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LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DE L'ÉRYTHRÉE
20 mai 2003
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33ème session
20 mai 2003
Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui, le rapport initial de l'Érythrée sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant, qu'il a ratifiée en 1994.
Présentant le rapport de son pays, Mme Askalu Menkorios Berhane, Ministre du travail et de la protection sociale de l'Érythrée, a notamment souligné que son pays a mis au point une politique nationale de santé axée, en particulier, sur les soins à l'intention de la mère et de l'enfant. Elle a attiré l'attention en particulier sur la baisse de la mortalité infantile et l'augmentation importante du nombre d'enfants scolarisés. En dépit des succès encourageants qu'elle a enregistrés, l'Érythrée est consciente des nombreux défis qu'il lui reste à relever, a déclaré la Ministre.
La délégation érythréenne, également composée de représentants des Ministères de la justice, de l'éducation et de la santé, a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, de la coordination de l'action en faveur de l'enfance; des enfants déplacés; du VIH/sida; des questions relatives au mariage et à l'adoption; des mutilations génitales féminines; de l'avortement; de la violence et des abus contre les enfants; de l'administration de la justice pour mineurs.
L'éducation de base gratuite et obligatoire pour tous constitue une priorité fondamentale du Gouvernement érythréen, a assuré la délégation. Jusqu'ici, l'éducation n'a pas pu être rendue obligatoire du fait du manque de ressources techniques et autres, a-t-elle néanmoins reconnu. Elle a par ailleurs reconnu que le mariage précoce est un problème qui continue à se poser au sein de la société érythréenne, comme souvent dans une société traditionnelle, et il faudra un peu de temps pour parvenir à sensibiliser les populations à ce problème. La délégation a également que les mutilations génitales féminines sont une pratique traditionnelle en vigueur depuis des années en Érythrée, où elles touchent environ 90% de la population féminine.
L'experte du Comité chargée de l'examen du rapport érythréen, Mme Moushira Khattab, s'est notamment dite préoccupée par la maltraitance dont sont victimes les enfants, ainsi que par le problème de l'enregistrement des naissances. Tout en se réjouissant de la création d'une commission chargée d'examiner la compatibilité entre le droit interne et les dispositions de la Convention, Mme Khattab a souligné que l'Érythrée semble surtout être confrontée à un problème de compatibilité entre le droit coutumier et la Convention.
Le Comité examinera demain, à partir de 10 heures, le deuxième rapport périodique de Chypre (CRC/C/70/Add.16).
Présentation du rapport de l'Érythrée
Présentant le rapport de son pays, MME ASKALU MENKORIOS BERHANE, Ministre du travail et de la protection sociale de l'Érythrée, a notamment rappelé que la guerre qu'a connue l'Érythrée a affecté tant les droits de l'homme que l'économie et les infrastructures du pays.
La ministre a par ailleurs souligné que des efforts particuliers ont été déployés afin de s'occuper des orphelins de guerre et des orphelins du sida en privilégiant leur réintégration dans le cadre de la famille élargie plutôt que leur placement dans des institutions. Mme Menkorios Berhane a aussi fait valoir que son pays a mis au point une politique nationale de santé axée, en particulier, sur les soins à destination de la mère et de l'enfant. Elle a précisé que le taux de mortalité infantile est passé de 72 pour mille dans la première moitié des années 1990 à 49 pour mille en 2002. Attirant également l'attention sur la nouvelle politique d'enseignement suivie par son pays, elle a indiqué qu'en quelques années, le nombre d'enfants scolarisés est passé de 200 000 à 500 000, le nombre d'enseignants de 5 300 à environ 10 000 et le nombre d'écoles de 500 à 970.
En dépit des succès encourageants qu'elle a enregistrés, l'Érythrée est consciente des nombreux défis qu'il lui reste à relever, a déclaré la Ministre du travail et de la protection sociale. Maintenant que la paix règne, a-t-elle précisé, il reste notamment au pays à régler définitivement les problèmes frontaliers avec l'Éthiopie et à surmonter les problèmes liés à la sécheresse.
Le rapport initial de l'Érythrée (CRC/C/41/Add.12) rappelle que le pays a été exposé aux guerres pendant une bonne partie des quarante dernières années, d'abord pendant la lutte pour la libération (1961-1991), puis, plus récemment, au cours de la guerre de frontière avec l'Éthiopie (1998-2000), qui a affecté tous les aspects de la vie sociale et économique et a annulé tous les progrès réalisés depuis l'indépendance. À cela, sont venues s'ajouter des sécheresses et des famines. Ces guerres, ces catastrophes écologiques et ces années pendant lesquelles il a fallu recourir à l'aide internationale ont eu un impact profond sur les populations rurales et urbaines, et ont appauvri une partie de la société. Selon le rapport, le principal obstacle à la mise en application de la Convention est la situation socioéconomique du pays et le défaut de mécanismes adéquats efficaces. Le rapport évoque également les centaines de milliers de personnes déplacées dans la région.
Le rapport fait valoir que le Gouvernement envisage d'accroître régulièrement la proportion des dépenses d'éducation entre 2001 et 2005, pour qu'elles atteignent 14% des dépenses publiques en 2005. Il indique que le rôle précis de l'État n'est pas clairement défini concernant la protection des enfants contre les abus et la négligence dans le cadre familial et dans celui des relations privées, non plus que les limites dans lesquelles il peut intervenir. Les jeunes filles sont souvent fiancées alors qu'elles sont âgées de 8 à 14 ans, le mariage étant conclu alors qu'elles ont entre 13 et 15 ans. Souvent, ce ne sont pas elles qui choisissent leur mari. Le rapport indique par ailleurs que les enfants âgés de moins de 12 ans ne sont pas responsables de leurs actes et s'ils commettent un délit, ce sont les parents, l'école ou le tuteur qui encourent la peine. Bien qu'elles soient considérées comme délictueuses en vertu de la loi, certaines formes de discrimination sont courantes dans la société érythréenne, reconnaît le rapport. Par exemple, la quasi totalité des groupes ethniques du pays sont fortement patriarcaux et patrilinéaires en matière d'héritage (sauf les Kunama) et pratiquent donc une discrimination à l'égard des femmes et des jeunes filles. Les jeunes filles, les enfants handicapés et les enfants nés hors mariage font partie des victimes de discrimination dans certaines circonstances. Les autorités érythréennes sont convaincues que la discrimination ne disparaîtra effectivement que lorsque le pays se développera au plan économique et que l'éducation et la prise de conscience du public commenceront à faire changer les attitudes au sein de la société.
Examen du rapport de l'Érythrée
Relevant que les chiffres de l'aide internationale à l'Érythrée sont en baisse, la rapporteuse du Comité chargée de l'examen du rapport érythréen, Mme Moushira Khattab, a souhaité connaître la raison de ce déclin. Elle a demandé de quelle année datait le dernier recensement effectué dans le pays. Elle a relevé l'existence d'un problème en matière d'enregistrement des naissances et s'est en outre dite préoccupée par la maltraitance dont sont victimes les enfants. Mme Khattab a par ailleurs souhaité savoir si les organisations non gouvernementales participent réellement à la mise en œuvre des programmes en faveur de l'enfance.
Tout en se réjouissant de la création d'une commission censée examiner la compatibilité entre le droit interne et les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant, Mme Khattab a souligné que l'Érythrée semble surtout être confrontée à un problème de compatibilité entre le droit coutumier et la Convention. Elle a par ailleurs regretté que le pays ne se soit pas doté d'un mécanisme ou d'un organe particulier chargé de surveiller la mise en œuvre de la Convention en Érythrée. Cela constitue incontestablement une violation de la Convention que de permettre à une jeune fille de 13 ans de se marier, a-t-elle également souligné.
Un autre expert a souhaité connaître la philosophie qui inspire l'action en faveur de l'enfance en Érythrée. Il semble en effet que cette action soit appréhendée sous l'angle de la prévoyance et l'on peut donc se demander ce qu'il en est concrètement des droits de l'enfant.
Cet expert ayant souhaité savoir s'il existait en Érythrée un mécanisme chargé de traiter les plaintes des enfants, la délégation a indiqué que les autorités avaient l'intention d'en mettre un sur pied prochainement.
Un autre membre du Comité a estimé que l'examen de la conformité de la législation aux dispositions de la Convention n'est pas assez rapide. Il a fait observer que les femmes et les fillettes sont victimes de discrimination par rapport aux garçons pour ce qui est de leurs droits, notamment en matière d'héritage.
Un autre membre du Comité s'est enquis de la situation des enfants déplacés, du fait non seulement des violences dans la région mais aussi de la sécheresse. Un autre expert a souhaité savoir si le système de conscription de 18 à 40 ans est toujours en vigueur, maintenant que la guerre est finie.
La délégation a assuré que l'éducation de base gratuite et obligatoire pour tous constitue une priorité fondamentale du Gouvernement érythréen. Jusqu'ici, l'éducation n'a pas pu être rendue obligatoire du fait du manque de ressources techniques et autres, a-t-elle néanmoins reconnu.
Il incombe aux parents d'enregistrer leurs enfants sur un registre civil dans les 90 jours suivant la naissance, a souligné la délégation. Il est vrai que cette obligation juridique n'est pas toujours appliquée, mais il ne saurait être question de punir ou d'envoyer en prison les parents qui ne s'en acquittent pas, car il faudrait alors emprisonner la majorité des parents vivant dans les zones rurales, a souligné la délégation.
La délégation a souligné que la Constitution est la loi suprême du pays et a précisé qu'il est nécessaire d'adopter une législation subsidiaire afin d'assurer que ses dispositions soient mises en œuvre. Tout instrument international auquel accède le pays doit être conforme au droit interne.
La délégation a indiqué que l'Érythrée est sur le point de ratifier la Convention n°182 de l'Organisation internationale du travail relative à l'élimination des pires formes de travail des enfants. En outre, le Ministère des affaires étrangères doit très bientôt ratifier les deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, «si ce n'est même déjà fait», a-t-elle ajouté.
Le Ministère du travail et de la protection sociale joue un rôle de chef de file en ce qui concerne l'action en faveur des droits de l'enfant, a par ailleurs expliqué la délégation. Son rôle ne se limite pas à distribuer des rations alimentaires; l'activité qu'il déploie vise aussi à promouvoir les droits de l'enfant en les faisant davantage connaître au sein de la population, a-t-elle précisé. Elle a ajouté que c'est un Comité national des droits de l'enfant auquel participent des représentants de tous les ministères qui est chargé de la coordination de l'action en faveur de l'enfance. La délégation a en outre assuré que toutes les parties prenantes à la problématique des droits de l'enfant ont pris part à l'élaboration du présent rapport initial de l'Érythrée.
Pour ce qui est des enfants faisant partie des populations déplacées, la délégation a indiqué que les autorités érythréennes ne se contentent pas de déployer des efforts afin de leur fournir un abri, un logement et une alimentation; elles les aident également à surmonter les traumatismes de la guerre et à suivre un enseignement scolaire.
En ce qui concerne le VIH/sida, la délégation a déclaré que ce problème n'est pas très important en Érythrée en comparaison de ce qu'il peut être dans d'autres pays puisque seulement 3% de la population sont touchés. Les campagnes de sensibilisation semblent s'être avérées utiles en suscitant des changements de comportements chez les jeunes, a affirmé la délégation.
Un membre du Comité a souligné que si le taux de prévalence du VIH/sida au sein de la population semble effectivement encore relativement faible, il n'en demeure pas moins qu'il est en hausse dans le pays et constitue actuellement la deuxième cause de décès chez les moins de 5 ans.
En ce qui concerne les questions relatives au mariage, la délégation a indiqué qu'en règle générale, il n'est pas permis de se marier tant que l'on n'a pas atteint l'âge de 18 ans. Il n'en demeure pas moins vrai que dans les zones rurales, les autorités n'ont parfois pas le contrôle dans tous les domaines, a précisé la délégation. Elle a indiqué que, dans le nouveau Code pénal, ne figurera plus la disposition actuellement en vigueur en vertu de laquelle en cas de viol, la procédure pénale est interrompue si la jeune fille victime épouse la personne qui l'a violée.
Interrogée sur les mesures prises pour prévenir les mariages précoces, la délégation a reconnu que le mariage précoce est un problème qui continue de se poser au sein de la société érythréenne, comme souvent dans une telle société traditionnelle, et il faudra un peu de temps pour parvenir à sensibiliser les populations à ce problème.
La femme divorcée qui se retrouve dans l'incapacité de subvenir à ses besoins est habilitée à percevoir de son ex-mari une pension, a par ailleurs assuré la délégation.
S'agissant des questions relatives à l'adoption, la délégation a notamment expliqué que les familles n'ayant pas d'enfant ou en ayant seulement un ou deux seront davantage en position de voir leur demande d'adoption acceptée que les familles nombreuses. L'expérience a montré que les orphelins placés en institution bénéficient généralement d'une chaleur et d'une affection moindres que celles dont ils peuvent jouir s'ils sont placés dans une famille, a-t-elle ajouté. En ce qui concerne les familles d'accueil, la délégation a toutefois précisé que récemment, sur plus d'une cinquante de familles candidates, seules huit ont été retenues, les critères de sélection étant en effet assez sévères afin d'éviter les abus. Les autorités s'efforcent d'éviter que les enfants adoptés ne soient exposés à un choc culturel et évitent donc dans toute la mesure du possible de les déraciner, c'est-à-dire de les envoyer loin de leur environnement habituel.
En ce qui concerne les mutilations génitales féminines, la délégation a expliqué qu'il s'agit là d'une pratique traditionnelle en vigueur depuis des années en Érythrée où elle touche environ 90% de la population féminine. Les autorités s'efforcent de prévenir ces pratiques étant donné les graves conséquences qu'elles peuvent avoir sur la santé des femmes et des jeunes filles. Mais les gens ont leurs propres traditions, auxquelles ils sont attachés, et il n'est donc pas simple d'éradiquer des pratiques profondément enracinées dans les coutumes, a insisté la délégation. Les autorités ont récemment organisé un atelier de sensibilisation à ce problème, a-t-elle fait valoir.
Un membre du Comité a fait observer que ces pratiques sont suivies aussi bien par des chrétiens que par des musulmans et a souligné qu'on ne saurait donc les réduire à un aspect purement religieux.
En réponse à une question, la délégation a indiqué que l'avortement n'est autorisé en Érythrée que si la santé de la mère est en danger ou s'il est établi que la personne qui demande à se faire avorter encourt des problèmes psychiques ou mentaux si elle ne subit pas une interruption de grossesse. En dehors de ces raisons médicales, l'avortement n'est pas autorisé en Érythrée, a insisté la délégation.
En ce qui concerne les violences et abus contre les enfants, la délégation a notamment souligné que les châtiments corporels ne sont pas autorisés en milieu scolaire. Il est faux de prétendre que la pratique des châtiments corporels serait très courante dans les écoles érythréennes, même s'il a certes pu arriver que quelques cas ont pu se produire. Les abus sexuels contre les enfants sont considérés en Érythrée comme des crimes très graves, a par ailleurs assuré la délégation. Quant à la violence domestique, on ne saurait prétendre qu'elle n'existe pas en Érythrée, mais il ne s'agit en tout cas pas d'un problème qui se poserait régulièrement et nécessiterait la création de comités, a affirmé la délégation. Elle a par ailleurs admis qu'il est probable que des jeunes filles ou fillettes victimes d'abus sexuels ne se plaignent pas par crainte d'être ensuite reniées par leur communauté.
Le soutien économique que les enfants sont amenés à apporter à leurs parents en exerçant de petits emplois s'explique par la pauvreté qui sévit dans le pays, mais cela ne constitue pas une violation de la Convention, a estimé la délégation.
Il est faux de prétendre que les jeunes de 15 ans sont traités comme des adultes, a par ailleurs assuré la délégation. D'ailleurs, le Code pénal transitoire prévoit que les jeunes délinquants âgés de plus de 15 ans doivent être séparés des adultes.
La délégation a par ailleurs indiqué que le pays n'envisage pas de mettre en place des tribunaux pour enfants.
Un membre du Comité ayant souhaité savoir si s'est poursuivie la chute, depuis 1999, de 35% à 9% de la part du budget de l'État consacrée aux dépenses militaires, la délégation a souligné que les dépenses militaires sont bien entendu à mettre en relation avec l'existence ou non d'un conflit ou d'une guerre ouverte. Or, l'Érythrée connaît actuellement un processus de paix et il faut espérer que les activités de la commission chargée du règlement des problèmes de frontières connaîtront un dénouement positif, a souligné la délégation.
La délégation a assuré que le nombre d'enfants touchés par l'exploitation sexuelle n'est pas important, ce qui n'empêche pas ces enfants de constituer un groupe vulnérable en faveur duquel il convient de déployer des efforts de réinsertion.
Les mines antipersonnel constituent un problème grave en Érythrée, a par ailleurs rappelé la délégation, qui a précisé que les autorités travaillent au déminage des terres minées en collaboration avec des institutions internationales telles que le Programme des Nations Unies pour le développement.
S'agissant des questions d'éducation, la délégation a reconnu que la scolarisation des petites filles est certes encore faible par rapport à celle des garçons, mais la situation s'améliore. Elle a assuré que les autorités s'efforcent de parvenir à la parité dans ce domaine.
Observations préliminaires sur le rapport érythréen
Présentant, à l'issue de cette journée de discussion, des observations préliminaires sur le rapport de l'Érythrée, la rapporteuse du Comité chargée de l'examen de ce rapport, Mme Moushira Khattab, a déclaré avoir bien noté les progrès accomplis par l'Érythrée ainsi que les enjeux auxquels fait face le pays. Les observations finales que le Comité présentera à la fin de la session s'efforceront d'envisager des solutions aux problèmes subsistants et pourraient suggérer au pays de faire appel à une assistance technique adéquate.
La délégation de l'Érythrée a souligné que le pays pourrait en effet envisager de faire appel à une assistance technique.
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