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Communiqués de presse Procédures spéciales

LES RAPPORTEURS SPECIAUX EVOQUENT LA DISCRIMINATION A L'EGARD DES MINORITES RELIGIEUSES ET DES CRIMES COMMIS DANS L'IMPUNITE CONTRE LES ENFANTS

05 Novembre 2002



Troisième Commission
5 novembre 2002
35e séance - matin




La Troisième Commission, qui poursuit son débat sur les questions relatives aux droits de l'homme, a engagé, ce matin, un dialogue avec trois Rapporteurs spéciaux qui présentaient leurs travaux sur la liberté de religion et de conviction, sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et sur les questions se rapportant à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

M. Abdelfattah Amor, Rapporteur spécial sur la liberté de religion et de conviction, a dénoncé le vent d'islamophobie, qui a soufflé au lendemain du 11 septembre dans de nombreux pays occidentaux et qui a suscité, à son tour, des manifestations de christianophobie ou de judéophobie. A la faveur de la lutte contre le terrorisme, des appels explicites et implicites à la confrontation des cultures ont été lancés par certains groupes extrémistes, mais aussi par certains médias. Ainsi un repli identitaire semble s'installer progressivement qui a décrédibilisé l'ensemble du système des droits de l'homme, a regretté le Rapporteur spécial. M. Amor a rappelé que la solution résidait dans la prévention par l'éducation et le suivi du Dialogue entre les civilisations. En effet, si les enfants entendent depuis leur jeunesse qu'ils sont bons et que l'autre est mauvais, qu'ils sont promis au paradis et les autres à l'enfer, ce discours laissera des traces, quoi que l'on fasse, a déclaré le Rapporteur spécial au cours du dialogue qui s'est engagé avec les délégations. A cet égard, il a attiré l'attention des délégations sur les résultats de la Conférence de Madrid sur l'éducation scolaire en relation avec la liberté de religion et de conviction (23-25 novembre 2001).

La présentation du Rapport de Mme Asma Jahangir sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a suscité de nombreuses questions sur les définitions des termes de son mandat ce qu'elle a appelé dans son rapport des minorités sexuelles. Aux délégations qui s'inquiétaient de la voir se préoccuper de crimes commis par des agents non étatiques, Mme Jahangir a expliqué que si ces crimes s'inscrivaient dans un schéma d'impunité et de laisser faire de la part des gouvernements, ils relevaient de son mandat. Elle a appelé l'attention sur le fait que des crimes systématiques étaient commis par les autorités de certains pays contre les personnes ayant une orientation sexuelle particulière. Mme Jahangir a estimé que son devoir lui imposait de dénoncer cette tendance qui prend de l'ampleur. Dans le même esprit, elle a dénoncé les crimes de plus en plus fréquents commis, dans l'indifférence générale, à l'encontre des enfants par les agents de l'Etat ou la police.

Pour sa part, M. Van Boven, Rapporteur spécial sur la torture, a indiqué qu'il donnait depuis cette année son appui à l'Initiative globale visant à mettre fin à tout châtiment corporel infligé aux enfants. Ces châtiments sont incompatibles avec l'interdiction de la torture et autres châtiments cruels, inhumains et dégradants, a-t-il rappelé. Des formes de disciplines positives et non violentes doivent être trouvées et il a demandé aux Etats de prendre les mesures adéquates, en particulier dans les domaines juridique et éducatif.

La Commission entendra cet après-midi, à partir de 15 heures, les présentations des rapporteurs spéciaux sur la situation des droits de l'homme en Iraq et dans les territoires occupés depuis 1967 et du Représentant sur les droits de l'homme au Cambodge.


QUESTIONS RELATIVES AUX DROITS DE L'HOMME

Documentation

La note du Secrétaire général sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (A/57/173) comprend le rapport soumis par le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, Theo van Boven. Il y affirme que des circonstances exceptionnelles, comme la lutte contre le terrorisme, ne sauraient rendre légitime l’usage de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il rappelle qu’il convient de maintenir les garanties juridiques de base dans toute législation relative à l’arrestation et à la détention de suspects. Parmi ces principes de base, le droit à l’habeas corpus, le droit de communiquer avec un avocat dans les 24 heures à compter de l’arrestation et le droit d’informer un membre de la famille ou un ami ne sauraient être remis en cause. Ces dispositions garantissent au détenu un contact avec le monde extérieur et donc un traitement humain pendant sa détention. Le rapporteur invite les hauts fonctionnaires chargés de l’ordre public à effectuer des visites dans les lieux de détention afin de vérifier que les droits des détenus sont bien assurés.

Concernant la détention provisoire, dont la durée ne devrait pas dépasser 48 heures, le rapport recommande l’organisation d’un suivi médical. Quant aux aveux et aux éléments de preuve, ils doivent être recueillis par des moyens licites ou ne pourront être jugés recevables devant les tribunaux. Le rapport rappelle que l’impunité ne prévaut pas en cas de torture et réaffirme le principe de non-refoulement en cas d’extradition. Il invite les organes compétents de l’ONU, notamment l’Assemblée générale, à établir un protocole en faveur de la prévention de la torture. Enfin, le rapport condamne les châtiments corporels infligés aux enfants au sein de la famille et dans les institutions publiques comme les écoles ou les établissements pénitenciers pour les mineurs. Ces châtiments sont incompatibles avec l’interdiction de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il appelle les Etats à prendre les mesures adéquates en particulier dans les domaines juridique et éducatif pour assurer le droit des enfants à l’intégrité mentale et physique.

Dans son rapport sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance religieuse (A/57/274), M. Abdelfattah Amor, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, traite des communications envoyées aux Etats et des réponses reçues depuis la publication de son dernier rapport. Il rend compte aussi de ses visites in situ et précise qu’il devrait effectuer une mission en Algérie d’ici la fin de l’année 2002. Il rappelle que ses demandes de visites en Indonésie (1996), Israël (1997), en République populaire démocratique de Corée (1999) et au Nigéria (2000) n’ont toujours pas abouti. Faisant état de sa volonté de coopération et des rappels faits à Israël ayant fait suite au refus de ce pays de coopérer, le Rapporteur spécial s’inquiète du fait que ce refus nuit à la crédibilité du système de protection des droits de l’homme et appelle Israël à plus de coopération. Dans la troisième partie de son rapport, M. Abdelfattah Amor rend compte du suivi de la Conférence internationale consultative sur l’éducation scolaire en relation avec la liberté de religion et de conviction, la tolérance et la non-discrimination, qui a eu lieu le 25 novembre 2001.

En conclusion, le Rapporteur spécial indique que les communications adressées dans le cadre du présent rapport soulèvent à nouveau la question de l’extrémisme religieux, de la condition de la femme au regard de la religion, des traditions et des minorités religieuses. Toutefois, vu le nombre limité de ces communications, M. Amor fait savoir qu’il présentera une analyse plus appronfondie, ainsi qu’un ensemble de conclusions et de recommandations lors de la cinquante-neuvième session de la Commission des droits de l’homme en 2003.

Dans son rapport sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires (A/57/138), Mme Asma Jahangir, Rapporteuse spéciale de la Commission des droits de l’homme, indique qu’au cours de la période considérée qui va du 1er août 2000 au 1er juin 2002, exhorte les gouvernements à démilitariser leurs sociétés et à former le personnel des organismes de répression à respecter les civils, notamment lors de manifestation.

Soulignant l’importance du rôle joué par le système judiciaire, elle rappelle que celui-ci doit être indépendant et que les enquêtes au sujet des exécutions extrajudiciaires doivent être menées de façon impartiale et sans influence. Elle souligne qu’il est urgent de respecter la vie des enfants et appelle les gouvernements à définir des politiques générales pour mettre un terme aux meurtres d’enfants par la police ou par les groupes armés. En outre, elle recommande que les organisations non gouvernementales puissent accéder librement aux données et aux informations connexes en rapport avec les affaires pour lesquelles a été prononcée la peine de mort.


Déclaration liminaire

M. ABDELFATTAH AMOR, Rapporteur spécial sur la liberté de religion et de conviction, a rappelé qu'il avait conduit une étude sur la condition de la femme au regard des religions et des traditions (parue sous la cote E/C.N.4/2002/73/Add.2), qui analyse, en termes de culture, l'attitude des religions et le poids des traditions qui font que la femme continue d'occuper dans les sociétés, une place seconde et parfois, franchement secondaire. Il a ajouté que le respect des cultures devrait aller de pair avec le respect des droits de la femme. M. Amor considère qu'il est temps que l'Assemblée générale recommande d'entamer des études sur l'extrémisme religieux, sur ce que l'on appelle les sectes, et sur les suites des événements du 11 septembre au regard de la religion et de la conviction. La prévention demande également que l'on ravive le dialogue inter-religieux et intra-religieux. A cet égard, M. Amor a appelé à un suivi efficace à la Déclaration universelle sur la diversité culturelle, adoptée par l'UNESCO en 2001 et au Dialogue entre les civilisations. Il a estimé qu'il fallait encourager les communautés de religion et de conviction à rechercher des lignes de conduite susceptibles de favoriser plus de tolérance et de respect, en particulier en ces temps particulièrement difficiles. En ce qui concerne l'éducation, M. Amor est revenu sur la Conférence de Madrid sur l'éducation scolaire en relation avec la liberté de religion et de conviction, réunie du 23 au 25 novembre 2001, qui a adopté de nombreuses recommandations pour que l'école soit mise à l'abri de l'intolérance et de la discrimination fondée sur la religion ou la conviction, ainsi que de tout embrigadement idéologique ou religieux.

Faisant le bilan des activités de son mandat au cours de l'année écoulée, M. Amor a fait savoir que l'analyse des communications reçues atteste d'abord la vulnérabilités particulière des minorités. Il a observé que certains médias ne favorisent pas la tolérance en recourant à des clichés stupides et aux stéréotypes primaires, en entretenant des amalgames dont sont victimes principalement les minorités musulmanes, mais également les minorités juives ou chrétiennes. Le Rapporteur spécial estime que l'année 2002 a été caractérisée par des éclats d'obscurantisme dont la plus importante illustration a été la condamnation par un tribunal se réclamant de la Charia, dans l'un des Etats du Nigéria--le Sokoto-- d'une femme de 35 ans à la lapidation pour adultère. Les autorités fédérales nigérianes s'en étaient préoccupées en précisant aux Etats fédérés où la Charia est appliquée qu'il faut que les droits des musulmans soient préservés au même titres que ceux des autres citoyens, comme le prévoit la constitution, a-t-il rappelé. Cette femme a été relaxée en appel, mais une autre femme dans l'Etat de Kasmina a été exécutée par lapidation. Le Rapporteur spécial a estimé que la communauté internationale doit réagir et aider l'Etat fédéral du Nigéria à contenir et à maîtriser les confrontations religieuses. Le Rapporteur spécial a indiqué que le rapport de sa visite en Algérie qu'il vient de terminer sera présenté à la prochaine session de la Commission des droits de l'homme et, à cet égard, il a de nouveau appelé les Etats qui n'ont pas répondu à sa demande de visite à le faire, notamment Israël qui n'a pas donné suite à sa demande fondée sur la résolution adoptée le 19 octobre 2000 par la session spéciale de la Commission des droits de l'homme.

Examinant les incidences des évènements du 11 septembre sur la liberté de religion, M. Amor a déclaré qu'ils avaient été entre autres, à l'origine de nombreux excès: excès de langage, d'intolérance et de discrimination, d'amalgame et de partis pris. Il a regretté qu'en dépit des appels au dialogue entre les civilisations, on ait enregistré des appels explicites et implicites à la confrontation des cultures. Ainsi des angoisses profondes et des incompréhensions entretenues ont alimenté une vague de suspicion et parfois de haine. Il a exprimé ses craintes que la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité n'ait ouvert la voie aux dérapages. Il a estimé que la question était de savoir si la lutte contre le terrorisme pouvait tout justifier, y compris la suspension ou la méconnaissance de la nécessaire protection des droits de l'homme au risque de culpabiliser des communautés entières minoritaires ou non, et spécialement des minorités arabo-musulmanes. Il a décrié le vent d'islamophobie qui a violemment soufflé dans de nombreux pays occidentaux, suscitant à son tour des manifestations de christianophobie ou de judéophobie. Il a expliqué qu'on observait un repli identitaire, produit par une émotion violente, qui semble s'installer progressivement et décrédibiliser l'ensemble du système des droits de l'homme exposé à être perçu de plus en plus comme un système propre à l'occident.


Dialogue avec les délégations

La représentante du Danemark a demandé au nom de l'Union européenne à M. Amor s'il avait des directives à donner pour mettre un terme aux discriminations dont sont victimes les femmes. Le Rapporteur spécial a estimé que la condition de la femme, malgré des avancées, reste précaire et parfois tragique, selon les régions et les religions. L'action des Nations Unies pour combattre ces discriminations est importante mais insuffisante, a-t-il ajouté. Il faut combattre ces discriminations au quotidien, en tenant compte des valeurs et des principes universellement établis. Se faisant, il est nécessaire d'accentuer le volet préventif de cette lutte. Les religions et les convictions ne peuvent constituer un obstacle à la libération de la femme, a insisté le Rapporteur spécial. Mais ce ne sont pas les seuls obstacles à la libération de la femme. Dans certains pays, la dépendance économique de la femme est totale, et cela doit changer. Une meilleure coordination entre les Rapporteurs spéciaux concernés de près ou de loin par la condition de la femme serait utile, a-t-il estimé, et M. Amor a demandé qu'une réunion annuelle sur ce thème soit organisée.

Au représentant de l'Egypte qui voulait savoir s'il y avait un élargissement ou non de la liberté de religion, le Rapporteur spécial a répondu que certains progrès étaient observés, mais que des tensions continuaient à apparaître. La liberté de religion et de conviction n'est pas encore assurée pour de très nombreuses minorités dans le monde, a déclaré M. Amor. Aujourd'hui plus qu'autrefois, les manifestations d'intolérance sont de moins en moins maîtrisables et les événements du 11 septembre n'ont fait qu'empirer cette situation.

Au représentant de la Tunisie qui demandait comment renverser la tendance à l'augmentation de l'obscurantisme et de l'intolérance, M. Amor a rappelé que la solution résidait dans le dialogue entre les civilisations et entre les religions. Il a évoqué le poids de l'éducation, car si les enfants entendent depuis leur jeunesse qu'ils sont bons et que l'autre est mauvais, qu'ils sont promis au paradis et les autres à l'enfer, ce discours laissera des traces, quoi que l'on fasse. S'exprimant à son tour, le délégué du Pakistan est revenu sur les événements mentionnés dans le rapport, événements qui visaient des Occidentaux présents au Pakistan. Il a déclaré qu'il s'agissait d'actions de groupuscules isolés et que des enquêtes sont en cours pour arrêter les auteurs et les traduire en justice. Le Rapporteur spécial a rappelé qu'il y avait une élite au Pakistan qui voulait assurer la tolérance. Mais cette élite a parfois du mal à toucher toutes les franges de la population qui en conséquence restent sous l'influence de discours extrémistes. «Certaines religions beaucoup plus que d'autres -et je parle de l'islam- a déclaré le Rapporteur spécial, sont aujourd'hui victimes d'une véritable discrimination» Au délégué du Mali qui voulait savoir si les Rapporteurs spéciaux collaboraient ensemble, M. Amor a indiqué travailler avec M. Doudou Diene mais il a regretté que cette collaboration n'ait pas l'impact social qu'elle mérite.


Déclaration liminaire

Mme ASMA JAHANGIR, Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a précisé qu'elle accordait la priorité aux Etats qui manifestaient une réelle volonté de mettre fin à ces pratiques. Elle a déclaré qu'au cours de la période écoulée, elle s'est rendue en Turquie en février 2001 et au Honduras en août 2001. Mme Jahangir a indiqué qu'elle s'était rendue, en mai 2002, à la demande du Haut Commissaire aux droits de l'homme, en République démocratique du Congo dans le but d'étudier les événements de Kisangani. Elle a informé la Commission qu'elle venait de terminer une mission de dix jours en Afghanistan (13-23 octobre 2002).

La Rapporteuse spéciale s'est félicitée du fait que les exécutions extrajudiciaires ont été réduites en Turquie, mais s'est inquiétée de l'impunité qui demeure. S'agissant de sa visite au Honduras, Mme Jahangir a indiqué qu'elle avait mis l'accent sur les exécutions d'enfants. En ce qui concerne la République démocratique du Congo, la Rapporteuse spéciale a déclaré qu'elle avait trouvé suffisamment de preuves que des exécutions extrajudiciaires avaient été perpétrées par les autorités de fait contre des civils de Kisangani.

Pour ce qui est de l'Afghanistan, elle s'est déclarée encouragée par les progrès accomplis au cours des 12 derniers mois, mais a observé que la police afghane et la commission afghane des droits de l'homme avaient grandement besoin d'assistance technique. Elle a également déploré l'impunité pour les violations du droit à la vie, y compris les exécutions de masse, commises sous l'ancien régime. Mme Jahangir a recommandé une enquête internationale et impartiale chargée d'examiner les exactions commises au cours des derniers 23 ans.

Mme Jahangir a regretté que les gouvernements se montrent de plus en plus réticents en ce qui concerne l'obligation redditionnelle et a déclaré que les défenseurs des droits de l'homme et les journalistes étaient les plus exposés à des menaces de cette nature. Elle a attiré l'attention sur les situations de conflit, et particulièrement les conflits ethniques dans lesquels les forces de sécurité ont tendance à perdre toute retenue et où l'impunité s'installe.

Rappelant les limites de son mandat qui ne l'autorise à intervenir que pour les crimes commis par des agents de l'Etat ou des groupes qui ont un lien direct avec les gouvernements, la Rapporteuse spéciale a mis en garde la communauté internationale contre le pouvoir croissant assumé par les organisations militantes non étatiques, qui sont, dans bien des cas, soutenues par les gouvernements. Elle a signalé que les violations du droit à la vie sont plus nombreuses dans les pays où la démocratie n'existe pas ou est naissante. La mauvaise gouvernance rend les gouvernements dépendants des forces de sécurité, a-t-elle précisé. Elle a ensuite appelé l'attention sur l'impunité qui résulte souvent du manque d'indépendance des juges et des avocats.

Mme Jahangir a exprimé de graves préoccupations devant les exécutions d'enfants commises par des agents de l'Etat. Elle a dénoncé ces crimes commis dans les situations de nettoyage ethnique. En outre, la délinquance juvénile ou la situation des enfants de la rue servent également de prétexte à des exécutions d'enfants par les forces de sécurité. Elle a dénoncé l'indifférence générale face à cette situation, précisant que les forces de police omettent souvent de rapporter les crimes commis à l'encontre des enfants.


Dialogue avec les délégations

Le représentant de l'Egypte a estimé que la Rapporteuse spéciale dépassait le cadre de son mandat, notamment en se préoccupant d'exécutions qui ne seraient pas commises par les forces de l'Etat, comme par exemple les crimes d'honneur. Il a également mis en cause la Rapporteuse spéciale pour s'être préoccupée de minorités sexuelles, terme qu'il a jugé abusif et a demandé quelle était la définition des minorités sexuelles. De la même manière, il a voulu savoir si la Rapporteuse spéciale avait reçu des réponses des gouvernements qu'elle avait contactés suite à des communications de menaces en raison de l'orientation sexuelle (paragraphe 37 du rapport). Il a récusé la Rapporteuse spéciale, estimant que son mandat ne l'autorisait pas à faire de commentaires sur la peine de mort, ni à porter des jugements sur des gouvernements, ni à qualifier leurs systèmes juridiques de matures ou d'immatures. S'associant à ces remarques, le représentant de la République islamique d'Iran a demandé à Mme Jahangir de se limiter aux termes de son mandat qui prévoit qu'elle ne devait examiner que les exécutions commises sans qu'un verdict ait été prononcé par un tribunal; il s'agit donc d'exécutions perpétrées ou soutenues par des agents de l'Etat sans en référer au pouvoir judiciaire. Dans le même esprit, la représentante de la Malaisie a demandé à la Rapporteuse spéciale de se limiter aux exécutions, précisant que les termes de son mandat ne recouvraient pas les assassinats.

Répondant à ces interventions, Mme Jahangir a expliqué qu'elle s'était limitée à évoquer les crimes d'honneur qui s'apparentent à des situations d'impunité. Elle a expliqué que dans certains pays ces crimes aboutissaient à la mort d'une femme par jour et que la répétition d'une telle situation d'impunité, associée à un certain oubli du gouvernement, s'inscrivait dans son mandat.

En ce qui concerne son emploi de l'adjectif «mature» pour les systèmes judiciaires, la Rapporteuse spéciale a expliqué qu'elle entendait par là, les systèmes qui respectaient les obligations internationales concernant l'indépendance des juges et des avocats. En outre, elle a précisé qu'elle ne s'occupait pas des acteurs non étatiques à conditions que les gouvernements ne laissent pas ces crimes passer sous prétexte qu'ils sont commis à l'encontre d'une minorité ou d'un groupe défavorisé. Elle a rappelé qu'on lui avait souvent posé des questions afin de savoir comment et pourquoi les gouvernements se retrouvaient parfois otages de certaines groupes.

En revanche, le représentant de la Suisse a félicité la Rapporteuse spéciale et appuyé ses conclusions et recommandations concernant les exécutions d'enfants et la nécessité de permettre aux organisations non gouvernementales d'avoir accès aux informations nécessaires pour s'assurer que toutes les garanties à l'exercice de la peine de mort sont respectées. La Rapporteuse spéciale a en effet expliqué qu'il était indispensable pour elle d'avoir accès au jugement et au compte rendu du procès. De même, il importe de s'assurer que les avocats aient accès à leurs clients avant le procès et durant la détention.

S'agissant des minorités sexuelles, le représentant de la Suisse a reconnu la nécessité de prévenir les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle, mais s'est opposé à l'emploi du terme «minorités sexuelles», qui n'existe pas en droit international et risque de semer la confusion. Répondant sur ce point, Mme Jahangir a dit qu'elle veillerait à l'avenir à utiliser le terme «groupes sexuels». Elle a expliqué que les crimes commis à l'encontre des membres de tels groupes s'inscrivaient dans son mandat, si le gouvernement n'intervenait pas et ne demandait pas d'enquête suite à de tels assassinats. Elle a regretté que personne ne souhaite parler des crimes commis à l'encontre des groupes qui sont quelquefois dans le collimateur du pouvoir judiciaire. Mme Jahangir a estimé que son devoir lui imposait de dénoncer cet état de fait et que la prévention consistait d'abord à reconnaître l'existence d'un problème. Il faut donc savoir que les autorités de certains pays commettent des crimes systématiques à l'encontre de ces groupes. Elle a mis les Etats en garde contre ce phénomène qui tend à prendre de l'ampleur.

Au nom de l'Union européenne, le représentant du Danemark a posé des questions sur les événements qui se sont produits à Kisangani, notamment en ce qui concerne l'impunité. Il a voulu savoir si la Rapporteuse spéciale avait essayé de travailler avec le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats. A cet égard, Mme Jahangir a expliqué qu'elle avait eu des contacts avec cette rapporteuse de façon à s'assurer que son enquête à Kisangani ne dépassait pas le cadre de son mandat.

L'utilisation du terme "minorités sexuelles" dans le rapport a amené un certain nombre de délégations à réagir. Ainsi, la représentante du Soudan a indiqué que "cela n'a pas fait partie de son éducation" et qu'elle ne voyait pas bien le lien entre l'orientation sexuelle et les minorités sexuelles. La représentante de la Suède a en revanche soutenu l'introduction de la notion de minorités sexuelles, qui doit s'entendre comme comprenant les homosexuels et les transsexuels, car ces personnes ne sont pas assez protégées. Le délégué du Pakistan a indiqué que certains des crimes dont ces personnes sont victimes relèvent bien du mandat de la Rapporteuse spéciale. Mme Asma Jahangir a indiqué qu'elle n'utiliserait plus le terme de minorités sexuelles dans ses rapports. Les orientations sexuelles ne sont pas la même chose que les minorités sexuelles, a-t-elle précisé. Elle a recommandé qu'un groupe de travail soit constitué sur ce point pour que la Commission arrive à un accord.

Le représentant de la Finlande a annoncé que sa délégation présenterait un projet de résolution sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires. Mme Jahangir a reconnu que les définitions de son prédécesseur, M. Rodley, pouvaient être acceptables, tout en laissant entendre que ces définitions sont perfectibles et peuvent encore être améliorées. Elle a aussi précisé sa manière de travailler, et a indiqué à cet égard qu'elle se demandait toujours, lorsqu'elle était saisie d'un cas, s'il relevait de son mandant et sinon, qui cette personne pouvait aller voir. Revenant sur les exécutions d'enfants, Mme Jahangir a demandé que les gouvernements fassent un effort car sans volonté politique, on ne pourra obtenir aucune protection des plus faibles, a-t-elle ajouté. Pour sa part, le représentant de la République Démocratique du Congo a rappelé que les agressions commises à Kisangani sont le fait des forces d'occupation, ce que Mme Jahangir a confirmé.

La représentante de l'Argentine a insisté sur le fait que les mandats thématiques n'ont pas pour but d'accuser certains Etats, mais d'améliorer les pratiques dans le domaine des droits de l'homme. Elle a toutefois exprimé l'appui de sa délégation à la Rapporteuse spéciale. Répondant à cette intervention, la Rapporteuse spéciale a réitéré sa détermination à aider les Etats à protéger les groupes les plus vulnérables de leur population.

La représentante du Bénin a posé la question de savoir ce que la Rapporteuse spéciale entendait par sa terminologie «d'orientation sexuelle.» Le représentant de la République islamique d'Iran s'est dit d'accord sur le fait que lorsqu'il existe un schéma d'impunité, les crimes s'inscrivent dans le mandat de la Rapporteuse spéciale qu'il s'agisse de crimes fondés sur l'orientation sexuelle ou autres. Toutefois, il a demandé comment on définissait une orientation sexuelle particulière, notamment quels éléments devaient être pris en compte pour définir l'orientation sexuelle. Mme Jahangir a expliqué qu'elle avait mentionné certains cas dans son rapport lorsqu'on lui avait rapporté qu'une personne avait été exécutée par les forces de sécurité parce qu'elle était homosexuelle. Elle s'est déclarée prête à expliciter dans son rapport suivant chaque orientation sexuelle particulière.


Déclaration liminaire

M. THEO VAN BOVEN, Rapporteur spécial sur la torture, a rappelé que ses activités principales se partageaient en trois catégories: tout d'abord, l'envoi de courriers aux gouvernements en cas d'allégations de cas de torture; ensuite, le déclenchement d'une procédure d'urgence pour les personnes qui risquent d'être torturées; enfin, des visites sur le terrain. Il a rappelé à la Commission que son intervention ne devait pas être comprise comme un soutien à la personne en question. Peu importe le degré de dangerosité ou de criminalité d'une personne, a expliqué M. Van Boven, tout être humain a droit à la protection des droits de l'homme et à l'exercice des libertés fondamentales.

Revenant sur les lois antiterroristes, il a lui aussi rappelé que la lutte contre ce fléau devrait respecter les règles du jeu, c'est-à-dire les droits de l'homme et les libertés fondamentales. Un plus grand respect pour l'être humain, la démocratie et la justice, seront, à long terme, les seuls «remèdes» contre la terreur. Selon le Rapporteur spécial, de nombreuses lois antiterroristes n'offrent pas de garanties suffisantes quant aux droits de l'homme. Ainsi, il a rappelé les principes fondamentaux que les lois doivent respecter: un contrôle judiciaire efficace même en cas de détention administrative ou de mesures sur l'immigration; l'habeas corpus et l'accès à un avocat dans les 24 heures après l'arrestation. Les aveux recueillis de force ne peuvent être recevables devant les tribunaux, a-t-il rappelé, et le droit d'asile doit respecté le principe du non-refoulement des personnes concernées avant que toutes les garanties soient obtenues. Enfin, le Rapporteur spécial a apporté son appui total au Protocole facultatif à la Convention contre la torture car il prévoit des visites sur les lieux de détention.

M. Van Boven a indiqué qu'il avait rejoint cette année l'Initiative globale pour mettre fin à tout châtiment corporel infligé aux enfants. Ces châtiments sont incompatibles avec l'interdiction de la torture et autres châtiments cruels, inhumains et dégradants, a-t-il rappelé. Des formes de disciplines positives et non violentes doivent être adoptées et il a demandé aux Etats de prendre les mesures adéquates, en particulier dans le domaine juridique et éducatif.


Dialogue avec les délégations

Le représentant du Danemark a réaffirmé son soutien au Protocole facultatif à la Convention sur la torture, et a demandé au Rapporteur spécial quelle forme devrait, à son avis, prendre les visites des lieux de détention. M. Van Boven a estimé que son mandat était tout à fait compatible avec l'adoption du Protocole facultatif. Le Protocole est surtout un dispositif préventif qui s'applique aux pays qui l'auront ratifié, alors que le mandat du Rapporteur spécial concerne tous les Etats. Revenant sur les principes d'Istanbul, M. Van Boven a indiqué qu'il avait déjà attiré l'attention de certains gouvernements sur l'existence des principes d'Istanbul; mais la réponse de ces gouvernements n'avait pas été très «rassurante». Concernant la coordination de son mandat avec le Comité contre la torture, M. Van Boven a indiqué que la compréhension était mutuelle. Au sujet des prochains voyages prévus, il a informé la Commission que son budget ne lui permettait que trois visites par an, maximum.

La représentante du Suriname a rappelé l'importance de l'éducation aux droits de l'homme et a annoncé que son pays était favorable au Protocole facultatif à la Convention contre la torture. M. Van Boven a reconnu l'importance de l'éducation aux droits de l'homme pour les enfants mais aussi pour tous les personnels des forces de police, des forces militaires et des personnels judiciaires.




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