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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU BÉNIN

26 Mai 1999

MATIN
HR/CRC/99/27
26 mai 1999


Le Ministre de la justice du Bénin affirme que le droit coutumier du Dahomey sera abrogé dès l'adoption du code de la personne et de la famille


Le Comité des droits de l'enfant a entamé, ce matin, l'examen du rapport initial du Bénin sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant, qu'il a ratifié en 1990.

Dès que le projet de loi sur le code des personnes et de la famille aura été adopté, le «Coutumier du Dahomey» sera abrogé, a assuré le Ministre de la justice, de la législation et des droits de l'homme du Bénin, M.Joseph H. Gnonlonfoun. Actuellement, les tribunaux de conciliation dans les sous-préfectures du pays se fondent sur les coutumes des régions relevant de leur juridiction.

Présentant le rapport de son pays, M.Gnonlonfoun a par ailleurs déploré la dénaturation, dans son pays, des pratiques liées aux vidomégons (enfants placés comme domestiques) et au travail précoce des enfants qui, à l'origine, relevaient respectivement de la solidarité et de l'apprentissage. Il a par ailleurs déclaré que le trafic et la consommation de chanvre indien par les jeunes béninois ont atteint la cote d'alerte.

Outre le Ministre de la justice, la délégation béninoise est également composée de MmeSikirathKoumakpaï, Conseillère technique à la santé, aux affaires sociales et à la condition féminine auprès de la Présidence de la République; de MmeMarie Sabine d'Almeida, Conseillère technique aux affaires sociales et à la condition féminine auprès du Ministère de la protection sociale et de la condition féminine; de MmeRita-Félicité Sodjiedo, Directrice de la protection judiciaire de l'enfance et de la jeunesse au Ministère de la justice, de la législation et des droits de l'homme; et de M.Cyrille Oguin, Directeur des droits de l'homme au même ministère.

Le Comité poursuivra cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport béninois.


Présentation du rapport initial du Bénin

Présentant le rapport initial de son pays, M.JOSEPH H.GNONLONFOUN, Ministre de la justice, de la législation et des droits de l'homme, a indiqué que la population béninoise, qui est d'environ 5 millions d'habitants, est composée pour moitié par des jeunes de moins de 15 ans. Dans la société béninoise, l'enfant occupe une place capitale, a-t-il souligné. Il est considéré comme un trésor et une richesse, et symbolise le retour d'un ancêtre qu'il incarne. Le Ministre a assuré le Comité de la volonté politique de son Gouvernement de placer la personne humaine au coeur de son action. Il a rappelé que la Cour constitutionnelle est compétente pour statuer sur toute loi portant atteinte à la personne humaine. Il existe en outre une brigade des mineurs à laquelle toute personne peut recourir en composant un numéro vert.

M.Gnonlonfoun a rappelé que le Bénin a adopté un Programme national en faveur de l'enfant et de la femme. En 1994, un Comité de coordination a été créé pour assurer la mise en oeuvre de ce programme, a-t-il ajouté. En matière de santé des enfants, le Bénin met notamment l'accent sur les questions relatives à la nutrition, à l'éducation, à l'eau, à l'assainissement, à la lutte contre le ver de Guinée, contre le paludisme et contre le VIH/sida. Près de 19% du budget national sont consacrés à la santé. Avec la décentralisation, les communes devront prendre en charge les institutions d'enseignement, ce qui devrait permettre d'accroître encore davantage le taux de scolarisation.

Le projet de code pénal stipule que l'excision est un délit de mutilation, a indiqué le Ministre de la justice. Il a en outre déploré la dénaturation de la pratique des enfants placés vidomégons qui est devenue une «plaie» dans la mesure où ce phénomène s'accompagne de mauvais traitements alors qu'il relevait à l'origine d'un élan de solidarité. À cet égard, M.Gnonlonfoun a affirmé que la sensibilisation des parents constitue le meilleur rempart pour permettre de réduire le mal à la racine, car les problèmes économiques en constituent le sous-bassement. Le Ministre de la justice a par ailleurs affirmé que le travail précoce des enfants, à l'origine, était la manière la plus appropriée pour le père ou la mère de faire connaître à ses fils ou filles le travail qu'il ou qu'elle réalise. Malheureusement, cette pratique aussi a été dénaturée, a déclaré le Ministre. Il a souligné que le code du travail réglemente cette pratique mais a reconnu que tant qu'il n'existera pas une chambre des métiers, tout contrôle restera inopérant. C'est pourquoi le gouvernement a entrepris de sensibiliser les patrons en vue de la création d'une telle structure.

Le Ministre de la justice a également reconnu que le trafic et la consommation du chanvre indien par les jeunes ont atteint une cote d'alerte. Il a précisé que la Brigade des moeurs et des stupéfiants réalise un travail sérieux en concertation avec les parents des toxicomanes ainsi qu'avec les juges et les organisations non gouvernementales. M.Gnonlonfoun a d'autre part indiqué que l'examen du code des personnes et de la famille est sur le point d'être achevée à l'Assemblée nationale et que le projet de code de procédure pénale attend l'avis de la Cour suprême avant d'être envoyé devant l'Assemblée nationale. S'agissant du statut juridique de l'enfant, M.Gnonlonfoun a par ailleurs rappelé qu'un mineur de 13 ans peut faire l'objet d'une mesure de placement dans un centre appartenant à l'État ou à des institutions confessionnelles ou laïques. Le seul problème qui se pose à cet égard est celui du contrôle du bon fonctionnement des centres privés, afin de s'assurer que l'intérêt supérieur de l'enfant est toujours préservé.

Le rapport initial du Bénin (CRC/C/3/Add.52) s'ouvre sur la constatation que des milliers d'enfants succombent à des maladies facilement évitables, souffrent de malnutrition, abandonnent l'école primaire ou n'y ont jamais été inscrits, sont soumis précocement au travail et sont privés de tous leurs droits. Les raisons d'une telle situation résident dans la perpétuation de la pauvreté. Le gouvernement a mis en place d'importants programmes en faveur de l'enfant tels que le Programme élargi de vaccination intégré aux soins de santé primaire, le Programme national d'action en faveur de l'enfant et de la femme et le Programme de coopération Bénin/UNICEF (1994-1998). Toutes ces mesures ne pourront être efficaces qu'avec l'appui de la communauté internationale, qui devra aider le Gouvernement à amoindrir les effets néfastes de la pauvreté aggravée par les programmes d'ajustement structurel et par la dévaluation du franc CFA.

L'étude comparative de la législation béninoise et de la Convention fait apparaître des points de convergence et de divergence, souligne le rapport. En ce qui concerne les convergences, le rapport relève qu'il existe une conformité totale entre la législation béninoise et la Convention pour ce qui est de la jouissance des libertés fondamentales et de l'application de certains principes généraux (non-discrimination, prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant). Au titre des divergences, le rapport reconnaît qu'en matière civile, les dispositions du «Coutumier du Dahomey» relatives à l'adoption ne tiennent pas compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. La notion d'adoption consacrée par le «Coutumier» consiste le plus souvent, dans certaines ethnies, à donner un enfant à un père marié mais impuissant ou stérile. Ce concept s'apparente à la notion de délégation de puissance paternelle. Le rapport rappelle toutefois que les dispositions de la Convention doivent être applicables en la matière dès lors que la Constitution de 1990 dispose que la Convention à une autorité supérieure à celle des lois nationales.

Le Bénin, pays de tradition orale, compte beaucoup d'analphabètes qui n'ont pas connaissance des textes et qui, de ce fait, ignorent leurs droits et devoirs en dépit des efforts de vulgarisation et de sensibilisation entrepris ces dernières années par l'État, souligne le rapport. En 1992, le taux de scolarisation était de 33,8% pour les enfants de 6 à 11 ans dont 41,2% pour les garçons et 25,6% pour les filles. Les objectifs que le pays a fixés pour l'an 2000 sont de réduire le taux de mortalité infantile de 88 pour mille à 69 pour mille et le taux de mortalité des moins de 5 ans de 150 pour mille à 100 pour mille. Pour cela, le pays compte notamment accroître le taux de couverture vaccinale contre les six maladies immunisables de 67% en 1990 à 85% en 2000. On envisage également, avant l'an 2000, de réduire de moitié le taux de mortalité maternelle ainsi que le taux de malnutrition modérée des moins de 5 ans. On envisage aussi de porter de 59% à 78% le taux de scolarisation dans l'enseignement primaire, en faisant un effort tout particulier en direction des filles.

Les enfants incestueux sont assez rares au Bénin, précise le rapport. Les cas enregistrés passent sous l'autorité du chef de la famille élargie. Certaines tribus comme les Batonus abandonnent ces enfants. S'agissant de l'administration de la justice pour mineurs, le rapport indique qu'un mineur de 13 ans reconnu délinquant échappe à toute sanction pénale et n'est soumis qu'à des mesures d'assistance éducative. Le mineur de plus de 13 ans peut être condamné, en cas de récidive, à une peine n'excédant pas la moitié de celle à laquelle il aurait pu être condamné s'il avait eu plus de 18 ans révolus. Il existe actuellement des dispositions qui prévoient l'interdiction de séjour du mineur pendant 5 à 10 ans. Il convient de préciser que des mesures sont envisagées pour abolir ces dispositions non conformes à l'esprit de la Convention, précise le rapport. Le rapport souligne par ailleurs qu'une étude a permis de constater qu'un nombre important d'enfants non scolarisés (surtout des filles) issus des zones rurales que l'on appelle des vidomégons sont placés auprès de certaines familles pour y effectuer des travaux domestiques. Il y en aurait environ 100000 dans le pays, dont 92% ont moins de 14 ans et 85% sont des filles. Soixante-cinq pour cent des ménages enregistrés à Cotonou et Porto Novo ont un vidomégon, précise le rapport.

Examen du rapport du Bénin

Certains membres du Comité ayant relevé l'incohérence qui existe entre la loi et les coutumes voire entre les coutumes elles-mêmes, la délégation a expliqué que les juges ne recourent au «Coutumier du Dahomey», adopté en 1931, que lorsqu'il n'existe aucune loi nationale dans le domaine concerné. Dans toutes les sous-préfectures, a poursuivi la délégation, existent des tribunaux de conciliation qui permettent aux justiciables de disposer d'un tribunal non loin de chez eux. Les tribunaux de conciliation peuvent statuer sur toutes les questions relatives, par exemple, au mariage, au divorce ou à la terre. Ces tribunaux se basent sur les coutumes existantes dans les régions relevant de leur juridiction, a souligné la délégation. Dès que le projet de loi sur le code des personnes et de la famille aura été adopté, le «Coutumier du Dahomey» sera abrogé, a indiqué M.Gnonlonfoun. Le «Coutumier» est aujourd'hui dépassé, a-t-il dit.

La délégation a assuré que le Gouvernement n'a pas l'intention de placer les chefs traditionnels au centre d'une action durable en faveur de l'enfance. En revanche, les chefs religieux sont très utiles et actifs, notamment en ce qui concerne la gestion de centres s'occupant d'enfants.

Certains experts ayant regretté que le pays ne dispose pas d'un médiateur indépendant, la délégation a affirmé que ce n'est pas dans la tradition du Bénin d'avoir un médiateur indépendant du gouvernement. Un tel médiateur pourrait en effet se sentir omnipotent, a-t-elle souligné. En revanche, l'Assemblée nationale peut mettre sur pied des commissions permanentes.

Interrogée sur le rôle et le fonctionnement des organisations non gouvernementales, la délégation a affirmé que le gouvernement ne finance pas les organisations non gouvernementales elles-mêmes mais plutôt certaines actions spécifiques qu'elles entreprennent, notamment dans le cadre de la Journée des enfants béninois, le 23 décembre de chaque année.

Des préoccupations ayant été exprimées au sujet de la discrimination dont souffrent les filles en ce qui concerne l'âge minimum du mariage, la délégation a souligné qu'il ne sert à rien d'adopter des lois qui ne seront pas appliquées et qu'il est préférable de tenir compte des conditions socio-économiques propres à chaque pays lorsque l'on aborde ce type de question. C'est pourquoi le Bénin a décidé de maintenir une différence entre l'âge minimum du mariage pour les filles, qui est fixé à 16 ans, et celui des garçons, fixé à 18 ans.

Plusieurs membres du Comité ont souhaité connaître les mesures prises pour empêcher l'infanticide pratiqué dans les zones rurales à l'encontre des enfants nés avec des handicaps divers. Une experte s'est également enquise des mesures prises pour informer les populations des risques liés aux mutilations génitales féminines.

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