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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

04 Mai 2004



4 mai 2004


Le Comité contre la torture a entamé ce matin l'examen du rapport de la République tchèque sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Jan Jarab, Commissaire du Gouvernement pour les droits de l'homme, a informé le Comité qu'un projet de ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture, qui concerne les visites préventives de lieux de détention, est actuellement à l'étude et devrait être approuvé par le Gouvernement à brève échéance. La République tchèque devrait ainsi devenir partie à cet instrument d'ici à 2005. Le projet prévoit en outre de conférer au défenseur des libertés publiques, ou médiateur, la compétence nécessaire pour exercer un contrôle de tous les lieux de détention afin de prévenir les actes de torture. M. Jarab a par ailleurs souligné les progrès réalisés par son pays en matière pénale, insistant sur les améliorations substantielles de la situation des personnes détenues et le recours croissant aux peines de substitutions. Le Commissaire tchèque aux droits de l'homme a par ailleurs fait remarquer que les enquêtes relatives à des allégations de mauvais traitements commis par les forces de police sont désormais menées de façon indépendante par les procureurs.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la République tchèque, M. Sayed Kassem El Masry, a salué les progrès réalisés renforcer l'État de droit en République tchèque. Il a souligné que les divers amendements apportés au Code pénal ont notamment permis de d'aboutir à une meilleure protection des détenus. Il a toutefois exprimé sa préoccupation s'agissant des limitations à l'exercice, par les personnes privées de liberté, du droit de s'entretenir avec un avocat et de consulter un médecin. Reconnaissant par ailleurs les efforts déployés par le Gouvernement tchèque en faveur des Roms, M. El-Masry a suggéré au Gouvernement de réfléchir à la définition d'un «code d'éthique» pour traiter spécifiquement de la ségrégation raciale dont fait l'objet la minorité rom dans le pays.

M. Claudio Grossman, co-rapporteur pour l'examen du rapport tchèque, s'est pour sa part demandé pourquoi le médiateur n'a engagé aucune poursuite concernant des allégations de mauvais traitements visant des policiers. Existe-t-il un organe indépendant chargé de l'examen des plaintes en la matière? Comment peut-on attendre des enquêtes qu'elles bénéficient de toute l'impartialité voulue si elles sont confiées à des personnes intimement liées à celles visées par les accusations, s'est-il demandé.

En fin de séance, le chef de la délégation, M. Jarab, a répondu aux questions posées par les experts en soulignant notamment que l'augmentation des plaintes relatives à des actes de violence raciste commis contre les Roms concernent majoritairement des actes de violence verbale.

L'importante délégation tchèque était également composée de membres du Ministère de l'intérieur; du Ministère de l'intégration européenne, de la jeunesse et des sports; et du Ministère des affaires étrangères, ainsi que de représentants de la Mission permanente de la République tchèque auprès de l'Office des Nations Unies à Genève et du Vice-Président de la Direction générale des Services pénitentiaires, notamment.


À sa prochaine séance publique, demain matin à 10 heures, le Comité entendra la suite des réponses de la délégation tchèque.




Présentation du rapport de la République tchèque

M. JAN JARAB, Commissaire du Gouvernement tchèque pour les droits de l'homme, a déclaré que des progrès importants ont été réalisés par son pays du point de vue du droit pénal. Des amendements importants ont été apportés à la législation relative aux conditions de détention. Il en est résulté des améliorations substantielles de la situation des personnes détenues. Le Commissaire a par ailleurs souligné que le droit pénal tchèque privilégie aujourd'hui davantage le recours à des peines de substitution plutôt que des peines privatives de liberté, comme en témoigne la mise en place d'un Service de médiation et de probation. Ce système a d'ores et déjà permis de réduire le taux de surpopulation carcérale, a-t-il fait remarquer. M. Jarab a par ailleurs souligné que le gouvernement a procédé à un recrutement plus important de personnel pénitentiaire. Il a également fait valoir que les partenariats entre institutions gouvernementales et organisations non gouvernementales se sont renforcés dans le domaine de l'administration de la justice pénale. Le Commissaire a par ailleurs déclaré que les enquêtes relatives à des allégations de mauvais traitements commis par des forces de police sont désormais prises en charge par les procureurs, ce qui a permis d'en accroître l'indépendance.

Le Commissaire tchèque pour les droits de l'homme a insisté sur les mesures prises en faveur des minorités nationales, particulièrement les Roms, se disant toutefois conscient que les mesures législatives ne sont pas, par elles-mêmes, suffisantes. M. Jarab a par ailleurs informé le Comité qu'un projet de ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture est actuellement à l'étude et devrait être approuvé par le Gouvernement à brève échéance. La République tchèque devrait ainsi devenir partie à cet instrument d'ici à 2005. Un amendement à la loi sur le défenseur des libertés publiques, ou médiateur, permettra de lui conférer la compétence nécessaire pour exercer un contrôle préventif de tous les lieux de detention.

Le troisième rapport périodique de la République tchèque (CAT/C/60/Add.1) souligne qu'une étape décisive a été franchie en vue d'assurer l'impartialité des enquêtes ouvertes à la suite d'infractions pénales commises par des membres de la police. Ces enquêtes sont désormais placées sous la responsabilité des procureurs qui relèvent du Ministère de la justice. Le rapport indique que le droit d'une personne privée de liberté d'informer de sa situation un proche ou un tiers de son choix n'est pas expressément garanti. En vertu de la Charte des libertés et des droits fondamentaux, toute personne qui fait l'objet d'une procédure judiciaire ou d'une procédure engagée par une autorité publique ou une autorité locale a le droit d'être assistée d'un conseil dès le début de la procédure en question. Toute personne détenue en vertu du Code pénal peut choisir son défenseur et le consulter, même pendant sa détention. Ce droit n'est toutefois pas expressément garanti dans le cas des personnes détenues en vertu de la loi relative à la police. Cette loi ne prévoit pas le droit des personnes privées de liberté d'être examinées par un médecin de leur choix. Le rapport précise en outre qu'il n'existe aucun dispositif externe permettant de contrôler systématiquement le traitement réservé aux personnes placées en garde à vue. S'agissant de la mise en place d'un mécanisme de vérification des plaintes efficace et indépendant, le rapport souligne que l'inspection du système pénitentiaire relève de la compétence des procureurs. La question de savoir si cette supervision a pu être considérée comme externe et indépendante n'a pas été réglée. Toutefois, les membres du Comité tchèque d'Helsinki et ceux du Comité contre la torture du Conseil des droits de l'homme de la République tchèque sont autorisés à entrer dans les cellules sans autorisation officielle. Néanmoins, en raison du caractère plus ou moins officieux de leur coopération avec l'administration pénitentiaire, ils ne peuvent effectuer un véritable travail d'inspection.

Le rapport tchèque souligne que le fait que les plaintes sont généralement dirigées contre l'État, devrait permettre une indemnisation rapide et concrète des victimes. Il est en outre précisé que la République tchèque a ratifié la Convention européenne relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes, en vertu de laquelle les étrangers victimes d'infractions violentes peuvent eux aussi obtenir des dommages et intérêts. S'agissant des conditions de détention, le rapport précise que, conformément aux recommandations formulées par le Comité contre la torture, la législation a été amendée en vue de faire passer de trois à deux semaines l'intervalle entre deux visites à une personne placée en détention, la durée de chaque visite passant quant à elle de 30 minutes à une heure. Un dépassement de ces limites peut être accordé par le directeur de l'établissement de détention lorsque les circonstances le justifient, précise le rapport.


Examen du rapport de la République tchèque

M. SAYED KASSEM EL MASRY, rapporteur du Comité pour le rapport de la République tchèque a félicité l'État partie pour son entrée dans l'Union européenne. En l'espace de quelques années, a-t-il affirmé, grâce aux aspirations démocratiques du peuple et à la volonté du gouvernement, d'importants progrès ont été réalisés dans le renforcement de l'État de droit. Le rapporteur a ainsi salué les amendements au Code pénal qui ont notamment permis de renforcer les garanties en matière de droit d'asile. Il s'est par ailleurs réjoui de l'adoption de mesures en faveur des minorités, et particulièrement des Roms. Le rapporteur a également salué la nouvelle loi sur les conditions de détention, qui permet une meilleure protection des détenus.

M. El Masry a déclaré que certaines préoccupations subsistent néanmoins. Le droit de prendre contact avec un proche pendant la garde à vue ne paraît toujours pas garanti par la législation car il est assujetti à des conditions par trop restrictives. À quel moment un détenu peut-il exercer son droit à s'entretenir avec le conseil de son choix? Il ne fait pas de doute que toute personne bénéficie du droit à l'assistance d'un avocat dès son inculpation, mais qu'en est-il avant que des charges soient portées, a demandé le rapporteur. Par ailleurs, la République tchèque entend-elle modifier la législation concernant le droit du détenu de consulter un médecin, a-t-il demandé ?

M. El Masry a par ailleurs attiré l'attention de la délégation tchèque sur la lenteur de la justice. Des retards importants ont été pris dans les procédures judiciaires qui peuvent être assimilés à des dénis de justice, a-t-il fait remarquer. Le rapporteur a ensuite abordé la question de la traite d'êtres humains, soulignant que la République tchèque est, de ce point de vue, un pays d'origine et de transit. Les dispositions du Code pénal ne prévoient de sanctions que lorsque la traite s'accompagne d'exploitation sexuelle. Il serait donc opportun de procéder à des amendements de la législation pénale dans ce domaine afin de punir les cas où la traite s'accompagne d'esclavage et de travail forcé. M. El Masry a ensuite affirmé qu'en dépit des mesures prises en leur faveur, de nombreuses allégations font état de violences et de discriminations croissantes à l'encontre des Roms. On peut estimer qu'il s'agit là d'un phénomène de ségrégation raciale. Pourquoi ne pas adopter un code d'éthique, a suggéré l'expert. Une telle mesure semble s'imposer avec urgence d'autant que la stigmatisation de cette minorité existe à tous les niveaux de la société. Ainsi, le rapporteur a-t-il fait état d'informations selon lesquelles, pour des délits identiques, les Roms se verraient appliquer des peines plus lourdes. Le rapporteur a ensuite salué les activités du médiateur et s'est félicité du projet visant à étendre ses compétences. Il a enfin abordé la question du droit d'asile, soulignant les conditions restrictives de son exercice. Des améliorations sont attendues sur cette question, a-t-il ajouté.

M. CLAUDIO GROSSMAN, corapporteur du Comité pour le rapport de la République tchèque s'est demandé si la question de l'interdiction de la torture, des traitements cruels, inhumains et dégradants était envisagée de façon expresse dans les cours de formation dispensés aux policiers. Il s'est ensuite demandé pourquoi le médiateur n'a engagé aucune poursuite concernant des allégations de mauvais traitements visant des policiers. Il a fait état d'un rapport selon lequel l'avis du médiateur, dans certains cas, n'aurait pas été pris en compte. Il n'aurait plus le droit de mener des enquêtes indépendantes concernant les erreurs commises par des inspecteurs du Ministère de l'intérieur.

Le corapporteur a ensuite demandé des précisions à la délégation tchèque sur les conditions de détention dans les cellules de la police judiciaire. Quel pourcentage d'étrangers sont encore détenus dans les cellules de la police? M. Grossman a ensuite évoqué une disposition relative à la loi sur les conditions de détention selon laquelle les mesures destinées à en limiter les conséquences négatives sur le détenu pouvaient céder le pas devant les nécessités liées à la protection de la société. À cet égard, il s'est demandé quelles mesures pourraient ainsi être justifiées, qui pourraient dès lors porter atteinte à la dignité des prévenus. Qui est compétent pour prendre de telles décisions, a-t-il demandé? Existe-t-il une jurisprudence sur la question? Le corapporteur s'est par ailleurs demandé sur quels fondements des plaintes relatives à des actes de torture pouvaient être jugées recevables. Existe-t-il un organe indépendant chargé de l'examen des plaintes en la matière? Comment peut-on attendre des enquêtes qu'elles bénéficient de toute l'impartialité voulue si elles sont confiées à des personnes intimement liées à celles visées par les d'accusations? Il a par ailleurs demandé des informations sur les suites données aux plaintes portées contre des agents de forces de police locales qui se seraient rendus coupables d'infractions à l'encontre de Roms. Il s'est enfin demandé pourquoi aucune victime d'acte de torture n'a reçu d'indemnisation.


Plusieurs experts ont salué les progrès indéniables accomplis par la République tchèque dans la promotion et la protection des droits humains, soulignant également l'effet positif de l'accès du pays à l'Union européenne. Ils se sont par ailleurs réjouis de l'information selon laquelle la République tchèque sera bientôt partie au Protocole facultatif à la Convention contre la torture, relatif à la mise en place d'un mécanisme de prévention de la torture.

Un expert a exprimé son inquiétude s'agissant des conditions de détention des prisonniers condamnés à des peines de réclusion criminelle à perpétuité et a demandé à la délégation tchèque des éclaircissements sur ce point. Pourquoi sont-ils séparés des autres détenus? Il s'est par ailleurs inquiété de ce que les détenus sont menottés lorsqu'ils sont en consultation psychiatrique et a que le personnel pénitentiaire soit en mesure d'entendre les propos tenus lors des consultations avec le médecin du centre détention. Il a insisté sur la nécessité de placer le service médical de la prison sous une autorité indépendante du Ministère de la justice.

Un expert s'est demandé si la pratique de stérilisation des femmes rom, qui existait sous le régime précédent, avait toujours cours. Il a par ailleurs fait état d'allégations faisant état d'un triplement des actes de violence racistes commis à l'encontre de Roms.

Un expert, faisant remarquer qu'un grand nombre de plaintes pour des agissements de la police ont été rejetées, a jugé qu'il faudrait repenser le système de surveillance du comportement des forces de police afin d'en garantir pleinement l'indépendance.


Répondant en fin de séance aux questions posées par les experts, M. Jarab a reconnu que les Roms forment bien une minorité défavorisée dans son pays, victime de forts préjugés et de stigmatisation. Il a affirmé que les cas de collusion entre des policiers et des «skins heads» ou des groupes néo-nazis sont extrêmement rares. Toutefois, il est vrai que certains membres des forces de police ou de la magistrature n'échappent pas au préjugé populaire généralisé contre les Roms, perçus comme étant une sous-culture refusant de se conformer aux règles de la société. Il a par ailleurs déclaré qu'il existe en effet, une augmentation des cas de délits pénaux fondés sur des motifs raciaux. Toutefois, ce sont majoritairement des cas de violence verbale et non des actes plus graves. S'agissant des allégations selon lesquelles des femmes rom seraient victimes de stérilisation forcée, le représentant a affirmé qu'aucun cas de stérilisation forcée n'a pu être relevé, si bien que ces allégations ne paraissent pas fondées. Des enquêtes ont été toutefois menées par le médiateur sur des cas de femmes qui n'auraient pas été pleinement informées, a-t-il précisé.

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