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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE L'ESPAGNE

25 Février 2004

25.02.04

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de l'Espagne sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La situation des Gitans et des immigrés, en particulier des immigrés illégaux, était au cœur des discussions. A cet égard, M. José A. Lindgren Alves, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport espagnol, a affirmé, dans ses observations préliminaires, que si l'Espagne ne suit pas totalement les recommandations du Comité, il s'agit néanmoins de l'un des pays qui fait le plus d'efforts en faveur des migrants et des Gitans.
Présentant le rapport de son pays, M. Juan Manuel Cabrera, Directeur du Bureau des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères de l'Espagne, a attiré l'attention sur la tendance constante à l'augmentation du nombre de résidents étrangers dans le pays. L'ampleur acquise par ce phénomène en peu de temps a rendu nécessaire l'adoption d'un certain nombre de mesures normatives visant à intégrer les citoyens étrangers qui entrent légalement dans le pays et à prévenir l'immigration illégale et le trafic de personnes. Tous les étrangers, qu'ils soient établis légalement ou illégalement en Espagne, ont droit à une éducation de base obligatoire, aux services sociaux de base et à une aide médicale publique en cas d'urgence, a ajouté M. Cabrera.
L'Espagne, comme d'autres pays, fait face à une résurgence alarmante des attitudes racistes et xénophobes, a par ailleurs reconnu le représentant espagnol. Les autorités se sont donc efforcées d'apporter des réponses, notamment en introduisant de nouveaux types de délits en la matière. M. Cabrera a par ailleurs fait valoir les efforts de promotion du mouvement associatif gitan. Les autorités espagnoles ont en outre insisté sur l'adoption de mesures visant à faire en sorte que la population gitane jouisse de l'égalité de chances en matière d'éducation, a-t-il ajouté.
La délégation espagnole était également composée de M. Joaquín Pérez-Villanueva y Tóvar, Représentant permanent de l'Espagne auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants des ministères de l'éducation, du travail et des affaires sociales, de l'intérieur et de la justice. Elle a fourni aux experts des compléments d'informations s'agissant, entre autres, de la situation des immigrants illégaux; de la situation dans les centres d'internement pour étrangers; de la situation à Ceuta et Melilla; de la question de la langue dans le pays; de la situation de la population gitane. S'agissant de ce dernier point, la délégation a souligné que plus de 70% des membres de la communauté gitane en Espagne sont parfaitement intégrés. Elle a ajouté que les taudis dans lesquels vivait une partie de la population gitane disparaissent peu à peu et les niveaux de scolarisation se sont grandement améliorés, a-t-elle ajouté.
Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen des quinzième et seizième rapports périodiques de la Suède (CERD/C/452/Add.4).
Présentation du rapport de l'Espagne
Dans une brève déclaration liminaire, M. JOAQUÍN PÉREZ-VILLANUEVA Y TÓVAR, Représentant permanent de l'Espagne auprès des Nations Unies à Genève, a fait valoir que le nombre et la qualité des membres composant la délégation espagnole ici présente témoignent du degré d'engagement et de soutien de l'Espagne en faveur de cette procédure d'examen.
Présentant le rapport de son pays, M. JUAN MANUEL CABRERA, Directeur du Bureau des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères de l'Espagne, a indiqué que, depuis la présentation du précédent rapport espagnol, des innovations législatives et administratives se sont produites afin de favoriser l'immigration légale, de lutter contre l'immigration illégale et le trafic de personnes et d'incorporer dans la loi les engagements découlant de l'appartenance du pays à l'Union européenne. Depuis l'entrée en vigueur de la Convention, l'Espagne a connu une évolution démographique importante, a par ailleurs souligné M. Cabrera. Ainsi, au 31 décembre 2003, le nombre d'étrangers ayant une carte ou un permis de séjour valable s'établissait à plus de 1,6 millions - soit 24% de plus qu'à la fin de l'année précédente - confirmant la poursuite de la tendance à l'augmentation du nombre de résidents étrangers dans le pays. L'ampleur acquise par ce phénomène en peu de temps a rendu nécessaire l'adoption d'un certain nombre de mesures normatives visant à intégrer les citoyens étrangers qui entrent légalement dans le pays et à prévenir l'immigration illégale et le trafic de personnes. Au vu des résultats obtenus, on peut dire que ces dernières années, la gestion administrative à cet égard a été améliorée et que les politiques d'accueil et de protection sociale se sont renforcées, a affirmé M. Cabrera. La réforme mise en œuvre par la Loi organique du 22 décembre 2000, qui porte modification de la Loi sur les droits et libertés des étrangers en Espagne et leur intégration sociale, vise à favoriser l'immigration légale et à éviter toute discrimination dans la vie économique. Conformément à cette nouvelle loi, tous les étrangers, qu'ils soient établis légalement ou illégalement en Espagne, ont droit à une éducation de base obligatoire, aux services sociaux de base et à une aide médicale en cas d'urgence.
Afin de transposer au niveau national les directives anti-discriminatoires énoncées par l'Union européenne, a été créé le Conseil pour la promotion de l'égalité de traitement des personnes et pour la non-discrimination à leur encontre sur la base de l'origine raciale ou ethnique, a poursuivi M. Cabrera. Cet organe a pour vocation de se convertir en un instrument dynamique destiné à lutter contre la discrimination raciale et à l'éliminer. Il est chargé de fournir une assistance aux victimes de discrimination en transmettant leurs plaintes, de publier des rapports et de promouvoir des mesures susceptibles de contribuer à l'élimination effective des discriminations existantes. Étant donné que la hausse rapide des flux d'immigration pourrait entraîner des attitudes xénophobes, parfois violentes, l'Espagne accorde une importance particulière aux questions de racisme, de xénophobie et, d'une manière générale, à toute manifestation d'intolérance y relative. C'est pourquoi le pays a récemment mis sur pied l'Observatoire espagnol du racisme et de la xénophobie.
L'Espagne, comme nombre de pays de la région, fait face à une résurgence alarmante des attitudes racistes et xénophobes, a reconnu M. Cabrera. Il a également fait état de préoccupation que suscite la résurgence de certaines idéologies néo-nazies, qui incitent à l'intolérance, à la xénophobie, à la discrimination raciale et à la violence dirigée contre les groupes les moins protégés, principalement les étrangers, a-t-il ajouté. Les autorités espagnoles se sont donc efforcées d'apporter le plus rapidement possible une réponse à ces conduites, en introduisant dans la réforme du Code pénal de nouveaux types de délits en la matière. La jurisprudence des tribunaux espagnols est en train d'évoluer vers la répression des activités racistes, xénophobes et discriminatoires et vers la sanction à l'encontre des personnes qui adoptent ce type d'attitude, a indiqué M. Cabrera. L'adoption de toutes ces mesures répond à la volonté de l'Espagne d'éviter que ne se reproduisent des cas aussi lamentables que ce qui s'est passé il y a quelques années à El Ejido, a-t-il souligné.
M. Cabrera a par ailleurs indiqué que le Gouvernement espagnol est conscient de l'importance que revêt l'éducation de tous au respect, à la compréhension et à la tolérance mutuels pour parvenir à une intégration totale des immigrants au sein de la société espagnole. La loi organique du 23 décembre 2002 sur la qualité de l'éducation attribue aux élèves étrangers les mêmes droits et devoirs qu'aux élèves espagnols et favorise leur intégration dans le système éducatif, a-t-il indiqué. D'une manière générale, cette loi prévoit que les pouvoirs publics prendront des mesures compensatoires du point de vue éducatif afin de remédier aux effets des situations sociales défavorables.
M. Cabrera a rappelé que le rapport qu'a présenté la Rapporteuse spéciale sur les droits de l'homme des migrants, Mme Gabriela Rodríguez Pizarro, à l'issue de sa visite en Espagne l'an dernier a permis aux autorités de procéder à un exercice de réflexion autour du phénomène de l'immigration dans ce pays. M. Cabrera a néanmoins tenu à préciser que le Gouvernement espagnol est en désaccord avec certaines des affirmations et interprétations de la Rapporteuse spéciale.
S'agissant des Gitans, dont la situation est traitée dans le rapport, M. Cabrera a indiqué que l'un des résultats les plus évidents du Programme de développement en faveur des Gitans mené depuis 1988 a été la promotion du mouvement associatif gitan. Conformément aux observations qu'avait antérieurement formulées le Comité, les autorités espagnoles ont en outre insisté sur l'adoption de mesures visant à faire en sorte que la population gitane jouisse de l'égalité de chances en matière d'éducation, a ajouté M. Cabrera. Si des progrès notables ont été enregistrés dans ce domaine, on constate la subsistance de besoins et de problèmes qui entravent la normalisation éducative des enfants gitans et auxquels les autorités se sont efforcées de remédier par un certain nombre de mesures, parmi lesquelles la création d'une Commission d'éducation dans le cadre du programme susmentionné.
D'autres membres de la délégation ont complété la présentation du rapport. Il a notamment été souligné que le Code pénal considère comme constituant une circonstance aggravante du point de vue de la responsabilité pénale le fait de commettre un délit pour des motifs racistes, antisémites ou discriminatoires d'une quelconque autre manière. Il a également été indiqué que le Code pénal a été modifié afin d'introduire le délit de mutilation génitale. En matière de séparation et de divorce, le Code civil a quant à été modifié de manière à ce que, lorsque l'un des deux époux est Espagnol ou résident en Espagne, c'est la loi espagnole qui s'applique s'il s'avère que la loi nationale applicable ne reconnaît pas la séparation ou le divorce ou le fasse de manière discriminatoire.
En ce qui concerne la traite des personnes, les sanctions sont devenues plus rigoureuses, a poursuivi la délégation. Elle a mis l'accent sur l'efficacité des forces de sécurité tant dans la lutte contre l'immigration illégale qu'en matière de prévention de la traite des personnes, évitant ainsi que des immigrants illégaux ne deviennent des victimes de cette traite.
Il a été indiqué que l'Espagne est en train de réformer le système d'éducation, l'objectif de la réforme étant de faire en sorte que le système éducatif intègre le plus grand nombre possible d'élèves. La loi garantit le droit à une éducation de qualité; aussi, l'État s'efforce-t-il de débloquer les ressources nécessaires afin que chacun puisse pleinement bénéficier de ce droit à l'éducation. Étant donné le devoir de l'État d'assurer une éducation égale pour tous, notamment dans les zones rurales, des mesures sont prises pour compenser les inégalités qui peuvent subsister dans le domaine de l'éducation. En ce qui concerne la situation de la population gitane en matière d'éducation, des progrès notables ont été enregistrés, a affirmé la délégation. Il n'en demeure pas moins que des problèmes subsistent qui entravent l'éducation de certains enfants de cette communauté, a-t-elle reconnu. La délégation a également fait part d'importantes modifications introduites par la loi dans le domaine du droit du travail.
Le dix-septième rapport périodique de l'Espagne (CERD/C/431/Add.7) rappelle que les données sur l'appartenance à un groupe défini par la race, l'ethnie, le sexe, la religion ou toute autre situation économique ou sociale sont protégées constitutionnellement et n'apparaissent donc pas dans les statistiques démographiques officielles. De ce fait, pour ce qui est de la population gitane, le rapport fait état de renseignements transmis par le Ministère du travail et des affaires sociales qui sont tirés de plusieurs études et rapports sociologiques consacrés à la population gitane, dont l'effectif estimé se situerait entre 600 000 et 650 000 personnes, soit 1,5% de la population espagnole. Le rapport rappelle que la Constitution de 1978 a reconnu à la communauté gitane la citoyenneté de plein droit et garanti ses libertés et droits fondamentaux en proclamant expressément les conditions relatives à la liberté et à l'égalité de l'individu et des groupes. Certes, la Constitution de l'Espagne ne reconnaît pas formellement les minorités nationales ou ethniques, mais elle reconnaît et protège tous les peuples d'Espagne, y compris la communauté gitane, leur culture, leurs traditions, leur langue et leurs institutions. La population gitane en Espagne se compose de diverses communautés. Dans leur majorité, les Gitans espagnols sont sédentarisés et répartis de façon inégale sur le territoire espagnol. La population gitane espagnole est très diverse, certains groupes jouissant d'une bonne qualité de vie et entretenant de bonnes relations avec la population majoritaire tandis que d'autres groupes souffrent de marginalisation, d'exclusion et de discrimination sociales.
La conjonction de certains facteurs historiques et d'autres facteurs liés à la rapidité des changements sociaux et technologiques au sein des sociétés occidentales explique qu'une certaine frange de cette communauté se trouve actuellement en situation d'exclusion sociale et les Gitans espagnols sont davantage victimes de discriminations dans certains domaines que d'autres groupes sociaux. Les caractéristiques suivantes s'appliquent davantage à la partie de la population gitane en situation de marginalisation ou d'exclusion, même si certaines sont également valables pour d'autres groupes gitans plus intégrés socialement: taux élevés de natalité et espérance de vie inférieure de 10 ans à la moyenne nationale; abandons scolaires précoces et taux d'analphabétisme supérieur; activités professionnelles principalement tournées vers le commerce, en particulier le commerce ambulant; environ 10% des groupes gitans en situation d'exclusion vivent dans des logements dégradés et insalubres, bidonvilles et habitations de fortune; la population gitane est davantage touchée par la maladie et les incapacités que le reste de la population et elle a des difficultés d'accès aux prestations et aux services de santé. S'agissant des mesures spécifiques adoptées en faveur de la communauté gitane, on soulignera en premier lieu le «Programme de développement en faveur des Gitans», dont le but est de promouvoir l'accès de cette population aux systèmes publics d'éducation, de santé, du logement et de l'emploi, entre autres, dans des conditions d'égalité avec le reste de la population. Le Plan d'action du Royaume d'Espagne pour l'insertion sociale (2001-2003) considère la population gitane comme un groupe nécessitant une attention particulière.
Le rapport indique par ailleurs que 362 réseaux de trafic de personnes ont été démantelés en 2001 et 1 223 responsables ont été incarcérés. Il précise que 70% des victimes proviennent des pays d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud - et surtout de Colombie, dont sont originaires 35% de l'ensemble des victimes étrangères. Depuis le 1er août 2001, 48 étrangères ont obtenu un permis de séjour après avoir témoigné devant la justice contre des individus qui avaient commis le délit de trafic d'êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle, ajoute le rapport. Il indique par ailleurs que 165 actes de caractère raciste et xénophobe ont été dénoncés en 2000 et 116 seulement en 2001.
Examen du rapport
Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport espagnol, M. José A.Lindgren Alves, a souhaité savoir quelles sont les langues officielles en Espagne et quels sont les recours qui existent permettant à une personne de ne pas utiliser l'une de ces langues. Par ailleurs, M. Lindgren Alves a indiqué que son attention avait été attirée sur le fait que certaines dispositions de la loi organique sur les droits et libertés des étrangers telle que réformée en 2003 aggraveraient encore davantage la situation des étrangers illégaux et durciraient les restrictions entravant la stabilité et l'intégration des immigrants légaux. Aussi, affirmant ne pouvoir donner d'opinion à ce sujet, l'expert a-t-il souhaité que la délégation fournisse davantage d'explications concernant cette réforme de la loi relative aux droits et libertés des étrangers, qui semble avoir des conséquences regrettables sur les immigrants.
Comment se fait-il que l'Espagne dispose de tant d'informations sur les Gitans et d'aucune information sur les citoyens noirs ou blancs, par exemple, a demandé M. Lindgren Alves, soulignant que de telles informations sont utiles au Comité. Relevant que le rapport reconnaît l'existence d'actes discriminatoires contre les Gitans, l'expert a souhaité savoir si les autorités ont connaissance d'actes similaires à l'encontre des métis ou des Noirs.
La loi organique sur les droits et libertés des étrangers qui est actuellement en vigueur constitue un progrès notable dans la mesure où elle établit plus clairement qu'auparavant l'égalité des droits civils entre Espagnols et étrangers et définit ce que sont des actes discriminatoires, s'est félicité l'expert. Il a néanmoins fait état d'informations selon lesquelles cette loi et les réformes qui lui ont été apportées ont créé une différenciation excessive entre les droits des étrangers légaux et illégaux, favorisant la violation des droits de l'homme des seconds.
M. Lindgren Alves s'est par ailleurs enquis de la situation actuelle des centres d'internement pour étrangers et plus particulièrement de la situation de celui de Fuerteventura, à propos duquel il avait eu connaissance dès 2002 de plaintes concernant la situation matérielle et humanitaire. Les centres d'internement pour étrangers, prévus pour des détentions d'une durée maximum de 40 jours, n'ont pas un caractère pénitentiaire et relèvent du Ministère de l'intérieur, a rappelé l'expert. Il a souhaité savoir si ces centres sont ouverts à des inspections régulières des organisations de droits de l'homme. M. Lindgren Alves a fait observer que, dans son rapport à la Commission des droits de l'homme sur la visite qu'elle a effectuée en Espagne, la Rapporteuse spéciale sur les droits de l'homme des migrants, Mme Gabriela Rodríguez Pizarro, a relevé de graves irrégularités concernant l'assistance juridique fournie aux détenus de ces centres qui, ajoute-t-elle, sont installés dans d'anciennes prisons comportant de graves limitations.
M. Lindgren Alves a souhaité savoir si la situation d'infériorité sociale dans laquelle se trouvent les Gitans est due seulement aux préjugés et aux discriminations à leur encontre ou aussi à leurs traditions propres qui semblent ne pas accepter les règles des sociétés dans lesquelles ils vivent. Relevant que selon le rapport de l'Espagne, 30% de la population gitane se trouve en situation de risque ou d'exclusion sociale, M. Lindgren Alves a souhaité savoir si le risque dont il est ici question est un risque d'exclusion ou un risque d'agression. L'expert s'est par ailleurs enquis de l'état actuel du suivi de l'affaire d'El Ejido. Il semble qu'aucune des procédures judiciaires engagées dans le cadre de cette affaire n'ait encore abouti.
Au nombre des éléments positifs que l'on peut relever à l'examen du rapport espagnol, nombre de membres du Comité se sont félicités des mesures prises par l'Espagne pour lutter contre la traite des personnes et contre la prostitution internationale. Plusieurs experts ont toutefois regretté de ne pouvoir disposer de statistiques relatives à la composition ethnique de la population, à l'exception des données disponibles concernant les Gitans. Plusieurs experts se sont inquiétés de la situation des étrangers en situation irrégulière. En effet, a-t-il été souligné, diverses organisations non gouvernementales ont attiré l'attention sur les conditions difficiles qui prévaudraient dans les centres d'internement pour immigrés clandestins et sur la situation particulière des mineurs non accompagnés. La situation précaire des demandeurs d'asile de Ceuta appellerait une attention particulière, a insisté un membre du Comité, rappelant qu'après Madrid, c'est à Ceuta qu'il y aurait le plus grand nombre de demandeurs d'asile en Espagne.
Un membre du Comité a suggéré que le Gouvernement prenne davantage en compte les observations et recommandations émanant de la Rapporteuse spéciale sur les droits de l'homme des migrants, Mme Rodríguez Pizarro. Cet expert a souligné que les Gitans se trouvent en situation d'infériorité en termes de développement économique et social. Relevant que les programmes en faveur des Gitans semblent obtenir de bons résultats, il a plaidé en faveur d'un renforcement de ce type de programmes, eu égard notamment au fait que les Gitans souffrent particulièrement du chômage.
Un expert a fait état d'informations selon lesquelles , à l'instar de ce qui se passe dans d'autres pays, un antisémitisme croissant se manifesterait de diverses façons en Espagne.
Un expert a déploré que l'Espagne n'ait pas fourni les statistiques complètes que le Comité lui avait précédemment demandées concernant les plaintes déposées pour actes de racisme et de discrimination raciale.
La délégation a affirmé que les incidents antisémites sont quasiment inexistants en Espagne. Les quelques incidents mineurs qui se sont produits en la matière, comme la profanation d'un cimetière à Melilla, restent très isolés, a-t-elle insisté. Toute manifestation de racisme ou d'antisémitisme est immédiatement poursuivie et sanctionnée, a souligné la délégation.
En réponse à un expert qui s'inquiétait qu'en Espagne, dans le contexte actuel de la situation en Iraq, il y ait une tendance à considérer les Arabes comme des terroristes, la délégation a regretté que cet expert ait jugé opportun de se référer ici à un problème de politique internationale, à savoir le conflit en Iraq qui, selon elle, est très éloigné des préoccupations du Comité. L'Espagne ne se présente pas devant le Comité pour rendre compte de sa politique étrangère mais bien pour rendre compte de la mise en œuvre de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, a rappelé la délégation. Contrairement à ce qu'a affirmé cet expert, l'Espagne est loin de considérer les Arabes comme des terroristes, a-t-elle assuré; aucun de ses dirigeants n'a jamais eu une telle intention, a insisté la délégation. Reprenant la parole, l'expert concerné a souligné que ce que son intervention n'était absolument par en dehors du contexte de la Convention et a souligné qu'il n'avait pris la situation en Iraq que comme exemple, et résulte du constat que l'Espagne s'est alignée sur les États-Unis pour occuper un pays arabe. Il est inacceptable d'assimiler le terrorisme aux Arabes, a poursuivi l'expert. Or, la presse espagnole, notamment El País, publie des articles qui relient clairement les Arabes au terrorisme, ce qui est totalement contraire à l'article 4 de la Convention, a insisté l'expert.
En Espagne, il n'est procédé à aucune assimilation du peuple arabe au terrorisme, a assuré la délégation. Une telle assimilation n'a été faite par aucun dirigeant espagnol, a insisté la délégation, qui a par ailleurs affirmé ne pas avoir souvenir, dans la presse espagnole, d'un article qui aurait procédé à une telle assimilation.
Interrogée sur la situation des immigrés clandestins et sur l'impact de la nouvelle loi organique traitant de ces questions, la délégation a assuré que la loi 14/2003 n'affecte en rien la liste des droits énoncés dans la loi 4/2000, de sorte que l'on ne saurait prétendre que les choses ont empiré. Selon la loi en vigueur, une personne internée dans un centre d'internement pour étrangers peut demander l'intervention de la justice pour faire respecter ses droits, a souligné la délégation.
La liberté de se syndiquer et de faire grève est accordée aux étrangers dans les mêmes conditions qu'elle l'est aux Espagnols, sous condition qu'ils possèdent un permis de séjour ou un titre de résidence en Espagne, a par ailleurs indiqué rappelé la délégation. Tous les étrangers de moins de 18 ans ont le droit de recevoir une éducation dans les mêmes conditions que les Espagnols, a-t-elle poursuivi. Tous les étrangers dûment documentés ont également droit aux soins de santé au même titre que les Espagnols; en revanche, les étrangers qui n'ont pas de titre de séjour valable ne peuvent avoir accès, en matière de soins de santé, qu'à une aide médicale d'urgence.
La loi espagnole prévoit que quiconque estime que l'un de ses droits a été lésé peut engager un recours en engageant une procédure sommaire prévue dans la Constitution, a également souligné la délégation.
La délégation a par ailleurs assuré que la loi espagnole prévoit, dans des circonstances exceptionnelles, la possibilité pour un étranger d'être autorisé à entrer sur le territoire national pour des raisons humanitaires.
En ce qui concerne les centres d'internement pour les étrangers qui ne possèdent pas les titres de séjour ou de résidence requis, la délégation a expliqué que la situation d'internement n'empêche pas ces personnes de communiquer et de recevoir des visites. Ces personnes sont internées uniquement pour que l'on puisse traiter administrativement leur cas. Aucun des droits prévus pour les étrangers en Espagne ne leur est retiré, a souligné la délégation. Toute limitation ne peut intervenir que suite à une décision judiciaire. Ces personnes ont également droit à un avocat, qui peut intervenir à n'importe quel moment. Elles ont aussi droit à une aide économique en cas de besoin. Elles ont en outre le droit d'être accompagnées par leurs enfants mineurs, à condition qu'elles y aient été autorisées. Les étrangers ainsi placés dans un centre d'internement doivent rester à disposition du juge d'instruction et respecter les règles du centre dans lequel ils se trouvent; ils doivent aussi se soumettre à l'examen médical à l'entrée et à la sortie du centre. Bien entendu, la mesure d'internement peut faire l'objet d'un recours, a précisé la délégation.
L'une des sanctions prévues par la loi dans le cas d'un étranger qui entre dans le pays sans papiers est l'expulsion du territoire, a rappelé la délégation. Tout recours engagé en la matière est suspensif de la décision d'expulsion, a-t-elle souligné. Jamais les mineurs ne sont expulsés, a-t-elle ajouté; il en est ainsi dans la loi et dans les faits. Ils peuvent néanmoins faire l'objet d'une procédure de retour dans le pays d'origine, différente de la reconduite à la frontière (expulsion), par laquelle le jeune est remis à un membre de sa famille; cette procédure concerne surtout en Espagne les villes de Ceuta et Melilla. Ceuta et Melilla sont deux villes soumises à un trafic frontalier quotidien, a expliqué la délégation. De nombreux Marocains s'y rendent chaque jour et rentrent ensuite dans leurs familles. Des gens en vagabondage avaient même érigé des campements de fortune amenant Médecins sans frontières (MSF) à intervenir. Aujourd'hui, MSF a quitté Ceuta et mis fin à tous ses programmes dans cette ville car la situation qui avait suscité son intervention n'existe plus, a fait valoir la délégation.
Un membre du Comité s'est félicité que le Gouvernement espagnol se soit efforcé de transposer rapidement dans la loi nationale les normes européennes en matière d'asile. Cet expert a néanmoins mis l'accent sur la croissance vertigineuse du nombre de requérants d'asile à Ceuta depuis l'an dernier. Lors de la mission effectuée par le HCR il y a quelques mois, cinq cents d'entre eux - provenant du Maroc, de la Sierra Leone et du Liberia - vivaient dans des conditions précaires hors du centre de rétention, prévu pour 400 personnes et surpeuplé depuis des mois. Trois-cents requérants d'asile vivaient dans la rue, a insisté l'expert. Aussi, cet expert s'est-il inquiété des retards de 3 à 4 mois qu'enregistre le traitement des demandes d'asile, phénomène d'autant plus préoccupant que les personnes concernées risquent d'être expulsées puisqu'elles ne disposent d'aucun document ni d'aucune garantie. La délégation a assuré qu'il n'y a pas de vide juridique en la matière car ces personnes reçoivent une assistance tant médicale que juridique et leurs droits sont constamment protégés.
S'agissant des questions relatives à la culture berbère et à la langue amazigh, la délégation a rappelé que la culture berbère et l'amazigh sont bien établis à Melilla. Néanmoins, le statut de Melilla ne reconnaît pas d'autre langue officielle que le castillan. Depuis plusieurs années, des mesures sont néanmoins prises pour diffuser la langue et la culture berbères dans cette ville.
En ce qui concerne l'apprentissage du castillan en Catalogne, la délégation a expliqué qu'il existe un consensus pour que soit respectée une équité horaire entre les langues dans les programmes d'éducation. Des inquiétudes sont apparues quant au risque de ne pas voir respecter en Catalogne le minimum légal voulant que soient dispensées 5 heures d'apprentissage du castillan tout au long des deux premières années du primaire, a poursuivi la délégation . Si la loi devait ne pas être respectée, il faudrait intervenir auprès du responsable de l'éducation pour qu'elle le soit, a-t-elle affirmé.
S'agissant de la population gitane, la délégation a expliqué que la longue histoire d'intolérance à l'égard des Gitans s'est soldée, d'une part, par des préjugés négatifs à leur encontre et, de l'autre, par le regroupement des Gitans qui font preuve d'un certain rejet des modes de vie de la population majoritaire. Il convient donc de promouvoir la tolérance et la coexistence, a affirmé la délégation. Mais les préjugés ont tendance à disparaître extrêmement lentement, a-t-elle ajouté.
Le risque d'exclusion sociale qui pèse sur les Gitans relève essentiellement du lien qui existe entre exclusion sociale et marché du travail, a poursuivi la délégation. Le chômage est en effet un des facteurs d'exclusion sociale les plus importants de nos sociétés, a-t-elle expliqué. L'un des objectifs les plus importants du Programme de développement en faveur des Gitans vise donc à favoriser l'accès de ces personnes à l'emploi. L'emploi reste le vecteur d'intégration le plus important, a insisté la délégation. Aucune statistique ne prouve en revanche que le fait d'être gitan exposerait davantage un individu à un risque d'agression que cela n'est le cas pour la moyenne de la population.
Plus de 70% des membres de la communauté gitane en Espagne sont parfaitement intégrés et s'inscrivent souvent dans l'imagerie positive des Gitans associée à la musique et à la tauromachie. Pour les autres, les taudis dans lesquels ils vivaient disparaissent peu à peu totalement et les niveaux de scolarisation se sont grandement améliorés, a assuré la délégation.
Un membre du Comité a remercié l'Espagne pour sa politique culturelle qui a su protéger le patrimoine culturel judéo-arabo-islamique du pays.
Observations préliminaires
Présentant ses observations préliminaires sur le rapport de l'Espagne, M. José A.Lindgren Alves, rapporteur du Comité chargé de l'examen de ce rapport, a affirmé que ce document et les informations fournies par la délégation revêtent une très grande valeur et témoignent du véritable dialogue qui s'est établi entre l'Espagne et le Comité. L'Espagne fait part d'idées parfois très originales qui ne sont peut-être pas encore bien ancrées dans le système international de protection, a poursuivi M. Lindgren Alves. Si l'Espagne ne suit pas totalement les recommandations du Comité, il s'agit néanmoins d'un des pays qui fait le plus d'efforts en faveur des deux groupes que sont les migrants et les Gitans. Le prochain rapport périodique de l'Espagne est quasiment prêt dans la mesure où il ne reste quasiment plus au pays qu'à y intégrer les informations qu'il a fournies au cours de cet examen, a estimé l'expert.
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