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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE YÉMEN RÉPOND AUX QUESTIONS DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE

19 Novembre 2003



18 novembre 2003


Le Comité contre la torture a poursuivi cet après-midi l'examen du rapport initial du Yémen, commencé hier matin. La délégation du Yémen a répondu aux questions des membres du Comité relatives, notamment, à l'indépendance de la magistrature, aux poursuites contre des agents de l'État accusés d'avoir commis des abus, à l'application de peines prévues par la charia telles que la flagellation, la lapidation ou l'amputation. À cet égard, la délégation a précisé que bien que ces peines aient pour source la charia, sur laquelle reposent toutes les lois du pays, elles sont soumises à des conditions très restrictives et le Gouvernement cherche à en limiter l'application.

Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, le Yémen estime que les législations et les réglementations internationales doivent être respectées. La délégation a fait valoir que l'État a pris nombre de dispositions pour lutter contre les sources de ce terrorisme et, notamment, pour rectifier les fausses conceptions de la charia qui sont véhiculées. Toutefois, les enquêtes sur le terrorisme sont longues et complexes et les ressources du Yémen sont limitées, ce qui explique l'allongement de la durée de la détention provisoire dans certains cas, a expliqué la délégation, qui a réfuté les affirmations selon lesquelles ces cas puissent refléter une pratique systématique ou délibérée. La délégation a également précisé que les tribunaux sont tenus de recevoir les plaintes et d'accorder une indemnisation adéquate pour les cas de torture comme de tout autre préjudice.

La délégation yéménite a affirmé que le Gouvernement s'emploie à améliorer les conditions de détention, en particulier pour ce qui est de l'hygiène et de l'alimentation. Elle a toutefois reconnu que les moyens limités de l'État n'ont pas permis une amélioration à la hauteur des espérances et que la capacité des prisons reste insuffisante malgré des mesures pour y remédier et un système de visites organisées notamment par le Bureau du Procureur.

À sa prochaine séance, demain matin à 10 heures, le Comité entendra les réponses de la Lituanie, dont le rapport a été présenté hier après-midi. Les observations finales et recommandations sur le rapport du Yémen seront présentées le vendredi 21 novembre à 10h30.


Réponses du Yémen

M. MOHAMED AL FISAIL, Vice Ministre de la justice et chef de délégation yéménite, a répondu aux questions posées hier par le rapporteur et le corapporteur du Comité chargés du rapport du Yémen, MM. Peter Thomas Burns et Andreas Mavrommatis. Il a précisé que la magistrature est une autorité indépendante et qu'un conseil supérieur de la magistrature est chargé de la nomination des juges, de leur révocation ou des sanctions qui doivent être prises à leur encontre. En outre, le système judiciaire comporte trois niveaux: la première instance, l'appel, et la Cour de cassation. Il a précisé qu'il n'existe pas de tribunaux d'exception, mais que certains tribunaux sont spécialisés. Il a également indiqué que la cassation permet de former recours contre certains jugements. Les procédures de recours sont définies par le Code de procédure pénale et peuvent être engagées dans un délai de quarante jours. Un prisonnier qui introduit un recours peut le faire sans encourir de frais. La délégation a par ailleurs indiqué que le procureur général est chargé d'enquêter et d'engager des poursuites pour des crimes commis par des agents de sécurité, sans attendre la déposition d'une plainte.

M. Al Fisail a indiqué que rien ne s'oppose à l'adhésion du Yémen au Statut du Tribunal pénal international et que la question est actuellement à l'étude au Parlement. Il a en outre précisé que toutes les dispositions de la Convention sont reflétées dans la législation yéménite et que, par conséquent, la Convention est devenue une source du droit interne. Quant à la définition de la torture, il a indiqué qu'il n'y a pas de texte définissant la torture en tant que telle, mais que des termes spécifiques qui font référence à des actes de torture figurent dans les textes législatifs et spécifient l'interdiction des différents aspects de la torture.

Pour ce qui est des poursuites contre des agents de sécurité accusés d'avoir commis des violations des droits de l'homme, il a indiqué que le Yémen est un État ouvert dans lequel les organisations de la société civile exercent un contrôle du respect des droits et libertés individuelles, y compris s'agissant de la prévention de la torture. Un service de relations publiques rapporte tout ce qui touche aux abus commis par des agents de sécurité, a-t-il ajouté. En réponse aux allégations d'impunité, il a estimé qu'il a pu y avoir certains cas mais que cela ne relève en aucun cas d'une impunité voulue. Il a également évoqué le Code de procédure pénale qui stipule qu'on ne peut utiliser des aveux obtenus par la torture. Dans certains cas, cette disposition peut entraîner une certaine impunité, mais l'autorité judiciaire est très ferme quant à son refus de valider des preuves dès qu'il y a une suspicion de torture, a assuré le Vice Ministre.

Au sujet des indemnisations et de la réhabilitation des victimes de la torture, la Constitution stipule le droit pour tout accusé ayant subi des tortures de recevoir une indemnisation. Les tribunaux sont tenus de recevoir ces plaintes et d'octroyer une indemnisation comme ils le font par exemple pour un décès suite à un accident de la circulation. Sur la possibilité d'obtenir une indemnisation pour une période d'incarcération injustifiée, le Vice-Ministre a précisé que l'octroi d'une indemnisation est un droit. Concernant la séparation entre le civil et le pénal, le Parquet général intervient dans les deux aspects et il n'y a pas de séparation entre les deux, a précisé M. Al Fisail.

En ce qui concerne la détention provisoire, la délégation a précisé que la loi prévoit qu'elle peut être prolongée jusqu'à 45 jours mais seulement sur décision d'un juge.

Pour ce qui est de la responsabilité pénale, M. Al Fisail a précisé que l'enfant de moins de 7 ans au moment de l'infraction n'est pas responsable pénalement. À partir de 7 ans et jusqu'à 15 ans, il est considéré comme un mineur et le juge ordonne des mesures dans le cadre de la loi sur la délinquance juvénile telles que la remise aux parents, une période de probation judiciaire dans un environnement normal ou un établissement de protection sociale. Entre 15 et 18 ans, un mineur est passible d'une peine ne dépassant pas la moitié de la peine limite stipulée par la loi. À partir de 18 ans, il est considéré comme majeur et responsable devant la loi.

En réponse à une question concernant la loi sur l'état d'urgence, M. Al Fisail a précisé que l'état d'urgence est soumis à des contrôles constitutionnels et qu'il n'existe pas de loi spécifique réglementant cette situation.

S'agissant des peines telles que la flagellation, la lapidation ou l'amputation qui ont pour source la charia, le Vice-Ministre a précisé que la charia est la source de toutes les lois du Yémen. Toutefois, le recours à de telles peines ne se réalise que dans le cadre de limites très étroites et le droit énonce un certain nombre de conditions très restrictives pour l'application de telles peines. En outre, le Gouvernement cherche à limiter encore plus leur application. La délégation s'est engagée à faire parvenir des statistiques sur cette question. En ce qui concerne la peine capitale, elle a précisé que celle-ci est exécutée au sein d'un établissement carcéral, en présence des membres du parquet, d'un médecin et de la famille. Elle a précisé qu'il s'agit de cas très limités et qu'il y a une recherche de peines alternatives. Tous les cas de peine capitale sont susceptibles de recours devant la Cour de cassation ainsi qu'auprès du Président de la République, qui intervient auprès de la famille de la victime afin de commuer la peine. Il suffit pour cela de l'accord d'un seul membre de la famille, a précisé la délégation.

Un autre membre de la délégation a répondu à des questions sur les conditions de détention, , sur le statut des femmes et sur l'éducation. Il a notamment donné des informations sur la mort en prison de Sabah Salem, dont il a été allégué qu'elle serait survenue à la suite de tortures. Selon les informations qu'il a pu obtenir, la cause du décès est un accouchement difficile et non la torture. Par ailleurs, il a indiqué que deux types de prisons existent au Yémen selon qu'elles accueillent des prévenus en détention provisoire ou des personnes déjà condamnées. En outre, des mesures existent afin de séparer les personnes qui sont condamnés pour la première fois des récidivistes, les mineurs des adultes, les hommes des femmes, les prisonniers étrangers des Yéménites et les auteurs de crimes graves des autres. Par ailleurs, cinq centres de protection sociale existent pour les mineurs masculins de moins de quinze ans et un établissement de protection sociale existe également pour les femmes mineures. Pour ce qui est des prisons pour femmes, elles sont totalement séparées des prisons pour hommes et la supervision y est exercée par des cadres féminins de même que des femmes ont été intégrées dans la police afin de s'occuper des prévenues. Il a par ailleurs assuré qu'il n'existe aucun détenu politique ou d'opinion au Yémen et qu'il y a même un encouragement adressé aux exilés pour qu'ils rentrent au pays, notamment par le biais d'une amnistie à l'égard des instigateurs de la guerre de séparation.

Il existe des registres dans chaque prison, où sont consignés notamment le nom du prisonnier, son matricule, le type de crime, la durée de la peine et les détails de la sentence ainsi que la date d'incacération. De même, d'autres registres sont maintenus concernant l'état du prisonnier au cours de sa détention.

S'agissant des chefs de tribus qui disposeraient de lieux de détention, la délégation yéménite a indiqué que la constitution de telles prisons est aujourd'hui interdite et que la loi prévoit des sanctions à l'égard de toute personne qui aurait détenu quelqu'un de façon illégale. En ce qui concerne les sanctions disciplinaires appliquées aux détenus, celles-ci sont très étroitement contrôlées, a-t-il indiqué, affirmant que le Gouvernement s'emploie à améliorer les conditions dans les prisons en particulier en matière d'hygiène et d'alimentation. Il a reconnu que les moyens limités n'ont pas permis une amélioration à la hauteur des espérances. La capacité des prisons notamment n'est pas suffisante, mais des mesures ont été prises pour y remédier, notamment par le placement des mineurs dans des centres de réinsertion et des remises de peine. En outre, des visites sont organisées par le Bureau du Procureur et divers comités des droits de l'homme, mais aussi par un comité spécial désigné par le Président de la République et des parlementaires. Une procédure a également été mise en place afin de venir en aide aux prisonniers libérés. En outre, il a assuré que lorsqu'une plainte est déposée contre un agent de l'administration pénitentiaire, une enquête est ouverte et la personne peut être sanctionnée en fonction de la gravité du délit.

En réponse à une question sur l'usage des armes par la police lors de manifestations, le représentant yéménite a indiqué que les officiers de police ont pour rôle de maintenir l'ordre et de protéger les biens publics et peuvent dans certaines circonstances avoir à utiliser la force, par exemple dans le cas d'actes de violence par les manifestants et en cas de légitime défense. Il a reconnu à cet égard que la détention d'armes par une grande partie de la population pose un grave problème d'ordre et de sécurité publique. Les officiers de police ne doivent utiliser leurs armes qu'après sommation.

La délégation a indiqué que la coopération avec le Haut Commissariat aux droits de l'homme pour l'établissement des rapports que doit soumettre le Yémen au Comité est très importante pour la mise en œuvre de la Convention, sa diffusion ainsi que la diffusion des documents pertinents afin de faire connaître la Convention. Le Yémen diffuse auprès de sa population les rapports qu'il a présentés aux différents organes de traités ainsi que les recommandations de ceux-ci et des brochures d'information sur les différents droits et libertés. En outre, une éducation aux droits de l'homme est proposée dans les universités et instituts d'éducation supérieure. Un accord a par ailleurs été passé avec le Haut Commissariat pour organiser des ateliers et séminaires de formation aux droits de l'homme et en particulier sur les droits des prisonniers et des prisonniers juvéniles tout particulièrement.

En réponse aux questions relatives au rôle des femmes dans la société yéménite, la délégation a rappelé que, selon la Constitution, les hommes et les femmes sont égaux devant la loi et ont les mêmes droits et obligations. Le Yémen est marqué par une évolution importante de la participation des femmes à la vie professionnelle et aux fonctions gouvernementales. À cet égard, la délégation a cité un certain nombre de statistiques concernant la présence des femmes dans le Gouvernement ainsi que les diverses institutions s'occupant de la promotion de la condition des femmes. En réponse à une question posée hier, elle a affirmé qu'il n'existe aucune interdiction qui empêche une femme détenue de quitter la prison à la fin de sa peine. Un problème se pose toutefois lorsque sa famille refuse de la réintégrer à sa sortie de prison, notamment en cas de crime à caractère moral, qu'elle n'a nulle part où aller et peu de chance de trouver un emploi. Dans ce cas, la prisonnière peut demander à rester en prison et l'administration s'efforce d'aménager des espaces particuliers pour l'accommoder.

Un membre de la délégation a répondu aux questions relatives au terrorisme et réitéré que ce phénomène mondial ne cesse de se renforcer et requiert une réaction résolue de la communauté internationale. Le Yémen estime en même temps que les législations et les réglementations internationales doivent être respectées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Il a rappelé que le Yémen a souffert du terrorisme et que l'État a dû prendre un engagement ferme à lutter contre ce phénomène pour ne pas être accusé d'être lui-même un soutien du terrorisme. L'État a pris nombre de dispositions pour lutter contre les sources de ce terrorisme et, notamment, la diffusion de fausses conceptions de la charia. En outre, des éléments étrangers ont été associés à ces actes, ce qui reflète bien la complexité de ce phénomène. Les enquêtes sur le terrorisme sont longues et complexes. Orles ressources du Yémen sont limitées, a-t-il souligné. S'agissant des attentats contre les navires américain et français, les enquêtes ont nécessité une coopération étroite entre les autorités yéménites et celles des autres pays concernés, ce qui a allongé la durée de l'enquête et par là même de la détention provisoire des prévenus. Il a indiqué que des accords d'extradition bilatéraux existent avec plusieurs États mais que les États vers lesquels des prévenus sont extradés doivent être parties aux principaux instruments de protection des droits de l'homme. Il a réfuté en outre que le Yémen ait extradé ses ressortissants pour être internés à la base de Guantanamo et indiqué que les Yéménites incarcérés dans ce lieu ont été arrêtés en dehors du Yémen.

La délégation a par ailleurs reconnu que des dépassements et des abus peuvent se produire concernant la durée ou les conditions de détention. Toutefois, ces cas restent exceptionnels et ne sauraient refléter une pratique systématique ou délibérée. S'agissant de la relaxe de certaines personnes accusées de terrorisme, la délégation a précisé qu'il s'agissait de personnes qui n'étaient pas directement impliquées et qui se sont repenties. Il s'agissait de jeunes embrigadés à qui ont avait inculqué une vision déformée de l'Islam et de la charia.

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