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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DE LA TURQUIE SUR L'EXPLOITATION SEXUELLE DES ENFANTS

17 Mai 2006

17 mai 2006

Le Comité des droits de l'enfant a examiné, ce matin, le rapport initial présenté par la Turquie en vertu du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Présentant le rapport de son pays, M. Hamit Hanci, chef de la délégation, Directeur de l'Institut de médecine légale de l'Université d'Ankara, a déclaré que la Turquie accorde un rang prioritaire aux droits de l'enfant, notamment dans le cadre des négociations en vue de l'entrée dans l'Union européenne. La Turquie a procédé à une série d'adaptations à son code pénal, lequel définit l'enfant comme un individu de moins de 18 ans. Un nouveau code de procédure pénale est entré en vigueur récemment, qui prévoit des mesures particulières à l'intention des enfants devant témoigner devant la justice, ainsi qu'une nouvelle loi de protection de l'enfance qui prévoit, dans le détail, des mesures en matière de protection, d'éducation et de santé des enfants.

La délégation turque était également composée de représentants des services du Premier ministre ainsi que des Ministères de la santé, des affaires étrangères, de l'éducation et de l'intérieur. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant, notamment, des centres d'accueil pour enfants victimes de trafics et d'abus sexuels, du rôle des forces de police, de la coopération internationale et de la poursuite de crimes commis sur l'internet.

Le Comité rendra publiques, à la fin de la session, le 2 juin, ses observations finales sur le rapport de la Turquie.


Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport initial du Qatar (CRC/C/OPSA/QAT/1) relatif à l'application des dispositions du Protocole facultatif concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.


Présentation du rapport de la Turquie sur l'exploitation des enfants


Présentant le rapport de son pays, M. HAMIT HANCI, Directeur de l'Institut de médecine légale de l'Université d'Ankara, a déclaré que le rapport de la Turquie avait été préparé par une commission comprenant une trentaine de représentants du Gouvernement, des universités, de l'ordre des avocats et de la société civile, en coordination avec le Directorat général des services sociaux et de la protection de l'enfance. Les droits de l'enfant bénéficient d'un rang prioritaire en Turquie, notamment dans le cadre des négociations en vue de l'entrée dans l'Union européenne. La Turquie a procédé à une série d'adaptations à son code pénal, lequel définit l'enfant comme un individu de moins de 18 ans. Les abus sexuels sont considérés comme des crimes à part entière et des sanctions, récemment alourdies, frappent les auteurs de tels crimes. L'encouragement à la prostitution, la participation à la pornographie, en particulier celle véhiculée sur l'internet, sont aussi caractérisés et incriminés par le Code pénal turc. En 2005, un nouveau code de procédure pénale est entré en vigueur. Il prévoit des mesures particulières à l'intention des enfants devant témoigner devant la justice. En 2005 a également été adoptée une nouvelle loi sur la protection de l'enfance. En outre, l'application des mesures prévues en faveur de l'enfance a été élargie à davantage de catégories d'enfants. La loi prévoit, dans le détail, des mesures en matière de protection, d'éducation, de santé et d'accueil des enfants. La définition de l'enfant ayant besoin de protection a été étendue à tous les enfants exploités. Plusieurs ministères sont chargés d'appliquer les mesures de protection prévues par la loi, de même que d'importantes actions d'éducation et de sensibilisation destinées aux professionnels. Un autre plan va être lancé pour sensibiliser l'opinion publique à la problématique des droits de l'enfant.

Par ailleurs, une nouvelle loi sur la sécurité sociale garantit une couverture de santé à tous les enfants sans exception. Le Ministère des affaires étrangères est responsable de la coordination nationale en matière de lutte contre le trafic d'êtres humains en Turquie. Un groupe de travail a été chargé de la préparation d'un «plan d'action national de lutte contre le trafic d'êtres humains», dont les objectifs sont en passe d'être atteints. La Turquie collabore dans ce domaine avec l'Organisation internationale des migrations et l'Union européenne; elle accueille par ailleurs nombre de symposiums et conférences sur les droits de l'enfance, dont le prochain Congrès international des droits de l'enfant, en novembre 2006.

Le rapport initial de la Turquie sur la mise en œuvre du Protocole facultatif concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSA/TUR/1) précise que la législation en vigueur en Turquie contient des dispositions interdisant la pédopornographie, la prostitution des enfants et la vente d'enfants. En outre, le projet de Code pénal turc alourdit les peines correspondantes et érige la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants en infractions pénales distinctes. Le rapport précise également qu'il a été nécessaire de modifier la Constitution pour permettre une application directe du Protocole dans le droit interne. Un Plan national d'action, à la réalisation duquel sont associés tous les organismes publics et les organisations non gouvernementales œuvrant dans le domaine sous la coordination de l'Agence des services sociaux et de la protection de l'enfance (ASSPE), prévoit pour la période 2005-2015 une action de formation auprès de certains groupes cibles, des professionnels, des animateurs communautaires et des médias ainsi que de la population, ainsi que la désignation des organismes d'exécution et de coordination. Au titre de ce plan, il est en outre prévu d'assurer une très large diffusion des dispositions du Protocole facultatif et de recourir à des méthodes adaptées pour l'action de formation en direction des enfants et de leurs parents.

Le rapport mentionne d'autres initiatives prises en faveur des enfants victimes d'abus: le Centre pour les droits de l'enfant du barreau d'Istanbul a élaboré un manuel sur la prévention des sévices sexuels à l'usage des parents, des enseignants et de tout adulte responsable d'enfants; l'Association pour la promotion de l'artisanat féminin du Centre social de la Direction provinciale des services sociaux du gouvernorat de çanakkale a organisé des activités à l'occasion de la Journée mondiale pour la prévention des abus envers les enfants; la Sous-Commission sur l'exploitation des enfants et la négligence à l'égard des enfants, de même que la Commission de la famille du Conseil exécutif pour les droits de l'enfant mènent différentes activités dans le cadre de la structure organisationnelle du gouvernorat d'Izmir. En matière de sensibilisation et d'éducation, un module de formation aux droits de l'enfant, un module sur les enfants en danger et un module de sensibilisation aux comportements sexistes ont été élaborés pendant l'année scolaire 2003/04 en vue d'une action de sensibilisation accrue dans les écoles primaires aux droits de l'enfant et à l'égalité entre les sexes. Ces modules sur la façon d'aborder les enfants en danger, les stratégies de communication, les mesures à prendre et les conseils de base s'adressent aux élèves, aux enseignants et aux familles. Dans le primaire, ce sont les enseignants et les conseillers pédagogiques qui dispensent cette formation destinée à sensibiliser les élèves, en particulier ceux en période de puberté, aux comportements sexistes et aux effets négatifs des sites internet à contenu pornographique.


Examen du rapport

M. AWICH POLLAR, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Turquie, a rendu hommage à la qualité des activités lancées par la Turquie en matière de formation des professionnels de la santé et de sensibilisation. Le Plan national d'action décrit dans le rapport, et qui prévoit notamment des dispositions de suivi de l'application des Protocoles facultatifs, un contrôle des abus commis dans la famille, le rôle de l'internet, notamment, est bien détaillé et complet. M. Pollar a par ailleurs relevé que le Plan international d'action qui y est mentionné n'a, semble-t-il, toujours pas été examiné comme il aurait dû l'être en 2004 déjà. D'autre part, l'expert a estimé que la Turquie devrait préciser certaines questions statistiques relatives à l'âge et au sexe, de manière à mieux préciser l'identité des victimes d'abus. Quant à la dimension de responsabilité pénale, introduite par le rapport, ce qui est une excellente chose, l'expert a dit ne pas bien saisir quelles sanctions étaient prévues par le code. Le rapport fait référence au projet de nouveau Code pénal, dont l'expert a demandé à connaître la date d'entrée en vigueur.

La présidente du Comité a souligné que certains amendements proposés au Code pénal ne respectent pas tous les dispositions du protocole; ainsi, l'âge de l'enfance est fixé parfois à quinze ans, parfois dix-huit ans. Ainsi que l'a mentionné un autre expert, les questions relatives à la sexualité ne sont pas facilement abordées dans l'espace public turc.


Réponses de la délégation de la Turquie

Le plan d'action comprend des amendements importants au Code pénal, revu dans l'esprit du Protocole facultatif, a dit le chef de la délégation. D'autres efforts sont déployés en matière de formation.

À la question de savoir si la nouvelle loi sur l'information permettra d'engager des poursuites contre ceux qui mettent en scène sur l'internet de la pornographie impliquant des enfants, la délégation a dit que le nouveau texte contient une disposition importante concernant les crimes sur l'internet. Ceux-ci sont en effet désormais précisés, en particulier la pornographie impliquant des enfants. Le Code pénal turc précise à cet égard que l'auteur de crimes commis sur l'internet est puni, mais pas les entités morales (entreprises par exemple): la confiscation des biens des sociétés impliquées n'est pas une peine, mais une mesure conservatoire. Par contre, les directeurs d'une société, s'ils sont associés au délit ou en ont aidé les auteurs, seront considérés comme des auteurs du délit. Les avoirs de la société pourront alors être saisis à ce titre, a précisé la délégation suite à une demande de clarification.

Une équipe de travail chargée de la coordination de l'action sur le terrain a élaboré un plan d'action visant à la création de centres d'accueil des enfants, a expliqué la délégation, relevant l'importance de la collaboration avec les organisations non gouvernementales, qui gèrent ces centres. Les enfants victimes de trafic ou de prostitution, surtout dans le Nord du pays, qui ont été recueillis sont au nombre d'une dizaine, hébergés à Istanbul et Ankara. Les statistiques sont aussi récentes que les travaux dans ce domaine. Malheureusement, la traite des êtres humains est devenue un grave problème. Pour y faire face, l'action des institutions est nécessaire tout comme celle des individus engagés sur le terrain. Il est, partout, difficile d'obtenir des chiffres fiables – et d'ailleurs, plutôt que de compter des enfants, peut-être conviendrait-il d'agir en faveur du plus grand nombre d'enfants possible, a dit la délégation: ouvrir des centres, aider les autorités de police à s'acquitter de leurs tâches, former les juristes et avocats, etc. Le Gouvernement turc est très actif dans ce domaine. Quant au Ministère des affaires étrangères, il assume un rôle de coordination: il supervise la formation des juristes et la coopération avec les organisations non gouvernementales.

Outre deux centres plus spécialement consacrés aux enfants victimes d'abus sexuels à Ankara et Istanbul, la Turquie dispose de quarante-six centres d'accueil et de réadaptation des enfants qui vivent et travaillent dans les rues ou qui sont victimes de la traite des êtres humains. La Turquie dispose aussi de lignes téléphoniques d'urgence locales, également à l'intention des enfants.

Répondant à la question d'un expert, la délégation a précisé que la Turquie avait passé des accords avec quatre pays d'origine pour le contrôle de la traite d'êtres humains. D'autres accords sont en cours de négociation. Des échanges d'information entre forces de police sont prévus, de même que la fourniture d'une assistance et la mise en place de bases de données.

Un expert ayant relevé que le Plan d'action nationale mentionné dans le rapport n'est pas budgétisé, la délégation a précisé que chaque institution fixe son mode de fonctionnement, il est donc difficile de synthétiser toutes les demandes. Une centralisation cependant existe au niveau des Ministères pour l'ouverture de lignes de financements des projets. Le système comptable ne permet pas une ventilation par projet. Il est par contre possible de donner une vue globale en fin d'année. À titre indicatif, une somme de vingt millions de dollars est consacrée à la protection de la mère et de l'enfant.

Une experte s'étant inquiétée de la mention faite par le rapport de cas d'enlèvements de bébés dans des hôpitaux, la délégation a dit que l'enlèvement d'enfants dans les hôpitaux est un phénomène marginal (6 ou 7 en quinze ans); les responsables sont des familles ne pouvant ni avoir ni adopter des enfants. Les mesures à prendre sont de nature sécuritaire. Un autre expert ayant demandé si les hôpitaux disposaient de méthodes d'enregistrement des nouveaux-nés, la délégation a expliqué que les méthodes consistaient en prise d'empreintes des bébés, données transmises aux autorités d'état civil. Les certificats de naissance sont gratuits.

Une experte ayant mentionné des ventes d'enfants par leurs familles, la délégation a expliqué que le taux de natalité est très fluctuant en Turquie, certaines régions étant beaucoup plus «fertiles» que d'autres. Elle a toutefois assuré qu'il est totalement faux de dire que des familles nombreuses ont pu vendre leurs enfants. Elle a précisé que des allocations sont accordées pour les enfants jusqu'à 19 ans, dont bénéficient 6% des enfants turcs.

En réponse à des questions sur la façon dont les enfants peuvent se prévaloir de leurs droits, la délégation a indiqué que des commissions ont été créées pour faciliter l'accès des enfants aux procédures juridiques, par l'intermédiaire des associations d'avocats. Des unités spécialisés ont été créées dans les hôpitaux et les commissariats de police. Lorsque les enfants sont redirigés de cette manière, des rapports sont dressés et remis aux autorités qui peuvent ainsi suivre l'évolution de la situation.

Répondant à plusieurs questions d'experts, la délégation a précisé que les accords internationaux sont intégrés à la loi nationale, les juristes turcs peuvent donc les invoquer. Elle a fait valoir à cet égard que les lois adoptées par le Parlement sont publiées au Journal officiel et que le Ministère de la justice mène une action d'information auprès des juges via les publications professionnelles. Les juges et les procureurs sont formés aux droits de l'homme. Des programmes mis sur pied par des universitaires mettront spécialement l'accent sur la protection des enfants, a ajouté la délégation.

Un expert ayant observé que la police turque ne semble pas entretenir de relations avec des homologues étrangers, la délégation a précisé que la Turquie collabore principalement avec Interpol, Europol et des agences internationales. La gendarmerie est aussi active au plan interne dans le domaine de la protection des droits de l'enfant, a précisé la délégation, et a mis en place des unités de sécurité spécialisées. Elle collabore, de manière étroite mais pas organique, avec les organismes de protection sociale, comme le fait déjà la police.

L'âge légal du mariage est maintenant fixé à 17 ans pour garçons et filles, a dit la délégation. La délégation a par ailleurs assuré que l'enlèvement de jeunes filles en vue d'un mariage ne se produit plus en Turquie. Depuis l'introduction du nouveau Code pénal, des poursuites sont engagées sans possibilité de réduction des peines en cas de mariage, comme c'était le cas auparavant.
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