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Communiqués de presse Organes conventionnels

LA SUISSE REPOND AUX QUESTIONS DES EXPERTS ET ARGUE DE L’EFFICACITE DU SYSTEME FEDERAL POUR UNE APPLICATION EFFECTIVE DE LA CONVENTION CONTRE LA DISCRIMINATION A L’EGARD DES FEMMES

17 janvier 2003



Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
596e séance – matin


Après la présentation, le 14 janvier dernier, de ses premier et deuxième rapports périodiques, conformément à l'obligation faite à tout Etat partie à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la délégation suisse a eu, ce matin, l'occasion de répondre aux questions des 23 experts du Comité du même nom et de réfuter le postulat selon lequel le fédéralisme serait un frein à l’application de la Convention.  A l’issue de la présentation du 14 janvier, l’impact de la structure politique suisse à trois niveaux –fédéral, cantonal et communal- sur une mise en oeuvre effective de la Convention avait, en effet, marqué les interventions des experts.  La complexité du système suisse avait même conduit l’experte du Bénin à faire part de sa perplexité devant «le jeu de ping-pong permanent entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire».

Aujourd’hui, la délégation suisse a défendu le fédéralisme et son principe de subsidiarité selon lequel sans délégation expresse à la Confédération, les affaires publiques relèvent toujours de la compétence des cantons.  Le cas est vrai, a-t-il été expliqué, pour l’application de la Convention qui revient aux cantons.  En cas de non-application par un canton d’une disposition internationale, tout citoyen a le droit de saisir le tribunal qui, s’il n’est pas habilité à créer les bases juridiques faisant défaut, peut intimer aux cantons un ordre en ce sens.  Pour ce qui est du pouvoir de la Confédération en la matière, la délégation suisse a expliqué que dans son «mandat de surveillance», elle ne peut que rappeler les cantons à leur devoir ou émettre des directives.

Pour la Suisse, pays plurilingue et multiculturel, a souligné la délégation, le système fédéral permet d’amener des changements et des progrès en respectant les minorités linguistiques et culturelles.  Il s’est avéré que dans ce cadre, a affirmé la délégation, ce sont les cantons qui sont les précurseurs des idées nouvelles.  La délégation suisse a ainsi cité le droit de vote des femmes, approuvé au niveau fédéral en 1971, qui a été introduit d’abord dans certains cantons progressistes.  Elle a aussi cité la création des bureaux de l’égalité entre les hommes et les femmes et les programmes de lutte contre la violence conjugale.

Illustrant le nombre de questions posées par les experts, la délégation suisse a fait distribuer un document de 33 pages portant outre la question du fédéralisme, sur l’application de la Convention, les différentes institutions dans le domaine de l’égalité, les stéréotypes, la formation, les médias, l’égalité des chances dans la vie professionnelle, la violence, les femmes étrangères, l’intégration, les quotas, le trafic et la pornographie impliquant les enfants, la situation économique des femmes, et la famille.

La délégation qui a ainsi terminé, ce matin, son dialogue avec les experts du Comité, était, entre autres, composée de la Directrice du Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes, Patricia Schulz; de la Vice-Présidente fédérale pour les questions féminines, Elisabeth Freivogel; et de la Conseillère d’Etat, Monika Dusong.

Le Comité se réunira, lundi 20 janvier à 10 heures, pour entamer l’examen des cinquième et sixième rapports périodiques de la Norvège.

EXAMEN DU RAPPORT INITIAL ET DEUXIEME RAPPORT PERIODIQUE COMBINES DE LA SUISSE

Réponses de la Suisse aux questions posées par les experts

La délégation suisse a d'abord répondu à la question concernant le fédéralisme comme obstacle à l'application de la Convention.  Elle a ainsi souligné que ce sont les cantons qui sont responsables de l'application de nombreuses conventions internationales.  La coopération entre la Confédération et les cantons et entre cantons se déroule sur une base volontaire.  En cas de conflit entre deux normes juridiques, c'est toujours le droit fédéral qui prime.  Pour respecter les Conventions internationales, les cantons doivent évidemment être au courant de leur contenu et de leurs tâches.  C'est la raison pour laquelle la Confédération les oriente à temps et de manière complète lorsque leurs intérêts ou leurs compétences sont concernées et les associe à la procédure de décision.  En contrepartie, les cantons sont tenus d'appliquer directement les nouvelles normes programmatives ou de mettre en œuvre, dans des délais raisonnables, les normes dites qui ne sont pas exécutoires automatiquement («non self executing»).  Ainsi, le fédéralisme ne peut être un frein pour l'évolution du pays puisque ce sont les cantons qui sont les précurseurs des idées nouvelles et de leur mise en application pragmatique et rapide. 

S'agissant du monisme, la délégation suisse a rassuré les experts en indiquant que dès leur entrée en vigueur, les normes du droit international font partie intégrante de l'ordre juridique suisse et tous les organes de l'Etat doivent les respecter et les appliquer.  Pour ce qui est de la protection juridique des droits fondamentaux, la délégation a répondu que la Suisse ne dispose pas d'une Cour constitutionnelle.  L'article 191 de la Constitution oblige tous les tribunaux et autorités à appliquer une loi fédérale même si son examen constate l'inconstitutionnalité de la norme incriminée.  En fait, la juridiction constitutionnelle en Suisse est le fait d'une multitude d'organes et d'autorités à différents niveaux qui interviennent dans le cadre de procédures les plus diverses.  Dans la phase préparatoire d'élaboration d'une nouvelle loi la question de la conformité est examinée de manière détaillée par le Conseil fédéral.

En matière de jurisprudence sur l'égalité, la délégation a indiqué qu'à ce jour, aucun jugement n'a admis de différences fonctionnelles et biologiques entre les hommes et les femmes comme justification d'un traitement inégal.  On peut donc partir du principe que, dans l'évolution de la jurisprudence, la notion de différence fonctionnelle disparaîtra.  Comme exemple de différence de traitement fondée sur des critères biologiques, la délégation a cité la protection en cas de grossesse et de maternité ou l'exclusion de candidatures féminines pour les rôles masculins au théâtre.  La définition de la discrimination contenue dans l'article 1 de la Convention n'a pas été reprise dans la Constitution parce que la Constitution ne contient aucune définition.  Ce sont en effet les tribunaux qui définissent les termes utilisés.  Mais il est très probable que la définition de l'article 1 inspire les juges.

Concernant le Protocole facultatif de la Convention, la délégation a souligné que la reconnaissance de la procédure de communication individuelle dans le cadre de la Convention est devant le Parlement pour approbation.  La Constitution stipule que les cantons sont associés à la préparation des décisions de politique extérieure affectant leurs compétences ou leurs intérêts essentiels.  La ratification d'un traité international nécessite le consentement des deux chambres parlementaires.  Le Conseil des Etats se composant des députés des cantons, il est peu probable que cette chambre donne son approbation contre l'avis des cantons.

Concernant les institutions dans le domaine de l'égalité, la délégation a cité le Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes, la Commission fédérale pour les questions féminines, les bureaux cantonaux et municipaux et le regroupement de tous les bureaux dans la Conférence suisse des délégués à l'égalité.  La ratification de la Convention par la Suisse n'a pas eu d'effets sur ces institutions.  Passant aux questions liées aux stéréotypes, dont l'introduction tardive du droit de suffrage des femmes, la délégation a reconnu que l'introduction du droit de vote en 1971 seulement a pu contribuer à maintenir plus longtemps une image stéréotypée des rôles selon le sexe.  En revanche, il est impossible de déterminer si une relation de cause à effet existe encore à l'heure actuelle. 

Pour ce qui est de la formation, la délégation a répondu qu'au niveau des universités académiques, les femmes y accèdent autant que les hommes contrairement aux hautes écoles spécialisées qui ont été créées dans un premier temps pour les formations techniques et économiques, domaines beaucoup moins fréquentés par les femmes.  Pour ce qui est de la formation professionnelle supérieure, on y trouve encore un nombre réduit de femmes, a admis la délégation avant de dire que le taux d'abandon des études n'a pas été analysé de façon aussi systématique que pour les formations universitaires.  Ce taux dépend davantage du domaine d'études et, par conséquent, de la structure des types de formation, que du sexe des étudiants. 

S'agissant de la violence, la délégation a indiqué que l'étude de 1997 a donné lieu à des recommandations.  Ainsi compte tenu de la répartition des compétences en matière policière et judiciaire, ce thème relève essentiellement des cantons.  Toutefois, au niveau national, des modifications de lois sont en cours ou sont intervenues pour garantir aux femmes concernées une meilleure protection et pour aggraver les peines liées à ces délits.  En outre, de nombreux cantons ont instauré des groupes de travail interdisciplinaire et interdépartemental, chargés de mettre en place une chaîne de prise en charge des victimes.  Par ailleurs, la Conférence des directrices et des directeurs de la justice et de la police a décidé de mener une vaste campagne sur le thème de la violence domestique en 2003 qui devrait provoquer une augmentation des plaintes.  Enfin, un programme de formation a été mis en oeuvre par l'Institut suisse de la police.  Ainsi, une centaine de policiers et de magistrats de tous les cantons a été formée à la fin de l'année dernière.  Il est évident, a conclu la délégation, que la recommandation 19 de la Convention sera utilisée lors de l'élaboration du catalogue de mesures préparées pour les cantons.  

Le droit suisse ne contient aucune disposition particulière concernant les femmes victimes de la traite des personnes.  Dans le cadre du projet de loi sur les étrangers, le Gouvernement propose une disposition nouvelle relative à l’aide au retour et à la réintégration des personnes.  Il est également prévu de remplacer l’actuel article 196 du Code pénal par un nouvel article qui comprendra également d’autres formes d’exploitation, comme le prélèvement d’organes. 

Il n’est pas prévu d’augmenter les peines prévues pour ceux qui se livrent à la traite des êtres humains: une telle infraction est actuellement passible de peines allant de 6 mois à 20 ans.  Les victimes de la traite des personnes se trouvant illégalement en Suisse sont souvent expulsées.  Dans le cadre du nouveau projet de loi sur les étrangers, il est proposé d’insérer une disposition visant l’octroi d’une autorisation de séjour pour les victimes de la traite des personnes.  Les victimes de la traite des êtres humains sont protégées par différentes conventions internationales ratifiées par la Suisse. 

Le pays prévoit de ratifier prochainement le Protocole facultatif du 26 mars 2000 à la Convention relative aux droits de l’enfant et le Protocole en date du 15 novembre à la Convention des Nations Unies sur la criminalité transnationale organisée.  En 2001, il a été décidé de créer un service central de coordination de lutte contre la traite des personnes et le trafic des migrants. 

La Direction du droit international public du Département fédéral des affaires étrangères élabore actuellement un rapport sur le Protocole facultatif sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants, à la Convention relative aux droits de l’enfant.  Le rapport étudie les conséquences de la ratification du Protocole sur l’ordre juridique suisse et identifie les adaptations législatives nécessaires pour satisfaire aux exigences du Protocole. 

Au sujet des mutilations génitales, une enquête a permis d’établir que 20% des médecins interrogés ont déjà eu des patientes excisées.

En cas de divorce ou si la femme étrangère devient veuve, l’autorisation de séjour peut être renouvelée.  La naturalisation facilitée n’est possible que si le couple est marié depuis trois ans.

Le Tribunal fédéral, a précisé la représentante de l’Etat partie, ne s’est pas prononcé expressément contre le principe des mesures positives mais il est cependant d’avis que les mesures positives peuvent entrer en conflit avec les principes de l’égalité.  Les situations dans lesquelles ces deux principes entrent en conflit sont à résoudre au cas par cas, selon le principe de la proportionnalité.  Le Tribunal fédéral est parvenu à la conclusion que le CEDAW ne contient pas d’obligation concrète en la matière.  En revanche, le Tribunal fédéral a déclaré comme admissible l’application de quotas minimaux et même de quotas de résultats lorsqu’il s’agit d’autorités ou de commissions qui ne sont pas élues directement par le peuple, estimant que dans ces cas, la liberté du peuple dans son droit de vote et d’éligibilité n’était pas diminuée par l’application de quotas.  Le Tribunal fédéral a également déclaré comme admissible l’utilisation des quotas dans les listes électorales.  Au niveau national, les quotas existent dans organes suivants: quotas de 30% de femmes et d’hommes dans les commissions extraparlementaires ainsi que dans les organes et les représentations de la Confédération.  Il y a un quota de 40% de femmes pour les jeunes scientifiques auprès des universités qui sont subventionnées par la Confédération.  Le Fonds national de recherche respecte un quota de femmes de 30% dans chaque discipline de recherche.

Entre 1997 et 2001, l’économie suisse a enregistré des taux de croissance annuelle du PIB compris entre 0,9% et 3,2%.  La Suisse s’est donc enrichie d’un point de vue économique mais, par comparaison au niveau international, elle a été moins dynamique que la moyenne des pays de l’OCDE.  De 1979 à 2000, l’évolution des salaires représente un schéma en dents de scie oscillant souvent autour de la valeur nulle (0,4% en moyenne annuelle).  Durant la dernière décennie, le pouvoir d’achat des salaires a diminué à quatre reprises.  Entre 1997 et 2001, les salaires réels ont augmenté de 1,3% et au cours de cette période, les salaires des femmes ont enregistré un taux de croissance supérieur à celui des hommes, soit 1,9% pour les femmes contre 1,1% pour les hommes).  Cependant, il existe toujours un écart salarial au détriment des femmes, soit 2,1% dans le secteur privé.  Un salaire mensuel moyen dans le secteur privé était en 2000 de 4 406 francs par mois chez les femmes et de 5 600 francs par mois chez les hommes.

Les femmes sont sur-représentées dans les milieux modestes, ce qui s’explique par leur supériorité numérique dans les familles monoparentales.  Or, même à volume d’activités égal et à situation familiale comparable, la pauvreté touche davantage les femmes qui produisent le revenu principal de la famille, résultant de perspectives salariales et de possibilités de promotion moins favorables.  Une femme seule et sans formation obligatoire présente un risque de 3,5% d’appartenir à cette catégorie si elle travaille 40 heures hebdomadaires.  Si elle occupe depuis peu, dans le commerce de détail, un emploi non permanent et à durée flexible, la probabilité qu’elle soit pauvre passe à 40% même si elle travaille 40 heures par semaine.  Si la femme est étrangère et élève seule ses enfants, cette probabilité passe à 60%.

Observations générales des experts

La Présidente du Comité, Mme FERIDE ACAR, experte de la Turquie, a exhorté la Suisse à inclure l'article 1 de la Convention relatif à la définition de la discrimination dans sa Constitution.  Par ailleurs, elle a dit ne pas comprendre que la Suisse n'ait pas encore procédé à une étude sur la discrimination contre les femmes immigrées.  L'expérience montre, a-t-elle dit, que ces femmes sont très souvent confrontées à une discrimination triple sur la base de leur race, de leur appartenance ethnique et de leur statut de femme.  Elles font aussi souvent l'objet de discrimination du fait des coutumes et pratiques de leur propre culture.  Si le Gouvernement de leur pays d'origine a la responsabilité de s'attaquer à ces problèmes au titre de la Convention, il revient également au pays d'accueil d'oeuvrer dans ce sens.  La Présidente du Comité a donc invité la Suisse à établir des statistiques sur l'emploi, l'éducation, la santé et la violence dont les femmes immigrées sont victimes.  La Présidente du Comité a ensuite prié instamment le Gouvernement suisse de revenir sur les réserves émises à la Convention en vue de les lever.  Elle s'est aussi félicitée de ce que le Gouvernement suisse soit favorable au Protocole facultatif en espérant que le processus de consultation des cantons et l'approbation du Conseil d'Etat ne dépassera pas le temps requis.  Elle a, en conséquence, invité la délégation suisse et la société civile à sensibiliser les autorités cantonales. 

La Directrice du Bureau de l'égalité des sexes a souligné que des statistiques existent sur l'emploi et l'éducation en promettant l'inclusion de ces statistiques dans les prochains rapports de son pays.  Elle a toutefois ajouté que le manque de statistiqueS ne signifie pas absence de mesures.  Les cantons, a-t-elle expliqué, sont conscients de la problématique.  De nombreuses mesures ont été prises en ce qui concerne la formation et l'intégration, notamment au niveau linguistique.  Compte tenu des préoccupations du Comité, elle a reconnu que la priorité doit être d'assurer à ces mesures une meilleure lisibilité et visibilité. 

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