Communiqués de presse Organes conventionnels
LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DU KENYA OÙ EST ATTENDUE L'ADOPTION D'UNE LOI SUR LES ENFANTS
26 septembre 2001
Partager
CRC
28ème session
26 septembre 2001
Matin
La dégradation de la situation socio-économique du pays et la lenteur du processus de réforme législative suscitent nombre de préoccupations
Le Comité des droits de l'enfant a entamé ce matin l'examen du rapport initial du Kenya sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant. Présentant ce rapport, M. W.W. Osundwa, Ministre adjoint au Bureau de la Vice-présidence et au Ministère des affaires intérieures, du patrimoine et des sports du Kenya, a notamment indiqué qu'alors que le pays attend l'adoption de la Loi sur les enfants (2001), divers départements gouvernementaux, plusieurs ONG et nombre d'organisations communautaires et religieuses travaillent sur le terrain avec les comités consultatifs locaux pour les enfants.
Dans le cadre du processus de réforme législative en cours, a poursuivi le Ministre adjoint, la définition de l'enfant sera harmonisée afin de couvrir tous les enfants de moins de 18 ans. On s'attend à ce que, grâce à ces réformes, soient levées les incompatibilités qui peuvent aujourd'hui exister entre certaines dispositions législatives internes et le principe de non-discrimination, en particulier dans les domaines du mariage, de l'emploi et de la justice juvénile.
En dépit des efforts déployés dans le pays, a conclu M. Osundwa, le Kenya n'est pas encore parvenu à la pleine et entière réalisation des droits de l'enfant, à cause, essentiellement, des contraintes auxquelles il est confronté du fait des niveaux élevés de pauvreté.
Toutes les activités économiques et sociales sont en déclin du fait du manque de ressources dont pâtit le pays, ont relevé certains membres du Comité. Nombre d'entre eux se sont inquiétés de la lenteur du processus de réforme législative en cours dans le pays. La délégation a assuré que le mois prochain, le Parlement kényan reprendra l'examen du projet de loi sur les enfants qui "passera" sans problème puisqu'il n'y a désormais plus aucune opposition à ce projet
La délégation kényanne qui s'est présentée ce matin devant le Comité est également composée de Mme Amina Mohamed, Représentante permanente du Kenya auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants de la direction des services chargés de l'enfance, du Ministère des affaires intérieures, du Ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale, de la Division de la santé infantile, de la Direction à l'éducation et de la Mission permanente du Kenya à Genève.
Le Comité achèvera cet après_midi, à 15 heures, l'examen du rapport du Kenya.
Présentation du rapport initial du Kenya
Présentant le rapport de son pays, M. W.W. OSUNDWA, Ministre adjoint au Bureau de la Vice-présidence et au Ministère des affaires intérieures, du patrimoine et des sports du Kenya, a assuré le Comité que sa délégation souhaitait s'engager dans un dialogue ouvert et constructif avec les membres de cet organe. Il a souligné qu'en dépit de graves difficultés socio-économiques - sécheresse, pauvreté et pandémie du VIH/sida - qui n'ont pas manqué d'avoir des conséquences sur la situation globale des enfants, le Gouvernement kényan s'est penché sur un certain nombre de questions relatives aux soins de santé, à la réduction de la mortalité infantile, à la nutrition des enfants, à l'accès à l'eau potable et à la lutte contre le VIH/sida et contre les mutilations génitales féminines.
Alors que le pays attend l'adoption de la Loi sur les enfants (2001), a poursuivi M. Osundwa, divers ministères et départements gouvernementaux, ainsi que plusieurs ONG et organisations communautaires, associés également à des organisations religieuses, travaillent sur le terrain en coopération avec des structures connues sous le nom de comités consultatifs locaux pour les enfants. Ces structures, qui sont responsables du bien-être des enfants, devront coordonner la promotion et la protection des droits de l'enfant et promouvoir une approche globale de mise en oeuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant. Le Kenya envisage en outre d'étoffer trois textes de lois fondamentaux et de réviser une soixantaine de textes de lois dont certaines dispositions intéressent particulièrement les enfants. Dans le cadre de ce processus de réforme législative, la définition de l'enfant sera harmonisée afin de couvrir tous les enfants de moins de 18 ans, a précisé le Ministre adjoint. On s'attend à ce que, grâce à ces réformes, soient levées les incompatibilités qui peuvent aujourd'hui exister entre certaines dispositions législatives et le principe de non-discrimination, en particulier dans les domaines du mariage, de l'emploi et de la justice juvénile.
M. Osundwa a par ailleurs indiqué que le Gouvernement de son pays a mis en place, au sein de la Cour suprême, une Division de la famille qui devrait contribuer à améliorer la protection de l'enfance, en particulier s'agissant des questions relative à la succession et à la garde des enfants. En outre, les tribunaux pour enfants - qui devraient être institués en vertu de la Loi sur enfants - devraient, avec la Division de la famille de la Cour suprême, constituer un organe judiciaire essentiel pour la mise en oeuvre de la Loi sur la famille dans le pays. On le voit, le Gouvernement kényan a donc lancé un processus de réforme visant à accroître la protection des enfants au sein de la famille et de la société. Parmi les projets de loi proposés, on compte le projet de loi sur la violence domestique (protection de la famille), le projet de loi sur les réfugiés, le projet de loi portant modification de la loi pénale ainsi que le projet de loi relatif aux personnes handicapées.
M. Osundwa a par ailleurs précisé que le Kenya, en collaboration avec plusieurs partenaires multilatéraux, est en train de mettre en oeuvre un programme destiné à intégrer dans la société les enfants qui sont en conflit avec la loi ou sont susceptibles de l'être, réduisant ainsi le flux d'enfants qui entrent dans le système de justice juvénile.
En dépit de tous ces efforts, a conclu M. Osundwa, le pays n'est pas encore parvenu à la pleine et entière réalisation des droits de l'enfant. Cela est essentiellement dû aux contraintes auxquelles le Kenya est confronté en raison des niveaux élevés de pauvreté. Tous les indicateurs ont en effet enregistré une baisse sensible par rapport à leur niveau de 1990. Le Gouvernement kényan n'en reste pas moins pleinement engagé en faveur de la pleine réalisation de tous les droits de l'enfant tels qu'ils sont énoncés dans la Convention, a assuré M. Osundwa.
Le rapport initial du Kenya (CRC/C/3/Add.62) souligne que d'après le recensement de 1989, l'espérance de vie moyenne à la naissance était de plus de 57 ans pour les hommes et de plus de 61 ans pour les femmes. Or, en raison de la pandémie du VIH/sida, on s'attend à ce qu'elle ne soit plus que de 52 ans et huit mois pour les hommes et de 53 ans et quatre mois pour les femmes pendant la période 2000-2005. Quant au taux de mortalité infantile, on considère qu'il reviendra pendant la période 2000-2005 au niveau de 1989, soit 63 pour mille naissances vivantes, après avoir été de 62 pour mille en 1993. Pour ce qui est des enfants handicapés, le rapport indique que, s'il n'existe pas de statistiques, les estimations faites à partir du recensement de 1989 en font un groupe représentant 10% de la population totale.
Le rapport souligne par ailleurs que la pauvreté frappe 47% de la population rurale et 29% de la population urbaine. Malgré les dépenses consacrées par le gouvernement aux services sociaux, plus de la moitié des habitants du pays n'ont pas accès à l'eau potable. Selon le recensement de 1989, poursuit le rapport, il y avait 896 569 enfants économiquement actifs au Kenya. Ces chiffres traduisent d'autant mieux l'importance de la main-d'oeuvre enfantine que les enfants âgés de moins de dix ans n'étaient pas interrogés sur ce sujet. Bien qu'il n'y ait pas de statistiques complètes sur la main-d'oeuvre enfantine, on estime que le nombre des enfants qui travaillent était de 3 à 4 millions en 1998.
Il existe au Kenya plus de 40 communautés ethniques qui définissent à leur façon l'enfant et l'enfance, selon les rites qu'observe chaque groupe pour le passage de l'enfance à l'état adulte. Le Groupe spécial chargé d'étudier les lois relatives aux enfants a recommandé que plusieurs lois soient modifiées et que l'enfant soit uniformément défini comme étant toute personne âgée de moins de 18 ans. Ces recommandations prendront force de loi après l'adoption du projet de loi sur l'enfance (1998). Le Groupe spécial a également recommandé que la loi sur l'emploi fixe à 18 ans l'âge minimum pour l'emploi.
Le droit écrit du Kenya est dans son ensemble fidèle au principe de non-discrimination, poursuit le rapport. Cependant, certaines de ses dispositions ont un caractère discriminatoire, dû par exemple au fait que l'âge nécessaire pour se marier diffère selon les systèmes propres à tel ou tel groupe de population, qui sont eux-mêmes fondés sur des distinctions d'ordre religieux et culturel. De même, certaines dispositions de la loi sur la citoyenneté entraînent une discrimination fondée sur le sexe, par exemple en prévoyant qu'un enfant dont le père est kényan acquiert automatiquement la nationalité kényanne quel que soit le lieu de naissance alors qu'un enfant né hors du territoire kényan de mère kényanne et de père non kényan n'acquiert la nationalité kényanne que s'il le demande. Certaines catégories d'enfants souffrent, dans leur famille ou à l'extérieur du groupe familial, de diverses formes de discrimination d'origine culturelle, ajoute le rapport. C'est ainsi que les enfants nés hors mariage ne sont pas pleinement acceptés dans la famille de leur mère. Dans de nombreux groupes de population, les enfants issus de relations incestueuses, et donc jugées criminelles, sont considérés comme des enfants tabous et souffrent eux aussi de discrimination. Dans une grande partie de la population kényanne, reconnaît par ailleurs le rapport, et plus particulièrement au sein de la population rurale, les enfants de sexe masculin continuent d'être préférés aux enfants de sexe féminin, ce qui aboutit à une certaine discrimination contre les filles, notamment en matière d'alimentation et d'éducation. Dans le cas des enfants handicapés, la discrimination s'exerce à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du cadre familial et dans certains groupes de population, ces enfants sont considérés comme des enfants tabous.
Le rapport indique en outre que le Kenya compte environ 174 000 réfugiés dont quelque 92 000 enfants (selon les chiffres du HCR en 1998). Avec l'aide de plusieurs organisations, le gouvernement contribue à l'éducation scolaire et extrascolaire des enfants réfugiés. Depuis 1992, ajoute le rapport, le Kenya a été le théâtre de conflits dans les provinces de la Rift Valley et de Nyanza ainsi que dans les provinces côtières et occidentales. Ces conflits ont causé des traumatismes physiques et psychologiques chez les enfants. Selon les estimations, ces affrontements qui se sont produits dans plusieurs districts ont directement touché plus de 195 000 enfants et ce nombre a augmenté depuis les nouveaux affrontements qui ont éclaté en 1997 à Migori, Mombasa et Nyambene.
En ce qui concerne l'administration de la justice pour mineurs, le rapport souligne que dès l'âge de huit ans, l'enfant est reconnu coupable d'intention criminelle. Entre 8 et 12 ans, sa responsabilité pénale peut être engagée si preuve est faite qu'il a commis l'infraction en connaissance de cause.
Examen du rapport
Un membre du Comité a relevé que l'économie est en déclin, ce qui provoque notamment une détérioration considérable de la situation de l'emploi (le chômage atteind 50% de la population). Cet expert a par ailleurs souligné que les taux de scolarisation, également en déclin, ne dépasseraient pas les 46% dans le pays. Ainsi, non seulement toutes les activités économiques mais aussi toutes les activités sociales sont en déclin du fait du manque de ressources, a insisté l'expert.
S'agissant de la manière dont le Gouvernement aborde la question de la pauvreté, la délégation a rappelé que le Kenya s'est doté d'un plan national de réduction de la pauvreté. La note stratégique de réduction de la pauvreté établit un certain nombre de priorités auxquelles sont alloués les budgets appropriés après approbation du Parlement. Le plan national de réduction de la pauvreté a été élaboré en collaboration avec les membres du Parlement et avec les différentes parties prenantes, y compris les jeunes.
Parmi les priorités budgétaires du Gouvernement, a poursuivi la délégation, figurent l'agriculture et le développement, ainsi que la promotion des ressources humaines. Le sida a été déclaré "catastrophe nationale" et un département spécial a donc été créé au niveau du Bureau du Président qui travaille en étroite collaboration avec l'Agence chargée de la coordination de l'ensemble de l'action contre le sida.
Pour ce qui est de la définition de l'enfant, l'un des problèmes les plus graves auquel le Kénya est confronté a trait à l'âge fixé pour la responsabilité pénale, a affirmé un expert. Cet expert a fait observer que des préoccupations subsistent également en ce qui concerne l'âge de recrutement dans les forces armées car il semble que certains enfants puissent y être recrutés avant l'âge de 18 ans si leurs parents ou tuteurs donnent leur accord.
La délégation a souligné que le recours à la notion d'"âge apparent" dans le cadre des procédures de recrutement dans les forces armées ne se fait - après examen médical- que lorsque les autorités ne disposent d'aucun document attestant de l'âge exact du candidat au recrutement.
Nombre de membres du Comité se sont inquiétés de la lenteur du processus de réforme législative en cours dans le pays. Les intentions doivent être suivies d'action, ont-ils souligné. La délégation a assuré que le mois prochain, le Parlement reprendra l'examen du projet de loi sur les enfants qui "passera" sans problème puisqu'il n'y a désormais plus aucune opposition à ce projet, que ce soit au sein de la société civile ou dans le gouvernement. La délégation a expliqué que dans un premier temps, les ONG avaient trouvé ce projet "trop timide" du point de vue de la mise en oeuvre des droits de l'enfant au titre de la Convention. D'autres préoccupations avaient par ailleurs été exprimées, notamment par la communauté musulmane qui pensait que le projet de loi devrait être réexaminé.
En ce qui concerne l'administration de la justice pour mineurs, la délégation a reconnu que la législation mentionne l'âge de huit ans comme étant celui de la responsabilité pénale. Il n'en demeure pas moins que la justice tient compte de la capacité de l'enfant à comprendre la nature des faits qui lui sont reprochés, a souligné la délégation. Toute la philosophie qui sous-tend le système pénal du Kenya repose sur le principe de rééducation et de réadaptation, a-t-elle ajouté. En outre, des pans entiers du système de droit pénal sont en cours de réexamen, a fait observer la délégation.
Plusieurs membres du Comité se sont inquiétés du faible taux d'enregistrement des naissances au Kenya, ce qui ne manque pas d'avoir des conséquences fâcheuses pour les enfants, notamment du point de vue de leur scolarisation.
Un membre du Comité s'est enquis des conséquences, pour les enfants, des incidents interethniques qu'a connus le Kenya en 1997. Ce même expert s'est inquiété des chiffres indiquant que, dans ce pays, six à huit mille enfants se trouvent en prison avec leurs mères.
* *** *
VOIR CETTE PAGE EN :