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Communiqués de presse Organes conventionnels

PAUVRETE EXTREME ET PREJUGES CULTURELS: SOURCE DE PROFONDES DISCRIMINATIONS A L’EGARD DE LA FEMME GUATEMALTEQUE

12 août 2002



Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
12 août 2002
577et 578èmes séances – matin et après-midi





Trente six années d’un conflit interne ont laissé un pays exsangue en proie à une pauvreté extrême dont les premières victimes sont les femmes. C’est dans ce contexte difficile que les experts du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) ont salué aujourd’hui la volonté politique dont fait preuve le Gouvernement du Guatemala pour protéger les droits de la femme guatémaltèque qui sont inscrits dans les Accords de paix de 1996. Ils ont cependant regretté que la mise en place de mécanismes institutionnels en faveur de la parité entre les sexes comportent des lacunes et ne soient pas parvenus à rendre efficaces les lois adoptées en faveur des femmes ni à lutter contre les stéréotypes, obstacle majeur à la promotion de leurs droits.

Le Guatemala, qui a ratifié il y a vingt ans exactement la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, était représenté, à l’occasion de l’examen par le CEDAW de ses troisième et quatrième rapports périodiques combinés ainsi que de son cinquième rapport périodique, par une importante délégation composée notamment du Vice-Ministre de la santé et du Vice-Ministre de l’éducation.

Alors que les femmes ont pris une part très active au règlement du conflit et à la signature des Accords de paix, Mme Lily Caravantes, Secrétaire chargée des questions de la femme auprès du Cabinet présidentiel, a fait savoir que dans un pays où 70% des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté, elles souffrent de graves discriminations dans tous les secteurs de la vie sociale et publique. Suite à la disparition de nombreux hommes lors du conflit, les femmes constituent la majorité des chefs de famille. Cependant, elles sont analphabètes à hauteur de 60% dans les zones rurales et seulement 1% d’entre elles sont maires. Afin d’effacer les cicatrices héritées d’une guerre civile qui a accentué la discrimination à l’égard des femmes, les Accords de paix de 1996 ont donné lieu à la mise en place de nombreux mécanismes institutionnels témoins, selon l’experte argentine, Mme Zelmira Regazzoli, de la véritable volonté politique du Gouvernement du Guatemala.

L’existence de tant de mécanismes a retenu l’attention de la majorité des experts qui ont déploré leur manque de coordination ainsi que la faiblesse des moyens financiers et humains mis à leur disposition. Ces lacunes, renforcées par l’absence d’évaluation de l’impact des actions entreprises et des lois adoptées en faveur des femmes, mettent d’ailleurs en péril, selon Mme Ivanka Corti, experte italienne, leur durabilité et leur pertinence.

La prostitution a été présentée par les experts du CEDAW comme étant l’un des problèmes les plus graves auxquels la société guatémaltèque est aujourd’hui confrontée. Le rapport du Guatemala relie l’ampleur de ce phénomène aux conditions économiques du pays. Cependant, la prostitution n’est pas, de l’avis des experts, uniquement due à la pauvreté mais repose également sur des traditions culturelles. Ils ont lancé un appel au Gouvernement du Guatemala pour qu’il élabore des programmes et une législation très clairs qui permettent de lutter efficacement contre les stéréotypes qui confèrent aux femmes un statut de citoyens de seconde classe.

Le Comité examinera demain, mardi 13 août, à partir de 10 heures, le quatrième rapport périodique de la Barbade.


PRÉSENTATION DES TROISIÈME ET QUATRIÈME RAPPORTS PÉRIODIQUES COMBINÉS ET DU CINQUIÈME RAPPORT PÉRIODIQUE DU GUATEMALA

Rapports (CEDAW/C/GUA/3-4 et CEDAW/C/GUA/5)

Les troisième et quatrième rapports périodiques combinés du Guatemala couvrent la période comprise entre 1992 et 1998. Ils mettent en lumière les principales actions qui découlent des engagements souscrits au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Il explique les décisions législatives et administratives prises pour conférer l’égalité entre les hommes et les femmes dans les secteurs public et privé, dans le domaine du travail et aux plans économique, social et culturel.

Ces rapports portent sur la période de négociations visant à mettre un terme au conflit armé et sur les mesures prises ultérieurement pour concrétiser les engagements pris dans les Accords de paix, en particulier en ce qui concerne les femmes, à savoir l’accord en vue de la réinstallation des populations déracinées du fait des affrontements armés, l’accord relatif aux aspects socioéconomiques et à la situation agraire, l’accord relatif à l’identité et aux droits des populations autochtones, l’accord relatif au renforcement du pouvoir civil et au rôle de l’armée dans une société démocratique.

Le cinquième rapport périodique porte sur la période comprise entre janvier 1999 et novembre 2001. Il dresse un tableau de la situation de la femme guatémaltèque et des mesures prises par les pouvoirs publics et par la société civile afin de surmonter l’inégalité de traitement entre les hommes et femmes s’agissant de l’éducation, de la santé, de l’emploi, de l’accès à la terre ainsi que des mesures visant à lutter contre le harcèlement sexuel, la violence et les autres formes de discrimination.

Les troisième et quatrième rapports indiquaient qu’en matière de lutte contre les stéréotypes, le Secrétariat à la condition féminine avait mis au point des méthodes en vue d’éliminer les stéréotypes dans les manuels et textes scolaires. Ils montraient également qu’une législation, des services de santé, d’éducation et de réinsertion avaient été mis en place à l’intention des prostituées. Un salaire minimum avait en outre été fixé pour les travailleurs des deux sexes des secteurs agricole et non agricole sans distinction entre les sexes.

Le cinquième rapport mentionne que le Gouvernement révise actuellement les manuels pédagogiques afin d’éliminer les stéréotypes dans le cadre de la réforme de l’enseignement. Un plan national d’action contre l’exploitation sexuelle commerciale des enfants et des adolescents a aussi été élaboré en 1999. Il indique par ailleurs que l’un des principaux problèmes dans le domaine de l’éducation au Guatemala réside dans la persistance d’un taux d’analphabétisme élevé et dans le faible niveau d’instruction de la population. On estime que 40% de la population de 15 à 64 ans sont analphabètes. C’est pourquoi, en 2001, les pouvoirs publics ont lancé un programme aux termes duquel les élèves du cycle moyen devaient réaliser des travaux pratiques avec la population analphabète. En matière de santé, le principal problème des femmes guatémaltèques résulte de la pauvreté. On estime que 67,7% des enfants de moins de 5 ans souffrent de
dénutrition. En conséquence, l’Etat a pris des mesures dans le cadre des stratégies de réduction de la pauvreté. En outre, à l’heure actuelle, les politiques de santé axées sur la femme privilégient la femme enceinte. Du fait de la pauvreté, de l’analphabétisme et du faible niveau d’instruction, la majeure partie de la population occupe des emplois faiblement productifs et mal rémunérés. Cette situation concerne davantage les femmes, dont les indicateurs sociaux sont inférieurs à ceux des hommes.

Le cinquième rapport indique en outre que l’inégalité sociale a des origines historiques et frappe davantage les groupes vulnérables, comme la population rurale, les groupes ethniques, les femmes, les vieillards et les enfants. Le Secrétariat a donc mis en œuvre la politique de promotion et d’amélioration de la condition féminine, plan d’égalisation des chances pour 2001-2006. Un grave problème demeure cependant: on ne dispose pas de statistiques adéquates car elles ne sont pas ventilées par sexe, ce qui ne permet pas d’effectuer les prévisions voulues pour l’affectation des ressources.


Présentation par l’Etat partie

Mme CONNIE TARACENA, Ministre Conseiller de la Mission permanente du Guatemala auprès des Nations Unies, a fait savoir que le Guatemala a ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes le 12 août 1982, il y vingt ans aujourd’hui.

Mme LILY CARAVANTES, Secrétaire chargée des questions de la femme auprès du Cabinet présidentiel, a indiqué que les progrès réalisés au niveau juridique l’ont été en conformité avec la Constitution du Guatemala et les Conventions internationales. Elle a à cet égard cité la loi pour l’élimination de la violence familiale, la promotion des femmes, la lutte contre le sida, la modification de la loi sur développement des terres, l’aide aux veuves, le nouveau Code du travail ainsi que des lois à caractère transitoire concernant notamment les mesures prises pour assurer la participation des femmes à la vie de la société. Elle s’est également félicitée des progrès en ce qui concerne la publicité faite à la situation d’oppression que subissent les femmes dans le domaine de la santé génésique. Des obstacles subsistent cependant: les lois demeurent mal connues, certaines ne prévoient pas de mécanismes d’application et le système judiciaire souffre de faiblesse. Mme Caravantes a indiqué que des mesures avaient été prises concernant la violence à l’égard des femmes, la protection de la maternité et la promotion de la paternité responsable. Des lois sur la discrimination ethnique ont également été adoptées. En outre, de nombreuses institutions au profit des femmes sont mises en place au Guatemala: un Secrétariat des femmes, un Bureau du procureur chargé des femmes, une Commission des femmes et de l’enfance ainsi qu’une Coordination nationale de la prévention de la violence à l’égard des femmes, un Secrétariat présidentiel de la femme, un Forum des femmes et un Bureau de défense des femmes autochtones.

Les obstacles permanents qui existent en matière de promotion de la parité entre les hommes et les femmes sont la faiblesse des moyens techniques et financiers disponibles, la limitation des ressources humaines dotées d’une formation, l’image sociale négative dont souffrent les femmes et la mauvaise communication en ce qui concerne les mécanismes nationaux à leur disposition.

Pour ce qui est des femmes et de l’éducation, le Gouvernement a promulgué une loi sur la promotion de la femme qui prévoit des bourses et a développé l’éducation sexuelle au sein des écoles. Ses politiques en matière d’éducation mettent l’accent sur l’éducation des filles. Un travail est également mené pour éliminer les stéréotypes sexistes. Cependant, 60% des femmes sont analphabètes et 80% d’entre elles vivent dans les zones rurales. C’est pourquoi, le Gouvernement guatémaltèque a mis en place un programme de post alphabétisation.

S’agissant des femmes et de la santé, une loi sur le développement social et la sida est en vigueur et des mesures ont été prises pour protéger la santé de l’ensemble de la famille. La représentante, tout en se félicitant de la tendance à la baisse du taux de fertilité, a fait savoir que la dispersion de la population, la couverture institutionnelle trop faible, la mauvaise évaluation de la portée de la violence contre les femmes sont autant d’obstacles à une véritable appréhension des problèmes dans le domaine de la santé des femmes.

Dans le travail, les obstacles permanents à la représentation égale des femmes sont d’ordres technique, financier et culturel. Des réformes sont intervenues au niveau du Code du travail avec la création d’une Commission tripartite et l’organisation de programmes de formation. La femme des zones rurales souffre d’une image sociale négative, d’un taux de natalité élevé et de la concentration de la pauvreté.

Dans le cadre de diverses lois et des modifications du Code civil, nous luttons contre les stéréotypes, la violence domestique et la traite et l’exploitation sexuelle des femmes. Il existe un Bureau de défense des femmes autochtones, un programme de prévention et de lutte contre la violence domestique, un programme d’aide aux prostituées, a indiqué la représentante. Toutefois, le Gouvernement se heurte à la faiblesse du système judiciaire. De plus, 46 % de femmes dans le pays se trouvent en situation de pauvreté. Ce chiffre passe à 71 % pour les femmes des zones rurales et à 72 % pour les femmes autochtones.

Dans la vie politique, les femmes constituent moins de 10 % des élues au Parlement. Moins d’un pour cent de maires dans le pays sont des femmes. Une réforme du Code pénal est envisagée afin de sanctionner toute personne interdisant aux femmes de participer à la vie politique.


Dialogue avec les experts

Mme CHARLOTTE ABAKA, Présidente du Comité et experte du Ghana, a remercié le Guatemala d’avoir envoyé une délégation aussi importante pour l’examen des rapports périodiques.

Pour sa part, Mme AIDA GONZALEZ MARTINEZ, experte du Mexique, a rappelé que les Accords de paix de 1996 ont tenu compte des besoins spécifiques des femmes. Le Gouvernement est obligé de diffuser la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et d’œuvrer pour modifier les stéréotypes. Cependant, il existe encore des obstacles qui empêchent le respect complet de tous les articles de la Convention. Un des obstacles majeurs est l’existence de stéréotypes particulièrement graves au Guatemala. L’objectif premier du Gouvernement doit donc être de lutter contre ces stéréotypes. Toutes les mesures législatives adoptées comportent des aspects positifs mais, a demandé l’experte, existe-t-il une évaluation des résultats obtenus visant à mesurer l’impact des mesures en faveur des femmes définies dans les accords de paix? La réforme agraire qui prévoit la copropriété est également très positive mais elle doit être appliquée et respectée. Il faut aussi prévoir des services permettant aux personnes de se plaindre et d’être informées. Quelle est la coordination existant entre les divers mécanismes qui ont été mise en place en faveur des femmes?

Le trafic des femmes et la prostitution constituent un problème très grave, a ajouté Mme Gonzalez qui s’est dite surprise par le fait que le rapport indique qu’il s’agit d’un phénomène socioculturel qui a ses racines au sein de la société. Ce fléau concerne en outre surtout les enfants et les adolescents. Il faut donc mettre en place des programmes très clairs afin de mettre fin à la prostitution en relation avec les enfants. Les tribunaux doivent à cet égard disposer d’une législation efficace.

Mme MARIA YOLANDA FERRER GOMEZ, experte de Cuba, a demandé combien de Ministères ont intégré, dans leurs programmes de travail, les politiques nationales de promotion de la femme. Quels sont les programmes concrets qui existent pour lutter contre les stéréotypes et le droit coutumier qui représentent l’obstacle fondamental au plein épanouissement des femmes? La pauvreté touche 6 millions d’habitants et la pauvreté extrême 3 millions. Les populations des zones rurales sont, quant à elles, touchées à hauteur de 70% par la pauvreté extrême. La stratégie de lutte contre la pauvreté intègre-t-elle dans ce contexte un volet sexospécifique?

Mme MARIA REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, a déploré le fait qu’un proxénète, en cas d’arrestation, ne doit payer qu’une amende afin d’être libéré.

Mme FUMIKO SAIGA, experte du Japon, a elle aussi relevé le nombre élevé de mécanismes nationaux. Pourtant, il semble que les lois sont mal connues des femmes et de la population dans son ensemble. Un effort particulier devrait être fait pour que la population soit mieux informée de ses droits.

Mme CARAVANTES a expliqué que le Bureau national de la femme qui relève du Ministère du travail existe depuis 20 ans. Le Gouvernement discute actuellement de la création d’un Secrétariat présidentiel de la femme et, dans ce contexte, le statut futur du Bureau national de la femme sera amendé. Il est également question d’un Conseil consultatif qui aura un rôle important à jouer dans la coordination des organes institutionnels. Nos objectifs globaux visent à faire en sorte que le Gouvernement accorde la priorité aux femmes dans ses programmes, qu’une attention particulière à la santé génésique des femmes soit donnée, et qu’il assure la participation des femmes et l’institutionnalisation des programmes en faveur des femmes disposant de budgets propres. Nous réalisons actuellement une étude sur les entités publiques et privées. Le problème est que les données actuellement disponibles ne sont pas ventilées par sexe. Le Secrétariat présidentiel veut faire comprendre que la mise en oeuvre de politiques en faveur de la femme est une responsabilité qui incombe à chaque ministère.

Dans le domaine de l’éducation, M. ARTURO BAYARDO MEIJIA MONZON, Vice-Ministre pour l’éducation, a informé les membres du Comité des mesures ponctuelles mises en œuvre. Il existe un Comité ministériel chargé de revoir les manuels et programmes scolaires pour en éliminer les stéréotypes. Nous procédons actuellement à une réforme de l’éducation autour de deux axes: professionnalisation de l’enseignement et l’égalité des chances pour tous. Si les filles abandonnent l’école, c’est en grande partie en raison de l’appui économique qu’elles fournissent au sein du foyer. Nous avons mis en place, dans ce contexte, des bourses spécialement destinées aux filles qui permettent d’aider les familles pour que les filles fréquentent l’école et achèvent l’école primaire. Nous disposons également de bourses pour la paix pour tenter de réduire les problèmes des enfants orphelins de la guerre et de ceux vivant dans une pauvreté extrême. Nous avons attribué plus de 5 000 bourses de ce type.

Mme CATALINA SOBERANIS, ancien membre du Congrès et Secrétaire chargée de la paix au Cabinet de la Présidence, a expliqué que le Gouverneur de la République a le pouvoir de passer des décrets permettant de mettre en oeuvre des mesures temporaires pour faciliter l’insertion des femmes au marché du travail. Une autre mesure ponctuelle est l’attribution pendant dix ans de terres aux populations défavorisées, notamment les mères seules. La récente réforme du Code pénal prévoit des peines de prison et des amendes élevées pour les responsables de documents pornographiques et de prostitution. Il existe une proposition d’amendement au Code pénal prévoyant des amendes pour incitation à la prostitution.

M. JULIO MOLINA AVILES, Vice-Ministre de la santé publique et des services sociaux, a précisé que le Ministère de la santé publique du Guatemala est conscient du fait que l’accès à la santé est un droit. Il a ajouté qu’un travail de sensibilisation de la société guatémaltèque a permis de formuler un programme national de santé génésique dont les résultats sont très positifs. Le Guatemala dispose en outre d’une politique de développement social qui comporte un volet de santé reproductive.

Mme SANDRA BARRERA, Conseillère auprès du Ministère du travail, a indiqué qu’un plan national d’action pour lutter contre la prostitution infantile a été défini. Un projet de réforme du Code pénal est en outre en cours d’élaboration ainsi que des programmes qui ont pour objectif d’aider les fillettes et les adolescents qui se prostituent.

Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, a demandé quelles sont les sanctions appliquées en cas de violence conjugale. Existe-t-il une unité spécialisée au sein de la police chargée de traiter ces questions? Elle a également souhaité connaître le nombre de centres d’accueil mis à la disposition des femmes victimes de violence. Les femmes victimes de violence lors des conflits ont-elles reçu réparation?

Mme FRANÇOISE GASPARD, experte de la France, a abordé le problème des mécanismes institutionnels et de leur manque de coordination. Quel est le rôle du Secrétariat des femmes? Dispose-t-il de moyens non seulement financiers mais aussi humains de coordination des mécanismes existants? Elle a également demandé si le projet de loi qui tend à imposer un quota de 30% de femmes sur les listes électorales entre dans le cadre des mesures temporaires ou s’il s’agit d’une mesure durable. Ce projet de loi est déposé depuis 4 ans. Quelles sont, dans ce
contexte, les raisons pour lesquelles il n’a toujours pas été adopté? Le Guatemala fait preuve dans son rapport d’une bonne connaissance des différentes formes d’exploitation liées à la prostitution. Cependant, en dépit des mesures pénales visant l’exploitation de la prostitution et la présence d’organisations non gouvernementales (ONG), il ne reflète aucune donnée sur les résultats obtenus. Enfin, elle a fait remarquer qu’il existe un grand nombre de politiques en faveur des femmes mais a regretté que ces dernières ne fassent pas l’objet d’une évaluation. Le prochain rapport devra donc comporter une évaluation chiffrée beaucoup précise.

Mme CHRISTINE KAPALATA, experte de la République-Unie de Tanzanie, a regretté le peu de coordination entre les divers mécanismes qui ne communiquent pas entre eux. Elle a souhaité disposer d’informations sur l’impact des services mis en place pour l’application de la Convention. Mme IVANKA CORTI, l’experte de l’Italie, a constaté les progrès réalisés par le Guatemala par rapport aux décennies précédentes, époque à laquelle il n’existait pas de mécanismes nationaux de promotion de la femme, signe de volonté politique du Gouvernement. Est-ce que les mécanismes pourront être maintenus sur le long terme?. Ne vaut-il pas mieux disposer d’un nombre limité d’organes ayant une base financière solide? a-t-elle demandé. Relevant que le principal problème dans le pays est la pauvreté, Mme Corti a regretté le peu de changement dans ce domaine. La prostitution, qui est un processus d’asservissement intrinsèque à la société, n’est pas uniquement due à la pauvreté. Elle repose également sur des traditions culturelles. Il vous faut travailler plus étroitement avec les représentants de la société civile pour faire évaluer les mentalités selon lesquelles la femme est un citoyen de deuxième classe. L’égalité est le principe directeur de la Convention qu’il ne faut pas confondre avec parité. Si vous atteignez l’égalité, la parité est assurée. Dans le cas contraire, vous perpétuez les préjugés.

Mme ZELMIRA REGAZZOLI, experte de l’Argentine, a rappelé que le pays a connu une guerre civile de plus de 40 ans. La signature des accords de paix constitue déjà un grand pas en avant. La guerre explique pourquoi la population est si jeune et pourquoi il y a tant de femmes chefs de foyer. Elle s’est inquiétée du faible niveau des ressources financières et humaines attribuées aux mécanismes chargés des questions de femmes. Dans ce contexte, elle a demandé comment seront financés ces programmes une fois que les projets internationaux de coopération seront achevés. Il faut mobiliser les femmes comme elles ont été mobilisées pour la paix. Il faut que le Parlement adopte le projet de loi qui garantisse que les 30 % de femmes ne figurent pas uniquement sur les listes électorales mais occupent des sièges au Parlement. A ce jour, il n’y a que trois femmes maires. Puisque les femmes n’ont pas eu peur des balles, il ne faut pas qu’elles aient peur des bulletins de vote.

Répondant aux questions et commentaires formulés par les experts, Mme CARAVANTES a expliqué que chaque mécanisme traite d’un un secteur particulier de l’Etat. Le Bureau national de la femme détermine actuellement ce qui va se passer dans le futur. Le pays se trouve dans une situation difficile, l’inégalité étant si ancrée que la population n’en a pas consciente. Nous tentons de mettre en place un dialogue entre le Gouvernement et les organisations non gouvernementales de femmes qui lui sont traditionnellement opposées pour des raisons historiques. Nous ne disposons pas de centres d’accueil public pour les victimes de violence domestique.

Pour sa part, Mme SOBERANIS a expliqué qu’il existe une loi sur l’inviolabilité du domicile qui rend difficile l’intervention des policiers au sein du foyer dans des cas de violence conjugale.

M. MOLINA AVILES a évoqué le phénomène des maladies mentales héritées de la guerre civile et qui ont été transmises de générations en générations. Un autre problème est que l’on nous considère comme ayant une économie stable alors que l’incidence de la pauvreté est importante. Nous tentons dans ce contexte de développer des plans stratégiques de financement de nos programmes.

Mme SOBERANIS a expliqué que 40 ans de conflit ont laissé de nombreuses séquelles psychologiques et culturelles qui seront difficiles à surmonter. Le processus de paix au Guatemala a ses propres caractéristiques dans la mesure où il n’a pas pris fin avec le cessez-le-feu mais il s’est accompagné d’efforts visant à édifier la paix dans un contexte intégré. La paix et le développement constituent un binôme inséparable. La deuxième phase, qui vise la surveillance des Accords de paix, est en cours avec l’aide de la Mission des Nations Unies au Guatemala (MINUGA) et elle s’achèvera prochainement. Le Gouvernement sera alors chargé de la troisième phase de transition et pour cela, il devra établir ses priorités. Les grandes pistes d’action du Gouvernement portent sur l’institutionnalisation de la paix; la décentralisation et le renforcement des pouvoirs locaux; l’application de l’accord sur l’identité et l’autonomie des populations autochtones, la réduction de la pauvreté et le développement des zones rurales.

M. MOLINA AVILES a expliqué que, pour comprendre la situation économique du pays, il fallait tenir compte des réalités budgétaires des ministères, du pays lui-même dans son ensemble et de la responsabilité fiscale des acteurs économiques du pays. Le pays est source de contraste. Sa situation macroéconomique est relativement stable alors que l’indice de pauvreté est élevé, en particulier dans le secteur rural. Le Guatemala, qui occupe le deuxième rang pour le nombre d’hélicoptères derrière l’Argentine, est le pays d’Amérique latine dont le taux d’imposition est le plus faible de la région. La minorité aisée ne contribue donc pas suffisamment pour offrir des services publics à l’ensemble de la population.

Mme FENG CUI, experte de la Chine, a souhaité connaître le nombre de représentantes des populations autochtones dans les partis politiques. Y a-t-il, en outre, des représentantes de femmes autochtones au sein du Forum de la femme?

Répondant à ces questions, Mme CARAVANTES a regretté que la participation des femmes autochtones à la vie publique et politique soit très limitée. Mme SOBERANIS a, quant à elle, fait part de trois initiatives prises par les organisations féminines en vue de promouvoir la participation des femmes à la vie politique. En 1994, des propositions de quotas ont été élaborées mais n’ont pas retenu l’attention de la Commission électorale. En 1998, une seconde proposition dans le même sens a été soumise au Parlement mais la loi électorale n’a pas pu être approuvée. En 2001, différents groupes qui oeuvrent en faveur de la participation des femmes à la vie politique ont agi à nouveau en faveur d’une réforme de la loi électorale fixant à 30% les quotas. Cette réforme électorale n’a cependant toujours pas été approuvée et ne contient aucune disposition en faveur des femmes autochtones.

Mme FERRER GOMEZ, experte de Cuba, s’est interrogée sur la situation des femmes qui travaillent dans les usines Maquiladores et qui ne bénéficient d’aucun droit. Quels sont les accords qui ont été conclus entre le Gouvernement et les entreprises coréennes qui emploient ces femmes? Elle a également demandé si des contrôles sont effectués dans ces usines.

Mme GONZALEZ MARTINEZ, experte du Mexique, a félicité le Gouvernement pour la politique globale qu’il mène face au problème du sida. Elle a cependant demandé pourquoi, comme cela est indiqué dans le rapport, l’accès des femmes aux soins de santé est rendu difficile en raison d’obstacles culturels.

Mme ABAKA, experte du Ghana, relevant l’importance accordée au rôle de la femme en matière de reproduction, a rappelé que la santé reproductive des femmes va au-delà de la maternité. La santé reproductive des femmes englobe par exemple le cancer de l’utérus ou encore la ménopause.. La violence domestique a en outre une incidence importante sur la santé mentale des femmes. Rien n’est dit dans le rapport sur des programmes d’aide psychologique d’autant que ces femmes ont connu de longues années de guerre. Le taux de mortalité maternelle et de fécondité est très élevé, ce dernier oscillant selon les régions entre 5 et 8 %. Des études doivent être menées pour identifier les causes de ces taux. L’experte a également regretté l’absence d’informations sur la toxicomanie des femmes.

Mme NAELA GABR, experte de l’Egypte, a demandé s’il existait des projets de loi permettant d’assurer une véritable égalité entre l’homme et la femme qui respecte et protège la santé de la femme et tienne compte des spécificités de la femme enceinte dans le travail. Elle a également demandé des informations sur le travail des femmes autochtones et sur les travailleuses domestiques. Quelles sont les mesures prises pour protéger les droits socioéconomiques de la femme autochtone et quelle est leur situation en matière de santé?

Mme FRANCES LIVINGSTON RADAY, experte d’Israël, s’est dite préoccupée par le taux élevé de sous-emploi qui touche davantage les femmes que les hommes. La pauvreté est un phénomène très grave dans le pays, 56 % de femmes vivant dans la pauvreté la plus abjecte. On estime à 40 % le taux des femmes qui n’ont jamais achevé leur scolarité. Quelle est la protection accordée aux enfants qui ne vont pas à l’école? Que fait le Gouvernement pour que soient respectés les droits des employés de maison qui vivent dans l’extrême pauvreté? Le Gouvernement impose-t-il des pénalités aux employeurs? L’experte s’est félicitée de l’accent mis sur le logement des femmes chefs de famille ainsi que de l’introduction de la copropriété de la terre et a demandé des informations supplémentaires à ce sujet.

Mme BARRERA a précisé que les employées domestiques bénéficient des même prestations que tous les autres travailleurs. Les femmes ayant une activité professionnelle salariée reçoivent une formation à leurs droits dans le cadre d’ateliers et de séminaires. S’agissant du travail des enfants, le Guatemala a ratifié la Convention 182 de l’OIT sur l’élimination des pires formes de travail des enfants. Le Ministère du travail a prévu des activités de formation pour les organisations syndicales et les employeurs au sujet des questions liées au travail des enfants. Un plan national pour la prévention du travail des enfants et la protection du travail des adolescents est en cours d’élaboration. Il existe en outre une participation des femmes aux organisations syndicales mais seulement à titre secondaire.

Mme CARAVANTES a fait savoir que, dans le cadre du mariage, les femmes jouissent des mêmes droits que les hommes. En ce qui concerne les processus culturels qui entravent la promotion de la santé des femmes, elle a indiqué que, par exemple, la campagne qui a été menée pour réaliser des frottis vaginaux a été considérée comme une atteinte à la pudeur des femmes.

M. MOLINA AVILES a expliqué que son Administration ne disposait pas de programme de santé publique concernant la planification familiale qui est encore taboue. Tout ministre qui l’aurait fait aurait perdu son poste. Les soins pour les femmes incluent la planification familiale de manière intégrée. Nous connaissons de graves problèmes en raison des barrières culturelles de la part de la population mais également des prestataires de services. Nous avons obtenu que les médecins lèvent l’obligation d’obtenir le consentement de l’époux avant de donner des soins de santé reproductive à sa femme. Nous avons mené des actions de planification familiale visant à perfectionner les connaissances du personnel de santé et à épauler les actions de sensibilisation et d’information. Une tendance à la réduction du taux de fécondité a eu lieu. Nous projetons une réduction de 4,4 % à l’avenir. Des normes et réglementation en matière de planification familiale ont été élaborées. En milieu rural, il existe un énorme problème de santé mentale. Le Guatemala reçoit une aide financière du Congrès des Etats-Unis pour venir en aide aux régions touchées par le conflit armé. A l’heure actuelle, nous avons passé 160 accords avec les organisations non gouvernementales pour que les communautés locales bénéficient de programmes particuliers. Des programmes remarquables ont été réalisés notamment par le biais de la vaccination contre les maladies chroniques. Avec le mouvement de décentralisation, le Gouvernement guatémaltèque envisage de lutter au niveau local contre le sida.

Pour sa part, M. MEJIA MOZON a expliqué que la stratégie de son Gouvernement prévoit la coordination avec les ONG choisies pour aider les communautés sur le terrain. Nous reconnaissons, a-t-il dit, que les femmes sont les plus touchées par l’analphabétisme, en particulier les femmes autochtones. Notre but est de respecter les langues maternelles pratiquées dans diverses régions du pays pour que davantage de fillettes soient scolarisées. S’agissant de la violence au foyer, la grande partie du problème réside dans le silence. Les enfants qui en sont les témoins grandissent en intégrant une notion de normalité face à ce phénomène. Désormais, cette question est évoquée dans les programmes scolaires. Le Gouvernement guatémaltèque accorde une attention particulière au sida. Le meilleur moyen que nous avons trouvé pour lutter contre le travail des enfants est l’instauration de bourses dont nous voulons augmenter le nombre, a indiqué M. Mejia Mozon.

Mme TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, a souligné les remarques très négatives qui existent dans le rapport concernant les conditions de travail dans les Maquiladoras et a souhaité que le prochain rapport présente des améliorations en ce qui concerne le droit des travailleuses dans ces usines. Elle a également demandé si l’accès aux moyens de contraception est gratuit.

Mme AYSE FERIDE ACAR, experte de la Turquie, a demandé quels sont les programmes spécifiques qui existent en matière d’alphabétisation des femmes. Elle a également demandé de préciser le nombre de femmes universitaires au Guatemala.

Mme ROSARIO MANALO, experte des Philippines, a souhaité obtenir des renseignements sur la manière dont les prostituées sont protégées contre la propagation du virus du VIH/sida. Elle a aussi demandé des informations sur la façon dont la question du harcèlement sexuel sur le lieu de travail est appréhendée.

Mme SAVITRI GOONESEKERE, experte du Sri Lanka, a souhaité savoir si les employeurs investissent dans le secteur de l’éducation des enfants et s’ils sont tenus de répondre à des codes de conduite relatifs au droit du travail.

Mme CARAVANTES a indiqué que la loi sur le développement social est le produit d’efforts de concertation avec la Conférence épiscopale. Une partie de l’Eglise catholique est plus ouverte et a permis d’adopter cette loi qui contient des dispositions concernant la santé reproductive.

M. MOLINA AVILES a expliqué que le cadre juridique, à savoir la loi sur le développement social, permet au Gouvernement de travailler plus sereinement à la politique de santé reproductive. Le programme national de santé reproductive doit intéresser tout segment de la population. Ce n’est pas seulement le Ministère qui est en jeu mais également les représentants de la société civile. La migration interne est un problème sérieux. De nombreux travailleurs se déplacent dans les régions les plus actives, notamment dans le secteur agricole. Des problèmes de santé se posent pour ces populations. On assiste également à un mouvement migratoire vers les villes. Ces personnes viennent grossir les rangs des marginaux.

Mme CARAVANTES a indiqué que son Gouvernement étudie actuellement les programmes d’alphabétisation et post-alphabétisation sur la base de ce qui est réalisé au Nicaragua.

Intervenant à son tour, Mme BARRERA a expliqué que les travailleurs, hommes et femmes, bénéficient des mêmes prestations sociales. Les abus que nous avons constatés ont lieu dans le cadre de contrats sur la base horaire. Le Guatemala n’a pas établi de salaire minimum. Le projet de code du travail étendra l’égalité de rémunération aux travailleuses domestiques et prévoira des dispositions réprimant le harcèlement sexuel. Nous avons tenté de mettre en place des codes de conduite dans les zones franches. Même s’il existe des normes, les violations ont lieu. Le Ministère du travail procède actuellement à l’élaboration d’un projet de formation professionnelle des dirigeants communautaires. Avec l’association des employeurs, les syndicats et le Gouvernement, nous avons pour objectif de sensibiliser les parties aux normes de travail internationales. Nous disposons d’un projet de décret d’application de la Convention sur la protection des droits des travailleurs migrants et de leurs familles. Nous avons décidé d’adhérer à des textes internationaux sur l’emploi des travailleurs saisonniers. Le Ministère du travail a en outre créé une sous-direction de la migration pour assurer le respect des droits professionnels des migrants.

Mme SHIN, experte de la République de Corée, a estimé que l’âge de 16 ans pour les garçons et de 14 ans pour les filles est encore très précoce pour se marier. Les femmes ont-elles les mêmes droits que les hommes en matière d’héritage?

Mme GASPARD, experte de la France, a souligné qu’une femme sur trois vit en concubinage et n’est donc pas protégée par la loi du mariage : qu’est-il prévu pour ces femmes?

Répondant à ces commentaires, Mme SOBERANIS a fait savoir qu’en vertu de la législation, l’union de fait, qui peut être assimilée au concubinage, est comparable au mariage. Les garçons de plus de 16 ans et les filles de plus de 14 ans peuvent se marier avec le consentement des parents. Un projet est en cours pour relever l’âge du mariage à 16 ans pour les filles. Le droit coutumier considère que ce sont les hommes qui doivent hériter et non pas les femmes.




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