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Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels auditionne la société civile sur la situation en Irlande au Chili en Ouganda
08 juin 2015
Comité des droits économiques,
sociaux et culturels
8 juin 2015
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a procédé ce matin à l'audition de représentants d'institutions nationales des droits de l'homme et d'organisations non gouvernementales concernant la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans les trois États dont les rapports doivent être examinés cette semaine, à savoir l'Irlande, le Chili et l'Ouganda.
S'agissant de l'Irlande, il a été souligné que le pays connaît une érosion des droits économiques, sociaux et culturels depuis 2008. L'austérité a porté un coup au système de protection sociale, en particulier du point de vue de la protection contre la discrimination, et les groupes vulnérables et défavorisés ont été les plus durement touchés. L'attention a en outre été attirée sur le problème de la pauvreté dans le monde du travail et sur la crise du logement. Une organisation non gouvernementale a par ailleurs plaidé pour l'abolition de l'hospitalisation involontaire dans les établissements de santé mentale. En outre, l'Irlande est l'un des seuls pays de l'Union européenne à ne toujours pas avoir ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées. L'Irlande ignore les droits des athées et des non-chrétiens, a fait observer une ONG. Une autre a dénoncé les discriminations dont souffrent les Gens du voyage. Plusieurs intervenants ont abordé la problématique de l'avortement dans ce pays.
S'agissant du Chili, l'attention a notamment été attirée sur les discriminations dont sont victimes les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres dans le système éducatif et sur le marché du travail. Ont également été soulignées les conséquences de la privatisation du système éducatif chilien. Un intervenant a fait observer que près de 40% des travailleurs au Chili ne bénéficient pas de la protection du code du travail. Une ONG a dénoncé les lois adoptées au Chili qui remettent en cause nombre de droits en matière d'accès à la terre et aux ressources, alors qu'une autre soulignait que la population autochtone au Chili était beaucoup plus pauvre que le reste de la population.
En ce qui concerne l'Ouganda, les interventions ont notamment porté sur la forte hausse du chômage et du sous-emploi, sur la faible disponibilité de l'eau et de l'assainissement, sur la situation des personnes qui souffrent de pénurie alimentaire, sur l'accaparement des terres et les expulsions forcées, ainsi que les lois discriminatoires à l'encontre des femmes, notamment en matière de mariage et d'héritage. La qualité de l'éducation a connu une baisse importante en Ouganda, a souligné une ONG, qui a dénoncé l'impact négatif de la privatisation rapide de l'éducation. Une ONG a plaidé pour la reconnaissance des communautés pastorales en tant que peuple autochtone. La loi contre l'homosexualité adoptée par l'Ouganda en 2014 a été dénoncée. Une oratrice a quant à elle fait part de sa préoccupation face au faible niveau d'enregistrement des naissances dans le pays.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'Irlande (E/C.12/IRL/3), qui se poursuivra demain matin.
Audition de la société civile
S'agissant de l'Irlande
La Commission irlandaise des droits de l'homme et de l'égalité a souligné que depuis 2008, l'Irlande a connu une érosion des droits économiques, sociaux et culturels protégés par le Pacte. Comme l'a fait remarquer le Rapporteur spécial sur la dette étrangère et les droits de l'homme, le fait d'avoir fait de la consolidation fiscale une priorité sans tenir compte des conséquences sur les droits de l'homme n'était pas conforme au Pacte. L'oratrice a ensuite attiré l'attention sur le problème de la pauvreté dans le monde du travail alors que 12% des travailleurs vivent en dessous du seuil de pauvreté. Elle a également attiré l'attention sur la situation des requérants d'asile qui attendent qu'une décision soit prise concernant leur statut. Un autre représentant de la Commission a déploré que l'Irlande n'ait toujours pas ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui restent confrontées à des barrières importantes en termes d'accès à leurs droits à la santé, à l'éducation, à l'emploi et au logement.
Une représentante des Free Legal Advice Centres a déploré l'opacité des processus budgétaires en Irlande. Elle a plaidé pour une intégration des principes du Pacte dans le droit interne. Elle a ensuite attiré l'attention sur l'écart salarial croissant qui existe entre les hommes et les femmes et s'est inquiétée du nombre croissant de jeunes qui ne travaillent pas, ni ne suivent une quelconque formation. En 2013, quelque 7,7% de la population irlandaise vivaient dans une situation de pauvreté constante. En outre, les dépenses dans les services de santé ont chuté de 16% entre 2009 et 2014. Un certain nombre de mesures prises par le Gouvernement durant la récession affectent par ailleurs négativement l'accès à une éducation de qualité et la disponibilité d'une telle éducation, a-t-elle en outre fait observer. Les enfants ayant des besoins particuliers sont confrontés à des obstacles particuliers.
L'austérité a porté un coup au système de protection sociale irlandais, en particulier du point de vue de la protection contre la discrimination, alors que les groupes vulnérables et défavorisés ont été les plus durement touchés, a pour sa part souligné Justice for Magdalenes Research. Elle a aussi évoqué la question des réparations à apporter aux survivantes des laveries Madeleine, victimes d'abus entre 1922 et 1996 et dont la moyenne d'âge approche aujourd'hui les 70 ans.
Threshold a insisté sur la crise du logement à laquelle est confrontée l'Irlande, alors qu'augmente considérablement le nombre de familles sans-abri. L'organisation a également attiré l'attention sur les conditions dans les établissements pour personnes handicapées.
Tallaght Trialogue a plaidé en faveur de l'abolition de l'hospitalisation involontaire dans les établissements de santé mentale. L'oratrice a rappelé que l'Irlande est l'un des trois seuls pays de l'Union européenne qui n'ont toujours pas ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées.
L'Irlande ignore les droits des athées et des non-chrétiens, a pour sa part affirmé Atheist Ireland. L'Irlande n'a toujours pas d'écoles non confessionnelles aux niveaux primaire et secondaire. Les écoles privées financées par l'État exigent parfois des certificats de baptêmes chrétiens pour admettre un enfant. L'ONG a souligné que de ce point de vue, la Constitution irlandaise elle-même n'est pas compatible avec le Pacte.
L'Irish Family Planning Association a rappelé que l'avortement en Irlande n'est autorisé que lorsque la vie de la femme enceinte est en danger; mais une procédure d'examen peut durer jusqu'à dix jours et impliquer trois médecins différents. Aucune référence n'est faite dans ce contexte au droit à la santé des femmes ni à leur droit à l'autonomie en matière de prise de décision. Le droit du fœtus à vivre a encore la priorité sur le droit à la santé de la femme enceinte.
L'organisation Family and Life a regretté que le Comité des droits de l'homme ait systématiquement critiqué l'Irlande pour ne pas avoir élargi les possibilités de recours à l'avortement dans ce pays et a déploré que la liste des points à traiter préparée par les membres du Comité des droits économiques, sociaux et culturels à l'intention de l'Irlande comprenne un point relatif à un prétendu droit à l'avortement, rappelant que le Pacte n'énonce pas un droit à l'avortement. Elle s'est demandé si le Comité était «habilité à réécrire le droit international».
Travellers ESC Rights a dénoncé les violations des droits économiques, sociaux et culturels des requérants d'asile en Irlande, soulignant que ces personnes se retrouvent, parfois durant sept ans, placées dans des centres communaux. Par ailleurs les Gens du voyage en Irlande souffrent de discriminations et ne sont pas reconnus comme une minorité ethnique.
S'agissant du Chili
La Corporación Opción a attiré l'attention sur les discriminations dont sont victimes les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres dans le système éducatif et sur le marché du travail au Chili. La diversité sexuelle des enfants et autres personnes n'est pas reconnue dans ce pays, a-t-on insisté, avant de plaider pour l'adoption du projet de loi soumis au Congrès le 7 mai 2013 et visant le respect de l'identité de genre.
La Global Initiative for ESC Rights a attiré l'attention sur les conséquences du rôle que les acteurs privés peuvent jouer au Chili en matière d'éducation, alors que le pays a largement privatisé son système éducatif. Le Chili, où 60% des enfants sont scolarisés dans le privé, est le pays le plus touché par la ségrégation scolaire sur la base de l'origine socio-économique des élèves, selon une étude de l'OCDE. Chacun doit se pencher sur les conséquences de la privatisation du système éducatif chilien alors que nombre de pays à travers le monde entendent s'inspirer de l'expérience chilienne.
L'Observatorio Ciudadano a souligné que près de 40% des travailleurs au Chili ne bénéficient pas de la protection du code du travail. L'organisation a ajouté que 90% des retraités du secteur privé perçoivent moins de 300 dollars. Elle dénonce les accords de libre-échange passés par le Chili qui protègent les investisseurs au détriment du cadre réglementaire étatique et qui ont été conclus sans consultation, notamment sans consultation des peuples autochtones. Il convient de veiller à ce que les traités de libre-échange conclus n'aient pas d'incidences négatives sur les droits économiques, sociaux et culturels.
L'Observatorio de Derechos de la Pueblos Indigenas a dénoncé les lois adoptées au Chili qui remettent en cause nombre de droits en matière d'accès à la terre et aux ressources. La population autochtone au Chili est beaucoup plus pauvre que le reste de la population, notamment dans les régions où vivent les Mapuche. En outre, le nombre d'autochtones pratiquant leur langue a diminué en raison des politiques publiques de l'État chilien.
S'agissant de l'Ouganda
La Coalition des droits économiques, sociaux et culturels en Ouganda a attiré l'attention sur la forte hausse du chômage et du sous-emploi en Ouganda et la faible disponibilité de l'eau et de l'assainissement dans le pays. L'Ouganda ne dispose toujours pas d'un ministère de la culture en tant que tel, a aussi souligné cet orateur.
Human Rights Network-Uganda a évoqué la problématique de l'alimentation en Ouganda, déplorant que la stratégie nationale d'alimentation, censée venir en aide aux personnes qui souffrent de pénurie alimentaire, n'ait toujours pas été approuvée par le Gouvernement. L'organisation a en outre dénoncé le projet de loi sur les ONG qui cherche à réduire l'espace de la société civile dans ce pays.
Un représentant de la communauté de Mubende a indiqué représenter 400 familles expulsées de force de quatre villages dans le district de Mubende pour laisser place à l'exploitation du café par une entreprise filiale du Neumann Kaffee Gruppe basé à Hambourg; ces familles ont été expulsées sans qu'aucune forme d'indemnisation ni aucune alternative de survie ne leur soit accordée.
La Global Initiative for ESC Rights a dénoncé l'accaparement des terres et expulsions forcées en Ouganda en violation de l'article 11 du Pacte et de nombreux autres droits. L'oratrice a également dénoncé les lois discriminatoires à l'encontre des femmes, notamment en matière de mariage et d'héritage.
L'Institute for Social and Economic Rights a souligné que la qualité de l'éducation en Ouganda a connu une baisse importante, comme l'État ougandais lui-même le reconnaît. L'oratrice a en outre insisté sur l'impact négatif de l'augmentation rapide de la privatisation de l'éducation, creusant les inégalités alors que riches et pauvres, urbains et ruraux ne sont pas en mesure d'accéder sur un pied d'égalité à l'éducation.
La Coalition of Pastoralist Civil Society Organisations a plaidé pour la reconnaissance des bergers (pasteurs) en Ouganda en tant que peuple autochtone. La définition que retient l'Ouganda de la notion de peuple autochtone n'est pas conforme au droit international des droits de l'homme et notamment à l'article 15 du Pacte.
La Commission internationale de juristes a dénoncé la loi contre l'homosexualité adoptée par l'Ouganda en 2014 qui, en pénalisant les comportements homosexuels, viole le principe de non-discrimination.
Franciscain International a fait part de sa préoccupation face au faible niveau d'enregistrement des naissances en Ouganda, où la loi sur l'enregistrement des naissances n'a pas changé depuis 1973. Sans acte de naissance, les enfants sont davantage vulnérables aux violations des droits de l'homme et sont notamment exposés aux mariages précoces, a souligné l'oratrice, avant de plaider pour un enregistrement gratuit et universel des naissances.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
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