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LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DE LA FRANCE
26 mai 2009
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Comité des droits de l'enfant
26 mai 2009
Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui, le rapport de la France sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.
La Secrétaire d'État chargée de la famille, Mme Nadine Morano, a présenté le rapport périodique de son pays en début de journée en faisant notamment part de l'adoption, le 5 mars 2007, d'une loi cadre réformant la protection de l'enfance et visant à prévenir les mauvais traitements et améliorer le dispositif d'alerte et de détection des risques de danger pour les mineurs. Le projet d'une culture de la protection de l'enfance est né et prend une réalité concrète, s'est-elle en outre félicitée. Après avoir souligné que la protection de l'enfance passe aussi par la protection du cadre familial, Mme Morano a fourni des renseignements sur les grands chantiers mis en œuvre par son gouvernement, s'agissant notamment de la réforme de la politique d'adoption et du soutien à la parentalité. Le Gouvernement a fait une priorité de faire progresser les droits de l'enfant là où cela s'avère nécessaire, a-t-elle conclu.
L'imposante délégation française était également composée de représentants du
Ministère des affaires étrangères et européennes; du Ministère de l'éducation nationale; du Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire; du Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales; du Ministère de la justice; et du Ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Le Représentant permanent de la France auprès des Nations Unies, ainsi que d'autres membres de la Mission française complétaient cette délégation qui a fourni au Comité des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, la diffusion du rapport de la France et des observations finales du Comité et, plus généralement, de la Convention; l'applicabilité des dispositions de la Convention; le respect des droits de l'enfant dans le cadre de l'immigration; les châtiments corporels; les procédures d'adoption; les mesures prises pour prévenir la violence à l'école; l'impact de la crise économique et financière actuelle sur les budgets sociaux; et l'âge minimum de la responsabilité pénale. Sur ce dernier point et face aux préoccupations des experts, la délégation française a assuré que l'absence d'âge minimum en France ne signifie pas que les jeunes de 15 ou 16 ans sont jugés comme des majeurs. Elle a également annoncé que des réflexions sont actuellement menées pour déterminer un «âge seuil».
Présentant en fin de journée quelques observations préliminaires, le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport français, M. Hatem Kotrane, a souligné qu'une des premières recommandations du Comité sera certainement d'inciter la France à diffuser plus largement ses conclusions et, peut-être, lancer un vaste débat public. Pour le second corapporteur, M. Luigi Citarella, il semble nécessaire pour la France de mettre sur pied une politique globale pour les enfants, constatant un foisonnement d'initiatives, de projets, de lois, mais aussi qu'il ne semble pas y avoir de vision unique et globale.
Demain, à partir de 10 heures, le Comité examinera le quatrième rapport périodique de la Suède (CRC/C/SWE/4).
Présentation du rapport de la France
MME NADINE MORANO, Secrétaire d'État chargée de la famille, a d'emblée affirmé que la France est très attachée à la défense des droits de l'enfant. Elle a indiqué que la Convention relative aux droits de l'enfant est largement mise en œuvre en France, dans l'ensemble des politiques publiques et principalement grâce à la politique de la famille. Elle a précisé que les mesures présentées dans le rapport périodique de la France dépassent largement le cadre de la Convention et de ses deux Protocoles: elles s'inscrivent dans une politique d'ensemble à l'égard des enfants dont le cap est fixé très clairement par la notion fondamentale d'intérêt de l'enfant. Mme Morano a fait part de l'adoption, le 5 mars 2007, d'une grande loi cadre réformant la protection de l'enfance. Les deux grands objectifs de cette loi, a-t-elle précisé, sont le développement de la prévention des mauvais traitements et l'amélioration du dispositif d'alerte et de détection des risques de danger pour les mineurs. La Secrétaire d'État a ainsi souligné que la loi prévoit la création dans chacun des 100 départements français d'une cellule d'alerte et de signalement. Il y a aujourd'hui 70 cellules départementales de recueil, d'évaluation et de traitement des informations préoccupantes, a-t-elle poursuivi. Ces cellules permettent un état des lieux exhaustif de l'enfance en danger, ainsi que des données statistiques fiables et complètes sur les parcours des enfants maltraités. Mme Morano a souligné que la loi prévoit par ailleurs que tous les acteurs de la protection de l'enfance bénéficient lors de leur formation d'une information relative à la protection de l'enfance. Le projet d'une culture de la protection de l'enfance est né et prend une réalité concrète, s'est-elle félicitée.
La Secrétaire d'État française a ensuite fait observer que d'importants progrès ont été accomplis en matière de coordination de l'action entre l'État, les départements et les associations. Elle a rappelé que par les lois de décentralisation, la compétence de droit commun appartient aux départements. L'État, quant à lui, conserve un rôle de pilotage stratégique. Mme Morano a rappelé qu'une autorité indépendante a été créée en mars 2000 - le Défenseur des enfants - qui est chargé de défendre et promouvoir les droits de l'enfant. Le Gouvernement est très attaché à cette autorité dont l'indépendance et le sérieux sont unanimement appréciés, a-t-elle ajouté. Mme Morano a également attiré l'attention sur le rôle joué par les associations et les organisations non gouvernementales qui ne manquent jamais d'interpeller le Gouvernement. À cet égard, elle a indiqué avoir récemment réuni le comité national de suivi de la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 et y avoir invité des associations de protection de l'enfance afin de recueillir leurs observations sur la mise en œuvre de la loi.
Mme Morano a également fait remarquer que la protection de l'enfance passe aussi par la protection du cadre familial de l'enfant. La protection de l'enfance s'inscrit alors dans le cadre d'une politique globale en matière de politique familiale, a-t-elle expliqué. Elle a donné quelques informations sur les grands chantiers entamés par le Gouvernement, comme la réforme des tutelles qui est entrée en vigueur en 2009. Elle a précisé par ailleurs que le Président français s'est engagé à opérer une profonde réforme pour rendre plus lisible la politique française d'adoption. Un portail Internet a été créé pour mettre à la disposition des futurs adoptants une information fiable; un comité interministériel de l'adoption chargé d'en définir les contours et d'assurer la coordination des acteurs a été institué; enfin, un projet de loi a été déposé au Parlement.
La Secrétaire d'État a également attiré l'attention du Comité sur deux sujets préoccupants: les conflits familiaux et l'accroissement des enlèvements d'enfants. Elle a précisé que le Gouvernement réfléchit aux moyens de renforcer les mesures d'accompagnement des séparations parentales, voire à innover en instaurant un guide de parentalité de façon à privilégier systématiquement l'intérêt de l'enfant. Une ligne téléphonique nationale gratuite a été ouverte pour les parents dépassés dans leur rôle de parents. S'agissant de la lutte contre la pédopornographie, Mme Morano a fait observer que le bilan de l'action de la France en la matière doit être crédité d'une action constante et vigoureuse. L'arsenal législatif français est complet; les sanctions encourues pour les infractions à caractère sexuel commises sur des mineurs sont particulièrement sévères, a-t-elle précisé. Elle a également indiqué que le Gouvernement utilise aussi le volet préventif. Elle a précisé mener des actions visant à améliorer la performance des logiciels de contrôle parental, à sensibiliser le grand public à la protection de l'enfant sur le numérique et à bloquer l'accès aux sites pédopornographiques.
La Secrétaire d'État a conclu son intervention en affirmant que le Président français et, avec lui, le Gouvernement ont fait une priorité de faire progresser les droits de l'enfant, là où cela s'avère nécessaire. Elle a assuré qu'elle sera attentive aux recommandations du Comité et a renouvelé son engagement personnel en vue de l'application pleine et entière de la Convention relative aux droits de l'enfant.
Le rapport périodique de la France (CRC/C/FRA/4, réunissant les troisième et quatrième rapports) précise notamment que la levée de la réserve et des deux déclarations à la Convention, à laquelle l'avait invitée le Comité en 2004, n'est toujours pas à l'ordre du jour, les motifs d'ordre juridique qui ont conduit à les formuler persistant. Le rapport rappelle qu'une Défenseure des enfants, chargée de défendre et de promouvoir les droits de l'enfant, a été nommée en mars 2000. Il souligne aussi que la Commission nationale consultative des droits de l'homme a vu sa position renforcée, puisqu'elle bénéficie, depuis mars 2007, d'un statut législatif qui lui permet de se conformer aux Principes de Paris. Parmi les mesures nouvelles prises pour renforcer l'application de la Convention figure notamment une loi de 2007 qui donne à la notion de protection de l'enfance un fondement législatif et comprend un volet fondamental relatif à la prévention. Enfin, conformément à ses engagements internationaux, la France a prévu un encadrement strict de l'activité d'intermédiaire pour l'adoption d'enfants de moins de quinze ans. En ce qui concerne l'action de la France dans le monde, le rapport explique qu'au cours des dernières années, la France a augmenté de manière conséquente la part de ses contributions au budget du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). En deux ans, sa contribution a augmenté de près de 35%, atteignant les 14 millions d'euros en 2006. La France soutient en outre plusieurs projets de coopération destinés à améliorer la protection des enfants dans le monde.
Le Gouvernement français a, conformément aux recommandations du Comité, pris de nouvelles mesures afin de combattre de manière plus effective toute forme de discrimination et rendre plus conforme sa législation à la Convention. Il a notamment installé en 2005 la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) qui, outre un rôle d'information du public, a pour missions principales le traitement de cas de discriminations et la promotion de l'égalité. Parallèlement, la HALDE identifie et diffuse les bonnes pratiques et émet des avis et des recommandations, auprès du Gouvernement, du parlement et des autorités publiques. Face aux préoccupations du Comité, le rapport rappelle que la loi encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles a été adoptée pour garantir le respect du principe constitutionnel de laïcité et assurer la neutralité de l'enseignement public. Cette loi ne stigmatise aucune confession particulière, ce qui serait source de discriminations, précise le rapport. Conformément aux dispositions de la loi, une évaluation de son application a été établie un an après son entrée en vigueur, en juillet 2005. Le bilan est globalement positif et les allégations faisant état de la montée de la discrimination, notamment fondée sur la religion, ont été démenties par les faits. Enfin, le rapport fait part de la mise sur pied en février 2006 du dispositif «Alerte enlèvement». En cas de déclenchement, cette alerte est diffusée sur tout le territoire national métropolitain et ce de façon répétitive jusqu'à la découverte de l'enfant. Le message d'alerte est accompagné d'une photographie de la victime et de coordonnées pour le recueil des témoignages par la police ou la gendarmerie nationales.
Examen du rapport
Observations et questions des membres du Comité
M. LUIGI CITARELLA, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la France, a remercié la délégation française pour le rapport très intéressant qu'elle a rédigé. Il a toutefois déploré qu'il n'y ait pas de mention sur la situation dans les territoires d'outre-mer, soulignant qu'il est dès lors difficile de comparer la condition des enfants dans ces territoires avec celle en France métropolitaine. Il a ensuite attiré l'attention sur la question de l'applicabilité directe des dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant, question qui préoccupe le Comité. Il a en effet fait remarquer que sur 54 dispositions, seules 11 ont été conçues comme créant des droits pour les enfants. Il a souhaité que la France fasse en sorte que la Convention puisse être invoquée devant un tribunal, suggérant par exemple l'adoption d'une nouvelle loi sur la Convention en général. Il s'est réjoui que certaines préoccupations exprimées par le Comité aient été prises en compte par la France, tout en déplorant que beaucoup d'autres soient restées sans effet sur le plan national, comme celle relative aux réserves et déclarations interprétatives de la France.
M. HATEM KOTRANE, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la France, a fait remarquer que le Comité s'apprête à discuter du rapport d'un pays respectueux des droits de l'homme. Il a noté plusieurs avancées depuis l'examen du rapport précédent, faisant notamment référence à l'important travail législatif mené par le Gouvernement français. Il a tout particulièrement attiré l'attention sur la loi de juillet 2005 portant réforme de la filiation, supprimant la distinction entre filiation légitime et filiation naturelle, ce qui répond à l'une des recommandations spécifiques du Comité. Il s'est aussi félicité de la loi d'avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple.
M. Cotrane a toutefois regretté que le rapport de la France, soumis en septembre 2007, ne soit, encore aujourd'hui, disponible sur aucun site ministériel et n'ait fait l'objet d'aucune promotion officielle. Quelles sont les mesures envisagées en vue de diffuser au grand public le rapport de la France et les observations finales du Comité à l'issue de l'examen du présent rapport, a-t-il demandé? Il s'est également enquis de la possibilité d'ouvrir, comme le suggèrent les organisations non gouvernementales, un grand débat national sur l'état des droits de l'enfant en France. M. Kotrane s'est par ailleurs demandé si la France comptait créer un organisme national chargé de la coordination globale de la mise en œuvre de la Convention. Il a aussi souhaité connaître les mesures envisagées en vue de mettre en place une formation obligatoire des enseignants et de l'ensemble des professionnels sur les droits de l'enfant.
Une autre membre du Comité s'est faite l'écho de cette demande, regrettant que la diffusion de la Convention semble restreinte. Elle a fait remarquer que la France a les moyens et la capacité de diffuser la Convention de façon constante et à tous les niveaux.
Des membres du Comité ont également attiré l'attention sur le manque apparent de politiques ou de stratégies globales d'application des droits de l'enfant. Le Gouvernement entend-il adopter une politique globale et déployer des mesures d'ensemble pour la mise en œuvre la Convention?
Reprenant des informations faisant état de comportements agressifs de la part d'agents de sécurité pendant la garde à vue, un expert s'est demandé quelles mesures sont prises pour protéger les enfants de ce type d'atteintes. Il s'est également inquiété du nombre élevé d'enfants qui se suicident en milieu carcéral.
Plusieurs experts se sont inquiétés des mesures prises pour protéger les droits des enfants dans le cadre de l'immigration. À quel niveau politique et sur quel fondement légal, la France veille-t-elle à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents dans le cadre de l'immigration? Quelles sont les mesures prises pour empêcher qu'un enfant soit rapatrié dans son pays d'origine?
Le Comité s'est par ailleurs enquis des efforts déployés pour que les enfants se voient garantis tous les éléments qui composent leur identité. Qu'en est-il du droit de l'enfant à connaître ses origines?
Une experte s'est pour sa part interrogée sur l'influence des soins de la petite enfance sur les performances scolaires ultérieures de l'enfant, se demandant s'il est bon pour un enfant de passer toute sa petite enfance dans des crèches ou des garderies. Des études sont-elles menées sur le sujet ?
Un autre membre du Comité a souhaité davantage d'informations sur les politiques de coopération internationale de la France, regrettant que le rapport soit silencieux sur ce point. Il s'est demandé dans quelle mesure les efforts de coopération européens ont changé avec la présidence française de l'Union européenne. Qu'en est-il de l'objectif de consacrer 0,7% du PIB à l'aide publique au développement, a-t-il également demandé?
Renseignements complémentaires fournis par la délégation
En réponse à un expert qui s'enquérait des consultations menées pour la préparation du rapport, la chef de la délégation française a assuré le Comité que le Gouvernement a pris en compte les commentaires de la Défenseure des enfants, ainsi que ceux de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, au sein de laquelle sont représentées des associations. Elle a précisé que cette Commission comprend une sous-commission spécialisée dans les droits de l'enfant.
En ce qui concerne l'applicabilité directe de la Convention, Mme Morano a expliqué que dans l'ordre juridique français, une Convention internationale s'applique dès lors qu'elle comprend des dispositions claires et précises. Une marge d'appréciation est toutefois laissée aux juridictions, ces dernières ayant le soin de déterminer quelles dispositions d'une convention sont applicables, a-t-elle précisé.
S'agissant de la sensibilisation des enfants à leurs droits, Mme Morano a expliqué que la diffusion des droits de l'enfant est assurée à trois niveaux: à l'école primaire, au collège et au lycée. Pour les enseignants, une formation est prévue dans le cadre des Instituts universitaires de formation des maîtres. La Secrétaire d'État chargée de la famille a annoncé vouloir prendre l'initiative de fêter le vingtième anniversaire de la Convention relative aux droits de l'enfant en organisant un événement national par le biais du Secrétariat d'État à la famille qu'elle dirige.
Interrogée sur les modalités de la stratégie globale à mener en faveur des enfants, la Secrétaire d'État a souligné qu'en France, la politique pour l'enfant s'inscrit dans le cadre d'une politique familiale. C'est le Ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité qui gère cette politique.
À un expert qui demandait une précision sur l'âge minimal pour le recrutement dans les forces armées, Mme Morano a affirmé qu'aucun mineur de moins de 18 ans ne participe à des opérations militaires en extérieur. Elle a expliqué que certains mineurs ont un statut d'élève dans des établissements scolaires de la défense, établissements qui permettent de rattraper l'échec scolaire, mais qui n'envoient en aucun cas des mineurs sur des opérations militaires en extérieur.
En réponse à des questions portant sur la politique d'immigration, Mme Morano a expliqué que la France a souhaité se doter d'une politique familiale et d'immigration humaine et responsable. Elle a souligné que la réunification familiale est un droit et que la France met l'accent sur un contrat d'intégration. De fait, depuis 2007, le pays prépare le parcours d'intégration dès le pays d'origine, a-t-elle précisé. La Ministre a par ailleurs souligné que des instructions très claires ont été données pour qu'il n'y ait aucune interpellation de personnes en situation irrégulière aux portes et aux abords des écoles. S'agissant des centres de détention administrative, Mme Morano a expliqué que le placement dans ces centres reste une situation exceptionnelle. Dans ces centres, de gros efforts sont déployés pour l'accueil. En outre, aucun mineur isolé ne peut y être placé, a-t-elle fait valoir. Elle a expliqué que les mineurs de moins de 13 ans qui arrivent à l'aéroport de Roissy sont hébergés à l'hôtel sous la protection d'une nurse. Les mineurs de plus de 13 ans sont placés dans les locaux de la zone d'attente prioritaire et bénéficient de l'assistance humanitaire d'associations comme la Croix-Rouge, ainsi que d'une assistance juridique auprès d'un administrateur ad-hoc. À cet égard, un membre de la délégation a reconnu que la France a rencontré quelques problèmes au niveau de la représentation effective auprès des administrateurs, mais a fait remarquer que le pays ne cesse de progresser, dans le but d'atteindre un taux de représentation de 100%. En ce qui concerne le retour au pays, la France s'assure que l'enfant soit effectivement attendu dans son pays d'origine par un membre de sa famille, a-t-il été précisé.
Interrogée sur l'examen osseux effectué sur les jeunes dans le but de distinguer les jeunes de plus de 18 ans des mineurs, la délégation a souligné que cet examen est couplé à d'autres indicateurs destinés à évaluer l'âge. Tout en reconnaissant que cette technique n'est pas complètement fiable, elle a fait remarquer que les résultats de cet examen ont plutôt tendance à minorer l'âge, donc à être favorable à l'enfant.
À l'expert qui s'enquérait des mesures envisagées pour assurer que l'âge minimum de la responsabilité pénale ne soit pas inférieur à 13 ans - l'une des recommandations formulées par le Comité -, la Secrétaire d'État a assuré que l'absence d'âge minimum en France ne signifie pas que les jeunes de 15 ou 16 ans sont jugés comme des majeurs. Le juge apprécie, au cas par cas, la capacité de discernement du mineur. Sur ce point, un membre de la délégation a précisé que le magistrat ne prend pas cette décision seul, mais a recours aux expertises psychologiques. Il a indiqué que des réflexions sont actuellement menées pour déterminer un «âge seuil». En l'état actuel des réflexions, cet âge serait fixé à 13 ans, a-t-il indiqué.
En réponse à une autre question, Mme Morano a indiqué que des centres éducatifs fermés ont effectivement été mis en place; le pays en compte aujourd'hui 38, pour 413 places. D'ici à 2010, le pays disposera de 48 centres avec 529 places. L'objectif est d'aider les jeunes, a-t-elle insisté, faisant d'ailleurs observer que le taux d'encadrement dans ces centres est extrêmement important, soit de deux encadrants pour un seul jeune.
Quant à savoir si la France entend bannir les châtiments corporels, Mme Morano a indiqué qu'il n'existe plus de pratique institutionnalisée de châtiments corporels en France. Elle a également fait valoir qu'il n'y a pas à modifier l'arsenal législatif qui est suffisant sur ce point. En effet, la France dispose d'un arsenal législatif complet qui permet de faire face à la violence à l'encontre des enfants, a-t-elle expliqué, mentionnant notamment que le code pénal sanctionne toutes les atteintes et actes de violence à l'encontre des mineurs. Un expert ayant fait remarquer que la fessée, par exemple, est difficile à constater et que seule une grande violence peut être vérifiable par un certificat médical, la Ministre a assuré que toutes les formes de brutalité sont couvertes par l'arsenal législatif. Toutes les violences et toutes les maltraitances, quelles qu'elles soient, relèvent du juge pour enfant, a-t-elle précisé. Elle a rappelé que la France est contre toute forme de châtiment corporel et travaille à mieux accompagner les parents dans le cadre des réseaux d'appui et d'aide à la parentalité.
À l'expert qui demandait un complément d'informations sur les procédures d'adoption, Mme Morano a expliqué que pour adopter, il faut un agrément; 28 000 agréments sont en cours actuellement, soit 28 000 familles qui attendent d'adopter. Elle a ajouté que l'un des objectifs du Gouvernement est de procéder à une réforme pour améliorer la lisibilité des agréments. En effet, l'agrément est valable 5 ans; or, certaines familles renoncent à l'adoption, soient parce que les conjoints se sont séparés, soient parce qu'ils ont finalement réussi à concevoir un enfant, mais l'État n'en est pas informé. Ainsi, pour avoir une meilleure lisibilité du nombre d'agréments valables, l'État entend inscrire dans la loi une disposition obligeant les familles à confirmer chaque année leur volonté d'adopter. La Ministre a expliqué que le Gouvernement cherche également à assurer une meilleure relation entre les organismes d'adoption agréés et souhaite mettre en œuvre des processus de consultations d'orientation et de conseils à l'adoption dans chaque région française, pour mieux accompagner les parents adoptants et les enfants.
S'étonnant des critiques du Comité à l'égard des correspondants qui se trouvent à l'étranger et qui aident au processus d'adoption, la délégation a tenu à expliquer que la présence d'un fonctionnaire auprès d'une ambassade de France à l'étranger offre la certitude que les parents, comme les autorités, auront des informations sérieuses au plus près des préoccupations locales. Il ne s'agit pas de recruteurs d'enfants, mais d'intermédiaires qui sont au plus près des réalités et préoccupations locales, a-t-elle insisté.
Invitée à donner davantage d'informations sur le plan d'action national pour prévenir la violence à l'école, la délégation française a expliqué que le Gouvernement a souhaité se doter d'outils de suivi des phénomènes de violence, afin de baser ses actions sur des données fiables. Ainsi, un dispositif de suivi appelé «CIVIS» a-t-il été créé. La délégation a également expliqué qu'un système d'enquête inédit a été mis en place, qui recueille des données en interrogeant directement les élèves et les éducateurs sur leur ressenti de la violence. Ce système est actuellement expérimenté sur une académie; en fonction des données recueillies, le Gouvernement déterminera s'il est judicieux d'étendre ce dispositif. La délégation a par ailleurs fait remarquer que la prévention de la violence passe d'abord par l'éducation. Il s'agit dès lors pour le Gouvernement de lutter contre l'échec scolaire et de promouvoir l'égalité des chances. Le Ministère a ainsi travaillé à améliorer le système éducatif dans son ensemble et la réussite des élèves. D'autre part, une attention particulière a été accordée à la mesure de l'absentéisme, a indiqué la délégation. Elle a expliqué qu'aux premiers signes d'absentéisme, il y a une prise de contact immédiate avec la famille, un dialogue approfondi avec les parents, voire un travail avec une assistante sociale. Entre autres mesures prises pour prévenir la violence, la délégation a également expliqué que chaque établissement scolaire a un correspondant gendarme ou policier avec lequel il entretient des rapports de collaboration. Ce correspondant joue un rôle de proximité, de dialogue et de confiance, a-t-elle précisé, soulignant qu'il ne s'agit pas de constituer des fichiers d'élèves à travers cette collaboration mais de travailler à la prévention de la violence.
En ce qui concerne la sensibilisation à la citoyenneté, la délégation a fait part de la mise sur pied d'un nouvel enseignement sur l'éducation civique, juridique et sociale. Il existe également de nombreuses journées de sensibilisation, comme la journée des droits de l'enfant du 20 novembre ou la journée mondiale pour l'abolition de l'esclavage. En outre, des prix et des concours sont organisés, comme le Prix des droits de l'homme René Cassin qui récompense les projets d'éducation à la citoyenneté, a souligné la délégation.
Une experte ayant exprimé sa préoccupation face au nombre élevé de suicides chez les adolescents, la délégation a expliqué que l'idée pour le Gouvernement est de traiter l'ensemble des difficultés des adolescents. De nombreux plans sont en cours, a-t-elle indiqué, faisant notamment référence à la création de «maisons départementales des adolescents», structures dans lesquelles les adolescents sont reçus par différents types de professionnels, psychologues et médecins pour discuter de leurs problèmes. Elle a également fait part de la mise sur pied d'un «Plan santé jeune» lancé en 2008 et qui vise à répondre aux besoins des jeunes et des plus vulnérables en favorisant le bien-être des adolescents.
La délégation française a par ailleurs brièvement fait part du dispositif «Alerte enlèvements», mis en place par la France en 2006 et qui a pour but de faire appel au public pour retrouver un mineur qui a été enlevé. À ce jour, ce dispositif a été déclenché à 8 reprises et à chaque fois, le mineur a été retrouvé sain et sauf, a-t-il précisé.
Interrogée sur l'impact de la crise économique et financière sur les budgets sociaux, la délégation a souligné qu'il n'y a pour l'instant pas d'effet sur les budgets sociaux et qu'au contraire, le domaine social reste une priorité, notamment s'agissant de l'éradication de la pauvreté et de la lutte contre les inégalités sociales. Elle a fait part de la mise sur pied d'un revenu de solidarité active qui entrera en vigueur le 1er juin 2009 et qui visera plus de 3 millions de personnes. Elle a précisé que 700 000 personnes devraient, grâce à ce revenu, franchir le seuil de pauvreté.
En conclusion, MME NADINE MORANO, Secrétaire d'État chargée de la famille et chef de la délégation française, s'est félicitée de la qualité des échanges avec le Comité. Se présenter devant le Comité a une vertu fondamentale, a-t-elle fait remarquer, celle de pousser à se dire que les droits de l'enfant obligent à être performant, soucieux, attentif et à toujours évoluer dans l'ensemble des législations. Elle s'est en effet dite persuadée que l'enfant ne peut être traité qu'à travers l'ensemble de son existence et dans tous les domaines. C'est pourquoi, pour constituer une politique globale efficace et précise, il fait travailler sur l'interministériel, a-t-elle conclu.
Une autre représentante de la délégation française est pour sa part revenue sur la question de l'applicabilité de la Convention, estimant que les critiques à cet égard sont un faux procès. Elle a fait remarquer que si 11 dispositions sur 54 sont applicables, il faut plutôt s'en réjouir, alors que ce nombre était de 5 sur 54 lors de l'examen du précédent rapport de la France. Elle a également demandé du temps, la Convention n'ayant que 20 ans.
Observations préliminaires
M. HATEM KOTRANE, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la France, s'est félicité de ce dialogue avec la délégation française. Il a souligné qu'une des premières recommandations du Comité sera certainement d'inciter la France à diffuser plus largement ses conclusions et, peut-être, lancer un vaste débat public. Il a précisé que le Comité fera preuve d'une vigilance toute particulière dans les domaines où les lois sont en train de se mettre en place et ne sont pas encore totalement achevées, pour faire en sorte qu'aucun recul ne soit observé en France, notamment sur des questions comme l'adoption ou la justice des mineurs.
M. LUIGI CITARELLA, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la France, s'est réjoui de ce débat fructueux entre le Comité et la délégation française. Il a estimé nécessaire pour la France de mettre sur pied une politique globale pour les enfants, constatant un foisonnement d'initiatives, de projets, de lois, mais pas une vision unique et globale. Il a également invité la France à envisager de prendre en compte les conclusions du Comité pour améliorer la situation des enfants. Enfin, le corapporteur a déploré que les discussions d'aujourd'hui n'aient pas abordé la situation dans les territoires d'outre-mer.
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