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Communiqués de presse

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT INITIAL DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

28 Mai 2001



CRC
27ème session
28 mai 2001
Matin




La Ministre congolaise des affaires sociales assure que
son pays est engagé dans la démobilisation des
enfants soldats et leur réinsertion



Le Comité des droits de l'enfant a entamé, ce matin, l'examen du rapport initial de la République démocratique du Congo sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Présentant le rapport, Mme Ebamba Boboto, Ministre des affaires sociales de la République démocratique du Congo, a notamment souligné que les efforts déployés par le gouvernement de son pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention auraient pu être encore plus significatifs, «n'eût été la guerre d'agression» que subit le pays. Cette guerre - qui a causé plus de 2,5 millions de morts - a accentué la pauvreté dans le pays.

La ministre a réitéré l'appel de la République démocratique du Congo pour que davantage de pression soit exercée sur les agresseurs afin qu'ils se retirent de son territoire. L'application effective et rapide de la Convention relative aux droits de l'enfant en dépend, a-t-elle souligné. Elle a assuré que son pays - tout en étant en pleine guerre - s'investit dans la démobilisation des enfants soldats et dans leur réinsertion. Actuellement, le gouvernement prépare la Conférence nationale sur les droits de l'homme qui se tiendra à Kinshasa d'ici la fin de l'année et à l'issue de laquelle sera mis en place un plan d'action pour la protection et la promotion des droits de l'homme en République démocratique du Congo, a-t-elle indiqué.

La délégation de la République démocratique du Congo est également composée de la Secrétaire permanente du Conseil national de l'enfant; d'un membre de la Commission nationale préparatoire au deuxième Sommet mondial de l'ONU sur l'enfant; d'une assistante juridique; d'une assistante chargée de la femme et de la famille; ainsi que de représentants de la Mission permanente de la République démocratique du Congo auprès des Nations Unies à Genève. La délégation a apporté aux experts des compléments d'information s'agissant, notamment, des questions relatives au recrutement d'enfants dans les forces armées et au respect du principe de non-discrimination.

Le Comité achèvera cet après-midi, à partir de 15 heures, l'examen du rapport de la République démocratique du Congo.


Présentation du rapport de la République démocratique du Congo

Présentant le rapport de son pays, MME EBAMBA BOBOTO, Ministre des affaires sociales de la République démocratique du Congo, a rappelé que le pays avait ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant en 1990. Cette année 1990 a précisément coïncidé avec le début d'une transition politique qui a duré sept ans. Cette longue période de turbulence a été essentiellement caractérisée par l'effondrement de l'appareil de l'État, la destruction des infrastructures socio-communautaires et le marasme économique, des tensions sociales sous forme d'émeutes et de pillages, ainsi que par des mutineries au sein de l'armée. Sur le plan du développement, les secteurs sociaux ont été affectés. Dans le cadre de sa politique sociale, le nouveau pouvoir issu de la révolution du 17 mai 1997 met en évidence l'amélioration de la situation de l'enfant, a poursuivi Mme Boboto. Au niveau institutionnel, a-t-elle précisé, la question de l'enfant relève du Ministère des affaires sociales à travers le Secrétariat général à la famille. À ce niveau, le Comité national de l'enfant, composé de délégués du gouvernement, des Églises et des ONG, a pour mission d'élaborer la politique nationale en matière de promotion et de bien-être de l'enfant et d'assurer l'examen régulier des progrès accomplis.

La Ministre des affaires sociales a indiqué que le gouvernement a conçu un Programme triennal minimum en 1997 qui prévoit notamment la réhabilitation des infrastructures sociales de base et l'amélioration des secteurs de l'éducation et de la santé. À cet effet, a-t-elle précisé, a été mis en œuvre un plan-cadre pour la survie, le développement et la participation de l'enfant pour 1999 et la période 2000-2002 avec l'appui de l'UNICEF. Ce plan a notamment pour objectif d'éradiquer la poliomyélite; d'éliminer les troubles dus à la carence en iode et en vitamine A; de promouvoir la santé et le développement des adolescents et des jeunes; d'accroître le taux d'accès aux écoles et de réduire le taux d'abandon scolaire; de renforcer le plaidoyer pour le respect des droits de l'enfant en général et pour l'accès et le maintien à l'école d'au moins 75% d'enfants. Mme Boboto a informé le Comité qu'à l'initiative de son pays, des Journées nationales de vaccination synchronisées seront organisées avec des pays limitrophes tels que le Congo, le Gabon, la République centrafricaine et l'Angola.

La République démocratique du Congo - tout en étant en pleine guerre - s'investit dans la démobilisation des enfants soldats et dans leur réinsertion, a affirmé la Ministre des affaires sociales. Le pays est parvenu à réduire très sensiblement - peut-être aux trois-quarts - l'effectif initial d'environ 20 000 enfants soldats qu'il comptait, a précisé la Ministre. Ceci s'explique non seulement par le fait que ces enfants ont progressivement acquis l'âge de la majorité mais aussi par les mesures conservatoires qui ont été prises pour interdire tout enrôlement des mineurs dans les forces armées. Le gouvernement a mis en place un organe interministériel chargé de coordonner les activités de démobilisation et de réinsertion des enfants soldats, a ajouté la Ministre.


Mme Boboto a par ailleurs indiqué que son pays est en train de mener à bien, avec l'appui de l'UNICEF et de USAID (Agence de développement des États-Unis), une enquête nationale sur la situation des enfants et des femmes en République démocratique du Congo, dont les résultats seront publiés avant la fin de l'année, ce qui permettra de disposer de statistiques utiles pour connaître l'évolution de cette situation et mesurer les progrès accomplis dans la réalisation des recommandations du Sommet mondial sur les enfants.

La guerre a occasionné un mouvement massif de la population, et on a dénombré près d'un million d'enfants déplacés et réfugiés, a poursuivi la ministre. En vue d'assurer l'encadrement de la population en difficulté (les personnes déplacées), le gouvernement a créé le Commissariat général à la réinsertion, organe technique chargé de l'installation des personnes déplacées et de leur réinsertion. Des centres d'accueil et d'hébergement ont été aménagés à cette fin. «Le gouvernement, avec la collaboration des ONG locales et avec l'appui de l'UNICEF, organise le programme de rattrapage scolaire», a par ailleurs indiqué la Ministre des affaires sociales.

Actuellement, le gouvernement prépare la Conférence nationale sur les droits de l'homme qui se tiendra à Kinshasa d'ici la fin de l'année, a indiqué Mme Boboto. Ce forum national va procéder au diagnostic de la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo et dégager les recommandations qui s'imposent. À l'issue de cette Conférence nationale, sera mis en place un plan d'action pour la protection et la promotion des droits de l'homme en République démocratique du Congo et les droits de l'enfant ne seront pas oubliés, a assuré la Ministre.

Les efforts déployés par le gouvernement de la République démocratique du Congo afin de mettre en œuvre les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant auraient pu être encore plus significatifs, a déclaré la Ministre, «n'eût été la guerre d'agression que subit injustement notre pays depuis bientôt plus de 33 mois de la part des forces armées régulières du Rwanda, du Burundi et de l'Ouganda, en violation flagrante de la Charte des Nations Unies et en dépit des résolutions NE1234 et 1304 de l'Assemblée générale des Nations Unies demandant en substance aux agresseurs de se retirer». Cette guerre - qui a causé plus de 2,5 millions de morts - a accentué la pauvreté. Aujourd'hui, plus de 80% de la population du pays vit dans un dénuement total. Selon les estimations de la fin de l'année 1999, 1,1 million d'adultes et d'enfants vivent avec le virus du VIH/sida en raison de la pratique criminelle, barbare et inhumaine du viol collectif orchestrée par les agresseurs civils et militaires, a déclaré la ministre. Il est estimé que la maladie a fait 800 000 orphelins, dont environ 450 000 sont encore en vie, a ajouté Mme Boboto. Outre le sida, il y a lieu de mentionner la résurgence de certaines maladies telles que le paludisme, avec 500 000 décès par an, a-t-elle précisé.

La ministre a réitéré l'appel de son pays aux peuples du monde épris de paix et de justice pour qu'ils fassent davantage pression sur les agresseurs afin qu'ils se retirent de la République démocratique du Congo. L'application effective et rapide de la Convention relative aux droits de l'enfant en dépend, a-t-elle souligné. Elle a rappelé que le gouvernement de son pays ne ménage aucun effort pour la recherche de la paix et qu'il a autorisé le déploiement des observateurs de la Mission des Nations Unies (MONUC) sur tout le territoire, «même si l'on enregistre quelques poches de résistance dans les zones occupées». Le gouvernement vient en outre de procéder, à Lusaka, à la signature de la déclaration de principes pour la mise en œuvre du dialogue intercongolais, a insisté la ministre.

Le rapport initial de la République démocratique du Congo (CRC/C/3/Add.57) met l'accent sur l'importance indéniable des jeunes dans l'édification de la République démocratique du Congo en soulignant que sur 45,5 millions d'habitants (1995), on dénombre plus de 50% d'enfants entre 0 et 18 ans. Le début de la détérioration du tissu social dans le pays date de la fin des années 1970, indique le rapport. Cette détérioration a été aggravée par une succession d'événements malheureux, à savoir le phénomène de la «zaïrianisation» de 1974 et les deux pillages d'octobre 1991 et de septembre 1993. Cependant, la guerre de libération de 1996/97 et l'arrivée au pouvoir du nouveau régime a ouvert les perspectives d'une reconstruction nationale en vue de la réhabilitation des services sociaux de base. Mais ce processus a été arrêté avec la guerre d'agression imposée à la République démocratique du Congo depuis le 2 août 1998. Les secteurs sociaux les plus touchés par cette crise sont notamment la santé, l'éducation et la protection de l'enfant.

Ces vingt dernières années, poursuit le rapport, la situation sanitaire s'est considérablement dégradée dans le pays comme en témoignent notamment les chiffres concernant le taux de mortalité infantile (125 pour mille) et périnatale (80%). Le taux net de fréquentation scolaire dans le primaire s'établissait en 1999 à 39%, indique par ailleurs le rapport. Il précise que la crise économique et les conflits armés que connaît le pays continuent à faire de nombreuses victimes parmi les enfants. De nouvelles catégories d'enfants nécessitant des mesures spéciales de protection apparaissent. Il s'agit des enfants non accompagnés lors des déplacements de population du fait de la guerre; des enfants vivant dans la rue; des enfants exploités économiquement ou sexuellement; des enfants victimes de l'exploitation minière; et des enfants soldats. Actuellement, ajoute le rapport, on a dénombré entre 15 000 et 20 000 enfants dans la rue à Kinshasa. Plusieurs facteurs peuvent expliquer l'ampleur de ce phénomène très complexe. C'est notamment la pauvreté que connaissent les familles du fait de la crise économique, les séparations des familles consécutives entre autres au divorce et aux déplacements à cause de la guerre, l'abandon d'enfants dits «sorcier» et les orphelins du sida. À cet égard, le rapport indique que le nombre d'enfants de moins de 15 ans dont la mère ou les deux parents sont morts du sida était en 1997 de 310 000. Le rapport attire également l'attention sur la situation des enfants des bassins miniers qui n'ont pas accès aux services sociaux de base (santé, éducation...).

En conclusion, le rapport reconnaît que l'évaluation de l'application des divers articles de la Convention en République démocratique du Congo laisse entrevoir que la référence aux dispositions de cet instrument juridique international est davantage de jure que de facto. Ce constat pourrait notamment s'expliquer par le fait que, plus particulièrement en Afrique, on note une «désarticulation entre la conception moderne de l'enfant (qui a besoin d'une protection spéciale) et la philosophie ancestrale qui considère qu'en tant qu'être communautaire, l'enfant fait l'objet d'une protection naturelle». La promotion et la protection des droits de l'enfant apparaissent donc comme une nécessité avant tout moderne liée à des changements rapides des structures sociales et culturelles qui, malheureusement, ne constituent pas des priorités pour les États en développement qui cherchent avant tout à asseoir leur régime politique. L'ignorance des méthodes modernes d'éducation et d'entretien des enfants, la pauvreté et l'individualisme qui s'accentuent spécialement en milieu urbain constituent des freins à l'application des droits de l'enfant, poursuit le rapport.



Examen du rapport de la République démocratique du Congo

Un membre du Comité a souligné que c'est en s'efforçant de promouvoir l'éducation que le Gouvernement de la République démocratique du Congo pourrait résoudre un grand nombre de problèmes qui se posent au pays en matière de promotion des droits de l'enfant. À cet égard, plusieurs experts ont déploré que moins d'1% des ressources budgétaires de l'État soit consacré à l'éducation.

La délégation a rappelé que depuis onze ans, la République démocratique du Congo se trouve sous embargo et ne bénéficie d'aucune aide financière internationale. L'effort de guerre grève une grande partie des revenus nationaux, de sorte que c'est un véritable sacrifice national que doit consentir le peuple congolais. Grâce à l'implication réelle du Conseil de sécurité afin de mettre fin à la guerre, on peut penser que le pays sera bientôt davantage en mesure de se concentrer sur les besoins fondamentaux de la population, a déclaré la délégation.

Interrogée sur les causes réelles de la guerre qui frappe la République démocratique du Congo, la délégation a indiqué ne pas savoir elle-même pourquoi le pays est en guerre. La délégation a jugé «farfelues» les raisons invoquées par certains qui, tels le Rwanda, prétendent que cette guerre a pour objet de poursuivre en République démocratique du Congo d'anciens responsables du génocide rwandais qui se seraient réfugiés dans le pays. La délégation a fait remarquer qu'il n'y a pas eu génocide en Ouganda, pays également impliqué dans le conflit. Cette guerre a plutôt pour objet de procéder au pillage systématique des richesses de la République démocratique du Congo, a estimé la délégation.

Certains experts s'étant inquiétés d'informations laissant entendre qu'en dépit de l'interdiction légale du recrutement des enfants dans les forces armées, l'âge des enfants serait falsifié afin de permettre un tel recrutement, la délégation a assuré que ces informations sont totalement fausses. Le recrutement d'enfants dans l'armée est une pratique qui, aujourd'hui, n'existe pas en République démocratique du Congo. C'est une conjonction d'événements et un concours de circonstances qui, par le passé, ont amené certains enfants à se retrouver dans l'armée, mais on ne peut pas parler d'une politique gouvernementale de recrutement des enfants dans l'armée.

La délégation a souligné que les enfants soldats qui avaient été condamnés à mort en République démocratique du Congo ont été graciés le 17 mai dernier.

En ce qui concerne le respect des principes énoncés dans la Convention et plus particulièrement le respect du principe de non-discrimination, la délégation a souligné que la République démocratique du Congo, qui compte 450 tribus, ne connaît pas de problème de minorité ethnique. Comme partout, il peut y avoir des problèmes de familles ou de personnes mais en aucun cas il ne saurait s'agir de problèmes de nature ethnique. Un membre du Comité s'étant inquiété de rapports faisant état d'actes de discrimination contre les tutsis se trouvant en République démocratique du Congo, la délégation a assuré que s'il peut y avoir des cas isolés, de tels actes ne sauraient en aucune manière être attribués à une politique de discrimination délibérée de la part de la République démocratique du Congo.

Un membre du Comité a souligné que des enfants âgés de 9 à 11 ans sont emprisonnés en République démocratique du Congo alors que la législation du pays fixe à 16 ans l'âge minimum de la responsabilité pénale.

Plusieurs experts se sont enquis des mesures prises en République démocratique du Congo pour prévenir l'exploitation sexuelle des enfants, en particulier en ce qui concerne les fillettes, qui souffrent de croyances populaires profondément ancrées.


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