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LES EXPERTS DU CEDAW DÉPLORENT LES NOMBREUSES CONTRADICTIONS ENTRE LA CONVENTION SUR LA DISCRIMINATION A L’ÉGARD DES FEMMES ET LE CODE PÉNAL DU YÉMEN
14 août 2002
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Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
14 août 2002
581et 582èmes séances – matin et après-midi
L’arsenal législatif dont s’est doté le Yémen témoigne de la bonne compréhension des dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes que ce pays a ratifiée en 1984. Sur ce constat encourageant, les experts du Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), qui examinaient aujourd’hui les quatrième et cinquième rapports périodiques du Yémen, ont néanmoins déploré la persistance de lois et pratiques discriminatoires qui interdisent aux femmes de jouir pleinement de leurs droits fondamentaux.
Même si la Constitution ne contient aucune disposition discriminatoire, les experts ont notamment déploré qu’au Yémen, le Code pénal autorise le mari à tuer sa femme adultère et qu’il évalue le prix du sang de la femme à la moitié de celui de l’homme. Mme Tavares Da Silva, experte du Portugal, a pour sa part fait remarquer que la loi sur le statut personnel, qui prévoit en particulier que la femme a le devoir d’obéir à son mari et doit lui demander l’autorisation pour sortir du domicile, est incompatible avec la liberté de mouvement, qui est un droit fondamental. Au Yémen, l’âge minimum du mariage est fixé pour les filles à 15 ans, ce qui met en danger, comme l’a souligné l’experte du Ghana, Mme Charlotte Abaka, la santé reproductive des jeunes filles et entre en contradiction avec la Convention internationale sur les droits de l’enfant ainsi qu’avec la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes qui fixent l’âge minimum du mariage à 18 ans.
Dans ce contexte, le Yémen, confronté à un héritage culturel qui trouve ses racines dans une tradition médiévale fortement discriminatoire et à de graves difficultés économiques liées à une histoire plus récente, doit relever un double défi. Il s’agit en premier lieu pour ce pays de faire face aux questions urgentes au premier desquelles se trouve la lutte contre l’analphabétisme des femmes qui touche 76% d’entre elles mais aussi l’examen des mesures à prendre pour favoriser la scolarisation des filles ou encore supprimer la pratique de la mutilation génitale. Il s’agit également pour le Gouvernement du Yémen de mettre en place des mécanismes nationaux efficaces permettant de changer les mentalités et les coutumes d’une société dans laquelle l’inégalité entre les hommes et les femmes est culturellement inscrite. A cet égard, seule la lutte contre les stéréotypes sexistes a été présentée par les experts mais également par la représentante de la Vice-Présidente du Conseil national des femmes du Yémen, Mme Hooria Mashhour Ahmed Kaid, comme le moyen permettant d’assurer la durabilité des lois adoptées en faveur des femmes.
Les experts ont plaidé en faveur de la suppression des contradictions qui existent entre la Convention et certaines dispositions de la Charia, source de toute législation, afin que les devoirs imposés par la société n’aillent pas à l’encontre des droits des citoyennes yéménites.
Le Comité se réunira demain, jeudi 15 août à partir de 10 heures, pour examiner le cinquième rapport périodique du Pérou.
PRÉSENTATION DES QUATRIÈME ET CINQUIÈME RAPPORTS PÉRIODIQUES DU YÉMEN
Rapports (CEDAW/C/YEM/4) et (CEDAW/C/YEM/5)
Ces rapports présentent l’état d’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes au Yémen. Le quatrième rapport porte sur la période qui s’étend de 1994 à 2000 et le cinquième rapport contient les renseignements et les statistiques postérieurs à 2000. La période écoulée depuis la présentation du quatrième rapport n’excède pas une année mais elle a été le théâtre d’avancées majeures pour la femme yéménite, dont on peut citer, à titre d’exemple, la reconversion de la Commission nationale de la femme en Conseil supérieur de la condition de la femme. En outre, pour la première fois, une femme a été nommée ministre et le Conseil des ministres a approuvé la modification des dispositions discriminatoires conformément à la charia et à la Constitution qui impose l’égalité de droits entre les hommes et les femmes dans tous les domaines.
Les statistiques présentées dans le cinquième rapport périodique peuvent paraître peu différentes de celles du rapport précédent mais, dans les faits, la situation a changé avec la création dans tous les ministères de services de la condition de la femme.
La Constitution modifiée de la République du Yémen fondée sur la charia islamique garantit l’égalité générale en droits et obligations pour tous les citoyens sans distinction entre les hommes et les femmes. Les rapports indiquent que les valeurs socioculturelles traditionnelles et les pratiques héritées du passé qui présentent les femmes comme des êtres dotés de capacités moindres par rapport aux hommes ont eu pour effet de creuser un fossé entre les deux sexes dans les domaines politique, économique, social et culturel. Une faible participation des femmes au développement social en a été la conséquence, alors même que les lois adoptées par le législateur ou tirées de la charia islamique accordent aux femmes l’intégralité des droits fondamentaux de la personne humaine.
Dans ce contexte, considérant combien il importe de modifier le rôle et la situation de la femme, pour ce qui est surtout de changer les conditions présentes et de faire face aux défis futurs l’Etat, dans le cadre du plan d’action en matière de population, le Gouvernement a entrepris de doter les femmes des moyens d’améliorer leur situation sociale, économique et politique et de renforcer leur aptitude à participer à la prise de décisions à tous les niveaux. Une loi a notamment été adoptée en 1991 qui accorde aux femmes le droit d’occuper des postes de juge ou de procureur. Le Yémen est l’un des rares pays du monde arabe où les femmes jouissent de ce droit. Des efforts ont notamment été déployés pour améliorer l’image des femmes dans les manuels scolaires et les médias. Cependant, les lois adoptées en faveur des femmes ont besoin d’être activées pour éliminer la discrimination résultant de l’interprétation de certaines d’entre elles. Le cinquième rapport indique également que le Yémen a ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination entre les femmes mais que le Protocole facultatif fait encore l’objet de débats à tous les échelons en vue de sa signature par le Yémen.
La politique démographique inscrite dans le Plan d’action pour la population 2001-2005 est axée sur l’égalité et la justice et sur la démarginalisation des femmes. Elle a donc pour but de surmonter les obstacles à la réalisation des objectifs stratégiques concernant les inégalités entre les hommes et les femmes.
Le cinquième rapport indique en outre que le pourcentage de candidatures féminines aux élections de 1997 est inférieur à ce qu’il était en 1993, régressant au cours de ces quatre années de 61% globalement. Cependant, en 1999 il y avait trois femmes ayant rang d’Ambassadeur.
Le quatrième rapport indique que la diminution des crédits de l’éducation et la hausse des taux d’abandon scolaire font de l’élimination de l’analphabétisme un rêve irréalisable. Il ressort de la stratégie nationale d’alphabétisation et d’éducation des adultes, qui se fonde sur les données du recensement de la population de 1994, que l’analphabétisme est très répandu dans la population féminine, puisque les femmes représentent 71% du nombre total des analphabètes dans la tranche d’âge des 10 à 49 ans. Le cinquième rapport indique quant à lui que le taux d’analphabétisme féminin - villes et campagnes confondues - est à présent de 76%. Ces chiffres très élevés résultent du manque d’écoles de filles, de l’éloignement des écoles et de facteurs socioéconomiques qui entravent la scolarisation des filles. L’organisme chargé de l’alphabétisation et de l’éducation des adultes s’emploie néanmoins à réduire l’analphabétisme chez les femmes dans le cadre de 752 centres d’alphabétisation ouverts aussi bien dans les villes que dans les campagnes.
La mortalité maternelle représente 42% de la mortalité totale des femmes âgées de 15 à 49 ans. Les prévisions officielles pour 2000 indiquaient un taux de mortalité maternelle se situant entre 800 et 1 000 pour 100 000 naissances vivantes. Les taux de mortalité infantile et post-infantile ont enregistré une baisse remarquable au cours des cinq dernières années, mais ils demeurent relativement élevés. La mortalité infantile importante influe directement sur le taux d’utilisation des moyens de planification familiale de la famille, en ce sens que les femmes veulent compenser les décès d’enfants, d’où des grossesses et des accouchements répétés.
Pour analyser les problèmes rencontrés par les femmes rurales et le rôle qu’elles jouent aussi bien pour assurer la subsistance de leur famille que dans tous les secteurs économiques et financiers, indiquent aussi les rapports, il faut préciser que ces femmes constituent l’une des catégories sociales les plus vulnérables, en raison de la situation difficile qui est la leur. Dans ces conditions, la femme rurale ne saurait à l’heure actuelle ni pourvoir à tous les besoins en vivres de sa famille ni contribuer à la sécurité alimentaire au niveau national. C’est pourquoi, le Ministère de l’agriculture et de l’irrigation a entrepris d’établir une stratégie nationale sexospécifique dans le domaine de l’agriculture et de la sécurité alimentaire.
Présentation par l’Etat partie
Mme HOORIA MASHHOUR AHMED KAID, Vice-Présidente du Conseil national des femmes, a indiqué que son pays est pleinement engagé dans la voie de la démocratisation. Il existe par conséquent une réelle pluralité politique au Yémen et la participation des organisations de la société civile actives dans le domaine de la promotion de la femme est autorisée. Le Yémen a signé la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en 1984, qui est entrée en vigueur le 29 juin 1984, et a adopté depuis différentes procédures, politiques et réformes législatives visant à promouvoir la femme. La Constitution confère aux hommes et aux femmes les mêmes droits.
Les femmes yéménites reçoivent une allocation mensuelle qui leur permet d’améliorer leur niveau de vie. Une loi a également été adoptée en faveur des femmes handicapées qui bénéficient de nombreux programmes mis en place par le Gouvernement.
La charia est au Yémen source de toute législation, a précisé la représentante. C’est pourquoi, le trafic illégal des femmes y est interdit. Il existe en outre une loi électorale qui n’établit pas de distinction entre les hommes et les femmes et qui vise à faciliter leurs activités politiques. Cependant, peu de femmes sont parvenues au niveau des décideurs et la présence des femmes dans les partis politiques n’est pas supérieure à 15%. Une évolution positive de la participation des femmes au Gouvernement a pu néanmoins être observée. Une femme a par exemple été ministre d’Etat pour les droits de l’homme.
La représentante a également regretté que peu d’organisations s’occupent des femmes dans les zones rurales alors qu’elles représentent pourtant 75% de la population des femmes du pays. Par ailleurs, la loi sur la nationalité a été refondue. Le Gouvernement envisage également de réviser la disposition selon laquelle les femmes n’ont pas le droit de donner leur nationalité à un mari étranger.
Le Gouvernement s’efforce en outre de réduire l’écart qui existe entre l’accès des garçons et des filles à l’école puisque seules 34% d’entre elles vont à l’école.
Les filles dans les zones rurales ne parviennent pas à suivre un enseignement secondaire ou universitaire car leurs familles les retiennent pour les travaux ménagers et les travaux des champs. C’est la raison pour laquelle le taux d’analphabétisme est élevé. Un autre problème est l’explosion démographique, à savoir la naissance de 300 000 enfants supplémentaires chaque année, ce qui pose problème notamment dans le domaine de l’éducation. On estime à 76% le nombre des femmes rurales analphabètes. Les filles ne s’inscrivent pas dans les centres de formation professionnelle. Le taux des femmes ayant accès à l’enseignement secondaire et universitaire est de 24 %. Une grande partie des écoles étant mixtes, les familles retirent leur fille après 3 ou 4 ans de scolarisation.
Les taux de mortalité maternelle et infantile demeurent élevés. Les services de santé dans les zones rurales et les zones éloignées sont très limités, d’autant que le personnel de santé est composé d’hommes.
L’espérance de vie des femmes est de 64 ans et celle des hommes de 60 ans. Le taux de fécondité est de 5,8 dans les zones urbaines et de 7,4 dans les zones rurales. Les mutilations génitales sont pratiquées dans les zones côtières où 23% des femmes ont subi des mutilations. Nous sommes de plus en plus sensibles à ce problème que nous considérons comme une violation des droits des fillettes. Le Ministère de la santé a interdit les mutilations génitales féminines même en milieu hospitalier. Nous avons mené une campagne nationale quant aux risques qu’engendrent ces pratiques traditionnelles.
A ce jour, 23 % de la population vit en deçà du seuil de pauvreté en raison des politiques de restructuration économique lancées dans les années 80. Environ 30 % des femmes gagnent leur vie au foyer. Le travail des femmes rurales n’est pas quantifié alors qu’elles travaillent près de 16 heures par jour.
Le droit de la famille repose sur la loi islamique qui comprend des éléments positifs mais également discriminatoires. Nous organisons des colloques pour sensibiliser le public à la Convention qui est l’instrument sur lequel le Gouvernement fonde sa politique de promotion des femmes au Yémen.
Dialogue avec les experts
Mme CHARLOTTE ABAKA, Présidente du Comité et experte du Ghana, a félicité la délégation pour les améliorations apportées à l’article 9 de la Convention qui a trait à la nationalité.
Saluant le Gouvernement du Yémen pour l’application de la Convention, Mme NAELA GABR, experte de l’Egypte, a reconnu que le Yémen est un pays dont les spécificités reflètent sa longue histoire de société fermée où étaient appliquées des lois médiévales. Le Gouvernement doit donc déployer des efforts considérables. Comment, dans ce contexte, le Comité national de la femme prévoit-il de développer le rôle social et politique de la femme?
Mme SJAMSIAH ACHMAD, experte de l’Indonésie, a félicité la délégation du Yémen pour les nombreux efforts qui ont été accomplis dans le domaine de la promotion de la parité entre les sexes. De grandes difficultés subsistent néanmoins. L’experte a voulu savoir comment le mécanisme national peut faire face aux questions urgentes telles que l’analphabétisme, la pauvreté, le problème des femmes âgées entre autres et aux questions de fond telles que l’élimination des attitudes stéréotypées qui permet seule d’assurer la durabilité des efforts déployés. Quels sont, en outre, les mécanismes qui existent en ce qui concerne les questions de nationalité? Le Yémen entretient-il de bonnes relations de travail avec les organisations non gouvernementales (ONG) et les dirigeants religieux et traditionnels?
Mme AYSE FERIDE ACAR, experte de la Turquie, a souligné que certaines lois ont été appliquées pour promouvoir l’égalité mais également pour qu’il existe toujours de nombreuses contradictions entre la loi sur le statut personnel et la Convention. Si des mesures ne sont pas prises pour provoquer des changements dans le domaine de la vie personnelle, seules quelques avancées symboliques auront lieu. L’adoption de lois ne suffit pas à supprimer la discrimination dont souffrent les femmes. Les lois doivent être appliquées. L’experte a également déploré que le Gouvernement n’ait pas l’intention de modifier la loi qui a des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes mariées. Cela reflète une attitude passive regrettable. Le Gouvernement doit adopter une approche plus active. Il faut déployer des efforts efficaces et déterminés afin de modifier les stéréotypes et mettre en oeuvre les lois qui existent déjà en coopération avec les ONG et les associations de femmes.
Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, a remercié l’Etat partie pour la franchise dont il a fait preuve. Il existe de nombreuses lois discriminatoires malgré la Constitution égalitaire. L’article 232 du Code pénal permet au mari de tuer sa femme adultère et l’article 52 indique que le prix du sang des femmes est égal à la moitié de celui des hommes. Les amendements à la loi sur le statut personnel ont conduit à la détérioration du statut de la femme depuis 1992. La loi sur la nationalité et la loi sur l’assurance sociale sont également discriminatoires. En raison de ce statut inégal des femmes, la question de la violence se pose. La violence doit être considérée comme une grave violation des droits des femmes. Nous vous engageons à formuler des politiques et des programmes de lutte contre la violence au foyer, conformément à notre recommandation générale 19 qui prévoit une approche holistique de cette problématique. Des questions se posent quant au viol et autres types de violence comme les meurtres de l’honneur et les mutilations génitales féminines. Quelles sont les sanctions prévues en cas de mutilations et quel est le nombre de condamnations prononcées? L’experte a souligné la nécessité pour le Gouvernement du Yémen de changer la perception des sexes au regard des droits et des obligations qui reviennent à chacun.
Mme MARIA REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, a dit comprendre les difficultés historiques du pays qui se traduisent dans les mœurs et dans la pratique. Il existe des contradictions entre les principes de la Constitution et les dispositions de certaines lois comme celles sur la nationalité et sur le divorce. Pourquoi est-ce que le divorce est la prérogative des hommes et pourquoi y a-t-il une différence de traitement entre les deux sexes? La loi sur le statut personnel indique que la femme a le devoir d’obéir à son mari à qui elle doit demander l’autorisation pour sortir du domicile. Comment est-ce que cela est compatible avec la liberté de mouvement qui est un droit fondamental? Les devoirs, imposés par la société, ne doivent pas aller à l’encontre des droits.
Mme HOORIA MASHHOUR AHMED KAID a expliqué qu’au Yémen les ONG sont des partenaires actifs du développement socioculturel. Il est vrai qu’elles n’ont que peu de capacités, notamment en milieu rural.. Leurs objectifs manquent parfois de clarté et leurs structures ne sont pas solides. Les canaux de communication entre le Gouvernement et la société civile sont ouverts. La Commission nationale pour la condition de la femme a présenté des propositions permettant de réviser 57 lois pour qu’elles soient conformes à la Convention. Nous nous heurtons cependant à des obstacles culturels pour leur application. La représentation des femmes au Parlement reste faible: seulement deux femmes y siègent. Il existe cependant une certaine compréhension des questions intéressant la femme. La Commission nationale a participé au programme intégrant la parité entre les sexes au Plan économique de l’Etat. L’analphabétisme en milieu rural est un problème important. Nous ciblons les zones rurales par le biais de campagnes de sensibilisation, l’éducation étant la pierre angulaire du développement. La Commission nationale a pour objectif d’obtenir un taux de scolarisation des filles de 95 % d’ici à 2015 dans le cycle primaire.
Dans les villes, nous assistons à un changement des rôles traditionnels. Les hommes participent de plus en plus à l’éducation des enfants et les femmes occupent de plus en plus de rôles productifs. La parité entre les sexes est un objectif de longue haleine. Les lois ne sont pas immuables et elles doivent être adaptées aux nouvelles réalités. Les cas de violence ne sont pas répandus en raison des coutumes qui prévoient le respect mutuel. Nous ne disposons pas de statistiques ni des informations nécessaires pour évaluer l’ampleur de ce problème. La charia islamique établit que les relations dans le couple doivent être dictées par le respect mutuel. L’homme a le droit de répudier la femme tandis que celle-ci a le droit de rompre le contrat de mariage. L’excision est une tradition qui nous est parvenue d’autres régions. Elle n’existe pas du tout dans les régions montagneuses isolées. Le viol n’existe pas dans la société yéménite qui est très pratiquante. La loi sur la nationalité est générale et existe dans tous les pays arabes. Nous avons tenté de modifier les dispositions du Code pénal sur l’adultère qui est discriminatoire. L’âge moyen du mariage est de 20 ans pour les femmes et de 22 ans pour les hommes. Il existe des cas de mariage de filles de 15 ans dans les zones rurales. Nous sensibilisons la société aux dangers du mariage précoce. Les grossesses successives constituent un problème et nous prenons en compte cette problématique dans nos programmes de planification familiale. Les moyens de contraception sont le moyen principal d’espacement des naissances.
Mme FRANÇOISE GASPARD, experte de la France, a félicité la délégation pour les efforts importants déployés par le Gouvernement yéménite pour faire évoluer la situation des femmes. Il reste cependant beaucoup à faire tant dans le domaine des lois que des pratiques. Compte tenu des stéréotypes, il est notamment encore difficile aux femmes de participer à la vie politique. Que faites-vous pour encourager les femmes à exercer leur droit de vote dans la mesure où, en 1997, seulement 27% des personnes enregistrées sur les registres électoraux étaient des femmes? Il y a deux femmes élues au Parlement aujourd’hui. Comment la délégation explique-t-elle le faible taux d’élues par rapport au nombre de candidates? Mme Gaspard a également fait remarquer que des ONG sont favorables à l’instauration de mesures positives, notamment de quotas. Cette question est-elle débattue publiquement au Yémen?
Répondant aux questions et remarques formulées par les experts au sujet de la participation des femmes à la vie politique et publique, Mme AHMED KAID a rappelé que la loi électorale prévoit l’égalité des hommes et des femmes. Il existe cependant dans la réalité des obstacles: les hommes n’acceptent pas ce rôle des femmes et, parfois, ces dernières sont intimidées par ces attitudes. Le Comité national des femmes joue à cet égard un rôle important en encourageant les femmes à pratiquer leurs droits et à améliorer les programmes électoraux.
Mme HANNA BEATE SCHOPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne, a demandé si le processus de ratification du Protocole facultatif à la Convention est en cours. Elle a également suggéré la mise en œuvre de mesures temporaires spéciales pour favoriser la participation des femmes à la vie politique et publique. Quel est, en outre, l’état de mise en œuvre des plans en faveur de l’éducation des filles? Quelles sont les mesures mises en œuvre pour lutter contre les crimes d’honneur?
Mme FENG CUI, experte de la Chine, a demandé si le Gouvernement a tenu compte des exigences pertinentes de la Convention lors de l’élaboration de la stratégie nationale en faveur du développement des zones rurales. Même s’il n’existe pas d’obstacles juridiques liés à l’accès au crédit, on remarque que tous les aspects qui y sont liés sont contrôlés par les hommes. Est-ce que les autorités yéménites compétentes déploient des efforts pour remédier à cette situation?
Mme ABAKA, experte de Ghana, a noté qu’au Yémen, l’âge minimum du mariage est fixé à 15 ans. Or, à cet âge, l’utérus d’une femme n’est pas assez élastique pour recevoir un fœtus. Sa santé est donc mise en danger. Elle a donc suggéré que l’âge du mariage soit relevé à 18 ans, conformément aux conventions internationales en vigueur. Mme Abaka a également demandé s’il existe une Commission nationale chargée de la question du VIH/sida. Enfin, elle a fait remarquer que la question de la mutilation génitale appelle la prise de mesures juridiques pour que cette pratique devienne illégale.
Mmme ACHMAD, experte de l’Indonésie, a exprimé ses félicitations à la délégation pour son analyse franche de la situation des femmes rurales qui a permis de mettre en lumière des aspects importants de la question. Elle a demandé s’il existait une institution de recherche qui participe aux efforts de promotion de la femme. Est-ce que des efforts sont déployés pour encourager le partage du fardeau ménager dans les zones rurales? Avez-vous pris des mesures pour aider les femmes chefs de foyer dans les zones rurales?
Mme ROSALYN HAZELLE, experte de Saint-Kitts–et-Nevis, a demandé si le Gouvernement du Yémen entendait prendre des mesures pour répondre aux problèmes posés par l’existence d’établissements mixtes.
Mme ROSARIO MANALO, experte des Philippines, a constaté que le Gouvernement déployait des efforts importants tout en relevant que cette volonté politique n’a pas été suffisamment ferme et généralisée. Cette volonté ne s’inscrit pas non plus dans les plans de développement du pays. Elle a recommandé à l’Etat partie de lancer de vastes campagnes de sensibilisation à la Convention. Il est vrai que les préjugés culturels constituent des obstacles mais l’article 5 de la Convention vous demande justement de lever ces barrières, a rappelé l’experte. Il vous faut disposer d’un plan national de promotion des droits de la femme, surmonter les préjugés et éliminer les coutumes discriminatoires. Le développement d’un cadre juridique est également essentiel à la mise en œuvre de la Convention.
Mme AIDA GONZALEZ MARTINEZ, experte du Mexique, a observé que le fond du problème tenait à la situation des femmes au sein de la famille où elles subissent des discriminations. Il est vrai que certaines normes sont difficiles à comprendre pour des mentalités non islamiques mais il est inquiétant de voir que l’on maintient des situations qui constituent de simples violations des droits des femmes. D’autres pays ont déjà adopté des mesures législatives qui, tout en assurant le respect de la charia, ont éliminé la polygamie ou encore la dot des filles. L’adultère doit être sanctionné de la même façon, que l’on soit homme ou femme. Compte tenu du régime de polygamie, comment se fait la transmission de l’héritage? a demandé l’experte, s’interrogeant également sur le statut des enfants des différentes épouses.
Mme AHMED KAID, a expliqué que, pour introduire un système de quotas, il fallait adopter une loi. Même dans les pays développés, les femmes ne sont pas présentes à hauteur de 30 % dans la vie politique. Dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté, nous menons des campagnes visant à encourager les parents à ne pas faire de distinction entre les filles et les garçons lors de l’inscription à l’école. Nous leur fournissons une aide alimentaire pour les encourager à inscrire les filles. Dans le cas contraire, nous mettons fin à cette aide. Nos partenaires du développement insistent également sur l’intégration de la parité homme/femme dans leurs programmes. Les crimes d’honneur ne sont pas un phénomène très important, les coutumes étant très fortes et la mixité inexistante. Nous ne disposons pas de données sur cette question. Nous avons rencontré beaucoup de difficultés quant au recul de l’âge légal du mariage. Nous convenons de l’importance de relever l’âge du mariage en établissant des alliances avec la société civile afin d’alerter des dangers associés au mariage précoce des filles.
Nous ne disposons pas de mécanismes permettant d’alléger le fardeau de la femme rurale mais nous espérons que les diverses infrastructures mises en place (réseaux routiers, eau potable) dans le cadre du Plan quinquennal de développement contribueront à alléger leur quotidien. Les femmes chefs de foyer, soit 13 %, font partie des catégories auxquelles nous accordons une importance particulière. L’abandon des filles à l’école s’explique également par l’absence de femmes dans le corps enseignant. La loi islamique n’interdit aucunement le travail de la femme. L’Islam ne limite pas le travail de la femme. Seule une interprétation erronée du Coran peut donner cette impression. Il existe en revanche des us et coutumes dans les différentes sociétés qui sont facteurs de restrictions.
M. MUNEER MANSOUR AL-SHAHAB, Directeur des questions juridiques pour le Conseil national des femmes, a expliqué que le partage de l’héritage n’est pas une décision de l’homme et de la femme mais de Dieu. L’homme a une part plus grande de l’héritage car il a l’obligation de dépenser cet argent dans le foyer et de prendre en charge ses sœurs. La femme garde sa part d’héritage sans obligation de le consacrer à sa belle-famille. Il existe des cas où la part de l’héritage est égale pour les hommes et les femmes.
Mme FATIMA KWAKU, experte de la République-Unie de Tanzanie, a demandé si le Yémen connaît des cas de mariage de jeunes filles de moins de 15 ans. Elle a également demandé s’il existe des statistiques indiquant le pourcentage de filles mariées à 15 ans. Existe-t-il des programmes d’éducation réservés aux femmes mariées ou aux filles-mères? Elle a regretté que la religion soit utilisée pour perpétuer la discrimination à l’égard des femmes.
Pour sa part, Mme FRANCES LIVINGSTONE RADAY, experte d’Israël, a déploré que le taux d’analphabétisme des femmes adultes soit deux fois supérieur à celui des hommes. Elle a également demandé pourquoi la jeune fille qui a été victime de viols répétés par son père et dont le cas a été récemment rendu public a été condamnée à un emprisonnement de 5 ans.
Mme SAVITRI GOONESEKERE, experte du Sri Lanka, a souhaité que le Yémen relève l’âge de la majorité à 18 ans et révise sa loi sur la nationalité.
Mme IVANKA CORTI, experte de l’Italie, s’est félicitée de l’intérêt manifesté par le Yémen pour les personnes âgées. Il reste néanmoins beaucoup à faire. Elle a voulu en particulier connaître comment le Gouvernement choisit les bénéficiaires de l’aide sociale en matière de logement. La peine de mort est-elle toujours en vigueur au Yémen? a-t-elle également demandé.
Mme AHMED KAID a expliqué que selon la loi, la fille peut se marier si elle est prête à le faire à condition qu’elle ait 15 ans. Nous tentons de relever l’âge du mariage à 18 ans mais nous nous heurtons à de fortes oppositions au Parlement. Nous comptons sur une scolarisation plus étendue des filles pour retarder le mariage. Le Gouvernement a développé des programmes de sensibilisation des femmes au VIH/sida. Nous voulons mettre en place des programmes de prévention et fournir une aide médicale et psychologique aux victimes de la pandémie. Les filles enceintes peuvent suivre des cours d’alphabétisation. L’obligation qu’a la femme de demander l’autorisation du mari pour quitter le domicile est une question de pratique. Il y a beaucoup de femmes mariées qui vont à l’université. Il s’agit davantage d’une question de moralité que de droit. Il existe une distinction entre les coutumes et les principes de la charia qui, elle, n’impose aucune restriction aux droits des femmes. Il existe une corrélation entre le mariage précoce et le taux élevé de naissances pouvant aller jusqu’à huit enfants. Une femme a le droit de demander et d’obtenir le divorce en cas de mauvais traitement. Le principe selon lequel une femme divorcée ne peut pas se remarier avant une certaine période vise à s’assurer qu’elle n’est pas enceinte de son ex-mari. Dans certains cas, l’homme est autorisé à contracter un deuxième mariage si sa première femme est stérile ou malade.
Répondant à Mme Corti, elle a expliqué que selon la tradition islamique, la famille a le devoir de prendre en charge les personnes âgées. Dans le cas contraire, elle peut être confiée à un foyer. L’application de la peine de mort au Yémen repose sur un principe religieux.
Mme ABAKA a engagé l’Etat partie à diffuser les conclusions du Comité le plus rapidement possible dans l’ensemble de la société afin que chacun soit associé aux efforts déployés. Elle a souhaité qu’à l’avenir, l’Etat partie soit en mesure de dresser un bilan plus positif.
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