19% des Hawaïens autochtones avaient le revenu le plus bas de l’île. La représentante a expliqué que sa communauté hésite malgré tout à demander l’aide de son Gouvernement pour ne pas se sentir colonisée. Elle a invité à approuver immédiatement le projet de Déclaration sur les droits des peuples autochtones et d’inscrire Hawaï sur la liste des peuples à décoloniser.

L’Association russe des peuples du Grand Nord a expliqué que depuis dix ans, ces régions ont connu de grandes difficultés et que leurs ressources ont disparu. Sa représentante a donc appelé à tout mettre en œuvre pour que tous les peuples aient le même accès aux ressources naturelles.

La représentante de Regional Action Group for the Environnment (RAGE) et de Haudenosaunee Six Nations of Iroquoi Confederacy of Turtle Island a dénoncé les violations constantes des droits des peuples autochtones, notamment le déni de leurs des droits fondamentaux par les Gouvernements des Etats-Unis et du Canada. Nos terres sont polluées par des déchets nucléaires. Notre nation qui comptait 150 000 personnes a été réduite à 650 personnes en raison du génocide perpétré par ces gouvernements. Nous avons utilisé tous les moyens à notre disposition au sein des tribunaux américains et canadiens mais en vain. Nous demandons à l’Instance de nous venir en aide.

La représentante de la tribu Ibaloi des Philippines a réitéré le principe selon lequel la terre est synonyme de vie, notamment la pêche, l’agriculture et les matières premières. Il a dénoncé les activités des industries minières aux Philippines qui ne respectent pas leur mode de vie traditionnel. Les membres de notre communauté n’ont jamais été consultés avant le lancement de projets miniers. A l’heure actuelle, le plus grand barrage de toute l’Asie est sur le point d’être terminé après que nos terres aient été sacrifiées «pour le bien-être de tous», sauf le nôtre car nous qui ne bénéficions même pas des bienfaits de l’électricité. Le Gouvernement promet un développement égal pour tous que la réalité dément ces paroles.

Le représentant de l’Assemblée des Premières Nations, a exprimé sa préoccupation quant à l’état de la planète. Le Sommet mondial sur le développement durable a pourtant montré la contribution importante des populations autochtones au développement durable. La plupart de nos principes fondamentaux et valeurs sont autant valables aujourd’hui qu’ils ne l’étaient hier. Les intérêts et droits des populations autochtones ne sont pas toujours pris en considération dans les accords internationaux. Nous demandons à l’Instance de créer un mécanisme pour les compensations et de promouvoir la participation des autochtones à l’élaboration et à la mise en œuvre des traités internationaux touchant à l’environnement. L’Instance doit reconnaître le fait que la question relative au consentement préalable informé a été remise en cause dans les enceintes internationales.

Le représentant de Ogiek Welfare Council and Ogiek Rural Integral Projects basé au Kenya, a expliqué que pour un grand nombre de pays africains, le processus d’indépendance a été trop rapide, créant ainsi un vide important. Ces jeunes nations ont vu la naissance de dictatures et c’est à ce moment que notre continent à connu une période de violation des droits des communautés autochtones. Ceux-ci se voient voler leurs terres sous le prétexte du développement national. Cette Instance est le seul «cadeau de ce siècle» même s’il a fallu 26 ans pour assister à sa naissance, un retard dû au manque de volonté politique comme le montre l’absence de traités sur les questions autochtones. L’Instance doit recommander aux Etats de ratifier les traités touchant à la gestion de l’environnement, d’ouvrir des centres de dialogue entre les communautés autochtones et les gouvernements respectifs. Nous encourageons l’Instance à élaborer des normes écologiques qui serviraient de guide aux entreprises; à déclarer un moratoire sur tous les projets d’exploitation gazière ou pétrolière en attendant un audit; à réaliser une étude sur la question de la dette écologique et son impact sur les communautés autochtones.

Les membres de l’Instance ont ensuite pris la parole: Parshuram Tamang a souligné que ces contributions avaient permis d’entendre nombre de recommandations. Willie Littelchild a apporté son appui à tous ceux qui ont lancé des appels pour protéger et préserver ce patrimoine commun qu’est la Terre, surtout l’eau utilisée également à des fins spirituelles.

Pour Ayitégau Kouevi, l’impact des industries minières sur l’environnement des populations autochtones est particulièrement préoccupant. D’où la nécessité de mettre en place un cadre juridique pour s’attaquer aux actions discriminatoires, de reconnaître le droit coutumier et la Déclaration de Kimberley et de respecter les conventions signées en matière d’environnement. Qin Xiaomei a appelé les Gouvernements à prendre des mesures pour respecter les principes élaborés lors du Sommet mondial sur le développement durable.

Pour Ida Nicolaisen, il est important de rechercher des informations fiables sur l’habitat et les pratiques de subsistance en Afrique, avec l’aide des populations autochtones et des instituts de recherche. Otilia Lux de Coti a émis pour sa part trois recommandations: aux Etats, de légiférer pour la protection des forêts et des fleuves; de garantir la participation des citoyens et l’assentiment des populations autochtones au moment de la conception des programmes d’investissement; enfin, aux organismes des Nations Unies, de promouvoir un programme préservant l’environnement afin de garantir l’autosuffisance et la sécurité alimentaire des communautés autochtones. Elle a également demandé que la Déclaration de Kimberley soit entérinée dans le cadre des Nations Unies.

Fortunato Turpo Choquehuanca a recommandé aux gouvernements d’appliquer de façon drastique les normes pour la protection des ressources naturelles et l’environnement. Njuma Ekundanayoa souligné que les autochtones étaient actuellement traqués chez eux par des intérêts extérieurs: les déserts avancent, les arbres ne repoussent plus, ce qui fait qu’en Afrique, le désert du Kalahari au sud et celui du Sahara au nord vont finir par se rencontrer. Les autochtones n’y gagnent rien et laissent même leur vie dans des conflits inutiles.

Antonio Jacanamijoy a appelé lui aussi à adopter des mécanismes de protection des connaissances traditionnelles; il a jugé important que le PNUE et les autres agences de l’ONU commencent à organiser des conférences régionales avec les organisations autochtones.




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