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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DU YÉMEN

17 Novembre 2003



17 novembre 2003



Le Comité contre la torture a entamé ce matin l'examen du rapport initial du Yémen sur les mesures adoptées par ce pays en vue de mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, le chef de la délégation yéménite, M. Mohamed Al Fisail, Vice Vice-Ministre des affaires juridiques du Yémen, a indiqué que depuis son adhésion à la Convention contre la torture en 1991, le Yémen a révisé son cadre constitutionnel et législatif afin de se conformer aux dispositions de la Convention. Ainsi, la torture sous toutes ses formes est interdite et constitue un crime très grave; la nature criminelle de ces actes n'est pas limitée à la personne qui les commet mais s'étend à tout complice et même à la personne qui en serait l'instigateur; ce crime n'est pas soumis à prescription et n'est pas limité dans le temps. En outre, les preuves ou confessions obtenues par la torture sont automatiquement invalidées et le droit à une indemnisation équitable est un droit garantit en toutes circonstances, a fait valoir M. Al Fisail.

Le chef de la délégation yéménite a assuré que son gouvernement traite avec un sens aigu des responsabilités toute allégation d'actes de torture ou de mauvais traitement. Des enquêtes sont menées et des sanctions sont prises. Personne ne peut bénéficier d'une quelconque impunité en cas de torture, a-assuré M. Al Fisail. Le Gouvernement du Yémen ne peut prétendre que son expérience démocratique encore nouvelle ne puisse connaître des imperfections, mais les violations demeurent isolées et ne peuvent être considérées comme une pratique généralisée, a assuré le Vice-Ministre.

Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport du Yémen, M. Peter Thomas Burns, qui est également Président du Comité, s'est dit impressionné par les initiatives législatives prises par le Gouvernement yéménite qui tendent à faire penser que le Yémen prend très au sérieux ses obligations en matière de droits de l'homme. Il a toutefois souligné que, malgré l'existence d'un cadre général conforme, il importe de vérifier cette conformité sur le terrain et dans la pratique. M. Burns s'est interrogé sur le système d'administration de la justice et sur la structure des prisons. Il s'est également interrogé sur la compatibilité avec les dispositions de la Convention de certaines punitions découlant de la charia, telles que la lapidation, la flagellation ou l'amputation ainsi que sur le maintien de la peine de mort et surtout d'exécutions publiques. M. Burns a relevé les procédures modernes en matière d'arrestation. Toutefois, il s'est inquiété du fait que ces procédures ne semblent pas être respectées en pratique, en particulier par les forces chargées de l'ordre politique.

M. Andreas Mavrommatis, corapporteur du Comité pour le rapport du Yémen, a pour sa part insisté sur l'importance de maintenir le respect des normes des droits de l'homme dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Il s'est en outre interrogé sur la façon dont la torture et les traitements cruels sont traités dans l'enseignement et dans les formations destinées aux forces de police, en particulier sur l'inadmissibilité des preuves obtenues sous la torture ou les mauvais traitements.

D'autres membres du Comité se sont par ailleurs interrogés sur le système pénitentiaire et sur les conditions de détention, en particulier des mineurs. À cet égard, l'âge très bas de la responsabilité civile, le manque de structures de réhabilitation et l'absence de centres de détention pour femmes mineures, ont suscité des préoccupations. Plusieurs questions ont en outre été posées sur la situation des femmes en prison.

La délégation yéménite était également composée de représentants du Ministère des droits de l'homme et de la Mission permanente auprès des Nations Unies à Genève.


Le Comité reprendra ses travaux cet après-midi, à partir de 15 heures, pour entamer l'examen du rapport initial de la Lituanie. Il entendra les réponses du Yémen demain, à partir de 15 heures.


Présentation du Rapport

M. MOHAMED AL FISAIL, Vice Ministre des affaires juridiques et chef de la délégation yéménite, a donné un aperçu général sur l'évolution de la situation au Yémen depuis son adhésion à la Convention contre la torture en 1991. À cette époque, le Yémen a révisé son cadre constitutionnel et législatif afin de se conformer aux dispositions de la Convention conformément à l'engagement du pays de mettre en œuvre les instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme, a-t-il indiqué, ajoutant que le Gouvernement attache la plus grande importance aux droits de l'homme et ce à plusieurs niveaux. Il a évoqué la création d'un ministère spécialisé pour les droits de l'homme dont le but consiste à veiller au respect et à la promotion des droits de l'homme, ainsi qu'au renforcement des mécanismes de surveillance. Ce ministère reçoit les plaintes et les traite avec les ministères compétents. Pour ce qui est du cadre législatif du Yémen s'agissant de la question de la torture, M. Al Fisail a fait valoir que la torture sous toutes ses formes est interdite et constitue un crime très grave. La nature criminelle de ces actes n'est pas limitée à la personne qui les commet mais s'étend à tout complice et même à la personne qui en serait l'instigateur. Ce crime n'est pas soumis à prescription et n'est pas limité dans le temps. En outre, les preuves ou confessions obtenues par la torture sont automatiquement invalidées et le droit à une indemnisation équitable est un droit garantit en toutes circonstances, a précisé le Vice-Ministre.

Le Gouvernement du Yémen fait des efforts pour assurer l'application des mesures d'interdiction et de prévention de la torture et protéger la société de tout danger lié à la torture. M. Al Fisail a ajouté que son gouvernement traite avec un sens aigu des responsabilités toute allégation d'actes de torture ou de mauvais traitement d'un citoyen. Des enquêtes sont menées et des sanctions sont prises. La lutte contre la torture passe également par la diffusion de brochures et de publications sur les droits et libertés des citoyens ainsi que par l'introduction de ces notions dans l'enseignement et dans la formation des forces de l'ordre. Chaque année, des séminaires sont organisés pour les fonctionnaires chargés de la mise en œuvre et de la protection de ces droits et libertés et des efforts sont également déployés pour accroître la prise de conscience de l'ensemble de la population s'agissant des droits de l'homme. Le Gouvernement attache par ailleurs une grande importance à la réforme et à la consolidation du système législatif en tant que meilleur garant du respect des droits de la personne. Il assure en outre une surveillance étroite de la situation dans les prisons afin d'améliorer les conditions de détention; des organismes de surveillance effectuent des visites régulières dans les prisons, a indiqué M.Al Fisail.

En ce qui concerne des situations de violations portées à sa connaissance, le Gouvernement s'efforce de les corriger. Mais le Gouvernement du Yémen ne peut prétendre que son expérience démocratique encore nouvelle ne puisse connaître des imperfections et que des violations ne puissent être commises. Toutefois, les violations demeurent isolées et ne peuvent être considérées comme une pratique généralisée, a déclaré M. Al Fisail. Personne ne peut bénéficier d'une quelconque impunité en cas de torture, a-t-il affirmé pour conclure.

Le rapport initial du Yémen (CAT/C/16/Add.10) indique que la République du Yémen ne s'est pas contentée de signer et de ratifier les différentes conventions internationales relatives aux droits de l'homme; elle a en outre incorporé dans diverses lois les prescriptions de ces conventions et traités internationaux et elle a inscrit des dispositions à cet effet dans la Constitution et dans d'autres lois et textes normatifs. Le Yémen a pris des mesures administratives, législatives et judiciaires pour protéger et garantir pleinement et efficacement les droits de l'homme en confiant aux organes du pouvoir judiciaire (parquet et tribunaux, à leurs différents degrés de juridiction) la responsabilité de les préserver et de les protéger. Il offre donc, par les diverses dispositions de sa Constitution et ses lois, les meilleures garanties possibles en matière de protection des droits de l'homme. Le Yémen fait pratiquement figure de pionnier dans ce domaine parmi les pays de la région, note le rapport. En outre, il veille à ce que toute atteinte à ces droits donne lieu à une enquête, à une information judiciaire et à des poursuites.

L'une des mesures les plus importantes prises par le Yémen a été la mise en place d'un haut comité national des droits de l'homme, souligne le rapport. Il revient notamment au Haut Comité d'établir et de soumettre promptement les rapports demandés par les organisations internationales, tel le présent rapport. Le rapport note en outre que les principaux mécanismes et mesures qui ont été mis en place dans la perspective de la mise en œuvre de la Convention s'articulent autour des textes suivants: Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus; Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement; Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; Code de conduite pour les responsables de l'application des lois; Principes d'éthique médicale applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.


Discussion

M. PETER THOMAS BURNS, rapporteur du Comité pour le rapport du Yémen, s'est dit impressionné par les initiatives législatives prises par le Gouvernement yéménite et, tout particulièrement, par la création du Ministère des droits de l'homme mais aussi par le fait qu'une partie du Gouvernement a créé un comité de très haut niveau qui travaille sur les questions des droits de l'homme, ce qui tend à faire penser que le Yémen prend très au sérieux ses obligations en matière de droits de l'homme. Il a toutefois souligné que le rapport initial a près de dix ans de retard et que sa présentation ne permet pas toujours de se faire une idée de la mise en œuvre pratique des dispositions de la Convention. Il a souligné la «dichotomie cartésienne» entre ce qui est et ce qui devrait être; malgré l'existence d'un cadre général conforme, il importe de vérifier cette conformité sur le terrain et dans la pratique, a souligné le Président du Comité, sur la base, a-t-il précisé, d'informations fournies par des organisations non gouvernementales.

M. Burns s'est interrogé sur le système d'administration de la justice et en particulier sur les modalités de nomination et de démission des juges et leur indépendance. Il s'est également interrogé sur la structure des prisons et sur l'existence de différents types de prison. Il a demandé si des tribunaux d'exception existent et s'il existe une voie pour interpeller un juge supérieur sur l'habeas corpus.

M. Burns a noté que la torture est bien interdite par la législation yéménite, mais il s'est interrogé sur la définition de la torture figurant dans Constitution yéménite ainsi que sur la façon dont la Convention se traduit dans le droit interne. Il s'est également interrogé sur la compatibilité avec la Convention de certaines punitions découlant de la charia (loi islamique) telles que la lapidation, la flagellation ou l'amputation, ainsi que sur le maintien de la peine de mort et surtout d'exécutions publiques. Au sujet de la flagellation, il a demandé comment celle-ci se passe exactement, quelle est la nature de cette flagellation et comment on peut considérer qu'elle n'enfreint pas la Convention. Il a souhaité de même savoir comment sont exécutées les amputations. Il a demandé des statistiques sur le nombre de peines de ce genre prononcées et exécutées. M. Burns a en outre demandé comment, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, l'État s'assure du respect de l'interdiction de la torture. À cet égard, il a évoqué certaines plaintes pour mauvais traitements ou torture qui auraient été pratiqués notamment lors d'interrogatoires. S'agissant des procédures d'arrestation, M. Burns a salué le fait qu'elles répondent à des normes modernes et qu'elles fournissent des garanties. Toutefois, il s'est interrogé sur les informations concordantes indiquant que ces procédures ne sont pas appliquées ni respectées en pratique, en particulier par les forces chargées de l'ordre public.

M. Burns a également exprimé sa préoccupation face à la détention en isolement et à la détention au secret, en particulier de prisonniers politiques. Il a aussi demandé quelles enquêtes et avec quels résultats et quelles sanctions, ont été menées suite aux nombreuses accusations de brutalités policières lors des arrestations après l'attentat contre le navire américain USS COLE en 2000. Il a également demandé quel est le processus utilisé pour s'assurer que les personnes ne soient pas extradées vers des pays où elles risquent d'être torturées. À cet égard, il a demandé avec quels pays le Yémen a signé des traités d'extradition ont été. Il a par ailleurs demandé des exemples de plaintes déposées contre des officiers de police et en particulier la police politique dont beaucoup d'organisations non gouvernementales indiquent qu'ils bénéficient d'une large impunité. M. Burns s'est interrogé sur le fait que certaines femmes puissent rester en prison si elles n'ont pas de parents mâles pour les accueillir à leur sortie. Il s'est en outre interrogé sur le rôle des chefs tribaux et sur l'autorité de l'État par rapport à ceux-ci. L'enlèvement et la prise d'otages semblent en outre être une façon traditionnelle de traiter avec l'État, a relevé M. Burns qui a demandé ce que les autorités font à cet égard.


M. ANDREAS MAVROMMATIS, corapporteur du Comité pour le rapport du Yémen, a pour sa part insisté sur l'importance de maintenir le respect des normes des droits de l'homme dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Il s'est en outre interrogé sur la façon dont la torture et les traitements cruels sont traités dans l'enseignement et les formations destinées aux forces de police, en particulier s'agissant de l'inadmissibilité des preuves obtenues de cette façon. Il a également demandé des précisions sur la responsabilité des auteurs de torture ayant agit sur l'ordre d'un supérieur ainsi que sur l'existence de formations du corps médical afin de reconnaître les signes de torture. Revenant sur les procédures d'arrestation, il s'est interrogé sur l'existence d'un registre central des détenus et sur l'accès des prévenus à un avocat dans des délais raisonnables. Il a par ailleurs demandé des compléments d'information sur les visites dans les prisons ainsi que sur les garanties d'indépendance des enquêtes menées à la suite de plaintes pour torture ou mauvais traitements. Il a également demandé des précisions sur les modalités d'octroi des indemnisations. S'agissant du Comité national des droits de l'homme, il a estimé qu'il devrait être composé de personnes qui ne sont pas liées au gouvernement et suggéré l'institution d'un ombudsman. Il a par ailleurs demandé ce qui a été fait pour assurer une publicité au Comité national des droits de l'homme et à ses activités ainsi que pour accroître la participation des organisations non gouvernementales.

D'autres membres du Comité se sont interrogés sur le système pénitentiaire, sur le nombre de prisons et l'état de la population pénitentiaire ainsi que sur les conditions de détention, en particulier des mineurs. À cet égard, l'âge très bas de responsabilité civile, le manque de structure de réhabilitation et l'absence de centres de détention pour femmes mineures, ont suscité des préoccupations. Plusieurs questions ont en outre été posées sur la situation des femmes en prison et sur la possibilité qui leur est offerte de porter plainte ainsi que sur la nature des charges «morales» qui peuvent peser sur elles. D'autres se sont plus spécifiquement concentrées sur les traitements cruels ou dégradants et en particulier l'exhibition des condamnés sur la place publique. Certains membres du Comité ont par ailleurs posé des questions sur des cas spécifiques d'allégations de mauvais traitements et sur des personnes ayant pu être extradées vers des pays où elles risquent d'être maltraitées.

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