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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DU CHILI

19 Novembre 2004


19 novembre 2004


Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier et ce matin, le troisième rapport périodique du Chili sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité adoptera en séance privée ses observations finales sur le rapport chilien avant de les rendre publiques à la fin de sa session, le vendredi 26 novembre prochain.

Présentant le rapport de son pays, Mme Yasna Provoste, Ministre de la planification et de la coopération du Chili, a souligné qu'en matière de prospérité et de qualité de vie, le Chili a enregistré, ces 14 dernières années, des progrès notables qui se sont notamment manifestés par la multiplication des possibilités d'accès à l'éducation et à l'emploi et par un intense processus de mobilité sociale ascendante. Le 9 novembre, après quatre années de débat, le Sénat a transmis à la Chambre des députés les réformes constitutionnelles de la transition, a poursuivi la Ministre, précisant que cet accord va permettre d'en finir avec un ensemble d'institutions héritées de la Constitution de 1980 qui établissait au Chili une démocratie sous tutelle, contrôlée par le pouvoir militaire. Elle a par ailleurs fait valoir qu'au Chili, le taux de pauvreté est passé de 38,6% en 1990 à 18,8% en 2003.

La Ministre a fait valoir que 368 944 hectares de terres ont pu être récupérées par les autochtones, et que 32 500 bourses d'éducation ont été attribuées à des jeunes autochtones. Elle a néanmoins reconnu que de grands défis persistent en matière de reconnaissance des droits autochtones.

La délégation chilienne était également composée du Représentant permanent du Chili auprès des Nations Unies à Genève, M. Juan Martabit, qui a fait une brève déclaration d'introduction, ainsi que de représentants du Ministère des relations extérieures, du Ministère de la santé, du Ministère de l'éducation, du Ministère de la planification et de la coopération, du Sous-Secrétariat au travail et du Service national de la femme. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant, entre autres, de la place du Pacte dans le droit interne chilien; du droit du travail et des questions connexes, y compris la droit de grève; de la situation des peuples autochtones; du droit à la nationalité; des questions de santé, y compris l'avortement; de la violence au foyer; de la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants; de la lutte contre la pauvreté; ainsi que des questions d'éducation.

Le Comité rencontrera cet après-midi, à 15 heures, le Président-Rapporteur de la troisième Réunion intercomités, M. Kamel Filali, après quoi il entamera l'examen d'un projet d'observation générale sur l'article 3 du Pacte, qui porte sur l'égalité entre hommes et femmes.


Présentation du rapport du Chili

M. JUAN MARTABIT, Représentant permanent du Chili auprès des Nations Unies à Genève, a mis l'accent sur l'importance que son pays accorde à la coopération avec les organes internationaux de surveillance des droits de l'homme et à un dialogue fructueux avec eux. Ces dix huit derniers mois, a-t-il notamment rappelé, deux représentants de mécanismes de la Commission des droits de l'homme de l'ONU se sont rendus au Chili: il s'agit du Rapporteur spécial sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales des populations autochtones et de l'Expert indépendant sur le droit au développement. En outre, au mois de mai dernier, le Comité contre la torture a examiné le rapport périodique du Chili. C'est dans le cadre d'une politique d'équité et de justice sociale que les gouvernements de la «Concertation» qui se sont succédé ont assumé et continueront d'assumer la responsabilité qui leur incombe de relever les défis qui se posent au pays, a ajouté M. Martabit.

MME YASNA PROVOSTE, Ministre de la planification et de la coopération du Chili, a souligné qu'en matière de prospérité et de qualité de vie, le Chili a enregistré, ces 14 dernières années, des progrès notables qui se sont notamment manifestés par la multiplication des possibilités d'accès à l'éducation et à l'emploi et par un intense processus de mobilité sociale ascendante. Le retour de la démocratie, après 17 années de dictature militaire, a permis au Chili de connaître un accroissement des libertés et d'évoluer dans un esprit d'équité, dont témoigne notamment l'intégration sociale dont ont bénéficié les secteurs de la population qui étaient les principales victimes de la discrimination et les plus marginalisés. Le renforcement de la politique sociale ne se manifeste pas seulement par l'augmentation notable des ressources, a précisé Mme Provoste; il se manifeste également par la réorientation dont a précisément fait l'objet cette politique sociale qui, de politique d'assistance, a évolué vers une politique d'investissement social axée sur le développement du capital humain et l'égalité des chances.

Les gouvernements de la Concertation qui se sont succédé au Chili n'ont eu de cesse de lancer des initiatives destinées à obtenir la vérité et la justice suite aux graves violations des droits de l'homme qui se sont produites entre le 11 septembre 1973 et le 10 mars1990, a poursuivi la Ministre. À partir de 1990, a-t-elle ajouté, les politiques publiques ont cherché à préserver une conjoncture macroéconomique stable tout en s'efforçant d'approfondir les efforts de démocratisation. La volonté politique claire des gouvernements de la Concertation a permis au Chili d'enregistrer des percées importantes tant du point de vue économique que du point de vue du renforcement de l'action sociale des pouvoirs publics ou de l'approfondissement de la démocratie. Le processus de croissance économique, interrompu quelque peu en 1999 du fait des répercussions de la crise internationale, a repris en 2000, les perspectives de croissance s'établissant aujourd'hui à 5%. Entre 1990 et 2003, les dépenses sociales ont cru en moyenne annuelle de 5,6%, de sorte qu'en termes absolus, elles ont plus que doublé durant cette période, leur part dans le budget global passant quant à elle de 61,2% à 68,1% entre ces deux années. Les dépenses en matière d'éducation et de santé et celles destinées aux groupes prioritaires ont augmenté dans une proportion supérieure à celle de la hausse des dépenses budgétaires globales, a ajouté Mme Provoste.

Le 9 novembre, après quatre années de débat, le Sénat a transmis à la Chambre des députés les réformes constitutionnelles de la transition, a poursuivi la Ministre. Cet accord va permettre d'en finir avec un ensemble d'institutions héritées de la Constitution de 1980 qui établissait au Chili une démocratie sous tutelle, contrôlée par le pouvoir militaire. Ces réformes concernent notamment l'élimination de l'inamovibilité des commandants en chef des forces armées, la suppression des sénateurs à vie et l'élimination de la puissance du Conseil de sécurité nationale en tant qu'espace d'intervention politique des chefs militaires. En revanche, du fait de son rejet par les sénateurs, le pays n'a pu adopter une norme qui prévoyait, pour les élections des députés et des sénateurs, la proportionnalité effective de la représentation populaire ainsi qu'une représentation adéquate des diverses régions du pays. Il s'agit là pour le Gouvernement chilien d'un défi qui reste à relever et à propos duquel il conviendra de progresser dans un avenir proche afin de remplacer le système électoral binominal par un système proportionnel, a déclaré Mme Provoste.

Il y a huit jours, a par ailleurs indiqué la Ministre chilienne, le Président de la Commission nationale sur la prison politique et la torture a remis au Président de la République un rapport qui contient les témoignages de près de 35 000 victimes ainsi qu'un ensemble de propositions de réparations. Le mois prochain, le Président de la République se prononcera sur le contenu de ce rapport et annoncera les mesures concrètes qui seront adoptées.

Face à la vulnérabilité de certains secteurs sociaux et à la discrimination qui les affecte, les différents gouvernements de la Concertation ont identifié des groupes prioritaires de la politique sociale: il s'agit des femmes, des enfants, des jeunes, des populations autochtones, des personnes handicapées et des personnes âgées, a par ailleurs souligné Mme Provoste. Elle a en outre fait valoir que la création du Service national de la femme, en 1991, a permis d'assurer une stabilité institutionnelle à la question de l'équité entre les sexes, témoignant de la priorité que le pays accorde à cette problématique. Le Service national de la femme a identifié trois orientations prioritaires: autonomie économique et éradication de la pauvreté; promotion des droits et participation; et enfin, famille et qualité de vie.

Pour ce qui est de la politique autochtone, Mme Provoste a rappelé qu'en 1990 avait été créée la Commission spéciale des peuples autochtones, chargée d'élaborer un avant-projet de loi autochtone et un programme d'action visant à répondre aux besoins urgents de cette population. En 1993, la loi autochtone était promulguée et l'Office national de développement autochtone (CONADI) était créé afin de promouvoir, coordonner et exécuter l'action de l'État en faveur du développement intégral des personnes et communautés autochtones, tout en favorisant leur participation à la vie nationale. En 1999, a poursuivi Mme Provoste, était créée la Commission consultative pour les questions intéressant le développement autochtone; plus de 4 000 dirigeants et 2000 communautés et associations autochtones ont participé au processus qui a abouti à l'annonce d'un plan de développement de l'investissement visant à répondre aux demandes des autochtones. Puis furent prises d'autres mesures, au nombre desquelles figurent la création de la Commission de vérité historique et de nouveau traitement à l'égard des peuples autochtones ainsi qu'un programme de développement intégral des communautés autochtones connu sous le nom de Programme Origines.

Cette année, sur la base des recommandations de la Commission susmentionnée, le Président Lagos a lancé une politique (2004-2010) axée sur les droits des peuples autochtones, sur le développement dans le respect de l'identité et sur l'adéquation de l'État avec la diversité culturelle. Ce sont à ce jour 368 944 hectares de terres que les autochtones ont pu récupérer, alors que plus de 32 500 bourses d'éducation ont été attribuées à des jeunes autochtones, a fait valoir la Ministre de la planification et de la coopération. En dépit de ces efforts, de grands défis persistent en matière de reconnaissance des droits autochtones, a-t-elle reconnu. En avril dernier, a-t-elle souligné, le Président de la République s'est fermement engagé à faire en sorte que le Congrès national approuve la reconnaissance constitutionnelle des peuples autochtones. S'agissant de la convention 169 de l'Organisation internationale du travail sur les peuples autochtones et tribaux, approuvée par la Chambre des députés en 2000, la Ministre a reconnu que son approbation a pris du retard mais le Gouvernement entend y remédier en accélérant le processus de discussion de cette convention au Sénat.
En ce qui concerne le droit au travail, la croissance soutenue qu'a connue l'économie s'est manifestée par la création, jusqu'en 1998, de 907 000 emplois, a poursuivi Mme Provoste. Après une chute temporaire de l'emploi durant les années 1999-2000, la reprise des créations d'emplois s'est engagée dès 2001. Pour ce qui est de la modernisation des normes de travail, la réforme faisant passer de 48 à 45 heures la durée hebdomadaire du travail entrera en vigueur en janvier prochain, a indiqué la Ministre. Elle a également fait valoir que les conventions de l'OIT n°87 (sur la liberté syndicale), 98 (sur la négociation collective; et 111 (sur l'interdiction de la discrimination) ont été incorporées à la législation nationale. La Ministre a également souligné que les autorités sont en train de procéder à une réforme du système de justice du travail, le nombre de juges du travail devant être doublé alors qu'une nouvelle procédure orale doit être établie.

Les gouvernements successifs de la Concertation ont pris diverses mesures programmatiques et législatives visant à instaurer des conditions davantage propices à la protection de la famille, a indiqué Mme Provoste. La loi de filiation de 1998 reconnaît à tous les enfants les mêmes droits, qu'ils soient ou non issus d'un mariage, et qu'ils soient ou non reconnus par leur père, a-t-elle notamment rappelé. La loi sur l'adoption de 1999 suit les principes énoncés par la Convention relative aux droits de l'enfant, a-t-elle poursuivi. Quant à la loi sur les délits d'exploitation sexuelle à des fins commerciales, elle a été approuvée en janvier 2004. La loi portant modification du Code du travail en matière de protection de la maternité interdit de conditionner l'accès à l'emploi ou l'évolution de carrière d'une femme à l'absence de grossesse. En octobre 2005, 60 tribunaux de la famille créés en vertu d'une loi récemment approuvée commenceront à fonctionner. L'objectif est de permettre aux conflits familiaux d'être résolus rapidement et en toute transparence, en recherchant l'accord des parties et en tenant compte de l'opinion des enfants. Loi sur la responsabilité pénale des jeunes, actuellement à l'examen par le Parlement, entraînera aussi un changement significatif dans ce domaine.

Mme Provoste a par ailleurs fait valoir qu'au Chili, le taux de pauvreté est passé de 38,6% en 1990 à 18,8% en 2003, alors que le taux d'indigence passait de 12,9% à 4,7% durant la même période. La politique sociale a eu un effet important sur la répartition des revenus, a précisé la Ministre. Néanmoins, pour faire face à la régression - entre les années 1996 et 2000 - du rythme auquel diminuait la pauvreté, le Gouvernement actuel a décidé de mettre en place un système de protection sociale des familles - le Système de protection sociale chilienne solidaire - dont l'objectif est de promouvoir l'intégration des familles en situation d'extrême pauvreté dans les réseaux sociaux ainsi que leur accès à de meilleures conditions de vie.

L'éducation a été définie comme une priorité de la politique sociale, a poursuivi Mme Provoste. La réforme de l'éducation entreprise en 1996 s'est fondée sur l'introduction de la «journée scolaire complète», sur un changement constitutionnel établissant 12 années de scolarité obligatoire, ainsi que sur l'intégration et le renforcement des technologies de l'information en milieu scolaire. Néanmoins, l'amélioration de la qualité de l'éducation reste un défi primordial au Chili, a souligné la Ministre. Pour ce qui est du droit à la santé, l'amélioration de la santé de la population constitue également une priorité de la politique sociale chilienne. À cet égard, a-t-elle précisé, la situation de la santé dans le pays a connu d'importants changements, tant du point de vue de l'affiliation aux systèmes d'assurance existants que du point de vue du niveau de la couverture maladie ou des programmes de prévention spécifiques. Mme Provoste a par ailleurs souligné que la politique de logement du Chili a enregistré des progrès significatifs du point de vue des conditions de logement des foyers chiliens. Le déficit du parc de logements s'est réduit grâce à la construction d'une moyenne de 100 000 logements par an au cours de la dernière décennie écoulée, a-t-elle précisé.

Enfin, la Ministre de la planification et de la coopération du Chili a souligné que son pays accorde beaucoup d'importance à la progression des travaux au sein du Groupe de travail sur un protocole facultatif au Pacte. Le Chili estime pour sa part que les débats actuels à ce sujet devraient se concentrer sur l'élaboration d'un mécanisme permettant d'assurer plus efficacement la protection des droits économiques, sociaux et culturels. À cet égard, il est essentiel d'insister sur les obligations fondamentales qui incombent aux États, comme celle exigeant que ces droits soient appliqués sans discrimination.

Le troisième rapport périodique du Chili (E/1994/104/Add.26) fait valoir que le niveau de bien-être de la population, tel qu'il est mesuré par divers indicateurs, est à divers égards satisfaisant. Les moyennes relatives à la couverture des services sociaux essentiels placent le Chili dans le groupe des nations à niveau de développement intermédiaire. Le Chili apparaît comme un pays riche en ressources. Mais les chiffres relatifs à la répartition du revenu ne peuvent masquer les disparités et inégalités, surtout en ce qui concerne la persistance de la pauvreté qui, bien qu'elle ait été ramenée à moins de 20%, ne recule pas aussi rapidement qu'on l'aurait pensé. À la fin de 2000, la population en situation de pauvreté dans le pays était évaluée à un peu plus de trois millions de personnes, correspondant à environ 643 000 ménages pauvres. La population en situation d'indigence était évaluée à près de 850 000 personnes. Au cours de la période 2001-2003, poursuit le rapport, les dépenses sociales et dépenses d'investissement public ont augmenté en moyenne de 5,8% et 11,1% respectivement, en termes réels.

Les restrictions à l'entrée dans le pays se limitent à l'obtention du «visa de tourisme», affirme par ailleurs le rapport. Il existe en outre des conditions impératives interdisant l'entrée dans le pays, qui sont fondées sur des raisons de sécurité interne, de santé publique et de sécurité sociale, visant à exclure les étrangers qui ne peuvent vivre dans le pays sans constituer une charge sociale, et à exclure les personnes soupçonnées de délits tels que le trafic de stupéfiants et le trafic des femmes. Toutefois, ce même article prévoit un motif d'interdiction d'entrée trop large et peu précis qui permet à l'autorité responsable en matière d'immigration d'interdire l'entrée dans le pays pour des motifs purement idéologiques sur la base du critère «être syndiqué ou avoir la réputation d'être un agitateur ou activiste» partisan de certaines doctrines, ce qui n'est pas conforme aux normes constitutionnelles ni aux normes internationales, précise le rapport. En ce qui concerne le permis de séjour, poursuit-il, il y a aussi des règles mal définies, comme celle qui permet le rejet des demandes pour des «raisons de convenance ou d'utilité nationale», sans référence à des critères précis. Le rapport indique par ailleurs que la loi sur les populations autochtones dispose notamment que «La discrimination manifeste et intentionnelle à l'encontre des populations autochtones, fondée sur l'origine et la culture de ces dernières, est une infraction».

Le rapport reconnaît que divers facteurs font obstacle à l'égalité des chances pour les femmes chiliennes. Un groupe de facteurs tient au type d'emploi, car, bien que le taux de participation des femmes à l'emploi soit passé de 31,1% en 1990 à 34,7% en 2000, l'emploi féminin reste soumis à une forte ségrégation. Le rapport précise par ailleurs que le Code du travail prévoit que certains travailleurs, s'ils peuvent négocier collectivement, ne peuvent néanmoins recourir au droit de grève. Il s'agit des salariés des entreprises qui offrent des services d'utilité publique, ou dont la paralysie causerait nécessairement de graves préjudices à la santé, à l'approvisionnement de la population, à l'économie du pays ou à la sécurité nationale. De très nombreux enfants travaillent dans le secteur informel sans aucune protection légale, souligne en outre le rapport. Une étude de la Direction du travail effectuée en 1998 auprès de 300 écoliers âgés de 8 à 18 ans, dans la région métropolitaine, a révélé que 40,9% d'entre eux travaillaient. Les données d'une enquête de 1996 montrent qu'environ 47 000 enfants âgés de 6 à 14 ans ont travaillé les trois mois précédant l'enquête. Le rapport fait d'autre part observer que la population perçoit la violence, en particulier la violence dans la famille, comme un facteur important de dégradation de la qualité et du niveau de vie. Un ménage sur quatre est affecté, à un degré ou un autre, par la violence physique ou psychologique dans les relations familiales. Environ 50% des enfants disent avoir souffert dans une certaine mesure de mauvais traitements d'ordre physique ou psychologique.



Examen du rapport

S'agissant de la place du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans le droit interne chilien, plusieurs experts ont souhaité savoir dans quel sens serait tranché un éventuel conflit entre une disposition de la loi nationale et une disposition du Pacte. Un expert a rappelé le principe de suprématie du droit conventionnel sur le droit interne auquel souscrit, en ce qui le concerne, le Comité. La délégation a admis que la Constitution chilienne ne tranche pas cette question. Pour autant, la jurisprudence des tribunaux chiliens, y compris celle de la Cour suprême, montre que référence est souvent faite au devoir de respecter les dispositions du droit conventionnel international.

Un nombre important de conventions de l'Organisation internationale du travail n'ont pas été ratifiées par le Chili, a fait observer un membre du Comité. En particulier, n'ont toujours pas été ratifiées - outre la convention n°169 sur les peuples autochtones et tribaux - les conventions n°81 (sur l'inspection du travail), 102 (sur la norme minimum de sécurité sociale), 117 (sur l'objectif et les normes de base de la politique sociale), 118 (sur l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale) et 160 (sur la sécurité et l'hygiène du travail dans les manutentions portuaires).

Depuis 1990, le Chili a procédé à une analyse de tous les traités internationaux auxquels le pays n'est pas encore partie et a établi un ordre de priorité pour leur présentation au Parlement, a indiqué la délégation. Elle a en outre attiré l'attention sur les diverses réformes engagées par le Gouvernement, dans le domaine du travail, sous la présidence de M. Ricardo Lagos. La délégation a également indiqué que plusieurs projets de loi intéressant le droit du travail sont actuellement présentés au Parlement dont l'un vise la mise en place d'une procédure spéciale rapide pour la reconnaissance et l'application des droits fondamentaux des travailleurs au sein de l'entreprise.

Soulignant que le Chili est aujourd'hui un pays tolérant, un membre du Comité a souhaité savoir si certaines discriminations qui ont pu exister dans ce pays en matière de droit à la nationalité sont désormais obsolètes.

La délégation a rappelé que la Constitution de 1980 limitait les droits d'un enfant de Chiliens né à l'étranger. Désormais, le droit d'avoir la nationalité chilienne est rendu à l'enfant de parents chiliens né à l'étranger. Le Sénat a approuvé cette réforme; c'était l'étape la plus difficile à franchir, a expliqué la délégation. Est désormais chilien l'enfant de parents chiliens né à l'étranger, a-t-elle insisté. Ainsi en est-il du droit à la nationalité. Pour ce qui est du droit de vote, c'est-à-dire de la jouissance des droits civiques, un Chilien doit toutefois se prévaloir d'au moins un an de résidence au Chili pour pouvoir voter, a précisé la délégation; c'est là une petite concession qu'il a fallu faire pour obtenir l'approbation de la réforme susmentionnée relative à la nationalité.

Situation des populations autochtones et des minorités

Un membre du Comité a attiré l'attention sur la situation défavorisée des populations autochtones et s'est enquis des efforts déployés pour changer cet état de chose. Existe-t-il des mesures de discrimination positive en faveur de ces populations, a-t-il demandé? Un autre expert s'est demandé si le projet de réforme constitutionnelle ne pourrait pas fournir l'occasion de reconnaître la notion de «peuple» mapuche. Pour les populations autochtones, la reconnaissance de la notion de «peuple» est fondamentale, a souligné cet expert. Il a attiré l'attention sur la persistance de litiges territoriaux entre la communauté mapuche et les sociétés d'exploitation forestière. Certains ont en outre relevé que selon le Rapporteur spécial sur les populations autochtones, le pays connaît encore des problèmes en matière de droits humains des autochtones.

Plusieurs experts se sont enquis des efforts déployés pour faire aboutir le projet de réforme constitutionnelle qui se trouve actuellement devant le Sénat chilien.

S'agissant des peuples autochtones, la délégation a expliqué que les parlementaires d'opposition ont encore beaucoup de mal à comprendre la notion de «peuple» et craignent que cela porte atteinte à la notion de «souveraineté nationale»; néanmoins, les autorités chiliennes, pour leur part, approuvent et défendent la notion de «peuple» autochtone. Pour ce qui est de la ratification de la convention n°169 de l'OIT, à laquelle aspirent les peuples autochtones, la délégation a expliqué qu'un recours constitutionnel engagé par l'opposition parlementaire a freiné le processus de ratification de cet instrument, qui se trouve actuellement devant le Sénat.

Il n'existe pas de système de quotas pour la représentation politique des autochtones, a déclaré la délégation. Elle a néanmoins fait valoir que le pays compte notamment trois maires autochtones ainsi que plusieurs conseillers municipaux autochtones, sans parler des divers sous-secrétaires d'origine autochtone que l'on trouve dans les rangs du Gouvernement.

Les autorités chiliennes ont conscience de l'importance que revêt pour les autochtones la question de la récupération des terres, a poursuivi la délégation; elle a rappelé que plus de 360 000 hectares environ ont d'ores et déjà été restitués aux autochtones chiliens. Les communautés autochtones, dont les droits territoriaux ont effectivement été usurpés, ont ainsi pu récupérer nombre de terres autochtones en évitant les conflits. Le processus a certes été lent mais cela est dû au manque de ressources disponibles pour faire en sorte que la procédure soit plus rapide.

Un membre du Comité a relevé que dans un certain nombre de conflits impliquant des autochtones, il a été fait usage de lois d'exception telles que la loi de sécurité de l'État ou la loi antiterroriste. Des Mapuches auraient eu à comparaître devant des tribunaux militaires pour avoir été, à un moment ou un autre, en conflit avec des caribineros, a insisté cet expert. Un autre expert, tout en se réjouissant que plus de 360 000 hectares de terres aient été récupérés par les autochtones, a souhaité connaître la quantité totale de terres revendiquées par les autochtones.

La délégation a déclaré que si certaines personnes ont dû comparaître devant un tribunal militaire, ce n'est pas parce qu'elles sont mapuches mais parce qu'elles étaient accusées d'un délit relevant d'un tel tribunal. Au total, ce sont environ 150 communautés qui revendiquent leurs terres par le biais de la loi autochtone, a par ailleurs indiqué la délégation.

Un expert a attiré l'attention sur la situation de la petite minorité d'origine asiatique et d'ascendance africaine qui vit au Chili où elle serait victime de pratiques discriminatoires non pas de la part des autorités mais de la part de la société civile. Quelles mesures sont-elles prises pour éviter que cette minorité soit victime de discrimination, s'est enquis cet expert?

Droit à la santé


En ce qui concerne les questions de santé, la délégation a attiré l'attention sur la réforme du système de santé qui a été engagée au Chili et dont l'objet est de garantir un droit explicite à la santé, afin de mieux répondre aux besoins et problèmes de santé de la population. Dans le cadre de cette réforme - et suite aux discussions qu'a menées avec les assureurs privés la direction de l'organisme régulateur des compagnies d'assurance privées - six assureurs privés, représentant au total 31% des femmes assurées, ont accepté de couvrir désormais dans les contrats d'assurance la période de grossesse.

Depuis 1992, a rappelé la délégation, le Chili met en œuvre un programme de santé spécifiquement destiné aux populations autochtones du pays.

Un membre du Comité a relevé qu'à sa connaissance, le Chili est - avec le Vatican - le seul État à n'admettre strictement aucune restriction à l'interdiction de l'avortement, pas même lorsque la grossesse met en danger la vie de la mère. L'interdiction de l'avortement est donc absolue, se sont inquiétés plusieurs experts.

La délégation a indiqué qu'en 1990, le nombre de cas d'avortements connus (incluant aussi bien les cas d'avortements provoqués que les cas d'avortements «spontanés», c'est-à-dire «naturels») s'élevait à 36 528; en 2001, ce nombre était de 34 479. La délégation a notamment fait valoir que ces cinq dernières années, l'avortement a cessé d'être la principale cause de mortalité maternelle. Le Chili maintient un système de vigilance de sorte que tout décès d'une femme âgée de 10 à 49 ans fait l'objet d'une enquête. En 2002, ont ainsi été recensés 42 décès de femmes enceintes dont 7 étaient dus à des avortements.

Au Chili, près de 60% des femmes fécondes mais seulement 23% des femmes de moins de 20 ans utilisent une méthode contraceptive, a par ailleurs indiqué la délégation. Après avoir attiré l'attention sur le poids de l'Église catholique et du conservatisme moral au Chili, elle a rappelé que le pays a été un pionnier en matière d'utilisation de la planification familiale à grande échelle puisque cette dernière fut mise en place dès 1964.

Pour ce qui est du VIH/sida, la délégation a notamment indiqué que le nombre de personnes suivant une thérapie était, au 30 septembre 2004, de 5 262 adultes, 134 enfants et 61 femmes enceintes. La délégation a souligné que la tendance à la hausse de la propagation de l'épidémie marque le pas ces dernières années puisqu'elle était de 43% entre 1988 et 1993, puis d'un peu plus de 17,7% de 1993 à 1998 et enfin de 6,9% de là jusqu'à 2003.

Au Chili, a poursuivi la délégation, la malnutrition des enfants est très rare et ne concerne que 0,1% des enfants; en revanche, le problème inverse, à savoir l'obésité, constitue un problème, a fait observer la délégation. Elle a mis l'accent sur la nécessité pour le pays de poursuivre la lutte contre le tabagisme, l'obésité et l'hypertension.

Aujourd'hui, 40% de la population bénéficie du traitement des eaux usées, a poursuivi la délégation. Le Président Lagos a promis que la totalité de la population chilienne bénéficierait de ces infrastructures d'ici 2010.

Droit au travail

Un membre du Comité a souhaité savoir si était toujours en vigueur la disposition du Code du commerce exigeant l'autorisation du mari pour qu'une femme puisse exercer une activité commerciale. Il a fait état d'informations émanant de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) selon lesquelles certains travailleurs chiliens seraient payés en dessous du salaire minimum. Il semble en outre que le principe d'égalité de salaire pour un travail d'égale valeur ne soit pas mentionné en tant que tel dans la législation chilienne, a poursuivi l'expert. Il a par ailleurs relevé que la possibilité de remplacer les grévistes lors d'un mouvement de grève va à l'encontre du droit de grève. Le nombre des professions qui ne peuvent faire grève est trop étendu, a-t-il également relevé.

La délégation a déclaré que depuis les réformes du travail approuvées en 2001, le droit syndical du Chili est tout à fait conforme à la convention n°87 de l'OIT sur la question. Au Chili, la grève est liée au processus de négociation collective et «la grève politique - c'est-à-dire la grève menée en marge de tout processus de négociation collective - n'existe pas», a souligné la délégation. Elle a par ailleurs indiqué que le Congrès a refusé d'approuver la suppression de la possibilité de remplacer les grévistes; néanmoins, de tels remplacements doivent obéir à un certain nombre de critères et, de toute façon, cette possibilité n'est que très exceptionnellement utilisée, a fait valoir la délégation. Elle a en outre fait part de la volonté des autorités chiliennes de doubler la couverture territoriale des tribunaux spécialisés dans le domaine du travail, en doublant non seulement leur nombre, mais aussi le nombre des magistrats y exerçant.

La part de l'économie informelle dans l'économie globale du Chili s'est réduite au fil du temps, a par ailleurs affirmé la délégation. Elle a affirmé qu'il est difficile de répondre à la question de savoir si le salaire minimum suffit à assurer un niveau de vie suffisant aux travailleurs; en effet, la notion de niveau de vie suffisant est assez subjective, a estimé la délégation. Ce qui est certain, c'est que le montant de ce salaire minimum est fixé par une loi et est réévalué chaque année.

La délégation a par ailleurs indiqué que le taux d'emploi des femmes continue d'augmenter alors que celui des hommes a cessé de croître.

Protection de la famille

Un membre du Comité a cité des informations - tirées d'un rapport du Département d'État des États-Unis qui reprenait des chiffres de l'Unicef - selon lesquelles, en 1999, environ dix mille enfants âgés de 6 à 18 ans s'adonnaient à la prostitution au Chili.

La dernière étude en date sur l'exploitation sexuelle des enfants au Chili remonte à 2002, a indiqué la délégation; cette étude a révélé que trois mille enfants étaient ainsi exploités au Chili. Le Gouvernement a pris des mesures pour lutter contre ce phénomène, a fait valoir la délégation. Elle a précisé que la loi sanctionnant la pornographie infantile et la prostitution infantile va entrer en vigueur dans un proche avenir. La délégation a mis l'accent sur l'initiative visant à faire passer de 12 à 14 ans l'âge de consentement aux relations sexuelles.

En ce qui concerne la lutte contre la violence au foyer, la délégation a souligné que cette problématique a été incorporée à l'ordre du jour des pouvoirs publics qui ont considéré qu'il s'agissait d'un problème socioculturel exigeant essentiellement de mesures préventives. En 1994, après quatre années de débat parlementaire, l'actuelle loi sur la violence au foyer a été promulguée, a rappelé la délégation. Un projet d'amendement à cette loi est actuellement à l'étude qui vise à identifier la violence au foyer comme constituant un délit spécifique et à fixer les sanctions appropriées, a précisé la délégation.

Lutte contre la pauvreté

Un expert s'étant enquis des initiatives prises pour lutter contre la pauvreté, la délégation a rappelé qu'en 1990, près de 40% des familles vivaient en dessous du seuil de pauvreté; or ce nombre n'est aujourd'hui plus de que de 18,2%. Quant au nombre des personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté absolue, leur nombre stagne, a-t-elle précisé. Donc, s'il est vrai que le problème persiste, le Chili a enregistré un progrès certain dans la lutte contre ce phénomène, a souligné la délégation. Les principaux risques pesant sur les familles sont à cet égard la perte emploi, les catastrophes naturelles et la maladie, a affirmé la délégation. La mise en place d'un système d'assurance-chômage a constitué une importante mesure de protection des foyers, a ajouté la délégation.

«On ne surmonte pas la pauvreté avec un chèque mais avec l'intégration sociale», a poursuivi la délégation. À cet égard, elle a fait part de la mise en place du système de protection sociale Chile Solidario, dirigé par le Ministère de la planification et de la coopération, qui touche d'ores et déjà plus de 130 000 familles parmi les plus pauvres du pays.


Droit à l'éducation


S'agissant des questions d'éducation, la délégation a fait valoir les progrès enregistrés dans ce domaine au Chili puisque le pays connaît désormais un taux de scolarité de 100% dans le primaire. Le Chili continue néanmoins d'être confronté à des difficultés concernant la qualité de l'enseignement. Les collèges municipaux enregistrent de moins bons résultats que les écoles privées, a reconnu la délégation. Elle a expliqué que le pays compte quatre types d'établissements: les établissements municipaux; les établissements privés subventionnés par l'État; les établissements privés non subventionnés par l'État (et qui fonctionnent donc en percevant une contribution directe des parents); enfin, les écoles professionnelles, associées à certaines corporations (branches industrielles) et qui sont donc très liées au monde du travail.

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