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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DU MAROC SUR LA VENTE ET LA PROSTITUTION DES ENFANTS

11 Janvier 2006

Comité des droits de l'enfant (B)

11 janvier 2006


Le Comité des droits de l'enfant a examiné, ce matin, le rapport initial du Maroc sur les mesures prises par ce pays conformément au Protocole facultatif à la Convention concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Présentant le rapport de son pays, M. Azzeddine Farhane, Chargé d'affaires ad interim à la Mission permanente du Maroc auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé que le Maroc s'est engagé à être le point focal pour la région arabo-africaine dans le cadre du suivi des recommandations du congrès de 2001 de Yokohama sur l'exploitation sexuelle des enfants. M. Farhane a en outre fait valoir qu'à l'issue de sa visite au Maroc en 2000, la Rapporteuse spéciale sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants avait fait état d'«une volonté réelle de la part du Gouvernement marocain de faire face au phénomène de l'exploitation des enfants». Elle avait également relevé des situations pénibles, tels que le phénomène des enfants des rues dans les grandes villes, la situation des petites filles engagées comme bonnes, ainsi que les liens entre tourisme et exploitation sexuelle des enfants. Tout en soulignant la difficulté de mesurer, parfois, l'ampleur exacte de ces problèmes, les autorités marocaines sont résolues à les traiter avec sérieux et en profondeur, a assuré M. Farhane.

La délégation marocaine était également composée du Procureur du Roi près le Tribunal de première instance d'Asilah, ainsi que de représentants du Ministère de la justice, du Ministère de la santé et du Secrétariat d'État chargé de la famille, de l'enfance et des personnes handicapées. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant, entre autres, des violences familiales; des procédures associées au dépôt de plaintes par des enfants, de la justice pour mineurs; de la formation aux droits de l'homme; de la prise en charge des enfants maltraités; du plan national d'action pour l'enfance pour la décennie 2005-2015, actuellement en cours de validation.

En fin de séance, la rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport marocain, Mme Moushira Khattab, a mis l'accent sur la nécessité d'éviter toute stigmatisation afin que les enfants victimes n'hésitent pas à porter plainte. Elle a toutefois souligné que le Maroc a déjà pris les premières mesures, les plus compliquées, pour progresser dans la mise en œuvre du Protocole facultatif. Les lois du pays sont bonnes mais il faut désormais insister sur leur mise en œuvre et développer la sensibilisation au sein des familles, a conclu Mme Khattab.

Le Comité adoptera ultérieurement à huis clos ses observations finales sur le rapport marocain, avant de les rendre publiques à l'issue de la session, le vendredi 27 janvier prochain.

L'examen du rapport du Kazakhstan sur la mise en œuvre du même Protocole facultatif, qui s'est également déroulé ce matin, fait l'objet d'un compte rendu séparé.

Demain matin, à 10 heures le Comité entamera l'examen du troisième rapport périodique du Pérou (CRC/C/125/Add.6).

Présentation du rapport du Maroc

Présentant le rapport de son pays, M. AZZEDDINE FARHANE, Chargé d'affaires ad interim à la Mission permanente du Maroc auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que depuis l'adoption de la Convention relative aux droits de l'enfant, la protection, la défense et la promotion des droits de l'enfant telles que prévues par la Convention et ses Protocoles facultatifs constituent au Maroc une haute priorité nationale. M. Farhane a rappelé qu'un plan d'action national pour l'enfant a été élaboré et que le Maroc a procédé à des aménagements normatifs et à la mise en place d'institutions et de mécanismes de suivi dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention et de la Déclaration mondiale en faveur de la survie, de la protection et du développement de l'enfant. Ainsi, depuis les années 90, un département gouvernemental chargé de la question de l'enfance a été mis en place pour assurer le suivi de cette question prioritaire. De même, un congrès national des droits de l'enfant a été mis sur pied, qui se réunit une fois par an sous le haut patronage du Roi, en vue d'évaluer les progrès réalisés, d'examiner l'impact des stratégies adoptées et d'identifier les actions nécessitant une mobilisation plus soutenue. À cette fin, un observatoire national des droits de l'enfant a été créé, en qualité d'organe exécutif de ce congrès. Parallèlement, le Parlement de l'enfant est devenu une institution permanente.

Sur le plan normatif, l'Observatoire national des droits de l'enfant a été associé à un important travail d'harmonisation de la législation nationale avec la Convention, notamment le code de la nationalité, le code de procédure pénale, les textes de loi régissant l'état civil et le dahir relatif à la protection des enfants abandonnés. «Ce travail d'actualisation des lois a ouvert le chantier de la révision des lois nationales, notamment le Code pénal et son harmonisation avec les instruments internationaux en matière de droits de l'homme auxquels le Maroc est partie», a précisé M. Farhane. De même, il a ouvert l'examen de la levée de certaines réserves formulées par le Maroc à l'égard de ces instruments, notamment celle concernant l'article 14 de la Convention relative aux droits de l'enfant, qui traite de la liberté de culte, et ce conformément aux recommandations du Comité suite à l'examen du deuxième rapport périodique du Maroc, en juin 2003.

M. Farhane a par ailleurs rappelé que le Département chargé de la famille a coordonné la préparation et la tenue à Rabat, en octobre 2001, d'une consultation régionale arabo-africaine visant à faire le point sur les progrès accomplis depuis la rencontre de Stockholm (Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants, Stockholm, 1996) et à identifier les priorités des stratégies régionales contribuant à lutter contre le phénomène de l'exploitation sexuelle. Cette consultation a été sanctionnée par une déclaration qui engage les pays à élaborer et à mettre en œuvre des plans d'action pour prévenir et éradiquer ce fléau. C'est ainsi que le Maroc a participé, en décembre 2001, au congrès de Yokohama sur l'exploitation sexuelle des enfants et s'est engagé à être le point focal pour la région arabo-africaine dans le cadre du suivi des recommandations de Yokohama.

Le chef de la délégation marocaine a fait valoir que, dans ses conclusions et recommandations présentées à l'issue de la visite qu'elle a effectuée en 2000, la Rapporteuse spéciale sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, Mme Ofélia Calcetas-Santos, n'a pas manqué de mentionner «une volonté réelle de la part du gouvernement marocain de faire face au phénomène de l'exploitation des enfants, de rechercher les moyens d'en prévenir l'extension et de soulager la souffrance des enfants exploités et victimes de violence». Elle a ajouté qu'il est «particulièrement encourageant de relever les efforts faits par le Maroc pour ses enfants, compte tenu du fait que tout débat sur les violences sexuelles est encore pour une large part tabou dans la société marocaine». La Rapporteuse spéciale a également relevé en toute indépendance et sans complaisance des situations pénibles, auxquelles il est essentiel de s'atteler, tels que le phénomène des enfants des rues dans les grandes villes, la situation des petites filles engagées comme bonnes, ainsi que les liens entre tourisme et exploitation sexuelle des enfants, a poursuivi M. Farhane. Ces observations et remarques de la Rapporteuse spéciale ont été d'une grande utilité pour les efforts déployés par les différents acteurs afin d'accorder une grande attention à la protection de l'enfance marocaine contre le phénomène de la maltraitance et de l'exploitation en général.

Tout en soulignant la difficulté de mesurer, parfois, l'ampleur exacte de ces problèmes, les autorités marocaines sont résolues à les traiter avec sérieux et en profondeur, a assuré M. Farhane. Cependant, a-t-il ajouté, il faut reconnaître que ces phénomènes, qui se nourrissent de la pauvreté et engendrent un travail précoce et différentes formes d'exploitation touchant les enfants, se retrouvent malheureusement dans la plupart des pays en développement qui mènent, au quotidien, un combat ardu contre la misère et la pauvreté.

Le rapport initial du Maroc sur la mise en œuvre du Protocole facultatif sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSA/MAR/1) souligne que la législation pénale marocaine réprime la traite des enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant les enfants. La définition nationale des actes incriminés par le Protocole est conforme à l'article 2 du Protocole, ajoute le rapport. La section 7 du chapitre VIII du Code pénal traite de la corruption de la jeunesse et de la prostitution, en sanctionnant le fait d'exciter, favoriser ou faciliter la débauche ou la prostitution des mineurs. Le Code pénal réprime et sanctionne le fait d'aider, d'assister ou de protéger la prostitution d'autrui, de partager les produits de la prostitution d'autrui, de livrer une personne à la prostitution, d'embaucher ou entretenir ou entraîner une personne mineure ou adulte, même avec son consentement, en vue de la prostitution, ou de faire office d'intermédiaire à un titre quelconque entre les personnes se livrant à ces actes par une peine d'emprisonnement de un à cinq ans et d'une amende de 5000 à un million de dirhams. La législation pénale marocaine réprime la pornographie mettant en scène des enfants, en punissant de un à cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 10 000 à un million de dirhams quiconque incite, encourage ou facilite la pornographie mettant en scène les enfants âgés de moins de 18 ans. La même peine est édictée à l'encontre de quiconque s'adonne à la production, la distribution, la diffusion, l'exportation, l'importation, l'exposition, la vente ou la possession de matériel pornographique. Ces actes sont incriminés même s'ils étaient commis à l'étranger, souligne le rapport. Cette peine est portée au double si les coupables sont des proches parents de l'enfant, sont responsables de l'enfant ou ont une autorité sur lui. En matière de vente d'enfants, précise le rapport, le Code pénal punit d'emprisonnement de deux à 10 ans et d'une amende de 5000 à 2 millions de dirhams toute personne qui vend ou achète un enfant de moins de 18 ans.

La législation marocaine prévoit que tout étranger qui, hors du territoire marocain, s'est rendu coupable d'un crime prévu par la loi marocaine, soit comme auteur, soit comme coauteur ou complice, peut être poursuivi et jugé d'après les dispositions de la loi marocaine lorsque la victime de ce crime est de nationalité marocaine. En l'an 2000, moins de 8% des enfants de 5 à 14 ans exerçaient une activité professionnelle contre 15,9% en 1987, indique par ailleurs le rapport.

Examen du rapport

MME MOUSHARA KHATTAB, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Maroc, a relevé que le Roi Mohammed VI avait lui-même déclaré que la maltraitance et l'exploitation des enfants constituent un phénomène grave qui doit mobiliser toute l'attention des milieux officiels comme celle de tous les milieux concernés. Si les lois adoptées par le Maroc dans ce domaine sont très bonnes, elles n'incriminent pas tous les actes prévus au paragraphe 2 de l'article 3 du Protocole facultatif, a toutefois regretté Mme Khattab. Elle a souhaité savoir quand le plan national d'action pour l'enfant allait être adopté. Qu'en est-il du plan national de lutte contre la prostitution des enfants et leur implication dans la pornographie?

Mme Khattab a en outre souhaité en savoir davantage sur le traitement et l'indemnisation dont bénéficient les enfants victimes. La non-dénonciation d'une agression contre un enfant est-elle incriminée, a-t-elle également demandé? Le Maroc a-t-il l'intention d'incriminer la violence familiale, qui, comme l'a relevé la Rapporteuse spéciale, est à l'origine de l'exploitation des enfants, de leur fuite du domicile et de leur implication dans la prostitution, a demandé Mme Khattab?

Rappelant que le Maroc reçoit de nombreux touristes chaque année, un autre membre du Comité a fait observer qu'environ 30% des sévices commis au Maroc contre des enfants sont le fait de non-Marocains.

Le Maroc est-il en mesure d'assurer que les enfants victimes ne sont pas considérés comme des délinquants, a pour sa part demandé un autre expert? Il semble en effet y avoir confusion entre enfant victime et enfant délinquant s'agissant de l'exploitation sexuelle, a relevé un membre du Comité.

Un membre du Comité a dénoncé une discrimination à l'égard des filles: lorsqu'elles ont subi une violence sexuelle, il semble qu'elles doivent prouver qu'elles n'étaient pas consentantes.

Plusieurs membres du Comité ont souhaité en savoir davantage sur la procédure associée à la possibilité offerte à l'enfant victime de déposer plainte. À partir de quel âge et comment l'enfant victime peut-il déposer plainte? Que se passe-t-il en cas de désaccord entre l'enfant et ses parents à ce sujet?

Quels programmes existent-ils au Maroc pour traiter des problèmes des enfants immigrants dont on sait qu'ils sont particulièrement vulnérables, a demandé un autre expert?

Un membre du Comité a relevé que les enfants qui sortent illégalement du Maroc pour se rendre en Espagne ne sont pas traités dans le respect des normes et sont renvoyés au Maroc. Aussi, cet expert s'est-il enquis des mesures prises pour protéger ces enfants?
En ce qui concerne la violence familiale, la délégation a notamment indiqué que le Maroc compte davantage de personnes de sexe masculin victimes d'agressions.

Les enfants ont notamment la possibilité de déposer plainte devant l'Observatoire national des droits de l'enfant, a par ailleurs rappelé la délégation. Un enfant peut également déposer plainte, y compris anonymement par courrier, auprès du parquet ou de la police. Si elles ne réagissent pas, les institutions auprès desquelles une plainte a ainsi été déposée se trouvent en violation de la loi, laquelle exige qu'elles protègent l'enfant.

La délégation a précisé que la comparution du mineur devant le tribunal est directe et ne peut se faire par le biais de moyens audiovisuels. Le juge peut certes demander une confrontation entre le mineur et l'auteur présumé du délit, mais il peut aussi demander que l'audition du mineur se fasse à huis clos, sans que l'enfant ne se retrouve confronté à son agresseur.

Interrogée sur la relation entre le Bureau du Procureur et le juge pour mineurs, la délégation a indiqué que le Procureur est un représentant du peuple et que c'est à l'autorité judiciaire qu'il appartient de rendre le verdict final. Le juge pour enfants peut modifier une décision prise par le Procureur, a précisé la délégation.

Répondant à des questions sur le trafic d'organes, la délégation a notamment souligné que la loi interdit tout prélèvement d'organe sur un enfant de moins de 18 ans. Jusqu'à ce jour, aucun cas de trafic d'organes d'enfants n'a été décelé au Maroc; il en va de même pour la vente d'enfants, a ajouté la délégation.

En ce qui concerne la formation aux droits de l'homme, notamment aux droits de l'enfant, la délégation a mis l'accent sur les cours spécifiques dispensés aux juges pour mineurs ainsi que sur la formation dispensée au personnel des prisons et autres personnels concernés.

S'agissant de la prise en charge des enfants maltraités, la délégation a indiqué que le pays compte actuellement 11 centres d'écoute. Une évaluation de leurs activités a permis de relever un certain nombre de points positifs, parmi lesquels l'adhésion totale des personnels de santé à la problématique de la maltraitance, jusqu'ici considérée comme relevant uniquement du secteur social. Parmi les points faibles identifiés à l'occasion de cette évaluation, figurent la faible coordination des acteurs qui prennent en charge la maltraitance et la sous-utilisation de ces centres d'écoute, du fait d'une insuffisante sensibilisation de la population à leur existence.

La délégation a indiqué que le Maroc avait lancé en mai 2004 l'élaboration d'un plan national d'action pour l'enfance pour la décennie 2005-2015. Ce plan est désormais finalisé et se trouve actuellement en cours de validation, a précisé la délégation. Il se concentre sur une dizaine de catégories d'enfants, notamment les enfants qui travaillent; les enfants abandonnés; les enfants des rues; les enfants se trouvant en institution; les enfants maltraités; les enfants handicapés; les enfants migrants non accompagnés; ou encore les enfants marocains détenus au camp de Tindouf.

La délégation a indiqué que des unités de protection de l'enfance sont en train d'être mises en place à travers le pays. Un membre du Comité s'étant demandé si les enfants victimes, plutôt que d'être dirigés vers les instances judiciaires, ne pourraient pas être dirigés systématiquement vers ces unités, la délégation a répondu que l'objectif de ces unités étant précisément d'éviter la stigmatisation des enfants, c'est vers elles que les enfants devraient être dirigés.

En fin de séance, Mme Moushira Khattab, experte chargée du rapport du Maroc, a souligné que l'exploitation de l'enfant est enracinée dans des problèmes tels que la pauvreté, l'immigration et les problèmes sociaux. Elle a mis l'accent sur la nécessité d'éviter toute stigmatisation afin que la victime n'hésite pas à porter plainte et que l'enfant ne se retrouve pas victime à deux reprises. Reste que pour progresser, le Maroc a déjà pris les premières mesures, qui étaient les plus compliquées, a déclaré Mme Khattab. Les lois du pays sont bonnes, mais il faut désormais insister sur leur mise en œuvre et développer la sensibilisation au sein des familles, a-t-elle conclu.

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Le présent communiqué de presse n'est pas un compte rendu officiel et n'est publié qu'à des fins d'information.

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