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Communiqués de presse Organes des Nations Unies

LES POPULATIONS AUTOCHTONES REVENDIQUENT LA MAITRISE DE LEUR ENVIRONNEMENT ET LE DROIT A LA TERRE DE LEURS ANCETRES

15 Mai 2003



Instance permanente sur
les questions autochtones
15 mai 2003
7e et 8e séances – matin & après-midi




Les représentants de populations autochtones ont aujourd’hui plaidé pour qu’il soit mis fin aux ravages écologiques que subissent leurs territoires ancestraux, ayant, dans de nombreuses parties du monde, rompu le lien symbiotique entre leurs communautés et l’environnement naturel.

Contraintes de quitter leurs terres et d’abandonner les lieux sacrés de sépulture en raison de la pollution des ressources naturelles et de la désertification causées par les projets miniers et forestiers des multinationales, les communautés autochtones sont menacées dans leur survie même. C’est le constat qui a été tiré cet après-midi par de nombreuses organisations autochtones invitées à prendre la parole au troisième jour de cette deuxième session annuelle de l’Instance permanente pour les questions autochtones. La journée était en partie consacrée aux questions relatives à l’environnement.

Selon le Fonds international de développement agricole (FIDA), les terres habitées par les populations autochtones offrent souvent de grandes possibilités de développement économique du fait de leur ressources en eau, énergie, de leur diversité biologique et richesse en minéraux et autres éléments locaux inexistants ailleurs. Mais si la mondialisation ouvre d’importants débouchés aux produits autochtones, signale le document de synthèse du FIDA, les peuples autochtones ne sont pas en mesure de mettre à profit ces possibilités. A cela s’ajoute un important processus de dégradation des terres en raison des pressions exercées sur les ressources.

La grande majorité des représentants de communautés autochtones ont, en présence des 16 experts indépendants de l’Instance et de représentants d’institutions des Nations Unies, exprimé un grand nombre de revendications au premier desquels la reconnaissance du principe du consentement préalable avant le lancement de tout projet sur les terres autochtones; l’arrêt du système des concessions; la nomination d’un rapporteur spécial des Nations Unies qui serait chargé d’enquêter sur la destruction des lieux sacrés; la pleine participation des communautés autochtones aux projets de développement.

D’autres représentants comme celui du Mouvement pour la survie du peuple Ogoni, a jugé crucial l’élaboration de législations nationales leur permettant de garder le contrôle de la terre. Il a demandé à la Commission du développement durable de mettre en place des normes protégeant les intérêts des populations autochtones, de décréter un moratoire sur les exploitations de gaz naturel et de pétrole et de mener des audits sur les dégâts causés.

Dans la matinée, l’Instance avait achevé le débat ouvert la veille sur la question du développement économique et social. L’Instance poursuivra son débat sur l’environnement demain vendredi 16 mai à 10 heures 30.


DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET SOCIAL

Suite du dialogue

Le Président de l’Association des populations autochtones du Nord, association regroupant 140 groupes autochtones, a regretté que les engagements pris jusqu’à présent soient restés lettre morte. Les dommages causés à la nature et à l’environnement se reflètent sur la santé et l’économie des populations autochtones. Il serait bon que l’Instance s’inspire pour ses travaux de l’expérience que connaît la région arctique. L’utilisation des terres, des sols et de la nature doit être au centre de la réflexion de l’Instance car tous les autres droits en dépendent. La Décennie des populations autochtones nous a permis de mobiliser l’opinion publique sur les questions qui nous préoccupent sans pour autant avoir pu modifier le conservatisme des gouvernements nationaux. Cette Décennie a en fait été une étape de préparation. Nous devons désormais passer à une phase de mise en œuvre concrète.

Le représentant de Yachay Wasi Quecha, a expliqué que son pays, le Pérou, connaît une récession économique qui aggrave la paupérisation des agriculteurs. Les programmes sociaux ne parviennent pas à régler les questions de la malnutrition et du sous-développement. Nous sommes pauvres car nous ne savons pas comment développer et tirer profit du potentiel naturel du Pérou. Nous sommes les vrais héritiers des Incas mais les recettes du tourisme archéologique nous échappent complètement. Nous souhaitons mettre à profit notre tradition de travail et de collaboration avec d’autres communautés.

Le représentant du Réseau continental des moyens de communication autochtones, a rappelé que les peuples autochtones devaient également disposer du droit à l’information dont l’accès doit être démocratisé. Nous sommes préoccupés par la tendance à l’uniformisation de l’information. Les sociétés ayant connu un réel développement économique et social savent que l’information est essentielle à la démocratie. Malheureusement, la majorité des membres de nos communautés ne connaîtront pas l’existence de l’Instance. Nous demandons à cette dernière d’inclure dans son fonctionnement un mécanisme exclusif de diffusion de ses activités dans les communautés.

Le délégué d’Aboriginal and Torres Strait Islander Commission a assuré que sa communauté souhaitait en finir avec l’assistance économique et vivre dans l’autodétermination, mais que le système juridique entravait ses efforts et ses espoirs, notamment en ce qui concerne la propriété foncière. Il a réclamé notamment des concessions fiscales pour encourager les entreprises à travailler avec les autochtones, indiquant que son organisation avait pu financer de petites entreprises dans différents secteurs. Il faut, selon lui, stimuler le développement économique autochtone en faisant preuve d’imagination et de créativité. Les autochtones doivent par ailleurs relever les défis de la mondialisation, en s’y associant de manière positive et sans la craindre.

Le Commissaire australien de la Justice sociale pour les Aboriginal and Torres Strait Islander a expliqué qu’il devait chaque année faire rapport devant le Parlement australien sur les conditions de vie des populations autochtones et que dans cette tâche, il s’appuyait sur les travaux du PNUD. Mais il a souhaité que ce programme des Nations Unies accorde une attention particulière plus marquée à la situation des autochtones. Ainsi, les autochtones d’Australie ont une espérance de vie de 24 ans inférieure à celle des autres citoyens, mais ceci ne ressort pas clairement des travaux du PNUD. Il a donc émis quelques suggestions, notamment que l’Instance soit invitée aux travaux du Groupe consultatif qui prépare le rapport annuel du PNUD sur le développement humain.

La représentante de l’Institut autochtone brésilien a indiqué que si le Brésil est un pays multiculturel, la Constitution risque d’être amendée en juin de l’année prochaine à l’initiative d’un député, grand propriétaire terrien, qui estime que l’autochtone est un être passif qui ne tient pas compte de l’environnement; aussi, ce député propose de limiter à 50% au maximum les terres dévolues aux autochtones dans chacun des Etats. Elle a donc appelé au respect de toutes les conventions internationales relatives aux droits des autochtones, à éviter toute ingérence dans l’exploitation de leurs terres et à élaborer une mesure du développement durable des populations autochtones à travers des programmes qui garantissent leurs droits.

La représentante de Tebtebba Foundation a recommandé à l’Instance permanente de veiller au respect des droits de l’homme dans les processus de développement, en insistant sur la question du consentement préalable. L’Instance doit également sensibiliser l’opinion publique aux dommages causés par les multinationales. Nous attirons l’attention sur une étude excellente, un guide comparatif des politiques des donateurs et institutions intergouvernementales qui pose la question suivante: quelle est la politique des donateurs sur les populations autochtones, quelles sont les directives suivies, quel est le mécanisme permettant d’habiliter les citoyens? Cette étude montre que seules quelques institutions insistent sur les droits des peuples autochtones et seules quatre d’entre elles disposent de normes contraignantes. Seules trois institutions, notamment le PNUD, basent leur politique sur les droits de l’homme. Seules deux institutions à l’heure actuelle formulent des politiques spécifiques aux peuples autochtones alors que les autres identifient les peuples autochtones à un groupe cible dans leur politique. Les conclusions de cette étude posent une question en conclusion: compte tenu de l’absence de mécanismes de responsabilisation, les politiques élaborées viennent-elles réellement en appui aux populations autochtones ou ne leur sont-elles pas nuisibles?

Le représentant, basé au Rwanda, de l’African Indigenous and Minority Peoples Organization (AIMPO), s’exprimant au nom de la communauté Batwa de la région des Grands Lacs (Burundi, RDC, Rwanda), a expliqué que cette communauté de chasseurs et cueilleurs a été chassée de ses forêts et qu’entre 1978 et 1991, sa population a diminué de 40%, alors que les autres communautés rwandaises par exemple ont augmenté de 50% pendant la même période. L’extrême pauvreté des Batwas les empêche de participer efficacement à l’économie nationale, a-t-il poursuivi, en demandant la création d’une unité de coordination pour le développement social et économique au sein de l’Instance permanente sur les questions autochtones; que les agences internationales présentes au Rwanda élaborent des programmes spécifiques pour les Batwas; que les déplacements forcés de Batwas cessent et qu’ils reçoivent également des compensations pour les déplacements passés.

La représentante du Forum des femmes autochtones de l’Asie du Sud a insisté sur la nécessité de comprendre le développement comme le développement durable de la langue, culture, savoir et sagesse fondée sur une vision holistique respectueuse de la nature. Le développement signifie le développement de l’esprit et du cœur. Les plus pauvres des pauvres sont les femmes qui souffrent de trois formes de discrimination, en tant que femme, qu’autochtone, et que femmes autochtones. Celles-ci paient le prix fort des conflits armés. Il est malheureux de voir que les compétences en matière de soins traditionnels sont niées. Depuis le 11 septembre et la guerre contre la terreur, les dépenses sociales ont été transférées aux dépenses militaires. Nous demandons à l’Instance de promouvoir notre propre modèle de développement économique et le droit des communautés à gérer leurs propres ressources.

Le délégué d’une coalition d’organisations africaines, AFRICA REGION, a expliqué que sur l’ensemble du continent, les populations autochtones rencontraient les mêmes problèmes: les politiques et les Etats ne les favorisent pas, les stigmatisent, les sédentarisent ce qui entraîne la destruction des écosystèmes et une exploitation outrancière des ressources naturelles. Il a recommandé à l’Instance permanente sur les questions autochtones d’agir auprès des gouvernements africains pour qu’ils reconnaissent les droits des populations autochtones à la terre, à la représentation dans les politiques de développement des régions qui les concernent; qu’ils respectent le droit des femmes, des jeunes et des enfants autochtones à un accès équitable à l’eau et aux centres de santé et pour que les autochtones bénéficient d’une protection légale face à l’éviction de leurs terres par les gouvernements et par les investisseurs étrangers.

Le représentant la communauté IBAZOI des Philippines, a réaffirmé l’importance de la terre pour la survie des communautés autochtones. Au nom du développement, le Gouvernement nous prive de notre droit à la terre en autorisant les compagnies minières à exploiter nos ressources naturelles ce qui a affecté nos activités agricoles en raison des inondations causées par les activités de ces compagnies. Quel est notre avenir maintenant que notre terre est vidée de ses richesses?

Le représentant de l’Université des régions autonomes de la Côte Caraïbe du Nicaragua a recommandé à l’Instance de travailler à la reconnaissance des frontières territoriales des communautés autochtones et au développement de la protection de leurs droits collectifs au sein du projet économique Puebla-Panama. Il a également demandé à l’Instance d’aider au développement d’instruments juridiques pour la protection des ressources au niveau régional. Il lui a également recommandé d’associer les principales institutions des Nations Unies à la définition de normes et de lignes directrices sous-tendant les droits collectifs des communautés autochtones sur le «marché vert».

Une déléguée de l’organisation Hmong Human Rights Watch du Laos, a expliqué que le Gouvernement de son pays avait reçu, il y a quelques années, des millions de dollars pour lutter contre la pauvreté et le trafic d’opium, mais que personne n’avait reçu ou vu cet argent. Les Hmong sont considérés comme des terroristes et n’ont pas le droit de posséder des armes. Les forêts n’occupent plus que 30% contre 70% du territoire il y a quelques décennies. A ce titre, elle a regretté le manque de dialogue entre ce Gouvernement et les autochtones.

Celui de l’Organisation autochtone de Colombie a souligné le degré de pauvreté absolue chez les populations autochtones de son pays, en raison d’une distribution très inégale des richesses. Il a demandé aux gouvernements de Bolivie et de Colombie d’allouer les moyens nécessaires pour dresser un tableau réel des situations socioéconomiques des autochtones, au travers de recensement, notamment en terme de scolarité. Les deux gouvernements sont priés de tenir compte des besoins des populations autochtones et de leur permettre de participer à la prise de décisions. Le Gouvernement colombien et les Nations Unies sont priés d’établir des programmes afin que les peuples aient les ressources nécessaires pour développer leurs propres économies.

Un délégué quechua du Centro de promoción para el desarrollo comunal Init, du Pérou, a assuré qu’il ne s’agissait pas pour les populations autochtones de perturber les Etats, ni de s’isoler, mais d’aspirer à la prospérité pour tous. Il a estimé qu’il était fondamental de former et d’instruire les autochtones pour qu’ils puissent s’associer aux processus de développement économique. Il a demandé aux Etats de mettre en œuvre des programmes de réadaptation appropriée pour le traitement des traumatismes dus au harcèlement et aux violences, notamment en Amazonie. Il a souhaité que la troisième session de l’Instance permanente sur les questions autochtones soit consacrée à la mise en place de plans de développement au service des autochtones et que soient mis en place des conseillers et des juristes défenseurs des droits des autochtones.

La représentante de la Coordination autochtone paysanne et agro-forestière du Pérou, a rappelé aux agences de développement présentes que dans son pays, les populations autochtones souhaitaient travailler de façon décentralisée en raison de la corruption économique du Gouvernement péruvien: nous sommes prêts à payer la dette car le Pérou est riche, mais il faut nous aider directement, a-t-elle assuré en soulignant que ne manquaient que les fonds et les investissements.

Le représentant de Peace Campaign Group, du Bangladesh a expliqué que ce pays comptait 43 groupes différents, mais que les autorités n’en reconnaissaient pas les droits et continuaient de pratiquer une politique de deux poids deux mesures. Le Gouvernement a manipulé le processus de mise en œuvre d’un accord signé il y a 25 ans; de plus en plus de colons musulmans s’installent, les programmes de développement leur sont destinés et les autochtones ont perdu leurs terres occupées par les soldats et les colons. Le taux de chômage et de suicide atteint des records jamais imaginés chez les autochtones, a poursuivi le délégué. Il a donc souhaité que l’Instance permanente sur les questions autochtones adopte rapidement une déclaration des droits des autochtones et s’assure de sa mise en œuvre; que les institutions forcent le Gouvernement du Bangladesh à respecter ses engagements en faveur des autochtones.

Le représentant d’IPAC, organisation amazigh d’Afrique du Nord, a regretté la détérioration de l’identité autochtone, la culture, la langue. Il a recommandé à l’Instance et aux agences des Nations Unies de présenter des propositions sur la participation à la vie culturelle et politique et à la prise de décisions des populations autochtones; il a souhaité également que les agences de développement en viennent à un véritable partenariat avec les populations autochtones.

La représentante des Grands-mères de la Terre-Mère, a indiqué que tout comme leurs ancêtres, les communautés autochtones ont le devoir de protéger leur source de vie. Malheureusement, ces éléments vitaux ont été maltraités et il est temps maintenant que la sagesse des anciennes nous enseigne le respect pour les éléments naturels. Nous demandons notre propre représentation au sein de l’Instance. Avec notre expérience, nous savons qu’il est temps d’avancer sur une seule voie.

M. GUY-OLIVIER SEGOND, Ambassadeur spécial pour le Sommet mondial de la société de l’information, a expliqué que cet évènement qui aura lieu en deux temps, à Genève en décembre 2003 et à Tunis en 2005, étudiera les changements profonds de la société de l’information et ses conséquences sur le développement humain. Le Sommet devrait adopter une déclaration politique et un plan d’action. Il constituera l’occasion unique de lier des liens de coopération au plus haut niveau politique. Les populations autochtones peuvent participer de deux manières à ce Sommet, soit une participation écrite, sous la forme d’un rapport sur le sujet des peuples autochtones et la société de l’information contenant des recommandations, ou/et une participation physique, à savoir la tenue parallèle à Genève en décembre 2003 d’une réunion sur les populations autochtones et la société de l’information avec l’aide du secrétariat du Sommet.

La Directrice de la Division pour le développement durable a rappelé que 8 000 participants avaient participé au Sommet de Johannesburg, émanant de tous les grands groupes autochtones, qui ont pu avoir des interactions avec les gouvernements. Lors du processus préparatoire, plus de 700 organisations ont participé aux travaux et un certain nombre de précédents utiles ont été mis en place lors du Sommet, concernant l’eau, l’agriculture, la biodiversité. Dans le domaine social et économique le plan d’action adopté à l’issue du Sommet réclame l’identification de moyens et l’élaboration de politiques pour faciliter l’accès des autochtones à l’emploi.

Après cette dernière intervention, le Président de l’Instance Ole Henrik Magga, a rappelé que les autochtones vivaient depuis des millénaires en harmonie avec la nature et qu’il était donc essentiel aujourd’hui de comprendre ce qu’on entend par protection de la nature.

Les membres de l’Instance ont ensuite pris la parole en conclusion. Antonio Jacanamijoy, a ensuite recommandé à la Banque mondiale de mettre en place des mécanismes renforçant les relations avec les populations autochtones, au moyen de réunions annuelles; au Sommet mondial sur la société de l’information d’inviter toutes les organisations autochtones pour renforcer les échanges. Otilia Lux de Coti, a souhaité pour sa part qu’une compilation soit faite par écrit de l’ensemble des recommandations émises par les associations autochtones.

Marcos Matias Alonso, également membre de l’Instance, a rappelé que sur 27 agences internationales des Nations Unies, seules huit ont des programmes propres destinés aux populations autochtones, dont la Banque mondiale qui en est le chef de file. Ayitégau Koueci a relevé qu’autodétermination et développement durable avaient été les deux thèmes dominants des débats: il faut donc donner des moyens pour lutter contre la pauvreté afin d’assurer une sécurité alimentaire; en outre il a insisté sur l’aspect spirituel du développement en raison des liens avec la terre: il s’agit donc de placer l’homme au cœur du développement.

Ida Nicolaisen a fait valoir l’ardent désir manifesté par les agences onusiennes, notamment ONU-Habitat, de coopérer avec l’Instance sur les questions autochtones. Elle a également appelé à saisir l’occasion du Sommet mondial de l’information comme une chance de promouvoir les questions autochtones. Zinaida Strogalschikova, a insisté sur les ressources forestières des peuples autochtones, d’où la nécessité d’en garantir un accès équitable.

Mililani Trask a appuyé les recommandations destinées aux relations entre les populations autochtones et l’OMC, faisant toutefois valoir que l’Organisation mondiale du commerce ne relève pas de l’ECOSOC. Njuma Ekundanayo a encouragé le développement des techniques de communication. Pour Willie Littelchild enfin, aucun gouvernement ne devrait signer ou donner un accord sans le consentement préalable des populations autochtones.

ENVIRONNEMENT

Débat

M. PARSHURAM TAMANG, membre de l’Instance, a déclaré qu’il était reconnu par tous qu’il existait un lien entre la protection de l’environnement et la survie des peuples autochtones. Malheureusement la relation entre les populations autochtones et leur environnement est en train de disparaître. Les communautés autochtones sont en effet contraintes de quitter leurs terres traditionnelles et leurs terres sacrées en raison des projets forestiers, agricoles, miniers des multinationales qui ont fait d’énormes dégâts écologiques. Les espèces commerciales ont remplacé des variétés naturelles. Les ponts et barrages causent de nombreux dégâts, comme le fait le tourisme. Les changements climatiques, l’augmentation du niveau de la mer, l’effet de serre ont eu une incidence sur l’environnement des populations autochtones.

L’environnement naturel des populations autochtones est en danger. Le Programme d’action 21 a reconnu le droit à la terre et à la propriété intellectuelle des populations autochtones. La Convention sur la diversité biologique a également reconnu le rôle de préservation de l’environnement que jouent nos peuples. Les mécanismes et instruments internationaux actuels permettent d’élaborer des lignes directrices qui permettraient d’aider les peuples autochtones. Le défi sera de savoir comment l’Instance pourra contribuer à renforcer les droits des populations dans le cadre de ces conventions et outils internationaux à notre disposition.

Mme FLORENCE CHENOWETH, Directrice du Bureau de New York de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a signalé l’importance de certains traités pour les populations autochtones, et notamment le Traité international sur les ressources phylogénétiques. Celui-ci met l’accent sur les droits des agriculteurs, y compris le droits des agricultures autochtones et il constitue le premier traité de ce type. Le code de conduite international sur la collecte et le transfert d’espèces végétales, y compris les espèces traditionnelles est également un outil à la disposition des communautés autochtones. La FAO dispose d’un projet sur le patrimoine agricole dans le monde dont l’objectif est de jeter les bases de la gestion durable du patrimoine et paysages agricoles et de la biodiversité. Le renforcement des capacités de communautés spécifiques est un élément clef de ces programmes.

La déléguée de Indigenous people’s Council on bio-colonialisme, qui regroupe plusieurs organisations d’Hawaï, a prié l’Instance permanente sur les questions autochtones de demander aux organismes pertinents de l’ONU qu’ils définissent un cadre permettant de protéger les connaissances traditionnelles; de renouveler sa demande, faite lors de la première session, sur la création d’un Groupe de travail pour trois ans qui se pencherait sur le consentement préalable. La reconnaissance et la protection des connaissances traditionnelles sur la biodiversité doivent être assurées par un organisme neutre, a-t-elle insisté. L’Instance doit donc se pencher activement sur la biodiversité et la propriété intellectuelle. Il faut selon elle absolument collecter des données sur ce sujet.

Le représentant de la Coordination des organisations autochtones du bassin amazonien a évoqué les dégâts environnementaux qui ont frappé l’Amazonie en raison de l’exploitation des ressources naturelles au Guyana, en Guyane française ou au Suriname: dans ces pays, cette activité a perturbé les vies des populations autochtones, ainsi qu’en Équateur, où les entreprises pétrolières se sont emparées de territoires autochtones au travers de concessions. Ceci empêche les autochtones de vivre sur leurs terres et d’appliquer leurs connaissances qui peu à peu disparaissent. Il faut donc que les gouvernements mettent fin au processus d’octroi de concessions aux entreprises d’exploitation forestière et pétrolière, qu’ils contrôlent l’accès des capitaux étrangers aux richesses naturelles. Ces activités violent les droits des autochtones, des pays et l’environnement. Il revient aux gouvernements de protéger et de respecter les droits et connaissances des populations autochtones.

Asia Caucus a défendu le concept du consentement préalable multisectoriel qui permettrait d’éviter de nombreux conflits entre les populations autochtones et les Etats. Le groupe de travail qui serait créé sur ce point devrait élaborer une définition du consentement préalable, s’assurer que les populations autochtones seront consultées par les Etats pour tous les programmes qui les touchent. Le plan de travail devra établir un lien entre toutes les initiatives prises par les communautés autochtones, les agences de l’ONU et tous les acteurs en matière d’environnement. La représentante a souhaité également le financement des initiatives autochtones en la matière.

Que peuvent attendre les générations futures si nous n’agissons pas? a demandé l’émissaire de la Buffalo Rlilver Dene Nation. Il a suggéré de créer un instrument international pour protéger les terres autochtones, un conseil de sécurité environnemental ou un organe rattaché à la Cour internationale de la Haye. Les populations autochtones doivent unir leurs efforts pour faire comprendre à la communauté internationale les enjeux de cette lutte qui a déjà coûté la vie à nombre d’entre elles.

La représentante de Seventh Generation, a, au nom d’un caucus d’organisations, dénoncé les ravages causés aux sites sacrés qui regorgent de ressources naturelles importantes convoitées par les multinationales. Nous demandons la nomination d’un Rapporteur spécial des Nations Unies sur les lieux sacrés. Ceux-ci, montagnes, points d’eau, collines, sont des points de transcendance métaphysique qui nous permettent de maintenir nos identités. Malheureusement, nos terres sont pillées et violées par les projets des multinationales.

Le représentant de Indian Confederation for Indigenous and Tribal People, a, au nom d’un groupe d’organisations, dénoncé la politique du Gouvernement indien qui prévoit dans un proche futur d’accorder des terres tribales à des compagnies minières. La plupart des ressources minérales se trouvent dans la ceinture naturelle autochtone et tribale suscitant de nombreuses pressions de la part du Gouvernement au nom du développement national. Compte tenu de la grande misère dans laquelle vivent ces communautés, nous demandons à l’Instance de faire pression sur le Gouvernement indien pour que celui-ci annule le décret en date du mai 2002 autorisant l’éviction des terres forestières; reconnaisse les droits des populations autochtones et tribales à posséder, contrôler et gérer leurs ressources traditionnelles; fournisse une compensation aux familles pour les souffrances endurées en raison notamment des déplacements forcés; permette aux familles de retourner sur les lieux de leur communauté d’origine; inclut sur la liste des votants les noms de personnes autochtones et pour qu’il reconnaisse les villages des forêts comme de véritables habitats.

La représentante de American Indian Community Health a dénoncé la spoliation des terres traditionnelles et la pollution de sites sacrés. Elle a dénoncé la rupture des traités conclus par ses ancêtres entre les communautés autochtones et les Etats-Unis. Du Nord au Sud de l’Etat de New York, nous ne disposons plus que de 32 hectares au lieu des centaines d’hectares que nous possédions dans le passé. Nous demandons aux institutions des Nations Unies de mener une enquête sur nos territoires sur les pratiques du Bureau des affaires indiennes des Etats-Unis.

Le représentant du Réseau Asie-Pacifique des jeunes autochtones, qui vient du Nord-Est de l’Inde, a insisté sur les projets de barrage, exploitations minières et forestières qui ont été imposés aux populations autochtones et ont violé leurs droits souverains. Le suivi du Processus de Rio et le Sommet sur le développement durable n’ont pas impliqué les jeunes autochtones, qui en ont été exclus. Les programmes d’ajustement structurel et les politiques suivies n’ont fait que favoriser les élites et ont engendré tensions et violences. Le Réseau appelle donc l’Instance permanente sur les questions autochtones à demander aux agences de l’ONU de s’assurer de la participation des jeunes autochtones à tous les programmes d’environnement et aux Etats Membres de ratifier la Convention 189 de l’OIT sur les droits des populations autochtones. Le délégué a également demandé le retrait immédiat de toutes les forces militaires des territoires autochtones et l’appui de l’Instance aux projets des jeunes autochtones, indiquant que ces derniers vont organiser une conférence à Vancouver en octobre 2004 pour finaliser le plan d’action élaboré lors de leur première conférence.

La représentante de American Indian Community Health a souligné les problèmes de drogue et d’alcool, de crimes et de suicides parmi les jeunes autochtones. Elle a demandé une solution urgente pour répondre à tous ces problèmes: s’il y a de l’argent pour attaquer un autre pays, pourquoi ne pas commencer à s’attaquer aux problèmes chez soi, a-t-elle interrogé.

Le représentant de la Commission juridique du peuple quechua du Pérou a fait valoir les problèmes d’écosystèmes fragiles à 4 000 mètres d’altitude, autour du lac Titicaca: depuis la guerre du Pacifique au siècle dernier, entre la Bolivie, le Chili et le Pérou, le territoire quechua a été partagé entre ces trois pays et son écosystème a été détruit, car la communauté subit trois législations différentes. En outre les gouvernements exploitent les ressources naturelles et ont imposé leur souveraineté sur ces ressources dont les ressources hydriques, exploitées de la Cordillère vers les villes côtières. Les gouvernements péruvien et bolivien ont ainsi signé un accord et lancé un plan cadre de gestion des eaux des fleuves du bassin du lac Titicaca: cet accord ne prévoit pas la participation des communautés autochtones qui vivent autour de ces lagunes. Une fois les travaux lancés, les problèmes ont commencé dans des lieux sacrés pour ces communautés, des difficultés d’irrigation se sont posées. A travers le Parlement aymara, nous avons tenté de nous défendre mais malgré ces efforts les gouvernements n’ont pas cessé leur exploitation hydrologique, a expliqué le représentant de la Commission. L’Instance devrait, selon lui, recommander à l’ECOSOC de demander à ces deux gouvernements, du Pérou et de Bolivie, de mettre fin à cette frontière factice tripartite.

L’Association des jeunes autochtones a fait valoir que les communautés autochtones ont toujours ménagé l’environnement dont elles tirent les plantes médicinales et leurs ressources alimentaires. Mais elles en sont aujourd’hui dépossédées et subissent l’impact négatif des atteintes à la biodiversité et connaissent une dépendance accrue envers les grandes multinationales. La représentante a donc demandé que l’Instance recommande aux agences des Nations Unies d’approuver le projet de Déclaration des droits des populations autochtones; elle a également souhaité que la FAO organise des consultations sur l’impact de l’introduction de graines génétiquement modifiées sur les territoires autochtones.

La représentante de Indigenous Women of South America a évoqué le concept holistique qui guide la vie des populations autochtones comprenant les forêts, les animaux, l’air et la terre. Cette approche visant à donner et à recevoir a connu un déséquilibre sérieux au point où il ne nous reste plus qu’à parler de notre douleur. Nous assistons à une surexploitation des ressources minières, pétrolières et transgéniques qui tue la nature et des êtres humains et crée des conditions de vie insupportables pour les populations autochtones. Nous recommandons aux Etats de respecter les engagements internationaux qu’ils ont contractés en matière d’environnement. Il faut également obtenir des donnés ventilées sur ces questions. Nous recommandons que le thème de la prochaine session de l’Instance soit consacré aux femmes autochtones.

Le Chef des terres traditionnelles des Ashanti du Ghana, a fait état de la disparition de la forêt tropicale qui s’est transformée en une savane en raison des effets de la désertification sur des terres que les multinationales exploitent depuis 50 ans pour le bois tropical. Les bureaucrates ne sont pas en mesure de contrôler ces activités. La plupart des forêts tropicales risquent ainsi de disparaître. Ces dernières années nous avons replanté 5 000 hectares de forêts dans nos communautés, ce qui donne une image de ce que sont capables de faire les populations autochtones pour assurer leur survie.

Le représentant de la Confédération des nationalités autochtones d’Équateur, a fait état de la fragilité de l’écosystème en Équateur en raison de la cupidité des multinationales, notamment la Texaco, qui a pollué les affluents du fleuve Naco et détruit les territoires d’un grand nombre de peuples autochtones. Nous demandons une indemnisation pour les dégâts causés sur nos terres. Nous demandons que des enquêtes soient menées sur les effets de la fumigation des terres.

Defensora de los pueblos indígenas del Ecuador en América a jugé qu’il n’était pas nécessaire d’élaborer de nouvelles lois, des «papiers inutiles», mais qu’il valait mieux réfléchir de façon approfondie. Les multinationales comme Coca-Cola entretiennent la mondialisation pour protéger les intérêts des riches, mais il faut avant tout protéger la nature car l’air, l’eau ne sont pas notre propriété et ne devraient donc pas pouvoir être vendus.

Le représentant de L’Association des forêts nationales du Canada associe les jeunes à la gestion des forêts dans ce pays: il a expliqué que 80% des communautés autochtones se trouvent dans des zones où les forêts occupent une place importante. Mais les droits des autochtones sont souvent violés pour des raisons économiques. Il est donc important que les politiques soient intersectorielles et que les populations autochtones aient la possibilité de contribuer à l’élaboration de ces politiques au plan national et international.

Pour le Centre pour l’Organisation, la Recherche et l’Education, les problèmes d’environnement ont été créés par l’homme, les gouvernements et les sociétés, mais n’étaient pas inévitables. Au Nord-Est de l’Inde, a expliqué le délégué, le Gouvernement prévoit de construire plus de 100 barrages pour la production électrique: les populations autochtones sont déplacées à grande échelle et leurs ressources en terre et en eau seront détruites. Il a donc demandé l’appui des organismes de l’ONU, notamment du PNUD et du PNUE, à ces communautés pour la défense de leurs droits. Il les a également appelées à faire pression sur les gouvernements pour qu’ils ratifient les conventions internationales pertinentes et a demandé aux Etats d’élaborer des politiques claires quand il s’agit de financer de grands projets dans des territoires autochtones.

L’International Indigenous Peoples Think Tank (IIPTT) vise à mettre en place des actions gérables et à unifier les communautés autochtones pour lutter contre l’incertitude liée à l’isolement. Il convient donc de mondialiser les problèmes auxquels se heurtent les populations autochtones pour mieux y répondre. Ce groupe, IIPTT, très impliqué auprès des communautés autochtones des Caraïbes, veut lutter contre ceux qui veulent s’approprier les territoires et ressources des autochtones, promouvoir les droits et identités des populations autochtones et s’opposer à la pollution et aux pillages de leurs territoires. Certains Etats Membres continuent de violer les droits des autochtones et les conventions et traités internationaux. Il a dénoncé ainsi le transport de matières dangereuses comme du plutonium à travers le canal de Panama.

Mme LAETITIA ZOBEL, Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), a déclaré que, dans le cadre de la mondialisation, l’enjeu est de préserver la diversité culturelle et biologique pour le développement durable. Le groupe de travail sur cette question créé au moment de la Conférence de Johannesburg a étudié les possibilités de créer une éthique mondiale sur les questions de la diversité. Notre objectif est de renforcer une approche globale du développement durable et de mieux comprendre le lien entre diversité biologique et diversité culturelle. Le PNUE accorde une importante particulière aux communautés autochtones car nous savons que le respect de leurs valeurs est crucial lorsque nous parlons d’environnement. Nous avons appris qu’il était grand temps d’écouter les communautés autochtones en termes de développement écologique durable.

Le représentant du Mouvement pour la survie du peuple Ogoni a déclaré que les peuples autochtones africains font face à la désertification, à la pollution, au refus des multinationales de tenir compte de leurs préoccupations et des problèmes environnementaux induits par leurs activités. Celles-ci doivent cesser de travailler sur nos territoires et cesser de rejeter leurs déchets dans nos eaux. Nous demandons aux gouvernements africains qu’ils élaborent des législations leur permettant de garder le contrôle de leurs terres. Nous demandons à la Commission du développement durable de mettre en place des normes protégeant les intérêts des populations autochtones, de décréter un moratoire sur les exploitations de gaz naturel et de pétrole et de conduire des audits sur les dégâts causés.

Le Bangladeshi People Forum s’est inquiété de ce que, malgré la présence de plusieurs mécanismes, les utilisations non durables de la terre se poursuivent, notamment le modèle Yellowstone de forêt ou les projets de monoculture, généralement financés par les banques internationales: ces projets ont provoqué des déplacements et le recours à de nouvelles technologies écologiquement non durables. Il faut donc modifier les politiques des gouvernements nationaux mais aussi celles des donateurs qui les appuient. Certains territoires forestiers ne sont plus accessibles aux humains dans mon pays, a expliqué l’intervenant: pour les projets d’écotourisme, on expulse les populations alors que les communautés autochtones savent comment gérer ces territoires, mais personne ne les consulte. Il a demandé que les communautés autochtones soient impliquées dans ces projets.

Le Conseil international des Traités a dénoncé les activités d’exploitation du pétrole qui signifient néocolonialisme, déboisement, pollution et ont des effets dévastateurs sur les populations autochtones et les écosystèmes. Son représentant a réclamé un séminaire sur les populations autochtones et la santé environnementale, qui permettrait d’ouvrir un dialogue, de définir des priorités et d’élaborer des stratégies. Il devrait étudier les effets de l’impact cumulé des produits chimiques, les risques de santé dus à la pollution de l’eau et du développement des activités pétrolières, les besoins de l’écosystème et la pollution de l’alimentation traditionnelle. Ce séminaire devrait mettre en place un mécanisme pour mesurer l’impact de ces activités sur les populations autochtones.

Enfin, le représentant du Parlement saami a expliqué que l’habitat naturel des populations autochtones est vulnérable et en même temps riche en ressources naturelles. Par conséquent la perspective autochtone et le savoir traditionnel doivent être pris en considération dans toutes les mesures visant à protéger l’environnement. L’utilisation des terres autochtones fait l’objet d’une pression croissante au détriment de la diversité biologique. Le Parlement saami a redoublé d’efforts en mettant en place une politique pour arriver à un équilibre du développement social en tenant compte des paramètres de la nature elle-même.




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