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Communiqués de presse Organes conventionnels

LA DÉLÉGATION DU MAROC RÉPOND AUX QUESTIONS DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE

14 Novembre 2003



13 novembre 2003


Le Comité contre la torture a poursuivi cet après-midi son examen du troisième rapport périodique du Maroc, commencé hier matin. La délégation marocaine a répondu aux questions des membres du Comité en ce qui concerne, notamment, la définition de la torture, les cas de personnes disparues, les conditions de détention et le problème de surpopulation carcérale.

La délégation a également précisé le mode de fonctionnement de l'institution du médiateur ainsi que de l'instance d'arbitrage chargée des plaintes pour détention arbitraire et disparition forcée au cours des «années de plomb». Au sujet des disparitions forcées ou involontaires, la délégation a fait valoir sa coopération avec le Groupe de travail des Nations Unies sur cette question, qui a abouti à la clarification, à ce jour, de 133 cas sur 249 transmis par le Groupe de travail.

Le Maroc a par ailleurs donné des précisions sur les peines prononcées à la suite des événements de Laayoune en 1999 et de Smara en 2001, et indiqué que la Cour suprême a ouvert une enquête pour s'assurer que toutes les garanties procédurales ont été respectées dans le cadre de l'interpellation, de l'enquête et des poursuites engagées à la suite de l'attentat de Casablanca en mai dernier. La délégation a également fourni des informations sur les sanctions prononcées à l'égard d'officiers de police judiciaire pour recours à la violence, à la détention arbitraire ou à l'abus d'autorité et pour corruption.


À sa prochaine séance publique, demain à partir de 15 heures, le Comité entendra les réponses de la Lettonie aux questions qui lui ont été posées ce matin par les membres du Comité. Les conclusions et recommandations du Comité sur le rapport du Maroc seront présentées à la délégation marocaine le jeudi 20 novembre, à partir de 15 heures.


Réponses du Maroc


M. OMAR HILALE, Représentant permanent du Maroc auprès de l'Office des Nations Unies à Genève et chef de la délégation marocaine, a répondu aux questions posée hier par le rapporteur et la corapporteuse du Comité pour le rapport du Maroc, M. Guibril Camara et Mme Felice Gaer. Il a assuré qu'aucune question des membres du Comité ne sera éludée. Ce dialogue interactif entre le Maroc et le Comité consacre le choix stratégique du Maroc pour l'édification de l'État de droit et pour lutter contre la torture, a-t-il souligné, indiquant qu'il s'agit là d'une volonté irréversible des autorités marocaines. Il a souhaité néanmoins que les réponses soient remises dans le contexte propre du Maroc, qui lutte à la fois sur le front du développement économique, sur celui de l'édification de l'État de droit et de la démocratie ainsi que sur le front de la lutte contre le terrorisme. Il a réaffirmé avec force l'engagement du Maroc à extirper le crime odieux de la torture et à enraciner l'État de droit, mais a également fait appel aux encouragements, au soutien et à la compréhension des membres du Comité.

MME HYND AYOUBI, Directrice des relations internationales auprès du Ministère des droits de l'homme, a assuré que les recommandations du Comité seront dûment prises en compte et feront l'objet d'un chapitre particulier dans le prochain rapport qui sera soumis par le Maroc.

S'agissant de la définition de la torture, Mme Ayoubi a indiqué que le Maroc est engagé dans un vaste chantier de révision et d'harmonisation de ses lois avec les normes internationales, y compris pour ce qui est de lever ses réserves. Concernant l'alignement de la législation marocaine en matière de refoulement, elle a indiqué que la nouvelle loi sur la migration a permis d'intégrer la disposition de la Convention concernant l'expulsion. Pour ce qui est de la formation du personnel médical, elle a précisé que le Maroc est arrivé à la phase de généralisation de l'éducation aux droits de l'homme, travail effectué en collaboration avec le Haut Commissariat aux droits de l'homme. La prochaine étape vise des catégories professionnelles spécifiques qui recevront une formation axée plus particulièrement sur les normes qui les intéressent directement. Cet effort se fait en partenariat avec les organisations de la société civile, a-t-elle précisé.

En ce qui concerne les préoccupations exprimées au sujet des conditions de détention, Mme Ayoubi a expliqué que la catégorisation de «mineurs» fait référence à des jeunes de moins de 20 ans et pas nécessairement de moins de 18 ans. Elle a ajouté que des lieux de détention séparés existent pour les mineurs de moins e 18 ans. Elle a reconnu que le dépassement de la capacité carcérale est une préoccupation des autorités autant que des organisations non gouvernementales. Des efforts sont déployés pour y remédier, notamment par le biais de peines de substitution ou par la réintégration des mineurs dans leurs familles. Le désengorgement se fait également par le biais d'un très grand nombre de grâces royales et de réductions de peines. En outre, la construction d'une quinzaine de prisons et de centres de détention pour les jeunes est en cours.

À la question de savoir comment faire face aux violences en prison et en particulier aux violences sexuelles, la représentante marocaine a fait valoir les efforts déployés pour lutter notamment contre l'exploitation sexuelle des enfants. Au sujet d'informations sur un mineur de 17 ans victime de multiples viols en prison, Mme Ayoubi a indiqué qu'après des recherches, la personne dont il s'agit s'avère être âgée aujourd'hui de 38 ans et purge une peine de vingt ans pour meurtre.



Au sujet des événements de Laayoune en 1999, Mme Ayoubi a informé le Comité que les personnes interpellées lors desdits événements ont bénéficié d'une grâce royale en novembre 2001. Quant aux événements de Smara, en 2001, qui ont donné lieu à des infractions de droit commun, 16 personnes ont été poursuivies et 13 ont été inculpées, mais la plupart ont bénéficié d'une grâce ou d'une réduction de peine. Une seule personne, qui était en fuite et poursuivie pour incendie volontaire, a été condamnée à 18 mois de prison ferme.

M. HAMID BENHADDOU, Administrateur adjoint à la Direction des Relations internationales du Ministère marocain des droits de l'homme, a pour sa part donné des précisions sur les peines encourues par des subordonnés qui se livrent à des actes de torture sur l'ordre d'un supérieur. Il a également précisé les attributions du médiateur, le Diwan Al Madhalim, ainsi que les modalités de dépôt de plainte et de diligence des enquêtes par cet organe. Il a indiqué que le médiateur présente également des suggestions de portée générale au Premier ministre afin de corriger les défaillances et les dysfonctionnements des administrations qui font l'objet de plaintes.

S'agissant des allégations de disparitions forcées et involontaires, M. Benhaddou a rappelé les efforts de coopération avec le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires qui a débouché sur la clarification à ce jour de 133 cas sur les 249 transmis, dont 95 sont des personnes vivantes. Pour les cas en suspens, plusieurs raisons rendent leur élucidation difficile, a-t-il noté, notamment du fait de leur ancienneté mais aussi de la limitation des éléments d'identification et de la confusion entre les versions françaises, espagnoles et arabes des noms des personnes.

Au sujet des exactions commises par des officiers de police judiciaire, M. Benhaddou a énuméré les sanctions qui ont été prononcées contre une cinquantaine d'officiers depuis 1998 pour recours à la violence, à la détention arbitraire ou à l'abus d'autorité, et pour corruption. Répondant à une question sur l'indépendance de la Commission médicale, il a fait observer que les médecins sont sélectionnés sur des critères de compétence et doivent prêter serment devant le juge de première instance. Si une plainte est adressée au procureur ou au juge d'instruction, ceux-ci désignent immédiatement un ou plusieurs médecins pour expertise, le plaignant pouvant demander une contre expertise.

Un autre membre de la délégation, M. MOHIEDDINE AMZAZI, Gouverneur et Directeur des études et des analyses auprès du Ministère de l'intérieur, a pour sa part répondu aux questions relatives notamment à la loi contre le terrorisme. À cet égard, il a rappelé que le Maroc a déjà été la cible d'un attentat en août 1994 à Marrakech et que cette affaire a été élucidée dans des délais très brefs et dans le respect de toutes les garanties de procédure. Depuis et surtout après les attentats du 11 septembre, une constellation d'éléments a poussé le Gouvernement à déposer un projet de loi antiterroriste afin de disposer d'une législation ad hoc. Ce projet a cristallisé l'opposition de plusieurs organisations non gouvernementales et associations qui ont néanmoins participé à sa révision par le Parlement dans le but de préciser et sauvegarder les garanties de droit. Cette loi traite de la définition de l'entreprise terroriste, des modalités procédurales, des compétences et du financement. Au sujet de la garde à vue, M. Amzazi a précisé que les mêmes règles de garanties et de procédure s'appliquent qu'en droit commun.

En réponse à une question relative à de possibles recours excessifs à la force par les forces de l'ordre à l'encontre des auteurs des attentats du 16 mai, M. Amzazi a indiqué que la loi a été promulguée après cette date et qu'elle n'est pas rétroactive. En outre, une enquête de la Cour suprême est en cours pour s'assurer que toutes les garanties procédurales ont été respectées.

M. Amzazi a par ailleurs expliqué le fonctionnement de l'instance d'arbitrage chargée des plaintes pour détention arbitraire et disparition forcée au cours des «années de plomb», précisant que cette instance a pour but d'enquêter et de déterminer les indemnisations mais non de porter les affaires devant la justice. En outre, chaque fois qu'elle a été convaincue qu'une personne a été exposée à des actes de torture, l'instance d'arbitrage a considéré qu'il s'agissait d'une détention arbitraire. Au sujet des recours contre les décisions de l'instance d'arbitrage, M. Amzazi a reconnu que le choix de l'arbitrage a plusieurs avantages, notamment celui de favoriser une procédure contradictoire, gratuite et donnant toutes les garanties de représentation, mais qu'il a comme inconvénient majeur de ne pas être susceptible de recours. Il a précisé que cela n'empêche pas les victimes de poursuivre les auteurs des violations en justice par ailleurs. Aujourd'hui, l'instance s'est prononcée sur 5 400 demandes et a indemnisé environ 4 500 personnes. Une nouvelle instance nommée «équité et réconciliation» a été créée pour poursuivre le travail d'établissement de la vérité, de réhabilitation, de réinsertion et d'indemnisation des victimes de violations des droits de l'homme.

En réponse à une question sur les règles relatives à la prescription, M. Amzazi a indiqué que ce sont les règles de prescription normales qui s'appliquent s'agissant des plaintes pour détention arbitraire et disparition forcée, mais a reconnu qu'il serait souhaitable que pour de tels crimes d'autres règles s'appliquent. Il a par ailleurs précisé que l'instance d'arbitrage n'a pas vocation à enquêter mais avant tout à offrir un espace d'expression libre et de se prononcer sur l'indemnisation des personnes sur la seule base de la catégorisation de la détention comme arbitraire

En réponse à une question sur la compétence universelle des tribunaux dans les cas de torture, M. Amzazi a reconnu qu'en l'état de la législation, aucun tribunal marocain ne peut juger un étranger pour un délit commis hors du territoire national sauf dans le cas d'atteinte à la sûreté de l'État marocain. Toutefois, il a estimé que la jurisprudence peut évoluer et qu'il y a place pour une interprétation moins stricte des règles de compétence.

En réponse à une question sur les lieux de détention administrés par la Direction de la surveillance du territoire (DST), la délégation marocaine a indiqué qu'une réponse circonstanciée sera fournie par écrit. Elle a toutefois indiqué que la DST n'est pas un organisme de police judiciaire mais un organe de renseignement. À ce titre, la DST ne peut disposer de geôles, a précisé la délégation.

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