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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DU PORTUGAL

21 Juillet 2003


21 juillet 2003






Le Comité des droits de l'homme a achevé cet après-midi l'examen du rapport du Portugal sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, ses observations finales sur le rapport du Portugal, qui seront rendus publiques à la clôture de la session, le 8 août prochain.

Présentant ce matin le rapport de son pays, M. José Caetano da Costa Pereira, Représentant permanent du Portugal auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a souligné les importants progrès réalisés par son pays dans la promotion des droits de l'homme et a appelé de ses vœux l'instauration d'un dialogue constructif avec le Comité. Au cours de l'examen du rapport, la délégation a pu attirer l'attention du Comité sur nombre de réformes accomplies dans des domaines tels que le principe du secret professionnel s'agissant des journalistes, des médecins et des avocats, le droit des étrangers, ou encore le droit pénal. Elle a notamment souligné que désormais, les incapacités politiques ne sont plus applicables aux criminels. Elle a par ailleurs informé le Comité qu'une commission prépare actuellement une loi cadre sur la réforme du système pénitentiaire qui sera transmise au Parlement dans les six prochains mois.

L'importante délégation portugaise est dirigée par Mme Joana Gomes Ferreira, Directeur du Cabinet de Documentation et de droit comparé au Cabinet du procureur général de la République. Elle est également accompagnée de M. Paulo Marrecas Ferreira, Membre du Cabinet du Procureur général de la République; de M. João Figueiredo, Assessseur juridique au Haut-Commissariat à l'immigration et aux minorités ethniques; M. Rui Simões, Sous-Directeur général du Bureau de Politique Législative du Ministère de la Justice, M. José Manuel Ribeiro de Almeida, Inspecteur supérieur principal à l'Inspection générale de l'Administration intérieure; de M. Mario Pedro, du Cabinet juridique du Service des étrangers et des douanes; de Mme Maria José Matos, Sous-Directeur général à la Direction générale des Services pénitentiaires; ainsi que de M. Luis Faro Ramos, conseiller à la Mission permanente du Portugal à Genève.

Présentant des observations préliminaires sur le rapport du Portugal, le Président du Comité, M. Abdelfattah Amor a salué l'esprit de sérieux avec lequel le Portugal se saisit de la question des droits de l'homme et a salué l'action soutenue du pays pour faire en sorte que la démocratie et les droits de l'homme deviennent des réalités palpables. M. Amor a toutefois regretté que certaines questions n'aient pas été traitées de manière plus approfondie, particulièrement celle de la communauté rom, ainsi que la condition d'étranger au Portugal. M. Amor a par ailleurs regretté que peu d'informations aient été fournies par la délégation concernant la condition des femmes au Portugal. Sur la question des conditions de détention, M. Amor a souligné qu'il ressort des réponses apportées par la délégation que la mise au secret pour une période de 8 jours ne soit apparemment pas entourée de garanties particulières.


Le Comité des droits de l'homme se réunira de nouveau demain à 10 heures en séance privée afin de poursuivre l'examen de communications émanant de particuliers et faisant état de violations des droits de l'homme reconnus par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La prochaine séance publique du Comité aura lieu demain après-midi à 15 heures, pour procéder à l'examen du rapport d'El Salvador (CCPR/C/SLV/2002/3).


Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. JOSÉ CAETANO DA COSTA PEREIRA, Représentant permanent du Portugal auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a souligné les importants progrès réalisés par son pays en ce qui concerne la promotion des droits de l'homme. Il a assuré les membres du Comité de la volonté de son pays de conduire un dialogue constructif. Il a en outre félicité le Comité pour les efforts qu'il mène pour préciser et clarifier le contenu des règles relatives aux droits de l'homme.

MME JOANA GOMES FERREIRA, Directrice du Cabinet de Documentation et droit Comparé au Cabinet du Procureur général de la République, qui dirige la délégation portugaise, a déclaré que son pays s'efforce de procéder à une application concrète des principes consacrés par le Pacte international relatif aux droits de l'homme. Elle a souligné qu'au cours de ces dernières années, un grand nombre de textes législatifs ont été promulgués en vue d'améliorer les conditions de vie et la jouissance de leurs droits civils et politiques par les citoyens portugais. Elle a également souligné que la Constitution a été révisée à deux reprises et que le Code pénal a été amendé afin de mettre l'accent sur les crimes contre les personnes. La représentante a également informé le Comité des réformes opérées en matière de planning familial ainsi que des mesures visant à lutter contre les pesanteurs du système judiciaire. Enfin, la représentante a évoqué les réformes apportées au régime juridique de l'expulsion des étrangers.

Le troisième rapport périodique du Portugal (CCPR/C/PRT/2002/3) souligne que ce pays reconnaît la primauté du droit international sur la législation interne. L'ordre juridique est unique et les normes et les principes du droit international général ou commun sont parties du droit portugais. Les normes émanant des organes compétents et des organisations internationales dont le Portugal est partie valent directement dans l'ordre interne pourvu que cela se trouve établi dans les traités constitutifs respectifs. Le rapport précise en outre que la loi 1/99 du 13 janvier 1999 relative au statut de journaliste établit que, sans préjudice des règles de procédure pénale applicables, les journalistes ne sont pas obligés à révéler leurs sources d'information, leur silence n'étant passible d'aucune sanction.

Le rapport portugais souligne également que l'avortement est, d'une façon générale, puni au Portugal d'une peine allant de deux ans à huit ans de prison pour celui qui fera avorter une femme. Pour la femme qui se fera avorter, la peine ira jusqu'à trois ans de prison. Le rapport précise qu'un référendum dont l'objectif était d'éliminer les restrictions actuelles à l'avortement a eu lieu en juin 1998. L'option de la population portugaise a été de refuser l'élargissement des possibilités d'avortement, par 49, 8% contre 50, 9%.


Examen du rapport du Portugal

La délégation portugaise, répondant aux questions posées par les membres du Comité, a déclaré que l'expulsion des étrangers condamnés pour certaines catégories de crimes ne peut être prononcée qu'à la lumière de circonstances particulières. Si une personne étrangère est reconnue coupable d'une infraction, elle ne sera donc pas expulsée du territoire national de façon automatique. L'expulsion d'un étranger est soumise à l'appréciation par le juge compétent de certains critères relatifs à la situation de la personne mise en cause. Ainsi, le juge doit-il tenir compte de son intégration dans la vie sociale et de la durée de sa résidence sur le territoire portugais. La délégation a en outre souligné l'existence de dispositions interdisant l'expulsion des étrangers, ce qui permet de protéger leur droit à mener une vie familiale normale. Répondant aux inquiétudes du Comité, la délégation a affirmé qu'il n'existe pas, dans le droit portugais, de dispositions portant atteinte au droit à une vie familiale normale.

Par ailleurs, la délégation a assuré que la question de la discrimination raciale a fait l'objet d'une attention particulière de la part du Gouvernement, qui a fait adopter une loi exhaustive sur ce sujet. La délégation a évoqué l'action du Haut Commissariat pour l'immigration et les minorités ethniques, compétent pour agir sur tout le territoire national. Cette entité préside au «Groupe de travail pour l'égalité et l'insertion des gitans» dont le but principal est de procéder à la définition des principales difficultés de réinsertion de la communauté gitane (40 000 citoyens environ) dans la société portugaise. L'idée étant de mieux connaître leurs problèmes pour mieux agir. La délégation a ainsi énuméré toute une série de mesures concrètes destinées à promouvoir l'intégration de la communauté, notamment aux plans de l'emploi et de l'éducation. La délégation a par ailleurs précisé que la législation portugaise a prévu un certain nombre de discriminations positives au bénéfice des gitans. Elle a également précisé que pour mieux combattre les discriminations perpétrées à l'encontre des minorités, des renversements de la charge de la preuve ont été opérés, notamment en cas de violences alléguées.

S'agissant du décès en garde à vue de Paulo Antonio Pereira da Silva, mentionnée par des membres du Comité, la délégation a souligné que neuf procès disciplinaires ont été intentés à l'encontre d'un sous-chef et de huit agents de police de la Sécurité publique. Toutefois, a précisé la délégation, l'Inspection générale de l'Administration interne a décidé de suspendre les procès disciplinaires en attendant la décision pénale. Les investigations sont donc toujours en cours mais les preuves de la responsabilité des agents de police n'ont toujours pas pu être rassemblées. S'agissant de Manuel Antonio Tavares Pereira, dont le décès a eu lieu en 2002, un procès disciplinaire a été intenté contre un agent de la police de la Sécurité publique et une peine de 225 jours de suspension a été décidée. L'affaire est également pendante devant le tribunal de Sétubal pour homicide volontaire. De manière plus générale, la délégation portugaise a déclaré que la Direction générale des Services pénitentiaires est particulièrement attachée à lutter contre les abus commis par le personnel pénitentiaire. L'accent a été placé sur la formation du personnel à la déontologie, à la psychologie et aux droits de l'homme.

En ce qui concerne un incident au cours duquel la police est intervenue pour contrôler un groupe de manifestants brésiliens qui célébraient la victoire de leur pays dans le championnat du monde de football, une enquête a été diligentée par le Ministère public, qui a pu établir que l'utilisation de la force physique n'a eu lieu qu'en dernier recours, après épuisement des autres mesures, et qu'elle était proportionnée à la nature des circonstances.

S'agissant de la durée de la détention préventive, la délégation a indiqué que sur un total de 14 226 personnes détenues, 4236 sont en détention provisoire ce qui équivaut à 29, 7% de la population carcérale. Elle a précisé qu'en 2001, 94% des détenus en préventive ont été condamnés à une peine effective. La délégation a par ailleurs souligné qu'aux termes de la nouvelle législation, toute personne ayant subi une détention préventive illégale peut demander une indemnisation sans qu'il soit exigé, comme c'était le cas auparavant, que la privation de liberté cause des dommages anormaux et de particulière gravité. La délégation a déclaré qu'en 2001, sur une population de 2501 prévenus, 40 étaient détenus pour moins d'un mois, 736 pour une durée de 1 à 6 mois, 1197 entre 6 et 12 mois et 528 pour plus de 12 mois.

Après avoir précisé la définition juridique du terrorisme, la délégation portugaise a fait remarquer que ces 15 dernières années, il n'y pas eu de condamnation pénale fondée sur le crime de terrorisme.

La délégation portugaise a par ailleurs souligné la mise en œuvre d'un Plan d'action visant à réduire la population carcérale qui commence à porter ses fruits puisque le taux de surpopulation est passé de plus de 50% à 22%. La délégation a en outre déclaré que la santé de la population carcérale constitue l'un des principaux problèmes auxquels le système pénitentiaire doit faire face. Dans ce domaine, outre l'existence d'un hôpital pénitentiaire, des campagnes d'informations sur la drogue, le sida, l'hépatite et plus généralement sur l'adoption de modes de vie sains ont été mises en œuvre au bénéfice des détenus.

La délégation a assuré que la législation protège le droit au secret professionnel des médecins et des avocats. Toutefois, le tribunal compétent peut ordonner la levée du secret professionnel des avocats ou des médecins après audition de l'organisme représentatif de la profession concerné chaque fois que la présentation d'un témoignage ou d'un document se montrent justifiés eu égard aux normes et aux principes pénaux. De tels cas sont extrêmement rares en pratique, a souligné la délégation.

La délégation a indiqué que, dans les cas où les dispositions pénales en vigueur au moment de la réalisation d'une infraction par un agent de l'État sont différentes de celles qui ont été établies par des lois postérieures, c'est le régime le plus favorable qui s'applique, sauf si le fonctionnaire a déjà fait l'objet d'une décision ayant acquis la force de chose jugée.

La délégation portugaise a d'autre part fait valoir que, par une décision de 1993, la Cour constitutionnelle a invalidé les dispositions qui avaient pour effet de priver du droit de vote les criminels condamnés à des peines privatives de liberté. Les incapacités politiques ne viennent donc plus s'ajouter de façon systématique aux peines prononcées à l'encontre des criminels.

Répondant à des questions sur le droit à l'avortement, la délégation a expliqué que les pouvoirs publics ne disposent pas de statistiques sur l'origine sociale des femmes concernées par cette pratique, frappée d'une interdiction de principe par la loi. La délégation a toutefois précisé qu'aucun cas de décès intervenu à la suite d'avortements clandestins n'a été constaté au cours de ces quatre dernières années. Le dernier cas recensé date de 1998. Par ailleurs, a précisé la délégation, selon la direction générale de la santé, 83 % des hôpitaux disposent d'une consultation en matière de planning familial.

La délégation portugaise a affirmé que le système judiciaire portugais est doté d'une institution équivalente à celle du «juge des libertés» français, garant des libertés individuelles. Il existe ainsi une séparation fonctionnelle entre le magistrat du parquet sous la responsabilité duquel est menée l'enquête et le magistrat compétent pour décider d'une peine privative de liberté. Le juge qui mène les investigations n'est donc pas celui qui peut prononcer une mise en détention.

Plusieurs experts s'étant interrogés sur les garanties de protection entourant la mise au secret d'un détenu, acte selon eux d'une particulière gravité, la délégation portugaise a énuméré les multiples recours à la disposition des intéressés.

Par ailleurs, a précisé la délégation, le détenu placé au secret en vertu d'une sanction disciplinaire fait l'objet d'un suivi médical quotidien. Même lorsqu'ils se trouvent placés dans les cellules disciplinaires, les détenus peuvent recevoir leurs familles et entretenir des relations avec leurs avocats. La délégation a par ailleurs informé le Comité qu'une commission d'étude et de débat sur la réforme du système pénitentiaire a été instituée par le Gouvernement. Cette commission devra tracer les grandes lignes d'une loi-cadre qui sera soumise au Parlement dans les six mois.

La délégation a déclaré que la loi portugaise ne fait pas de l'enregistrement une condition de l'exercice de la liberté religieuse. Une église qui ne serait pas enregistrée pourrait fort bien organiser des cérémonies religieuses publiques ou privées.

Répondant aux questions de membres du Comité, la délégation a assuré que le régime des interceptions téléphoniques est placé sous la protection de l'autorité judiciaire. Une interception ne peut donc être menée à bien que sur la demande d'un magistrat. Le résultat de l'interception doit être immédiatement communiqué au juge qui en a fait la demande. Toute interception dont le résultat ne serait pas utile à l'enquête judiciaire doit être détruite.

À la demande d'un expert, la délégation a affirmé qu'il existe bien au Portugal un régime d'aide juridictionnelle, tant au civil qu'au pénal, qui consiste en une prise en charge des frais liés aux honoraires des avocats et aux dépenses de procédure.


Observations préliminaires du Président sur le rapport du Portugal

Présentant des observations préliminaires sur le rapport du Portugal, le Président du Comité, M. Abdelfattah Amor a salué l'esprit de sérieux avec lequel le Portugal se saisit de la question des droits de l'homme. Il y a indéniablement dans ce pays, a-t-il affirmé, une action soutenue pour faire en sorte que la démocratie et les droits de l'homme deviennent des réalités palpables. M. Amor a toutefois regretté que certaines questions n'aient pas été traitées de manière plus approfondie, particulièrement celle de la communauté rom, ainsi que celle de la condition d'étranger au Portugal. M. Amor a par ailleurs regretté que peu d'informations aient été données par la délégation concernant la condition des femmes au Portugal. Sur la question des conditions de détention, M. Amor a noté qu'il ressort des réponses apportées par la délégation que la mise au secret pour une période de 8 jours ne soit apparemment pas entourée de garanties particulières. M. Amor a indiqué qu'à la lueur de faits survenus récemment dans les prisons portugaises, il semblait nécessaire d'assurer la formation des agents de la force publique et des services pénitentiaires aux questions relatives aux droits de l'homme.

Le Président a également souligné le manque d'informations de la part de délégation sur les dispositions prises par le Portugal pour lutter contre le terrorisme tout en respectant les dispositions du Pacte. S'agissant des réponses qui n'ont pas pu être apportées aujourd'hui, le Président a rappelé que la délégation dispose d'un délai de trois jours pour fournir des éléments de réponse.

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