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Communiqués de presse Procédures spéciales

LES RAPPORTEURS SPECIAUX CONSTATENT DES PROGRES MAIS AUSSI BEAUCOUP DE CARENCES DANS LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME AU BURUNDI ET EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

06 Novembre 2002



Troisième Commission
6 novembre 2002
38e séance - après-midi



La Troisième Commission a entendu ce mercredi après midi les rapporteurs spéciaux sur la situation des droits de l'homme au Burundi et en République démocratique du Congo (RDC).

Mme Marie Thérèse Keita Bocoum, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme au Burundi, a regretté ne pas avoir eu le temps de rédiger son rapport car sa mission sur place s'était déroulée du 16 au 25 octobre. Sur le plan politique, elle a noté la mise en place d'un Sénat et d'une Assemblée nationale et la nomination de nouveaux gouverneurs dans neuf provinces. Cependant, cet effort administratif est gravement compromis par des conflits armés qui perdurent. Certes, un accord de cessez-le-feu a été signé le 7 octobre, mais les combats sur le terrain continuent, a-t-elle constaté. La situation politique reste influencée par le climat d'insécurité qui s'est aggravé depuis son dernier séjour. Depuis juillet 2002, les réactions de l'armée aux attaques des groupes armés sont très violentes et touchent surtout les populations civiles. Entre juillet et octobre, plus de 300 civils auraient perdu la vie du fait des actions des agents de l'Etat.

La Rapporteuse spéciale a déploré que plusieurs dispositions du nouveau code de procédure pénale continuent d'être régulièrement violées, notamment en ce qui concerne les lieux de détention, la détention provisoire et la garde à vue. La torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants continuent d'être monnaie courante et les cas de viols et de violences contre les femmes ne cessent d’augmenter. Pour sauver des vies humaines, il faut obtenir rapidement un cessez-le-feu et une paix négociée, a-t-elle ajouté. A plusieurs reprises au cours du dialogue avec les délégations et le représentant du Burundi, les conditions d'insécurité à l'intérieur du pays ont été vivement dénoncées, notamment dans le cadre du reflux des réfugiés vers la République-Unie de Tanzanie. Aucun progrès n'est envisageable au Burundi tant qu'un cessez-le-feu ne serait pas observé, a dit la Rapporteuse spéciale, qui a observé que des factions prenant part aux négociations en cours continuaient de mener des actions armées dans le pays.

Mme Julia Motoc, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo, a observé que le conflit qui perdure depuis 4 années dans ce pays est la source majeure des violations des droits de l'homme. Elle s'est félicitée de la signature de l'Accord de Pretoria entre la RDC et le Rwanda et de l'Accord de Luanda entre la RDC et l'Ouganda. Et pourtant des violations des droits de l'homme se poursuivent, a-t-elle regretté. Elle a noté l'augmentation de l'insécurité qui réduit l'action des organisations humanitaires et a mis l'accent sur les violations des droits des femmes, dont elle veut faire la priorité pendant son mandat. Les violences sexuelles contre les femmes sont devenues une puissante arme de guerre, a-t-elle indiqué. La jurisprudence internationale a consacré le viol comme élément constitutif du crime de génocide, a-t-elle rappelé, donc les auteurs de ces crimes ne doivent bénéficier d’aucune impunité.

Au cours du dialogue avec les délégations, elle a reconnu que le conflit avait des causes économiques et que cela avait une incidence directe sur la situation des droits de l'homme. Le pillage des ressources naturelles remet en cause le droit fondamental de la population locale d'exploiter ses ressources ainsi que son droit à la propriété. Ce pillage est cause de la guerre qui à son tour affecte les droits de l'homme, a conclu la Rapporteuse spéciale.

La Troisième Commission entendra demain, jeudi 7 novembre, à partir de 10 heures une présentation de M. Ruud Lubbers, Haut Commissaire pour les réfugiés.


QUESTIONS RELATIVES AUX DROITS DE L'HOMME

Documentation

La Commission est saisie des rapports de mission de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo, de la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, et de celui d'un membre du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires (A/57/349). La nouvelle Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo, Mme Julia Motoc s'est rendue à Kinshasa du 14 au 19 février 2002 pour sa première visite depuis sa nomination en novembre 2001. A cette occasion, elle a eu des consultations préliminaires avec le Gouvernement afin de déterminer dans quelle mesure celui-ci appuierait les travaux de sa mission. La Rapporteuse spéciale fait également part de son intention d'entrer en contact avec les groupes rebelles.

Dans son rapport intérimaire sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo (A/57/437), Mme Julia Motoc (Roumanie), Rapporteuse spéciale de la Commission des droits de l'homme, note une évolution positive dans le territoire contrôlé par le Gouvernement, notamment en ce qui concerne le moratoire sur la peine de mort, la libération de 300 enfants soldats et la libéralisation de l'activité des partis politiques. Elle signale des violations massives dans les territoires contrôlés par les rebelles du RDC/Goma et du MLC, surtout à l'est du pays. Elle affirme qu'il est certain que les causes profondes de la guerre qui perdure dans le pays sont de nature économique. Elle mentionne également des violences sexuelles contre les femmes et les enfants utilisés comme une arme de guerre par la plupart des forces impliquées dans le conflit.

Mme Motoc recommande à toutes les parties au conflit de poursuivre le dialogue intercongolais et d'appliquer les dispositions des accords conclus. Elle leur demande de collaborer pleinement avec l'Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Mustapha Niasse. Elle estime qu'il est impératif de mettre fin à l'incitation à la haine ethnique. En outre, Mme Motoc rappelle que le Gouvernement doit respecter l'engagement pris par le Président Kabila lors de la mission du Conseil de sécurité de ne pas donner son appui au Maï Maï. Elle considère qu'il faut prendre des mesures pour améliorer l'administration de la justice: il faut que la Cour de sûreté de l'Etat arrête de juger des civils et assure l'indépendance de la justice. Il importe également d'assurer une meilleure participation de la femme à la vie publique. Elle appelle le Rassemblement congolais pour la démocratie et le Mouvement de libération du Congo à respecter la souveraineté de la République démocratique du Congo, y compris sur ses ressources naturelles.


Déclaration liminaire

Mme MARIE-THERESE KEITA BOCOUM, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Burundi, a indiqué que son mandat venait d'être renouvelé et a regretté ne pas avoir eu le temps de rédiger son rapport car sa mission sur place s'était déroulée du 16 au 25 octobre. Lors de son séjour au Burundi, elle a eu l'occasion de rencontrer des interlocuteurs multiples, de visiter la province de Gitega, théâtre de massacres de la population civile, et s'est rendue dans la prison de Mpimba à Bujumbura où elle a eu à nouveau l’occasion de se rendre compte de l'importance de la question des droits de l'homme. Sur le plan politique, Mme Keita Bocoum a noté la mise en place d'un Sénat et d'une Assemblée nationale et la nomination de nouveaux gouverneurs dans neuf provinces. Cet effort administratif est gravement compromis par les conflits armés qui perdurent. Certes, un accord de cessez-le-feu a été signé le 7 octobre, mais les combats sur le terrain continuent. La situation politique reste influencée par le climat d'insécurité qui s'est aggravé depuis son dernier séjour et s'étend maintenant aux provinces du nord jusque-là épargnées. Outre les conflits, a-t-elle indiqué, la délinquance et la criminalité s'accentuent. Cette situation fait le lit de la pauvreté et aggrave les conditions de vie de la population. La corruption généralisée et la destruction des infrastructures affectent le développement économique, des grèves incessantes fragilisent le front social alors que les sommes promises par les bailleurs de fonds à Genève n'ont été que partiellement versées.

La situation des droits de l'homme continue d'être influencée par la situation politique, a repris Mme Keita Bocoum. Evoquant les atteintes au droit à la vie, elle a indiqué que depuis juillet 2002, les réactions de l'armée aux attaques de groupes armés sont très violentes et touchent surtout les populations civiles. Entre juillet et octobre, plus de 300 civils auraient perdu la vie du fait des actions des agents de l'Etat. Le 9 septembre, plusieurs centaines de personnes auraient été tuées à Kanyonga, Kagoma et Kivoga, a-t-elle ajouté. L'identification des victimes fait apparaître des femmes, des enfants et des vieillards. Les autorités militaires ont conclu à une bavure, a indiqué la Rapporteuse spéciale. Une enquête a été ouverte et deux militaires ont été mis aux arrêts. La population soutient qu'il n'y avait pas de rebelles lorsque les militaires sont intervenus. Mme Keita Bocoum a déploré que plusieurs dispositions du nouveau code de procédure pénale continuent d'être régulièrement violées, notamment en ce qui concerne les lieux de détention, la détention provisoire et la garde à vue. La torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants continuent d'être monnaie courante, a-t-elle constaté. Les cas de viols et de violences contre les femmes ont augmenté, et les auteurs sont rarement poursuivis.

En ce qui concerne la liberté d'expression, la Rapporteuse spéciale a indiqué que la presse écrite est quasi-inexistante et que les rares journalistes sont sans arrêt inquiétés. Certains membres de partis politiques ont été l'objet d'intimidations, d'arrestations et de sanctions administratives. Des leaders syndicaux auraient été emprisonnés à la suite de grève. Au sujet des personnes déplacées, leur nombre varie entre 370 000 et 385 000, réparties sur 226 sites. Selon le Gouvernement, les retours assistés ou volontaires concerneraient 40 000 personnes. La protection des rapatriés relève de la responsabilité du HCR, a-t-elle rappelé. Concernant les droits des femmes, Mme Keita Bocoum s'est félicitée de ce qu'elles soient mieux représentées dans les instances politiques qu'auparavant, mais leur situation n'a pas fondamentalement changé. La suppression des discriminations dont elles sont victimes n'en est qu'au stade de projet. Au sujet des droits économiques, sociaux et culturels, Mme Keita Bocoum a indiqué que des malades étaient retenus dans les hôpitaux une fois guéris car ils ne pouvaient pas payer le prix des soins. D'autres préfèrent se livrer à la médecine traditionnelle car ils ne peuvent payer le prix de la santé. De nombreux enfants ont quitté l'école en 2001-2002 du fait du manque de matériel scolaire. Revenant sur l'Etat de droit et la justice, elle a noté que l'impunité avait progressé en 2002 et que les conditions carcérales demeurent précaires. Alors que les prisons burundaises ont une capacité de 3 750 places, elles accueillent aujourd´hui 4 742 prévenus. En ce qui concerne l'éducation des droits de l'homme, le manque de moyens est patent, a-t-elle souligné.

Mme Keita Bocoum a constaté que le nombre de violations des droits de l'homme avait augmenté et que la population civile en était le plus souvent victime. Lorsque la population ne dénonce pas les rebelles, elle court le risque d'être considérée comme telle par les autorités. La conséquence en est une méfiance de plus en plus grande entre la population et l'armée. Pour sauver des vies humaines, il faut obtenir rapidement un cessez-le-feu et une paix négociée, a-t-elle ajouté. Beaucoup de rapatriés sont victimes de violences à leur retour et repartent en exil, a-t-elle déclaré. La Rapporteuse spéciale lance un appel à tous les belligérants pour qu'ils respectent les droits des populations civiles. Elle leur demande de ne pas s'attaquer aux infrastructures économiques et sociales et les exhorte à cesser immédiatement les hostilités. Aux autorités burundaises, elle demande des enquêtes approfondies sur les massacres qui ont eu lieu et souhaite que l'ONU y soit associée. Elle leur recommande de restaurer la confiance entre l'armée et la population et les encourage à mettre en place les institutions prévues par l'Accord d'Arusha. A la communauté internationale, Mme Keita Bocoum recommande l'organisation d'une conférence internationale des Grands Lacs et demande la mise en place des fonds promis par les Conférences de Paris et de Genève. Enfin, elle prédit que le rôle du Haut Commissaire aux droits de l'homme au Burundi sera de plus en plus important.

Réponse des parties concernées et dialogue avec les délégations
Répondant à cette présentation orale des travaux de Mme Keita Boccoum, le représentant du Burundi a dénoncé le fait que les rapporteurs spéciaux se succèdent pour décrire le paysage hideux qu'offre la guerre qui ravage le pays depuis 1993. Il a demandé s'il était encore temps de jouer toujours au coupable ou à l'innocent dans une guerre sans ligne de front, où la population est prise entre deux feux et parfois utilisée comme bouclier. Il a fait remarquer que dans la situation actuelle au Burundi, seul le Gouvernement assume la responsabilité des actes de violence ou des manquements au respect des droits de l'homme. Il a regretté que les crimes et les violences commises par des groupes armés contre la population soient imputables à des responsables invisibles et irresponsables, qui intéressent peu les militants et les protecteurs des droits de l'homme. Il a regretté qu'il ne soit tenu aucun compte des efforts déployés par l'actuel Gouvernement de transition où sont représentés ces mêmes groupes armés qui poursuivent obstinément la guerre au Burundi. Il a estimé que si la communauté internationale pouvait douter de la bonne foi du Gouvernement qui était au pouvoir avant la signature des Accords de paix d'Arusha, il est en revanche étonnant de voir que l'on s'obstine à ne pas reconnaître les mérites du Gouvernement issu de l'Accord de paix. Il a demandé combien de temps il fallait attendre le bon vouloir des rebelles et des groupes armés qui veulent péreniser les souffrances de la population, comme l'a reconnu, il y a quelques jours, le sommet des chefs d'Etat de la sous-région. Le moment est venu d'aider les Burundais, a-t-il déclaré.

Revenant sur quelques cas précis, le représentant a annoncé qu'une réforme de la justice est en cours et que la loi portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature a déjà été adoptée, tandis que d'autres projets sont en train d'être débattus. En matière de détention, il a déclaré que le nombre d'enfants emprisonnés avait diminué. S'agissant des enfants soldats, il a précisé qu'ils étaient beaucoup plus nombreux dans la rébellion qui les enrôle de force que dans l'armée nationale. Le représentant a apporté des précisions sur le cas des tueries d'Itaba et s'est félicité du fait que la Rapporteuse spéciale ait noté, à cette occasion, que les débordements de l'armée étaient sanctionnés et que des enquêtes se poursuivaient. Il a informé la Commission de la mise en oeuvre d'un projet de démobilisation des enfants soldats qui avait déjà entamé la phase de recensement des enfants. Il a précisé que les jeunes gardiens de la paix étaient chargés de veiller à la sécurité de leur famille et de leurs quartiers. Il a assuré la Commission que les bavures qui leur sont imputables étaient sanctionnées par les autorités. Le représentant a ensuite dressé le bilan des progrès accomplis en matière de liberté publique, reconnaissant que la réalisation du droit à l'éducation et du droit à la santé est handicapée par la guerre.

Le représentant a réaffirmé que le Président du Burundi ne ménageait aucun effort pour convaincre les groupes armés d'accélérer la négociation d'un cessez-le-feu. Il a signalé que le Président effectuait des voyages répétitifs entre Bujumbura et Dar-es-Salaam pour des négociations au plus haut niveau avec les rebelles. Il a fait part de l'impatience de son Gouvernement de voir s'installer la paix afin de pouvoir mener à bien les réformes de l'armée et de la justice. Il a insisté sur le fait que le processus de paix ne pourra pas progresser si un cessez-le-feu n'est pas signé. Il a demandé à la communauté internationale de s'impliquer davantage pour amener les groupes armés à négocier de bonne foi, pour accorder une assistance économique à l'État et aux populations.

Répondant à cette intervention, la Rapporteuse spéciale a précisé qu'il y avait dans les prisons 4 742 prévenus pour 43 condamnés au 30 septembre 2002.

Répondant à une question du Danemark sur l'échéance à laquelle on pouvait envisager de voir la paix au Burundi, Mme Keita Boccoum s'est dit optimiste compte tenu du bon fonctionnement des institutions mises en place par le Gouvernement. Toutefois, elle s'est déclarée préoccupée par le fait que les factions, y compris celles qui participent aux négociations, continuent de mener des actions armées sur le terrain. Elle a aussi reconnu qu'il fallait absolument parvenir à un cessez-le-feu, sans lequel le processus de paix ne saurait aboutir.

Apportant des précisions sur l'application des mesures du Gouvernement visant à interdire le recrutement des enfants soldats, la Rapporteuse spéciale a confirmé que le Gouvernement avait pris des dispositions pour interdire le recrutement d'enfants de moins de 18 ans. Toutefois, elle a indiqué qu'on lui avait affirmé au cours de sa mission que c'étaient les parents qui voulaient enrôler leurs enfants pour des questions de prestige.

A la question de l'Union européenne concernant les réfugiés qui retourneraient en Tanzanie, Mme Keita Boccoum a répondu que ce mouvement de reflux existait, car les réfugiés ne se sentent pas en sécurité au Burundi. Intervenant sur la question de la porosité des frontières, la représentante de la République-Unie de Tanzanie a recommandé à la Rapporteuse spéciale d'examiner les possibilités d'améliorer la situation des droits de l'homme avant d'accuser son pays, cité comme modèle de coopération et a demandé à la Rapporteuse spéciale d'élaborer un texte qui soit traduit dans toutes les langues. Mme Keita Boccoum a répondu qu'elle n'avait, en aucun cas, accusé la Tanzanie, mais avait rapporté qu'il y avait un problème dans les camps. Elle a expliqué que le problème de la porosité des frontières était un problème répandu en Afrique et ne mettait pas la Tanzanie particulièrement en cause.

Reprenant la parole, le représentant du Burundi a apporté des précisions sur les violences qui se poursuivent au centre du pays sous l'action des forces rebelles. S'agissant du mouvement de reflux des réfugiés en provenance de Tanzanie, il a expliqué que les rebelles s'opposaient au retour des réfugiés. Ils utilisent des tracts d'intimidation ou chassent les réfugiés qui revenaient de Tanzanie, a-t-il déclaré. Toutefois, il a déclaré que beaucoup de gens rentraient malgré les circonstances difficiles. En ce qui concerne la capacité de protection de l'armée, le représentant a reconnu qu'il était quasiment impossible à l'armée de protéger la population dans toutes les collines qui sont en proie aux actions des groupes armés.

Revenant sur la question des tueries d'Itaba, Mme Keita Boccoum a expliqué que le Haut Commissariat n'avait pas été associé aux enquêtes et qu'elle même avait eu des difficultés à approcher ces populations. Elle a demandé que l'ONU soit associée à ces enquêtes, ne serait-ce que pour évaluer le nombre de victimes qui serait de 127 selon le Gouvernement et de plus de 300 selon d'autres sources.


Déclaration liminaire

Mme JULIA MOTOC, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo, a indiqué que le conflit qui perdure depuis quatre années dans ce pays est la source majeure de violations des droits de l'homme. Elle s'est félicitée de la signature de l'accord de Pretoria entre la RDC et le Rwanda et de l'accord de Luanda entre la RDC et l'Ouganda. L'application de ces accords a commencé, a-t-elle indiqué, mais la situation des droits de l'homme et la situation humanitaire de la population se sont aggravées. Elle s'est réjouie de la démobilisation des enfants-soldats et de la ratification par la RDC du Statut de la Cour pénale internationale. Toutefois, elle a signalé un recul avec la suspension du moratoire sur la peine de mort. Le Rapporteur spécial a demandé au Gouvernement de revenir au plus vite sur cette décision.

Des violations des droits de l'homme se poursuivent, a-t-elle ajouté. Elle a noté l'augmentation de l'insécurité qui réduit l'action des organisations humanitaires et a mis l'accent sur les violations les droits des femmes, qui seront une priorité de son mandat. Les violences sexuelles contre les femmes sont devenues une puissante arme de guerre, a-t-elle indiqué. Human Rights Watch a conduit une enquête à ce sujet et a qualifié ces actes de "guerre dans la guerre". La jurisprudence internationale a consacré le viol comme élément constitutif du crime de génocide. Les auteurs de ces crimes ne doivent bénéficier de l'impunité, a-t-elle ajouté. Les familles congolaises, dont les hommes sont partis à la guerre, survivent grâce aux activités menées par les femmes. Ces dernières devront donc être associées à la reconstruction. En guise de conclusion, Mme Motoc a émis l'espoir que les populations congolaises avanceront rapidement vers la paix et le respect des droits de l'homme.


Réponse des parties concernées et dialogue avec les délégations

Répondant à la présentation orale du rapport de Mme Julia Motoc, la représentante de la République démocratique du Congo a marqué son étonnement devant le rapport soumis à la Commission qui montre, a-t-elle dit, tous les signes d'avoir été rédigé à la hâte. Elle a regretté que ce rapport ne reflète pas le lien qui existe entre la situation issue de l'agression armée et les diverses violations des droits de l'homme que la Rapporteuse spéciale a pu constater. Elle a estimé que ce rapport marquait un recul par rapport au rapport précédent. Elle a rappelé qu'une partie du territoire de la RDC croupissait sous l'occupation étrangère qui est responsable de 3 millions de morts, sans oublier de nombreux cas de torture, de viols, des massacres et un pillage systématique des ressources du pays. Elle a rappelé qu'il est "de notoriété publique" que les violations des droits de l'homme les plus flagrantes sont commises dans la partie du territoire qui échappe au contrôle du Gouvernement et que le Conseil de sécurité a reconnu à plusieurs reprises la persistance d'un climat de terreur dans ces territoires situés à l'est du pays, sans oublier les événements survenus à Kisangani.

Elle a réaffirmé l'engagement de son Gouvernement en faveur du processus de démocratisation qui a été interrompu par cette agression armée. Ainsi, les efforts de reconstruction entrepris par le Gouvernement sont-ils ralentis. Elle a signalé qu'il n'y avait pas de processus de démocratisation à l'est du pays, dans ces parties contrôlées par l'agresseur et a il regretté que la Rapporteuse spéciale ne fasse pas état de l'évolution positive dans les parties contrôlées par le Gouvernement, qui a notamment pris des mesures pour l'établissement d'un moratoire sur la peine de mort et pour procéder à la libération des enfants soldats. Rappelant que son pays souhaitait vivement l'application de toutes les décisions pertinentes du Conseil de sécurité, elle a déclaré qu'aucun pays ne pouvait se prévaloir d'un respect parfait des droits de l'homme et qu'il serait préférable, plutôt que de s'ériger en censeur d'apporter une réelle coopération à la RDC pour l'aider à réaliser la paix et la réunification du pays.

Répondant à cette intervention, Mme Motoc a déclaré que les causes de la situation, notamment l'agression armée, sont mentionnées dans son rapport écrit. Elle a précisé que sa présentation était tournée vers l'avenir, vers ce qu'il fallait faire pour entamer la reconstruction du pays.

Le représentant de l'Ouganda a estimé que le rapport manifestait un parti pris sur les questions qui concernent son pays. L'Ouganda s'est retirée de la RDC, a-t-il indiqué, à l'exception d'un bataillon, et son pays s'est engagé à appliquer les accords de paix. Le représentant a demandé au Rapporteur spécial de bien vouloir ne pas extrapoler à partir d'informations qui concernent uniquement la RDC. Il a indiqué que Mme Motoc n'avait visiblement pas visité l'est du pays. L'Ouganda, a poursuivi le représentant, avait demandé un renforcement de la MONUC avant de conclure que son pays s'était engagé à rétablir la paix et la sécurité dans la région des Grands Lacs. Mme Motoc a demandé que l'on s'intéresse davantage au rétablissement de la paix que de ce qui a eu lieu dans le passé. Elle a reconnu ne pas avoir visité l'est du pays et a estimé qu'il était difficile pour un Rapporteur spécial de visiter toutes les régions d'un pays.

La représentante de l'Allemagne est intervenue pour rappeler que de tels conflits avaient souvent des causes économiques et elle a demandé si le Rapporteur spécial avait des informations à ce sujet. Mme Motoc a reconnu que cela se vérifiait en RDC et avait une incidence directe sur la situation des droits de l'homme. Le pillage des ressources naturelles remet en cause le droit fondamental de la population locale d'exploiter ses ressources ainsi que son droit à la propriété. Ce pillage semble être la cause de la guerre qui, à son tour, affecte les droits des femmes. Dans ce conflit comme dans d'autres, les femmes sont les premières victimes avec les autres groupes vulnérables.




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