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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
08 août 2003
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CERD
63ème session
8 août 2003
Matin
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a achevé aujourd'hui l'examen du cinquième rapport de la République tchèque sur les mesures adoptées par le pays pour se conformer aux dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant hier après-midi le rapport de son pays, le chef de la délégation tchèque et Commissaire du Gouvernement pour les droits de l'homme, M. Jan Jarab, a évoqué un certain nombre d'évolutions positives, notamment en ce qui concerne la répression des crimes racistes et des organisations qui font de la propagande raciste ou néo-nazie; le développement d'une stratégie visant à sensibiliser les forces de police qui ont à traiter avec les membres de minorités soit en tant que victimes, soit comme délinquants potentiels. En outre, un effort considérable a été fourni dans le domaine de la prévention et une loi ambitieuse contre la discrimination est en cours de rédaction. M. Jarab a fait état de la reconnaissance croissante, du moins au niveau du Gouvernement central, des difficultés subies par les Roms et de la nécessité d'adopter des politiques positives ciblées afin de remédier à leur exclusion sociale. Il a néanmoins reconnu que les mesures législatives et administratives ne pourront pas changer la situation des Roms du jour au lendemain ni les préjugés qui restent profondément ancrés à leur encontre.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la République tchèque, M. Linos-Alexandre Sicilianos, a félicité la délégation pour la régularité de ses rapports. Il a souligné les efforts de la République tchèque pour reconnaître les problèmes et y trouver des solutions et a particulièrement salué l'honnêteté du rapport dans l'énoncé des difficultés. Dans ses observations préliminaires, le rapporteur a estimé que les réponses de la délégation tchèque ont été très complètes et ont eu le mérite non seulement d'éveiller un grand intérêt de la part des membres du Comité mais aussi de les mettre face à leurs responsabilités au vu des solutions créatives et concrètes trouvées par la République tchèque.
Au cours de la discussion, les experts ont salué la franchise avec laquelle la situation est présentée dans le rapport tchèque et, en particulier, en ce qui concerne les difficultés qui subsistent. Une grande partie de la discussion a tourné autour de la question des Roms et de leur situation en République tchèque.
La délégation a précisé les questions relatives notamment aux mesures prises s'agissant de l'éducation des enfants rom, aux institutions scolaires spéciales, à la politique de logement collectifs et, plus généralement, aux politiques visant à combattre l'exclusion sociale que subissent les Roms. Les experts du Comité ont soulevé plusieurs questions relatives à la compatibilité de certaines mesures avec les principes d'intégration.
Les membres du Comité suivants ont participé au débat: M. Mohamed Aly Thiam, M. Mahmoud Aboul-Nasr, M. Luis Valencia Rodríguez, M. Régis de Gouttes, M. Patrick Thornberry, M. José Lindgren Alves, M. Morten Kjaerum, M. Alexei Avtonomov, M. Kurt Herndl, M. Chengyuan Tang, M. Mario Jorge Yutzis, M. Raghavan Vasudevan Pillai, M. Nourredine Amir, M. Agha Shahi, M. Marc Bossuyt et M. Ion Diaconu.
En fin de séance, M. Aboul-Nasr a attiré l'attention du Comité sur une lettre reçue par le Comité de la part de la Fédération internationale des droits de l'homme qui évoque la nouvelle loi sur le regroupement familial adoptée par Israël le 31 juillet dernier. Il a demandé que cette loi fasse l'objet d'un examen urgent et qu'un débat soit organisé dans les plus brefs délais au cours de la présente session sur le sujet. Il a également demandé qu'un rapporteur soit nommé à cet effet.
Le Comité entame cet après-midi l'examen des onzième et douzième rapports périodiques de la République de Corée (CERD/C/426/Add.2).
Présentation de rapport
M. JAN JARAB, Chef de la délégation tchèque et Commissaire du Gouvernement pour les droits de l'homme, présentant le cinquième rapport périodique de son pays au Comité, a indiqué que le Gouvernement tchèque s'est consacré entre 2000 et 2002 aux questions relatives à la prévention de la discrimination raciale ainsi qu'à la situation des minorités ethniques et, en particulier, des Roms. À cet égard, il a évoqué un certain nombre d'évolutions positives, notamment en ce qui concerne la répression des crimes racistes et des organisations qui font de la propagande raciste ou néo-nazie; le développement d'une stratégie visant à sensibiliser les forces de police qui ont à traiter avec des membres de minorités soit en tant que victimes, ou comme délinquants potentiels. En outre, un effort considérable a été fourni dans le domaine de la prévention et une loi ambitieuse contre la discrimination est en cours de rédaction. Cette loi, qui répond aux recommandations du Comité ainsi qu'aux exigences liées à la future adhésion de la République tchèque à l'Union européenne, remplacera et complètera les dispositions anti-discrimination existantes, offrira une définition exhaustive de la discrimination et créera un système d'aide aux victimes.
M. Jarab a fait état de la reconnaissance croissante, du moins au niveau du Gouvernement central, des difficultés subies par les Roms et de la nécessité d'adopter des politiques de discrimination positive ciblées. À cet égard, des programmes pour former des travailleurs sociaux, pour aider les étudiants rom du secondaire ou d'aide au logement ont été lancés. Deux programmes spécifiques pour lutter contre l'exclusion sociale des Roms ont été créés et, d'une façon générale, il y a une reconnaissance de la nécessité d'élaborer des politiques plus générales pour répondre aux besoins spécifiques des différents groupes ethniques. Dans cette optique, le Gouvernement est conscient que l'amélioration de l'emploi des Roms est la clé pour combattre l'exclusion sociale. Dans le domaine de l'éducation, la délégation a reconnu que, bien que l'accès égal à l'éducation soit garanti par la loi, de nombreux problèmes pratiques subsistent malgré les efforts pour améliorer les performances des enfants rom et créer les conditions légales de leur succès telle que le remplacement des écoles spéciales par des programmes répondant aux besoins spéciaux des élèves. Il ne faut pas imaginer que des mesures législatives ou administratives peuvent, seules, remédier immédiatement aux désavantages sociaux et culturels.
Alors que des progrès sont réalisés dans différents domaines, de nouveaux défis surgissent au fur et à mesure des évolutions dans d'autres secteurs, a expliqué M. Jarab, faisant notamment référence au fossé existant en matière de lutte contre la discrimination, le racisme et l'intolérance entre le Gouvernement central et les autorités municipales depuis la réforme de l'administration et la suppression des autorités provinciales qui intégraient un réseau de conseillers rom. Les nouvelles autorités régionales ont des représentants élus, ce qui est une bonne chose du point de vue de la démocratie, mais qui les expose à l'influence des préjugés de leurs électeurs, souvent défavorables aux Roms, et implique un certain nombre de conséquences au niveau du logement et de l'éducation, qui relèvent de leurs compétences. Il incombe à présent au Gouvernement de trouver des stratégies afin de persuader ces nouveaux partenaires de ne pas continuer dans une voie socialement dangereuse et irresponsable, a affirmé le représentant.
M. Jarab a réaffirmé l'engagement du Gouvernement tchèque en faveur non seulement de l'élimination de toute forme de discrimination raciale, mais aussi de la réduction, sinon de l'élimination, des difficultés socio-économiques majeures auxquelles certains groupes, et en particulier les Roms, font face. Tant la politique d'intégration des Roms que celle pour l'intégration des étrangers sont actualisées et mises en oeuvre chaque année, mais le Gouvernement est bien conscient qu'outre les changements législatifs et l'élaboration de politiques au niveau central, des mécanismes efficaces doivent être mis en place afin de réaliser un changement en profondeur.
Le cinquième rapport périodique de la République tchèque (CERD/C/419/Add.1) présente des informations relatives à la structure démographique et à la composition de la population sur la base des chiffres du recensement effectué en 2001. Il détaille ensuite les mesures législatives et administratives permettant de lutter contre la discrimination raciale. À cet égard, sont notamment détaillés les lois locales assurant une protection contre la discrimination raciale, le dispositif constitutionnel, les organes consultatifs locaux. Il est également fait état de la législation en cours d'élaboration relative à la protection contre la discrimination mais aussi les attributions des Conseillers, assistants et coordonnateurs pour les questions concernant les Roms. S'agissant des mesures visant à lutter contre l'incitation à la haine raciale et la violence à l'égard des groupes raciaux et ethniques, le rapport fait notamment état des délits pénaux en violation patente de la coexistence civile, de l'amendement à la loi sur les infractions et détaille la lutte contre l'extrémisme et la mouvance extrémiste. Le rapport fait par ailleurs la liste des nouvelles mesures adoptées en vue de garantir ou de renforcer les droits expressément garantis par la Convention et notamment le droit d'accès à tous lieux et services destinés à l'usage du public. S'agissant de la protection contre tout acte de discrimination raciale telle que stipulée à l'article 6 de la Convention, le rapport reconnaît que malgré un certain nombre de lois énonçant des dispositions interdisant tout acte susceptible de causer une discrimination ou d'avoir un caractère discriminatoire, la plupart de ces dispositions restent seulement formelles et les victimes d'un acte de discrimination de bénéficient que d'une infime protection.
Le rapport détaille en outre les mesures prises dans le domaine de l'éducation pour lutter contre la discrimination raciale et, en particulier, dans les universités, par le biais de la sensibilisation des responsables publics ou encore de la formation de la police qui fait l'objet d'activités particulières afin de combattre les actes de discrimination contre les minorités commis par la police. Enfin, le rapport revient sur les trois campagnes contre le racisme organisées par le Gouvernement et qui ont eu lieu respectivement en 2000, 2001 et 2002.
Examen du rapport de la République tchèque
M. LINOS SICILIANOS, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la République tchèque, a félicité la délégation pour la régularité de ses rapports. Il s'est également félicité que la République tchèque ait suivi la recommandation du Comité de faire la déclaration au titre de l'article 14 reconnaissant la compétence du Comité à examiner les plaintes. Il a souligné les efforts de la République tchèque pour reconnaître les problèmes et y trouver des solutions et a salué en particulier l'honnêteté du rapport dans l'énoncé des difficultés. La première partie du rapport donne un aperçu de la composition de la population. À cet égard, il s'est étonné de l'énorme différence enregistrée entre les chiffres issus du recensement de 2001 et ceux avancés par le Gouvernement en ce qui concerne la population rom. Il s'est interrogé sur les causes de cette différence. Il s'est également interrogé sur la baisse du nombre de demandeurs d'asile qui résulte du durcissement des conditions d'octroi du statut de réfugié et sur les raisons qui ont présidé à ce choix.
Le rapporteur a par ailleurs mis l'accent sur la loi sur les minorités nationales qui offre des droits spéciaux aux minorités «traditionnelles» et s'est interrogé sur la distinction ainsi opérée avec les autres minorités. Il a en outre souhaité que la loi contre la discrimination, en cours de rédaction, soit adoptée et a demandé des précisions sur les attributions respectives des différents organes et institutions chargés des minorités.
Prenant note des dispositions adoptées visant à incriminer les actes de violence raciale mais aussi d'incitation à la haine raciale, il s'est toutefois interrogé sur la façon dont la procédure peut être déclenchée ainsi que sur l'existence d'une aide juridique. En outre il a demandé des informations sur des cas pratiques d'application de cette loi. Se félicitant des initiatives visant à interdire des associations faisant l'apologie ou la propagande d'idées racistes, il a demandé si la loi sur les associations permet non seulement de dissoudre une telle organisation mais aussi d'en poursuivre les membres.
Par ailleurs, le rapporteur a posé plusieurs questions sur la question du logement des Roms et de l'éducation, en particulier en ce qui concerne les écoles spéciales. Il s'est réjouit de l'ouverture affichée des autorités tchèques à la promotion des pratiques culturelles des différentes communautés.
M. Sicilianos a exprimé sa préoccupation face à la mention, dans le rapport, que les victimes d'actes racistes disposent d'une très faible protection. Il a souligné la nécessité de prendre des mesures pour faire justice aux victimes, notamment en inversant la charge de la preuve.
Examen du rapport
Les membres du Comité se sont félicités de la franchise et de l'honnêteté avec lesquelles la République tchèque présente la situation et les difficultés qui subsistent.
En réponse aux questions des membres du Comité sur le faible nombre de Roms qui apparaît dans le recensement, la délégation a évoqué plusieurs éléments d'explication au nombre desquels le fait que la réponse à l'appartenance à un groupe était facultative; qu'il y avait une confusion possible entre les notions de «nationalité» et de «citoyenneté» qui peuvent être exprimées par le même vocable; le fait également qu'un certain nombre de Roms hésite à se reconnaître comme tels.
En ce qui concerne les questions relatives à l'éducation des enfants rom et, en particulier, à l'apprentissage de la langue tchèque, la délégation a indiqué que le Gouvernement s'efforce de régler les problèmes que rencontrent de nombreux enfants défavorisés et a assuré que la nouvelle loi prévoit également l'amélioration des structures et des programmes scolaires. Elle a affirmé l'importance accordée au développement d'outils pédagogiques et institutionnels pour améliorer la qualité de l'enseignement et l'épanouissement des élèves dans le cadre d'un partenariat entre toutes les composantes concernées. Elle a en particulier mis l'accent sur l'importance de l'enseignement.
S'agissant des écoles spéciales qui ont fait l'objet des observations de plusieurs experts craignant que de telles écoles soient incompatibles avec une véritable intégration, la délégation a précisé que les écoles spéciales ne sont pas des écoles pour les Roms. Elles existent depuis le dix-neuvième siècle et ont été créées pour apporter une aide aux enfants en difficulté. La présence d'un fort pourcentage de Roms n'est pas le résultat d'une politique délibérée. Toutefois, elle est révélatrice des difficultés que rencontrent les enfants rom, a déclaré la délégation. Il serait erroné de penser que d'envoyer ces enfants à l'école primaire sans une aide supplémentaire suffirait à régler le problème, a estimé le chef de la délégation soulignant que les difficultés d'apprentissage que rencontrent ces enfants nécessitent une aide et des mesures spéciales. Si les écoles spéciales en tant que telles sont vouées à disparaître, la nouvelle loi sur l'éducation fournit une approche pour la mise au point de programmes spéciaux pour les enfants ayant des difficultés d'apprentissage pouvant se traiter dans la classe moyennant une attention accrue. Les familles rom ont une culture différente qui résulte non pas tant de leur culture traditionnelle mais du fait de leur urbanisation, de leur paupérisation et de leur assimilation forcée qui leur ont fait perdre 90% de leur culture vivante. En outre, les enfants rom ont des difficultés linguistiques qui ne viennent pas tant de difficultés de traduction - en effet, les Roms parlent tchèque pour la plupart - mais disposent d'un vocabulaire et d'outils conceptuels très limités.
À cet égard, plusieurs experts ont souligné l'importance de traiter ces questions dans le cadre d'une politique globale d'intégration qui prenne en compte les besoins des Roms tels qu'ils les vivent ou peuvent les décrire eux-mêmes pour ne pas tomber dans le piège d'un paternalisme qui risquerait de provoquer des réactions de rejet.
Répondant aux remarques de certains experts selon lesquels les projets de logements collectifs pour les Roms conduiraient à la ségrégation, la délégation a rappelé qu'on ne peut pas non plus lutter contre la tendance naturelle des gens à se regrouper et que cela permet en outre de fournir des services communautaires adaptés. Elle a reconnu qu'il peut y avoir d'autres voies mais a souligné l'importance de trouver des solutions sur le terrain.
Pour la délégation, les raisons du taux de chômage particulièrement important parmi les Roms seraient à rechercher dans le fait que les Roms ne seraient pas très motivés à travailler à cause des prestations dont ils peuvent bénéficier étant au chômage et les poussent à privilégier des emplois dans l'économie informelle pour conserver ces prestations; en outre, leur faible niveau d'éducation fait qu'ils ne peuvent accéder qu'à des travaux subalternes et souvent pénibles. Certains jeunes sont par ailleurs invalides ou pères de très nombreux enfants, ce qui créé des difficultés supplémentaires. Un traitement au cas par cas doit leur être réservé afin de les motiver et déterminer leurs possibilités d'emplois. Beaucoup d'emplois sont réservés aux Roms pour les encourager à travailler. Toutefois, la délégation a également mis en avant l'arrivée des travailleurs ukrainiens qui ont occupé des emplois qui étaient auparavant occupés par les Roms.
En ce qui concerne les programmes visant venir en aide aux Roms, la délégation a évoqué un certain nombre de programmes pour améliorer les qualifications professionnelles, motiver les jeunes et leur montrer l'importance du travail. Certains programmes visent également à leur donner une place dans les collectivités afin de contribuer à faire émerger une intelligentsia rom qui pourra à son tour œuvrer en faveur de sa communauté. En outre, des mesures sont adoptées pour aider les femmes rom à trouver du travail après s'être consacrées à leurs enfants.
En ce qui concerne la prétendue stérilisation des femmes rom dont plusieurs experts se sont émus, la délégation a affirmé que jamais le Gouvernement tchèque ni aucune institution n'ont été saisis de tels cas. À cet égard, la République tchèque ne peut être accusée de n'avoir pas ouvert d'enquête puisqu'il n'y a jamais eu de faits concrets pour étayer de telles accusations. Il s'agit là d'un mythe, a affirmé le représentant qui a précisé que même sous le régime communiste, bien qu'il ait eu des cas isolés de stérilisation forcée, il n'y a jamais eu de politique concertée en la matière. Il a donné l'assurance que si de tels cas apparaissaient, des enquêtes seront ouvertes.
Pour ce qui des préoccupations face aux pratiques d'usure au sein de la communauté rom, la délégation a précisé qu'il s'agit d'entreprises qui tentent d'abuser des situations de pauvreté de beaucoup de Roms et que le Conseil des affaires rom lui-même a demandé à la police de protéger les membres de la communauté contre ce type de pratiques mafieuses. En outre, en réponse aux inquiétudes de certains experts face au risque de stigmatisation ou de criminalisation de ces communautés par une telle mention dans le rapport, la délégation a répondu que c'était un véritable sujet de préoccupation et que l'idée n'est pas de véhiculer des stéréotypes mais de trouver des solutions concrètes et de ne pas non plus avoir une vision «romantique» de la situation.
Plusieurs experts ont souligné l'importance de faire changer les mentalités et de lutter contre les stéréotypes et les préjugés à l'encontre des Roms, ce qui doit passer notamment par une démarche des communautés elles-mêmes mais aussi par l'éducation contre le racisme. Certains ont déploré le tableau assez sombre et pessimiste qui est présenté de la situation des Roms et se sont interrogés sur les raisons pour lesquelles on ne met pas davantage l'accent sur des exemples d'intégration réussie de certains Roms. À cet égard, la délégation a évoqué la création du Conseil des Roms qui constitue une instance paritaire de dialogue et de conseil. Toutefois, il a également souligné la méfiance qui pèse bien souvent sur les dirigeants de la communauté rom de la part des Roms eux-mêmes qui sont souvent davantage préoccupés par leurs stratégies de survie individuelles.
Répondant à des questions sur la définition des minorités «traditionnelles», la délégation a indiqué qu'il est habituel en Europe centrale de définir les minorités historiques comme minorités nationales plutôt que de nouveaux immigrants. Il n'y a pas de loi qui stipule quelles sont les minorités traditionnellement établies mais onze groupes ont été retenus pour siéger au Conseil des minorités et sont représentatifs des minorités établies de long terme (à part les Grecs établis après la guerre, mais qui sont néanmoins établis de façon permanente). S'agissant des Moraves, beaucoup de personnes se sont reconnues comme tels, à l'inverse des Roms. Toutefois, il ne s'agit pas là d'une identité ethnique reconnue par le Gouvernement, qui ne reconnaît pas non plus que 50% de la population tchèque soit morave. Certains experts s'en sont félicités, exprimant la crainte dans le cas contraire que la République tchèque subisse le même sort que la Bosnie. En ce qui concerne les droits spéciaux, en particulier linguistiques, qui sont donnés à ces minorités, la délégation a précisé que ces groupes ne sont pas suffisamment nombreux pour que tous reçoivent par exemple un enseignement dans leur langue nationale, comme la loi le prévoit.
Pour ce qui est des institutions nationales qui s'occupent des droits de l'homme et des minorités, la délégation a précisé que ni le Conseil pour les droits de l'homme, ni le Conseil des minorités n'ont compétence à traiter des plaintes individuelles. S'agissant de leur indépendance, la délégation a reconnu qu'ils ne sont pas indépendants en tant qu'institutions mais sont néanmoins indépendants dans leur esprit. En ce qui concerne le Commissaire au sein du Ministère de l'intérieur pour les questions des minorités, elle a indiqué qu'il a un rôle technique et de conseil.
La délégation a donné des précisions sur la loi contre la discrimination en cours de rédaction, en particulier quant à son objet et son champ d'application. À cet égard, ce projet de loi consacre le droit à un traitement égal et à une protection contre toute discriminatoire sur la base de la race, de la couleur, de l'ascendance, des origines ethniques ou nationales, du sexe, de l'orientation sexuelle, de l'âge, du handicap, des croyances ou de la religion, de la langue, des opinions politiques ou autres, du statut familial. Il s'applique tant aux personnes privées que publiques et vise à assurer un traitement égale et une protection contre la discrimination dans les domaines notamment de l'emploi, de la protection sociale, de la santé, du logement, de l'éducation ou encore de la fourniture de biens et de services. Le projet définit la discrimination directe ou indirecte, le harcèlement, la persécution et l'incitation à la discrimination ainsi que les possibilités de recours pour les personnes s'estimant victimes de discrimination et prévoit des compensations. Il propose en outre la création d'un centre pour l'égalité de traitement, organe indépendant dont la tâche est de promouvoir les principes de l'égalité à travers des activités d'éducation, de conseil et de diffusion d'informations mais aussi d'offrir une aide aux victimes.
S'agissant des mesures administratives adoptées pour lutter contre l'extrémisme, certains experts, tout en saluant ces mesures, ont souligné l'importance des mesures de prévention institutionnelle et, en particulier, en ce qui concerne l'éducation et les institutions des droits de l'homme.
À ce sujet, la délégation a précisé la définition du terme «extrémiste» qui concerne des activités politiques qui vont à l'encontre de la loi et des principes de tolérance consacrés par la Constitution. La mouvance d'extrême droite utilise l'incitation à la haine raciale tandis que l'extrémisme de gauche a des liens avec les anarchistes ou les antimondialistes. L'extrémisme se définit en grande partie par la haine ou l'incitation à la haine. Le gouvernement est déterminé à employer touts les moyens juridiques pour dissoudre les organisations professant des idées intolérantes ou racistes. La démarche du Ministère de l'intérieur à cet égard est claire, et des à tel point que certaines décisions de dissolution prononcées par le Gouvernement ont été annulées par la Cour suprême.
Par ailleurs, la délégation a détaillé les mesures permettant d'assurer une meilleure protection des victimes et de les aider à entamer des poursuites civiles ou pénales contre les auteurs de tels actes et, en particulier, l'amendement du Code de procédure civile qui renverse la charge de la preuve. Elle a également détaillé l'état d'avancement et le contenu du plan d'action découlant des obligations issues de la Conférence de Durban.
La délégation est en outre revenue sur la Campagne contre le racisme de 2002 et détaillé un certain nombre d'initiatives qui visaient à sensibiliser la population au multi-ethnisme. Cette campagne, malgré des coupes budgétaires, a été couronnée de succès et généralement bien accueillie par la population.
S'agissant de la baisse du nombre de demandeurs d'asile à la suite de l'amendement de la loi sur le droit d'asile, la délégation a précisé qu'il n'y a pas de lien entre la loi sur la sécurité adoptée après le 11 septembre 2001 et la loi sur l'asile. L'amendement de la loi sur l'asile prévoyait l'impossibilité de travailler pour les demandeurs d'asile et cela a contribué à une forte réduction du nombre d'étrangers et, en particulier, d'Ukrainiens qui utilisaient la procédure d'asile afin de pouvoir venir en République tchèque travailler comme saisonniers. En ce qui concerne les demandeurs qui se voient déboutés, ce qui arrive souvent, la procédure de refoulement prévue est très peu appliquée, a ajouté la délégation.
Certains experts se sont interrogés sur le statut des demandeurs d'asile qui se retrouvent dans une telle situation et exprimé des doutes quant à la viabilité d'une telle situation, réaffirmant la responsabilité des États tant d'accorder le statut de réfugié à ceux qui sont réellement en danger que d'expulser les personnes qui ne répondent pas aux conditions d'octroi de l'asile.
À cet égard, la délégation a précisé que très peu de demandeurs d'asile déboutés restent de façon illégale dans le pays.
Observations préliminaires
Dans ses observations préliminaires, M. Sicilianos a estimé que la délégation a apporté des réponses claires et complètes et a également fait un certain nombre de propositions concrètes qui ont eu le mérite de faire réfléchir le Comité et de le mettre parfois face à ses responsabilités. Il s'est félicité de l'adoption prochaine du plan d'action élaboré dans le cadre du suivi de la Conférence de Durban. Il s'est également félicité du projet de loi sur la discrimination et encouragé le Gouvernement à l'appliquer au plus vite. En ce qui concerne les problèmes liés à la formation de la police et des juges, il a suggéré d'intensifier les efforts dans ce sens. Il a salué le dialogue avec la délégation tchèque qu'il a qualifié d'«hors du commun».
Le chef de la délégation tchèque, M. Jan Jarab, a demandé si le prochain rapport de la République tchèque pouvait regrouper les sixième et septième rapports périodiques afin de bénéficier d'un délai plus long qui permettrait de présenter une évolution plus significative.
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