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Communiqués de presse Organes conventionnels

LA SITUATION INSATISFAISANTE DES FEMMES CONGOLAISES IMPUTEE PAR LES EXPERTS DU CEDAW AU MANQUE D’INITIATIVES DE LEUR GOUVERNEMENT

27 Janvier 2003



Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
27 janvier 2003
606e séance –après-midi



Dotée d’une population de près de 3 millions d’habitants dont 52% sont des femmes, la République du Congo et sa situation en matière de promotion de la femme ont été examinés, cet après-midi, par les 23 experts du Comité de l’ONU chargé de suivre la mise en œuvre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) que le Congo a ratifiée le 26 juillet 1982. Compte tenu du retard de vingt ans dans la soumission des rapports, les experts se sont penchés sur les premier, deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques du Congo, présentés, cet après-midi, par la Directrice du Cabinet de la Ministre de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche et de la promotion de la femme du Congo et Chef de délégation, Delphine Emmanuelle Adouki.

La Directrice de Cabinet a d’emblée précisé que le Congo, qui reconnaît la primauté du droit international public, dont la Convention de l’ONU, a consacré dans toutes ses constitutions, y compris dans la dernière mouture du 20 janvier 2002, le principe de l’égalité juridique de l’homme et de la femme. Elle a néanmoins reconnu que le système juridique congolais se caractérise par un dualisme résultant de l’application d’un droit moderne et de la survivance de règles coutumières malgré l’abrogation opérée par le Code de la famille en 1984. Aux discriminations «légales» prévues par le Code de la famille, le Code pénal et le Code du travail, la Directrice de Cabinet a ajouté les inégalités de fait en raison des préjugés et des traditions qui imposent aux femmes des tabous et des interdits, des rites de veuvage abusifs, le lévirat et diverses formes de violence.

Ces informations ont conduit les experts à dénoncer l’«insouciance», la «tolérance inexplicable» ou l’«acceptation résignée» du Gouvernement congolais. Ils ont, en effet, stigmatisé la «léthargie» du Gouvernement, tenu de mettre en œuvre les traités internationaux signés en son nom. Comme l’a dit l’experte du Portugal, Regina Tavares da Silva, la reconnaissance des lacunes ne suffit pas, le respect d’une Convention implique l’adoption ou la modification de lois en ce sens qu’elles ont une valeur pédagogique et qu’elles traduisent la volonté politique des gouvernements.

Rejetant l’affirmation selon laquelle le cadre de la mise en œuvre de la Convention a connu une évolution notable, de nombreux experts dont l’experte du Bénin, Huguette Bokpe Gnacadja, ont dit constater, au contraire, un recul au regard du remplacement du Ministère de l’intégration de la femme au développement, créé en 1992, par un Secrétariat chargé de la promotion de la femme et de l’intégration de la femme au développement. A ce propos, plusieurs interrogations ont porté sur les raisons qui sous-tendent l’intégration d’un tel Secrétariat dans un Ministère chargé, par ailleurs, de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche. Comme s’est interrogée avec curiosité l’experte du Nigéria, Fatima Kwaku, pourquoi lier le sort des femmes à celui de ces autres espèces vivantes?

Insistant sur le lien de causalité entre la situation insatisfaisante de la femme congolaise et l’absence d’initiatives du Gouvernement, les experts ont concentré leurs questions sur le caractère concret des mesures actuelles et futures visant à inverser les tendances concernant, entre autres, le maintien des stéréotypes, la pénalisation de la prostitution, l’absence des femmes dans la vie politique, l’abandon scolaire chez les filles, l’accès à la santé reproductive ou encore le manque de protection contre la violence. Les chiffres encourageants de la participation des femmes congolaises à l’économie n’ont pas apaisé les préoccupations des experts. Ces chiffres montrent que les femmes représentent 46% de la population active, 70% de la main-d’œuvre et qu’elles sont responsables de 60 à 80% de la production vivrière et de 100% de la transformation des produits agricoles. Les experts se sont néanmoins inquiétés de la faiblesse des dispositions relatives à la protection du travail, en particulier des femmes du secteur informel et des zones rurales. Leurs questions ont aussi porté sur des domaines tels que l’accès au crédit. Résumant le sentiment général, l’experte du Mexique, Aida Martinez Gonzalez a estimé qu’il n’est pas possible que le Gouvernement lutte sincèrement contre la discrimination à l’égard des femmes compte tenu de son manque évident de volonté politique de changer une «situation archaïque».

Le Comité se réunira, mercredi 29 janvier à 15 heures, pour entendre les réponses de la délégation congolaise qui, outre la Directrice de Cabinet, comprend des représentants du Secrétariat d’Etat à la promotion de la femme et de la Mission permanente du Congo auprès des Nations Unies.

EXAMEN DU RAPPORT INITIAL ET DES DEUXIEME, TROISIEME, QUATRIEME ET CINQUIEME RAPPORTS PERIODIQUES COMBINES DE LA REPUBLIQUE DU CONGO

Rapport (CEDAW/C/COG/1-5 et Add.1)

Le document présenté se divise en deux parties; la première concernant la situation générale du pays, son système juridique, politique et administratif et les mécanismes juridictionnels de protection des droits humains. La deuxième partie concerne les dispositions nationales relatives à chacun des 16 articles de fonds de la Convention.

Le Congo a ratifié la Convention le 26 juillet 1982. Selon sa loi, les conventions ratifiées appartiennent à l’ordre juridique interne. La Convention est donc une norme applicable dans l’ordre juridique congolais et a la valeur juridique d’une loi dont les citoyens peuvent se prévaloir devant les juridictions congolaises. Dans le document, l’on reconnaît néanmoins la méconnaissance de ce texte par le juge congolais qui n’a pas encore statué en se référant à cette source de droit.

Au Congo, la création de la Direction de l’intégration de la femme au développement (DIFD), en 1990, a précédé celle du Ministère en charge de l’intégration de la femme au développement, en 1992. La Direction a été créée au sein du Ministère du plan et de l’économie avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). La direction a joué un rôle décisif en contribuant à faire des questions de genre, une priorité au niveau des pouvoirs publics et à susciter de nombreux projets qui ont eu un impact réel sur les femmes. Malheureusement, elle ne disposait pas de l’autorité nécessaire et c’est la raison pour laquelle le Ministère de l’intégration de la femme au développement (MIFD) a été créé, en 1992. Suite à un réaménagement gouvernemental, le département de la promotion de la femme a été rattaché au Ministère de la fonction publique et des réformes administratives.

Le principe de l’égalité juridique des hommes et des femmes est consacré par les textes nationaux depuis la Constitution du 2 mars 1961. Toutefois, des inégalités juridiques existent en matière de droit du travail, fiscal, pénal et de droit de la famille. Par exemple, dans le droit de la famille, s’il est prévu que le choix du domicile conjugal revienne aux deux époux, en cas de désaccord, le choix de l’époux prédomine. Par ailleurs, la femme peut exercer librement l’activité de son choix mais l’époux peut, lorsque l’intérêt du ménage l’exige, obtenir du juge l’interdiction d’exercer une activité. En matière de droit pénal, les dispositions relatives à l’adultère sont également de nature discriminatoire. Ainsi la femme est convaincue d'adultère dès lors qu'elle entretient des relations extraconjugales tandis que pour l'homme il faut qu'il entretienne une concubine dans le domicile conjugal. De plus, le Code pénal libère l'époux de sa responsabilité en cas de meurtre commis sur l’épouse adultérine et sur son amant dans l’hypothèse d’un flagrant délit survenu dans le domicile conjugal. Au titre du droit fiscal, la femme est considérée comme une incapable majeure dans le cadre du mariage.

Il est souligné dans le rapport qu’il faut ajouter aux discriminations légales, les inégalités de fait. En effet, le dualisme des coutumes et d’un système juridique moderne contribue à la persistance de certaines normes coutumières défavorables à la femme. A cela s’ajoute le poids des préjugés et d’une culture patriarcale basée sur l’inégalité entre les sexes et sur la supériorité des hommes sur les femmes. Le document signale néanmoins que pour la première fois, la promotion de femme se trouve dotée d’un document de politique assorti d’un plan d’action triennal. Cet instrument, adopté par le Gouvernement le 15 septembre 1999, gouverne l’ensemble des choix qui seront retenus en matière de promotion de la femme à l’échelon national. Il implique l’Etat, les ONG, les associations, le secteur privé et les agences de développement. Le Plan d’action 2000-2002 comprend 4 sous-programmes relatifs aux droits de la femme et de la petite fille et l’accès de la femme à la prise de décisions; la violence à l’égard des femmes; l’accès aux revenus; et la santé et l’environnement.

Concernant l’article 5 de la Convention sur l’élimination des stéréotypes de nature sexiste, le document indique, entre autres, que la législation ne définit ni ne réprime le harcèlement sexuel. Il semble, est-il expliqué, que les mentalités soient tournées vers une certaine tolérance de ces comportements qui assurent à certaines femmes une illusoire promotion sociale. Par ailleurs, les pratiques traditionnelles et le droit moderne qui font de l’homme le chef de famille, sont perçus comme lui conférant un droit de correction à l’endroit de son épouse.

S’agissant de l’article 7 relatif à la participation de la femme à la vie politique, il est affirmé dans le rapport que traditionnellement, la femme n’a jamais été mise en marge de l’activité politique. Détentrice du patrimoine culturel et ancestral, elle est perçue comme réceptive des valeurs nouvelles. Toutefois, le passage de la société traditionnelle à la société moderne a constitué un fléchissement dans sa participation à la vie politique et publique. Par atavisme, les sociétés l’ont reléguée au second plan. Cependant, le constat empirique qui résulte du fonctionnement de la société congolaise montre que les femmes sont investies d’un grand pouvoir dans l’encadrement social et le processus de socialisation.

Pour ce qui est de l’article 10 relatif à l’éducation, le document indique que depuis l’accession du Congo à l’indépendance, l’enseignement est obligatoire, non discriminatoire et ouvert à tous, garçons et filles. En 1998, une étude a montré qu’au niveau de l’école primaire, le taux d’inscription des filles était égal à celui des garçons. Au niveau de l’enseignement secondaire et technique, il a été constaté que le taux de scolarisation est de 84% soit 26% des filles. Le taux de scolarisation dans les collèges est, quant à lui, de 71% pour les garçons contre 58,4% pour les filles. Dans les lycées, la situation est la même, soit 29% contre 12%. La déperdition scolaire au niveau des filles est très élevée. Sur 1 000 élèves admises au collège, 365 atteignent la classe terminale et 202 réussissent au baccalauréat. Seuls 6% des filles admises au primaire arrivent à l’université.

Pour ce qui est de l’article 16 relatif au mariage, le document indique que le législateur congolais n’organise pas les fiançailles, le Code de la famille faisant plutôt état du prémariage qui est «une convention solennelle par laquelle un homme et une femme avec l’accord de leur famille et au besoin en présence du président du Comité du village et du Chef de bloc ou de leur représentant, se promettent mutuellement mariage». Outre son caractère obligatoire, la particularité du prémariage réside dans le fait qu’il peut être célébré après le mariage. En l’occurrence, le document relève trois difficultés, la première concernant la non-fixation de l’âge minimum des prémariés qui fait que l’un de ces derniers, généralement la femme, est encore mineur. La deuxième difficulté est que le prémariage n’emporte aucun effet patrimonial. Ainsi, les prémariés ne peuvent succéder l’un à l’autre. La dernière difficulté porte sur l’obligation de consulter les deux familles lorsque l’un des prémariés décide la rupture.

Concernant le mariage, il est fixé à 18 ans pour la fille et 21 ans pour le garçon. Néanmoins le procureur de la République peut accorder des dispenses pour des motifs graves. En matière de consentement, le même droit est reconnu à l’homme et à la femme de contracter mariage, de choisir librement son conjoint et de ne contracter mariage que de son libre et plein consentement. S’agissant des droits et devoirs réciproques des époux, le document relève que sur le plan des textes, les époux ont sensiblement les mêmes droits hormis le fait que le mari soit le chef de famille et ait la possibilité d’avoir plusieurs épouses. Le document note encore que certaines coutumes pourtant officiellement abolies sont utilisées pour entretenir la discrimination entre l’homme et la femme. Plus grave encore, poursuit le document en les citant, certains articles du Code de la famille ont le même effet. La conclusion en est que pour éviter de fragiliser la société en lui imposant des dispositions nouvelles non adaptées à son quotidien, il conviendrait de procéder par étape et de distinguer les mesures qui peuvent être prises à court terme et celles qui ne pourront l’être qu’à moyen ou à long terme.

Présentation

Mme DELPHINE EMMANUEL ADOUKI, Directrice du Cabinet de la Ministre de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche et de la promotion de la femme, a souligné que le système juridique de son pays se caractérise par un dualisme résultant de l’application d’un droit moderne et de la survivance de règles coutumières malgré l’abrogation opérée par le Code de la famille en 1984. Elle a poursuivi en indiquant qu’après plusieurs décennies de monopartisme, le multipartisme s’est installé en 1990. Ainsi, la Constitution du 20 janvier 2002, adoptée par référendum, a organisé un régime présidentiel, instauré un parlement bicaméral et consacré l’égalité des sexes. La Directrice de Cabinet a aussi souligné que les élections législatives, sénatoriales et locales qui se sont déroulées tout au long de l’année 2002 ont contribué à l’installation d’institutions démocratiques et stables.

Venant au rapport présenté par son pays, elle a souligné qu’il a été élaboré suivant une méthodologie qui a associé les cadres du département chargé de la promotion de la femme, les représentants des administrations, les ONG et associations ainsi que les individualités. Cette Commission de travail, a-t-elle précisé, a élaboré un projet de rapport qui a été soumis à un large public et adopté par le Gouvernement. Depuis la ratification de la Convention, le Congo, a affirmé la Directrice de Cabinet, a enregistré de nombreux acquis en matière de promotion de la femme. Toutefois, les contraintes économiques et les conflits récurrents subis depuis 1993 ont provoqué la vulnérabilité des femmes. La Directrice de Cabinet a poursuivi en relevant quelques points de l’application de la Convention dans différents secteurs d’activités. Les femmes congolaises sont fortement mobilisées dans la promotion de leurs droits. Beaucoup reste à faire mais la femme congolaise peut parler en termes d’acquis qu’elle entend préserver et consolider, a affirmé la Directrice de Cabinet.

Dialogue avec les experts

Posant la première série de questions, Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, a souhaité savoir si le Gouvernement congolais a l’intention d’amender les lois discriminatoires. Elle a aussi relevé que le rapport ne présente aucune mesure prise le Gouvernement pour redresser les cas de discrimination de jure et de facto. Reconnaître les problèmes ne saurait suffire, a-t-elle dit en soulignant que le respect de la Convention tient davantage aux mesures prises pour l’appliquer. L’experte a aussi voulu connaître l’action des ONG en la matière. A son tour, Mme FATIMA KWAKU, experte du Nigéria, soulignant qu’il a fallu 20 ans au Congo pour présenter un rapport au Comité, a demandé si le Gouvernement congolais est conscient de l’obligation qui lui est faite, en vertu de la Convention, de présenter des rapports périodiques. Elle a, en outre, voulu savoir pourquoi la question de la promotion de la femme a été confiée au Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche. Pourquoi lier le sort de la femme à celui des ces autres espèces vivantes, a-t-elle insisté?

Intervenant également, Mme REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, a quant à elle relevé un paradoxe entre la loi et la réalité. Pourquoi, a-t-elle demandé, cette attitude de tolérance ou d’acceptation résignée des pratiques discriminatoires? Pourquoi attendre si longtemps pour changer les lois alors que leur effet pédagogique est avéré et qu’elles concrétisent la volonté d’un gouvernement de protéger sa population, a-t-elle insisté?

M. GORAN MELANDER, expert de la Suède, a relevé le manque de sensibilisation du public à la Convention. Que compte faire le Gouvernement pour faire prendre conscience de l’existence de cet instrument, notamment auprès des magistrats? Y-a-t-il des cas dans la jurisprudence du pays où la Convention a été directement invoquée? Pouvez-vous envisager de reprendre la définition de la discrimination de notre Convention pour l’intégrer à votre droit constitutionnel?

Mme CHRISTINE KAPALATA, experte de la République-Unie de Tanzanie, a relevé que si des lois existent, elles ne sont pas assujetties à des mécanismes d’application, reflétant une sorte d’insouciance du Gouvernement qui semble otage des coutumes et des tabous. Quelles sont les mesures que le Gouvernement compte prendre immédiatement pour sensibiliser la société congolaise à la Convention et aux aspects discriminatoires de certaines dispositions législatives? L’experte a, elle aussi, demandé pourquoi le département de la condition de la femme était amalgamé au Ministère de l’agriculture et de la pêche.

Mme KRISZTINA MORVAI, experte de la Hongrie, a demandé quelles étaient les sanctions en cas d’adultère des femmes, elles seules étant passibles de sanctions. Combien de cas d’adultère de femmes ont été punis par vos tribunaux au cours des dernières années? Y-a-t-il une volonté politique de décriminaliser l’adultère? L’experte a fait part de son manque d’optimisme sur cette question dans la mesure où dans la liste des objectifs à court et long termes, l’intention de modifier les dispositions sur le divorce n’apparaît pas. L’experte a demandé des explications sur le sens de la formulation contenue dans le rapport sur le harcèlement sexuel. Elle a demandé des précisions sur les obstacles qui se posent au changement avant de demander à la délégation ce qui l’empêchait de modifier des lois discriminatoires.

Mme DUBRAVKA SIMONOVIC, experte de la Croatie, a demandé des précisions sur la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing et de Beijing+5. Quelles ont été les mesures prises en vue de l’élimination du crime d’adultère?

Mme HUGETTE BOKPE GNACADJA, experte du Bénin, a relevé que le système constitutionnel congolais facilite l’internalisation de la Convention puisque les juridictions peuvent l’appliquer directement On a du mal, dans ce contexte, à comprendre qu’il faille autant de temps pour la «domestiquer». L’experte a relevé un recul net des structures en faveur des femmes dans la mesure où le Ministère des femmes a été dissout et adjoint à un ministère. On ne peut pas alors parler de «l’évolution notable de la structure gouvernementale» en faveur de femmes mais plutôt d’un recul. Quel est le problème de fond? Est-ce en raison de la guerre, du manque de fonds? Le Congo a pris des engagements internationaux. Les coutumes, les traditions, la peur de la sorcellerie sont des réalités mais pas des fatalités. Il faut légiférer, réformer les lois existantes. L’experte a noté qu’en termes d’accomplissements, le Congo a organisé un certain nombre de conférences sans pour autant faire le bilan de ses activités.

Mme FUMIKO SAIGA, experte du Japon, a demandé des précisions sur le Ministère de l’agriculture et de la pêche et de la condition de la femme, structure qui n’apparaît pas dans le rapport. Mme SHIN a relevé que le mandat du Département en charge de la promotion de la femme vise la femme dans le développement, l’accent étant placé sur la manière de les inclure dans le développement plutôt que d’élaborer des programmes visant l’application de la Convention. Il n’existe pas de projets intégrant les sexospécificités. Combien de personnes travaillent dans ce département et de quelles ressources disposez-vous?

Mme KAPALATA, a relevé l’inconsistance des informations présentées dans le cadre de la mise en œuvre des articles 1 à 4. M. CORNELIS FLINTERMAN, expert des Pays-Bas, a relevé que les mesures prises dans le cadre de la maternité ne constituent pas des mesures temporaires spéciales. Il a demandé à la délégation de lui exposer des cas concrets de mesures spéciales mises en œuvre pour accélérer la pleine réalisation des droits de la femme. Mme KWAKU a expliqué que l’article 4 sur les mesures temporaires spéciales est d’une importance particulière pour les pays africains. Il est regrettable que celui-ci soit peu invoqué dans le rapport. Est-ce que le Département chargé de la promotion de la femme compte l’utiliser?

M. MELANDER a demandé ce que comptait faire le Gouvernement pour modifier les comportements stéréotypés. Relevant aussi la question de la violence à l’encontre des femmes, Mme TAVARES DA SILVA a regretté le manque de dispositions visant à punir les agresseurs. Se félicitant du rôle des ONG en la matière, elle a néanmoins rappelé au Gouvernement l’obligation qui lui est faite de proposer un cadre juridique de protection des femmes. Que prévoit le Gouvernement pour œuvrer en ce sens, a demandé à son tour, Mme SHIN.

Intervenant également, Mme FRANÇOISE GASPARD, experte de la France, a souligné qu’il reste beaucoup à faire pour les femmes au Congo. Notant que le Code pénal punit à la fois les prostituées et les proxénètes, elle a estimé que cette situation pose un problème juridique en soulignant que l’article 7 de la Convention appelle à des mesures pour lutter contre l’exploitation de la prostitution. Compte tenu du rôle des ONG dans ce domaine, elle a voulu connaître la nature des mesures prises pour sortir les femmes de la prostitution. Elle a aussi voulu savoir si des prostituées ont été emprisonnées et dans ce cas, ce qui est fait pour contribuer à leur réinsertion dans la société. L’experte a, en outre, regretté l’absence dans le rapport d’informations relatives aux conséquences des guerres récentes sur les femmes. Quelle est leur place dans le processus de paix et le processus de reconstruction?

L’experte a aussi soulevé la question des femmes réfugiées, en particulier de la République démocratique du Congo en s’inquiétant de la protection qui leur est offerte. Reprenant la parole, Mme TAVARES DA SILVA est revenue sur la question de la prostitution pour demander des précisions sur le sort réservé aux clients.

La terre du Congo a été ravagée par la guerre durant une dizaine d’années et se trouve aujourd’hui tétanisée par son malheur et celui des pays voisins, a déclaré Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANIE, experte de l’Algérie. Le Congo peut s’en sortir, a-t-elle estimé, en appelant à la volonté politique de ses dirigeants. En tant que Président de la République et Chef du Gouvernement, Denis Sassou-Nguesso peut donner une impulsion nouvelle au Congo pour le faire sortir de son état de léthargie. A la lecture du rapport, a dit avoir constaté l’experte, il est clair que le diagnostic a été posé et à partir de ce dernier, les remèdes peuvent être trouvés. Au titre des remèdes, l’experte a cité une plus grande participation des femmes à la prise de décisions. Elle a appelé le parti majoritaire au Congo à impulser par la volonté la présence de candidates aux élections. Pourquoi, a-t-elle dit, ne pas prendre exemple sur le Canada où les femmes sénateurs sont nommées par le Gouverneur. Pourquoi, a-t-elle ajouté, ne pas adopter une politique de subventions aux partis qui présentent des femmes?

A son tour, M. FLINTERMAN a voulu connaître la politique du Congo pour promouvoir les droits politiques des femmes et encourager leur compétence administrative et de dirigeants. Pour sa part, Mme TAVARES DA SILVA a souligné que les changements culturels doivent impliquer les femmes mais aussi les hommes. Il faut changer la culture politique au sein des partis et dans toute la société, a-t-elle insisté. Pour sa part, Mme KAPALATA a voulu connaître les raisons du recul de la participation des femmes au service diplomatique. Félicitant par ailleurs le Gouvernement congolais de ne faire aucune distinction entre hommes et femmes en matière de nationalité, elle a néanmoins souhaité des précisions sur la capacité des deux époux. Pourrions-nous avoir une réponse précise sur le statut d’un homme étranger qui épouse une femme congolaise? Peut-il prétendre à la nationalité congolaise, a demandé Mme SAIGAavant de s’attarder sur les dispositions relatives à l’acquisition de la nationalité pour un enfant né d’une mère congolaise et d’un père étranger.

Mme SJAMSIAH ACHMAD, experte de l’Indonésie, a exprimé son «immense regret» devant la non-application par le Gouvernement congolais de la Convention en particulier en ce qui concerne l’élimination des attitudes discriminatoires à l’égard des femmes. Je suis choquée, a insisté l’experte en manifestant néanmoins son «admiration profonde» à la délégation congolaise pour avoir franchement reconnu les faits. Le Gouvernement a-t-il pris des mesures pour éliminer la discrimination? La Constitution garantissant l’égalité, l’experte a voulu connaître les plans gouvernementaux pour traduire cette égalité dans les faits. Vingt ans après la ratification de la Convention, le Congo montre un progrès en matière d’éducation mais les choses sont différentes pour ce qui est de l’élimination des attitudes discriminatoires. En la matière, il convient non seulement d’éduquer les filles mais le public dans son ensemble, à savoir les parents, les enseignants ou encore les médias. Il faut un programme officiel, en la matière a insisté l’experte. M. FLINTERMAN a soulevé la question du taux d’abandon scolaire chez les étudiantes. Il a appelé le Gouvernement à être plus précis dans la manière dont il envisage d’encourager l’inscription des filles au niveau universitaire.

A son tour, Mme PRAMILA PATTEN, experte de Maurice, a souhaité savoir si le Gouvernement a mis au point un programme d’éducation pour sensibiliser les garçons et les filles à la sexualité. Le Gouvernement appuie-t-il les services de soins aux enfants afin que les mères puissent continuer de les envoyer à l’école. Le Gouvernement a-t-il assuré la souplesse requise dans les programmes de formation afin d’encourager l’éducation permanente et de permettre ainsi aux femmes une transition d’une activité à l’autre. Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour améliorer les chances d’emplois des femmes ou de réinsertion sur le marché du travail, a encore demandé l’experte?

Mme SALMA KHAN, experte du Bangladesh, a félicité les femmes congolaises pour leur contribution à l’économie du pays. Elle a donc jugé décevant que ces femmes ne jouissent d’aucun droit élémentaire en ce qui concerne la protection du travail. Pourquoi les lois ne sont-elles pas appliquées, a-t-elle demandé? Quelles sont les mesures prévues pour protéger les femmes qui travaillent dans le secteur informel et dans le milieu rural, a encore voulu savoir l’experte? Les femmes ont–elles accès au crédit et les prêts peuvent-ils être octroyés sans caution?

Mme PATTEN a estimé que le fait de dire que le secteur parallèle est le secteur «que préfèrent» les femmes est étonnant. Il serait plus approprié de dire que les femmes accèdent à ce secteur du fait que peu d’opportunités leur sont offertes. Comme dans la plupart des pays africains, le Gouvernement ne suit pas les activités des femmes dans le secteur informel alors qu’elles ont la charge d’élever leur famille sans protection sociale et sans accès au crédit. L’experte a demandé, compte tenu des inégalités qui se perpétuent, quelle est la position du Gouvernement. Je l’engage à revoir ses politiques en matière d’emploi et à faire face aux conséquences négatives pour les femmes de la situation de l’emploi dans le pays. Quelles sont les mesures prises pour promouvoir le rôle des femmes en tant que génératrices de revenus et leur ouvrir l’accès à la terre et au crédit? Il vous appartient de mettre sur pied une infrastructure publique permettant aux femmes et aux hommes d’avoir accès au marché du travail sur un pied d’égalité.

De son côté, Mme BELMIHOUB-ZERDANI, a fait remarquer que dans tous les pays en développement, il existe des problèmes relatifs à la planification familiale. Il existe des moyens que nous ne savons pas utiliser dans les pays en développement où les discriminations sont plus prononcées que dans les pays développés. Il est possible de disposer d’une aide publique au développement pour l’application du Programme d’action de Beijing. La République du Congo manque de moyens contraceptifs. Pourquoi ne pas demander au FNUAP et à l’OMS de fournir une aide à l’édification d’une usine de contraceptifs qui servirait les pays voisins? Il faudrait penser à solliciter des fonds de la part d’un certain nombre d’institutions des Nations Unies comme l’UNIFEM et l’INSTRAW.

Mme KHAN a demandé des précisions sur les mesures prises pour lutter contre les taux élevés de mortalités maternelle et infantile. Quelles sont les principales causes de mortalité maternelle? Le taux de fécondité étant très élevé, quelles sont les mesures prévues compte tenu du fait que la publicité pour les préservatifs est interdite tout comme l’est l’avortement. Que comptez-vous faire pour enrayer les grossesses d’adolescente et la propagation du VIH/sida? Je vous recommande de mener une enquête sur la santé des femmes et d’inclure les résultats dans le prochain rapport. Mme KWAKU a estimé que l’indépendance économique est l’arme la plus efficace pour que la femme africaine fasse respecter ses droits. Je ne trouve aucun projet, autre que celui du PNUD, pour donner à la femme une autonomie financière. Elle a demandé des précisions sur la banque des femmes qui est mentionnée dans le rapport. Elle a demandé si les départements régionaux pour la condition de la femme, comme le mentionne le rapport, avaient été créés.

Mme AKUA KUENYEHIA, experte du Ghana, a relevé l’absence d’information sur le droit à l’héritage des femmes mariées. Il semble que malgré l’égalité de jure, l’égalité n’existe pas dans les faits. Mme BOKPE-GNACADJA, a noté que l’adoption d’un nouveau Code de la famille en 1984, et Code en vigueur aujourd’hui, avait été un pas dans la bonne direction. Ceci a été l’aboutissement d’un combat et aujourd’hui le vent du changement doit encore souffler. Nous vous encourageons à avancer dans le domaine des réformes. L’experte a demandé si dans la pratique, les coutumes prennent le pas sur les textes. Elle a relevé que certaines de ces pratiques pourraient être abolies sans que le tissu social soit fragilisé. Il faudrait faire un examen, avec statistiques à l’appui, des dispositions de la loi, de la Convention et des pratiques en cours permettant d’avoir un tableau clair des coutumes à abolir.

Mme KAPALATA a souhaité pouvoir disposer d’un calendrier de mise en œuvre des révisions législatives, tout en mettant en garde contre la tendance consistant à trop souvent invoquer les traditions et coutumes. Mme AKUA a demandé des informations sur les conditions régissant le divorce. Mme GASPARD, a souligné l’importance de l’égalité civile de l’homme et de la femme pour qu’ils exercent l’ensemble de leurs droits. Le Code de la famille qui, a «officiellement mis fin au Code Napoléon», en contient encore des traces comme l’âge minimum du mariage qui est de 18 ans pour la femme et de 21 pour l’homme. L’âge du mariage de la femme n’est pas excessivement bas mais cela peut cependant influencer les jeunes filles à abandonner les études. Il serait souhaitable d’aligner l’âge de mariage de la femme sur celui de l’homme. La notion de «l’homme chef de famille», ainsi que l’obligation pour la femme de demander autorisation de travailler à l’époux qui sont des dispositions contenues dans votre Code de la famille, font également partie du Code Napoléon. Quelles sont les obligations de l’homme ayant des enfants en termes de pensions alimentaires? Quel est le statut des unions polygamiques? Est-ce que les femmes connaissent leurs droits dans le cadre du mariage et notamment le fait qu’elles peuvent s’opposer aux unions polygames de leur mari?

Mme GNACADJA a demandé quelle était la forme que prenait le consentement de la femme au mariage polygame? Mme AIDA GONZALEZ MARTINEZ, experte du Mexique, a relevé qu’il n’était pas possible que le Gouvernement lutte sincèrement contre la discrimination des femmes. Il semble qu’il n’existe pas de volonté politique pour changer une situation archaïque. Aucun pays ne pourra régler les problèmes économiques, sociaux et politiques sans la participation des femmes. Je ne comprends pas pourquoi la femme veuve n’a aucun droit ni pourquoi la polygamie est toujours pratiquée.

Mme SAIGA, s’est inquiétée de l’âge minimum du prémariage. Que compte faire le Gouvernement pour régler la situation sur le court terme? Mme KWAKU s’est également inquiétée de la situation de prémariage, situation qui est contraire à l’article 16 de la Convention. Que fait le Gouvernement pour faire passer l’âge minimum du prémariage à 18 ans pour les filles? Le Procureur de la République peut décider pour raisons graves d’interdire le prémariage. Quelles sont ces «raisons graves»?




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