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Communiqués de presse Organes conventionnels

DES EFFORTS SONT EN COURS POUR AMELIORER LA CONDITION DE LA FEMME ET LA REPRESENTATION POLITIQUE DES MINORITES EN CROATIE

29 Mars 2001



Comité des droits de l'homme
Soixante et onzième session
29 mars 2001
1914e séance - matin et après-midi
 
 
Le Comité des droits de l'homme termine l'examen du rapport de la Croatie
 
 
Le Comité des droits de l’homme qui a terminé son examen du rapport initial de la Croatie, a entendu aujourd'hui les mesures prises dans ce pays pour garantir la liberté d’association, le respect de la vie privée, l’amélioration de la condition de la femme ainsi que les droits des minorités nationales.  En ce qui concerne la participation des femmes aux activités économiques, la délégation croate a reconnu que, bien qu’elles constituent 45% de la population active, les femmes sont encore peu représentées à des niveaux de décision influençant la conception et la mise en œuvre des politiques.  Le taux de représentation des femmes dans la vie politique s’est cependant amélioré depuis les élections législatives de 2001 et le Gouvernement examine la possibilité de modifier les lois électorales et celles applicables aux parties politiques, afin qu'elles soient favorables aux femmes.  En outre, une nouvelle politique nationale pour la promotion de l’égalité des sexes pour la période 2001-2005 est en cours d’élaboration.
 Pour ce qui est des droits des minorités nationales, les délégués croates ont indiqué l’entrée en vigueur, fin 1999, d’une nouvelle loi portant à cinq le nombre de représentants des minorités nationales au Parlement.  Ils ont expliqué que la baisse du nombre de représentants de la minorité serbe est proportionnelle à leur moindre pourcentage dans la population croate.  Après avoir reconnu les langues de ses minorités nationales, la Croatie a décidé de rédiger une loi constitutionnelle qui garantira à ces communautés des droits aussi étendus que possible.  Dans la mesure où les membres de minorités jouissent des mêmes droits que les autres citoyens croates, le Gouvernement ne juge pas nécessaire d’élaborer des statistiques les concernant, a-t-il été précisé.  La délégation croate a mis l’accent sur les efforts de la Croatie pour mettre en place un système judiciaire fiable et efficace grâce à une meilleure formation des juges, dont 50 % ne possèdent malheureusement pas une expérience suffisante et un renforcement de la discipline.  Ce sont ces tribunaux qui sont chargés de l’examen des crimes de guerre et, bien que de nombreuses affaires restent en suspens, ils ont démontré leur détermination en poursuivant, pour la première fois, un général croate.
 Les experts du Comité ont félicité la délégation croate pour la clarté des réponses mais ont regretté que l’accent mis sur la théorie ne permette pas de se faire une idée de la réalisation des droits civils et politiques dans la vie quotidienne de tous les Croates, y compris des membres des minorités roma et serbe.  Ils se sont notamment interrogés sur les droits et les conditions de vie des minorités en estimant qu’ils ne sauraient se satisfaire de réponses dépourvues de statistiques, notamment en ce qui concerne la restitution de leurs biens aux Croates d’origine serbe.  Le fait que le nombre de représentants de la minorité serbe au Parlement croate soit passé de trois à un, à la suite de la modification de la loi électorale, a été jugé inquiétant.  Le Comité s’est demandé si le Gouvernement actuel maintenait le principe de protection des droits des minorités et a fait valoir qu’il revenait tout autant aux représentants des majorités de défendre les droits des minorités.  Evoquant la condition de la femme croate, les experts ont également regretté le manque de précisions sur les mesures prises par le Gouvernement pour remédier aux pratiques discriminatoires à l’égard des femmes.  La délégation croate ayant affirmé que l’égalité de traitement salarial est appliquée dans le secteur public mais qu’elle ne disposait pas de statistiques pour le secteur privé, les experts ont regretté qu’il n’existe pas, au moins, une loi générale interdisant la discrimination.   Ils ont souhaité savoir si l’intégrité physique des femmes victimes de la violence familiale est protégée par des programmes d’urgence.
      Le Comité des droits de l’homme entamera demain, vendredi 30 mars, à 10 heures, l’examen du rapport de la République arabe syrienne.

Réponses de la délégation
MME LIDIJA LUKIN KARAJKOVIC, Ministre adjoint de la justice, a indiqué que la loi d’amnistie ne concernait pas les crimes de guerre.  Le problème, a-t-elle déclaré, réside toutefois dans la qualification des crimes; ce sont aux tribunaux d’en décider.  Rappelant que 50% des juges n’avaient pas d’expérience, elle a précisé que l’accent était mis sur le renforcement de leur formation ainsi que sur l’amélioration des conditions de travail et le renforcement de la discipline de façon à ce que les cas de juges qui n’ont pas fait leur travail correctement, dans le passé, ce qui s’est traduit par des violations des droits de l’homme, ne se reproduisent plus.  Beaucoup d’affaires portant sur des crimes de guerre ne sont pas réglées, a-t-elle reconnu.  Se référant toutefois au fait que pour la première fois un général croate est poursuivi pour un crime de guerre qui s'est produit en Croatie, elle a estimé que cela traduisait la détermination des autorités croates à juger tous les crimes de guerre.
 La déléguée a précisé qu’actuellement il fallait avoir la citoyenneté croate pour pouvoir s’inscrire au du barreau mais qu’une nouvelle loi, modifiant ces dispositions, devrait être prochainement proposée par le gouvernement.  Le gouvernement est également en train de rédiger une proposition de loi sur le statut des communautés religieuses, a-t-elle indiqué. 
 M. DAMIR KUKAVICA, chef de service au Ministère de l’intérieur, a fait le point sur les suites judiciaires données au cas d’assassinat d’un Serbe ou encore à une affaire de décès ayant fait suite à des violences policières.
 M. MARIN MRCELA, juge au Tribunal du Comté de Zagreb, a apporté des précisions sur les différents aspects du système judiciaire croate.  Il a notamment indiqué que, si l’on soupçonnait que des retards dans le traitement des affaires étaient le fait de la cour, cela était signalé au président.  Il a également attiré l’attention sur des erreurs figurant dans le rapport, indiquant notamment que, contrairement à ce qui y était mentionné, les mineurs âgés de 14 ans ne pouvaient en aucun cas être mis en prison et que le mandat d’arrêt ne relevait pas des prérogatives de la police, comme cela était dit au paragraphe 189, mais du tribunal.
 
Commentaires et questions des experts
 La délégation a été félicitée pour la clarté de ses réponses.  Une experte a toutefois émis des doutes sur l’efficacité du « saucissonnage » des principes du Pacte dans les différents instruments de la législation croate.  Il a été fait observer qu’il n’avait pas été apporté de réponse satisfaisante aux questions sur les conditions d’attribution de la nationalité.  Quel est le statut d’une personne d’origine serbe née en Croatie, déplacée pendant la guerre et qui voudrait revenir en Croatie ? a-t-il été demandé.  Une autre question a porté sur le pourcentage de personnes placées en détention provisoire et la nature de l’autorité sous laquelle elles étaient placées.  Un expert a demandé à ce qu’on veuille bien lui confirmer que les personnes faisant l’objet d’expériences médicales n’étaient pas des détenus ce qui serait contraire au principe de la liberté du consentement, a-t-il été fait observer.
 Le Comité a demandé des précisions sur le traitement des avis et sur les communications particulières reçues en vertu du Protocole facultatif.  Les experts ont estimé qu’en ne faisant pas figurer les droits défendus par le Pacte dans la Constitution ou dans les lois, le législateur prive les juges croates de la possibilité d’invoquer ces dispositions.  Un autre expert a demandé de savoir les mesures qui ont été prises pour s’assurer que les responsables militaires responsables de violations des droits de l’homme ne sont plus en place.  Il a regretté le manque d’informations sur les crimes de guerre.
 
Réponses de la délégation
 Au sujet des questions de nationalité, un membre de la délégation a précisé qu’il existe un système de succession à la nationalité pour les personnes nées en Croatie avant l’indépendance du pays.  Il a précisé que, sous l’ancien système fédératif yougoslave, les citoyens possédaient à la fois la nationalité fédérale yougoslave et la nationalité de leur «unité fédérale» d’origine.  La nationalité fédérale a disparu mais chaque citoyen a conservé la nationalité de l’unité fédérale qui s’est alors dégagée.  Les personnes prêtes à respecter l’ordre juridique et la culture de la Croatie peuvent en obtenir la nationalité.
 L’inclusion des instruments internationaux dans la constitution fait l’objet d’une réflexion mais les introduire dans les diverses conventions européennes et internationales sera difficile.  La délégation a estimé que cette inclusion risque d’appauvrir la richesse du droit croate en matière de protection des droits de l’homme. 
 En ce qui concerne les crimes de guerre, Mme Karajkovic, chef de la délégation, a indiqué que des cas ont été portés devant les tribunaux croates sans tenir compte de ceux qu’examine le Tribunal pénal international de La Haye.  Elle a espéré que cette démarche permettrait à la population croate de faire face à la question des crimes de guerre. 
Mme Karajkovic a répondu aux questions écrites du Comité en indiquant que les restrictions à la liberté de la presse se placent dans le cadre de l’interdiction, à l’article 13 de la loi sur l’information publique, de publier une information obtenue illégalement ou une information classée comme secret d’Etat ou militaire.  En outre, l’article 17 de cette loi interdit la vente et l’exposition de publications dont la couverture expose des images pornographiques.  Etant donné que cette loi garantit la liberté d’information, y compris la collecte, l’examen, la publication et la diffusion d’information ainsi que la liberté de diffuser des documents écrits, radio ou télévisés, la délégation croate a estimé que la législation croate ne contient pas de restrictions à la liberté de la presse susceptible de constituer une violation de l’article 19 du Pacte. 
 En ce qui concerne le droit de réunion pacifique, la délégation croate a précisé qu’il est reconnu par la Constitution au même titre que le droit aux manifestations publiques.  Un délégué a ajouté qu’une nouvelle loi sur les réunions publiques est entrée en vigueur en décembre 1999.  Un représentant a déclaré que la Croatie n’a pas de problèmes avec les réunions publiques, même celles qui sont de nature politique.  Les rencontres de football, les concerts et autres manifestations organisées à des fins commerciales posent beaucoup plus de problèmes.  Le nouveau Gouvernement s’efforce de faire connaître le droit de réunion pacifique et de reconnaître que la nouvelle opposition jouit de ce droit au même titre que les anciens opposants au Président Tudjman.  Quant à la liberté d’association, elle est garantie par la Constitution.  Lorsqu’il existe des doutes raisonnables que l’association opère sans respecter la constitution ou les lois, un tribunal peut prendre une décision restreignant son fonctionnement ou la dissolvant.  L’association peut faire appel devant la Cour suprême.  La loi sur l’association posant de nombreux problèmes, la Croatie a entamé la rédaction d’un nouveau texte qui a déjà été examiné une première fois par le parlement.  La délégation a précisé qu’il existe environ 20 000 associations en Croatie et que leur nombre ne cesse d’augmenter.  En ce qui concerne le droit d’association syndicale des policiers du Ministère de l’intérieur, la loi interdit les activités politiques et le port de l’uniforme est interdit dans les manifestations de nature politique. 
M. Mrcela a apporté des précisions sur les dérogations prévues par la législation croate à la protection de la correspondance et des autres formes de communication qui est un droit garanti par la constitution.  Des mesures temporaires de collecte secrète d’informations s’écartant de ce principe de l’inviolabilité de ce droit peuvent toutefois être prises pour protéger la sécurité de l’Etat, a-t-il indiqué.  Ces mesures peuvent être mises en œuvre pendant une durée maximum de quatre mois, trois mois en ce qui concerne la surveillance des personnes.  Elles peuvent être prolongées pendant trois mois supplémentaires dans des cas très exceptionnels.  Les informations collectées, si elles l’ont été sans instruction préalable d’un juge, sont illégales et ne peuvent être utilisées dans le cadre d’un procès.
MME DUBRAVKA SIMONOVIC (Croatie) a indiqué que bien que les femmes constituent 51% de la population et 45% de la population active, elles sont encore peu représentées à des niveaux de décision influençant la conception et la mise en œuvre des politiques.  Des progrès significatifs se sont produits lors des dernières élections législatives, en janvier 2001, avec le nombre des femmes députées qui est passé de 7,9% à 21,5%, a-t-elle indiqué.  Au niveau gouvernemental, une femme est Vice-Premier Ministre et deux ministres sur dix-neuf, ainsi que le Secrétaire du Gouvernement, sont des femmes.  L’élaboration d’une nouvelle politique nationale pour la promotion de l’égalité des sexes pour la période 2001-2005 est en cours et le Gouvernement examine la possibilité de modifier les lois électorales ainsi que celles applicables aux parties politiques de façon à favoriser la promotion des femmes.  Il continuera aussi à stimuler l’entreprenariat féminin notamment en mettant en place des lignes de crédit accordées sur des critères conçus à cet effet.  La déléguée a indiqué que le Gouvernement croate préparait une stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes et qu’elle serait élaborée en collaboration avec les ONG et toutes les parties concernées.  Il compte s’assurer de la mise en œuvre de la législation dans ce domaine et la Commission pour l’égalité des sexes continuera à travailler dans ce sens avec les ONG.  Des aides financières systématiques aux projets et programmes des ONG intervenant sur ces questions sont fournies par le bureau gouvernemental des ONG.
      Mme Simonovic a indiqué l’entrée en vigueur, fin 1999, d’une nouvelle loi sur l’élection de représentants au Parlement national croate.  Cette loi a modifié le mode d’élection des représentants de minorités nationales et prévoit qu’un total de cinq représentants est élu dans un ensemble spécial englobant l’ensemble du territoire de la République de Croatie.  Les membres des minorités nationales hongroise, serbe et italienne élisent un représentant pour chaque minorité.  Les membres des minorités nationales tchèque et slovaque élisent ensemble un seul représentant.  Les membres des minorités nationales autrichienne, allemande, ruthénienne, ukrainienne et juive élisent ensemble un représentant au parlement.  Pour que leur candidature soit validée, les candidats doivent obtenir au moins 100 voix.  Avec ce système, le nombre de représentants de la minorité nationale serbe est passé de trois à un, tandis que les autres minorités nationales élisent à présent quatre représentants au lieu de cinq.  Le Parlement a chargé le Gouvernement croate de rédiger, en coopération avec le Conseil de l’Europe, une nouvelle loi constitutionnelle garantissant aux minorités nationales des droits aussi étendus que possible. 
Une loi sur l’emploi des langues des minorités a été adoptée en 1999 afin de permettre aux membres de minorités d’employer leur langue devant les autorités publiques, ce qui facilite la réalisation de leurs droits.  Grâce à cette loi, ils peuvent également demander des documents personnels rédigés dans leur langue.  Ils peuvent également suivre un enseignement primaire et secondaire dans leur propre langue.  La délégation croate a précisé que les lois et législations relatives à l’emploi, au logement et aux programmes sociaux s’appliquent à « tous les citoyens croates, quelle que soit leur nationalité ».  Il en va de même pour ce qui est de la restitution de biens.  Il n’est donc pas nécessaire d’élaborer des statistiques fondées sur l’appartenance à une minorité nationale.
      Après les élections de janvier 2000, les relations entre le Gouvernement de la République de Croatie et les organisations non gouvernementales (ONG) ont changé.  Les travaux du Gouvernement dans le domaine des droits de l’homme sont plus transparents.  Un bureau gouvernemental pour la coopération avec les ONG.  Les avis du Comité des droits de l’homme seront examinés par la Commission pour les droits de l’homme rassemblant des représentants de six ministères ainsi que d’organisations non gouvernementales, qui est entrée en fonction il y a six mois.  La Commission informera les membres des minorités ethniques et linguistiques de ses travaux.  En outre, le Ministère de la justice a créé en 2000 le Centre de formation professionnelle des juges et des autres fonctionnaires chargés de l’application de la loi. 
      Dans le cadre de la diffusion d’informations relatives au Pacte et au Protocole facultatif, la Croatie s’apprête à mettre en place un programme national sur les droits de l’homme qui portera sur l’éducation fournie dans les établissements du primaire et du secondaire.
 
Questions et commentaires des experts
Le droit des minorités et leurs conditions de vie ont fait l’objet de nouvelles questions de la part des experts.  L’annonce faite par la délégation concernant les projets de lois à l’étude a été accueillie avec satisfaction.  Un des experts a souhaité savoir si les musulmans, les Slovènes et les roms voyaient leurs droits affectés par le fait qu’ils ne sont pas considérés comme des minorités nationales.  Il a demandé si le gouvernement actuel maintenait le principe de protection des droits des minorités par les représentants de minorités au Parlement.  Il a fait valoir qu’il revenait tout autant aux représentants des majorités de défendre les droits des minorités.  Il a demandé s’il était possible de choisir l’un ou l’autre des enseignements religieux proposés en Croatie (catholique, grec orthodoxe et musulman) indépendamment de l’appartenance ethnique ?  Qu’arrivent-ils à ceux qui n’appartiennent à aucune de ces confessions ? a-t-il été demandé.
Un expert a estimé que le Comité ne pouvait se satisfaire de réponses faisant état d’absence de statistiques, par exemple, sur la restitution de leurs biens aux Croates d’origine serbe, que le suivi de ces questions fondé sur la collecte statistique incombait au Gouvernement croate qui devait assurer des conditions de vie décentes à ses minorités.  Un expert s’est dit préoccupé par la réponse faite par la délégation sur la représentation des minorités au Parlement à la suite de la modification de la loi électorale.  La représentation serbe a baissé passant de trois à un député à la suite de ce changement de législation, a-t-il fait observer.  Il a demandé si cette législation n’engendrait pas de discrimination.
Est-ce que le statut d’objecteur de conscience a changé par rapport à celui décrit dans les paragraphes 410 et 411 du rapport ? a-t-il été par ailleurs demandé.  Les critères d’attribution du statut d’objecteurs de conscience incluent des valeurs morales, est-il dit dans le rapport et l’un des experts a demandé ce que recouvrait ce terme.
La condition des femmes croates a suscité de nouvelles questions concernant notamment les mesures prises pour le gouvernement pour remédier aux pratiques discriminatoires à l’égard des femmes, en particulier dans le secteur privé.  Existe-t-il une législation dans ce domaine? a-t-il été demandé.  La délégation a parlé de programmes de lutte contre la violence familiale mais existe-t-il des programmes d’urgence? a interrogé une experte en faisant remarquer que c’était l’intégrité physique des femmes qui était menacée.  Un expert a noté que les informations sur la situation concrète des femmes font défaut alors que par contre, il ressortait des déclarations de la délégation que l’Etat partie était très actif dans ce domaine. 
 
Réponses de la délégation
M. Smerdel a fait valoir que la transposition d’une disposition internationale dans les lois nationales se traduisait par des applications différentes d’un pays à l’autre.  Il a cité en exemple le droit aux soins de santé qui trouve sa limite dans les ressources des pays.  Il a expliqué les évolutions historiques qui ont influencé la rédaction de la Constitution qui a été amendée et remaniée à plusieurs reprises.  Le texte initial a été rédigé avant la guerre et son préambule n’a pas de caractère normatif.  Après la dissolution de la Yougoslavie, tous les groupes ethniques avaient des exigences très fortes, a-t-il indiqué.  En 1997, tout a changé.  C'est ainsi que s'est posée la question de la nationalité yougoslave ; certaines des minorités ont été définies de façon différente ; les musulmans désignés comme tels dans l’ancienne Yougoslavie sont devenus des Bosniaques. Le Préambule, qui, a-t-il rappelé, n’a pas de caractère normatif, essaie d’expliquer que pendant plus de 9OO ans la Croatie a fait partie d’un ensemble d’états tout en gardant son statut d’état.  Y sont énumérées des minorités dites autochtones, ce terme désignant les minorités installées depuis le Moyen Age.  Peut-être le terme de minorité nationale pose-t-il problème, peut-être aurait-il fallu parler de minorités ethniques.  Ce changement terminologique a été décidé à La Haye sous les auspices de la communauté internationale.   La raison fondamentale est qu’étant donné que la minorité serbe en Croatie ne reconnaissait pas la constitution et que la majorité croate n’entendait pas l’abandonner, on a finalement adopté un texte reconnaissant les droits de tous.
Concernant la situation des femmes dans son pays, Mme Simonovic a indiqué que sa délégation avait fourni un rapport au Comité de lutte contre la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et qu’elle inclurait toutes les informations pertinentes dans son second rapport sur cette question.  Elle a affirmé que le principe selon lequel à salaire égal travail égal est appliqué dans le secteur public mais qu’elle ne disposait pas de statistiques pour le secteur privé.  Elle a fait remarquer que la situation avait beaucoup évolué en raison des privatisations.
M. MARIN MRCELA, Juge de la Cour de comté de Zagreb, a précisé les dispositions de la législation sur la diffamation.  Le représentant a cité les cas d’acquittement de journalistes accusés de diffamation en reconnaissance de leur droit à exprimer leur position et leurs opinions sur la vie politique, éventuellement sous forme critique ou comique.  La Cour a souligné dans différents cas que la Constitution de la Croatie protège les droits à l’expression des citoyens et que les journalistes n’avaient pas pour objectif de porter atteinte à l’honneur des personnages critiqués.  Un sujet très sensible en Croatie, les juges se félicitent de la mise en place d’un centre d’éducation judiciaire en espérant que la formation fera désormais partie intégrante de la vie des juges.  Il a dit rêver de la création d’une université d’Etat spécialisée dans la formation des juges de la République de Croatie. 
MME LUKINA KARAJKOVIC, Ministre adjoint de la justice, a déclaré que les autorités croates prennent en compte les différentes caractéristiques linguistiques, religieuses ou ethniques des minorités.  Elle a indiqué l’existence d’une commission du Ministère de la justice chargée d’examiner les demandes de services civils.  Par «motivations morales», le Ministère entend des raisons politiques et idéologiques, entre autres.  La Constitution est entrée en vigueur en 1990 mais la guerre a éclaté en 1991 et l’objection de conscience a posé de graves problèmes.  La Cour constitutionnelle a établi que les personnes soumises au service militaire obligatoire ont le droit de choisir entre service civil et service militaire.  Il n’y a pas de loi générale sur l’interdiction de la discrimination, pour quelque raison que ce soit dans le secteur privé.
M. BRANKO SMERDEL, Professeur à la faculté de droit de Zagreb, a ajouté que le secteur public reste beaucoup plus important que le secteur privé.  En ce qui concerne la liberté de réunion, il a indiqué que les immigrants légaux disposent du même droit de réunion pacifique que les citoyens croates.  Pour ce qui est de la représentation de la minorité serbe au Parlement croate, il a indiqué qu’elle est proportionnelle à leur pourcentage dans la population croate.  Les groupes représentant plus de 8 % de la population sont considérés comme une minorité.  Les autorités croates ne connaissent pas le pourcentage de personnes d’origine serbe dans la population croate car le dernier recensement remonte à 1991.  Les préparatifs du nouveau recensement sont en cours.  A la fin de la guerre, pendant l’été 1995, la majorité de la population serbe, soit quelque 200 000 personnes, a décidé de quitter le pays.  Ce sont ces personnes qui doivent à présent retourner en Croatie.  En 1996, la loi électorale a été modifiée et le nombre de représentants serbes a été réduit en partant du principe que le nombre de personnes d’origine serbe était moindre dans la population totale.  Le Gouvernement examine des mesures qui pourraient permettre aux membres des communautés minoritaires de voter deux fois, en tant que citoyens croates puis en tant que membres de minorités.  M. Smerdel a fait valoir qu’il y a un grand nombre de minorités en Croatie et que si chaque minorité recevait une voix au Parlement, cela créerait un groupe décisif.
Le Président du Comité, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati (Inde)a mis en avant le fait que le rapport qui venait d'être examiné était le premier présenté par la Croatie indépendante.  Il dépeint la Croatie comme une république jeune qui essaie de trouver un équilibre après un âpre conflit qui a duré plus de cinq ans.  La Croatie relève ces défis avec courage, a-t-il fait observer.  Le dialogue avec la délégation a mis en évidence l'effort remarquable qu’a fait l’Etat partie pour satisfaire à ses obligations au regard du Pacte.
Le Comité est heureux de découvrir que les élections de janvier 2000 ont mis en place un régime parlementaire, a déclaré le Président.  Il a noté que la Croatie vit dans un environnement démocratique qui s’efforce de mettre en place un système de protection des libertés fondamentales.  Le Président a toutefois souligné que, malgré ces efforts louables, un certain nombre d'éléments sont jugés préoccupants par le Comité.  Il ne semble pas que l’on ait fait un effort systématique pour mettre en œuvre tous les aspects du Pacte et que des efforts suffisants aient été faits pour le faire connaître, a-t-il notamment fait remarquer.  Le Comité n'est pas certain non plus que, s’il y avait un conflit entre la législation et le Pacte, ce ne soient pas les dispositions du Pacte qui cèdent le pas.  Dans le domaine judiciaire, le Président a cité le retard accumulé dans le traitement des affaires et le manque de formation de la moitié des juges.  Les membres du Comité ont aussi exprimé leur inquiétude concernant la protection de la liberté de culte, a-t-il rappelé.  Il a demandé à la délégation de faire en sorte que le prochain rapport, à l'inverse de ce qui s'est passé pour celui-ci, comporte non seulement une présentation du dispositif juridique mais également des informations concrètes sur l’application de cette législation.
  
  
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