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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DE L'ALBANIE

12 Janvier 2005

Comité des droits de l'enfant
12 janvier 2005

Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui, le rapport initial de l'Albanie sur l'application par ce pays des dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Dans des observations préliminaires présentées en fin de journée, M. Lothar Friedrich Krappmann, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Albanie, a estimé que, du point de vue législatif, ce pays s'en sort bien. Il n'en demeure pas moins qu'à maints égards, la réalité sociale des enfants ne correspond pas tout à fait aux dispositions de la Convention, a-t-il ajouté. Des préoccupations graves ont été exprimées aujourd'hui dont il sera question dans les observations finales que le Comité adoptera ultérieurement, a insisté M. Krappmann. Il a néanmoins affirmé ne pas être pessimiste car deux mesures importantes ont été prises au cours de l'année écoulée, à savoir la création d'un comité interministériel sur les droits de l'enfant et la mise en place d'une division des droits de l'enfant au sein du Bureau du Médiateur du peuple.

Les observations finales du Comité sur ce rapport seront adoptées en séance privée et rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 28 janvier 2005.

Présentant le rapport de son pays, M. Luan Hajdaraga, Ministre adjoint au Ministère des affaires étrangères de l'Albanie, a souligné que depuis 1992, le Gouvernement albanais est pleinement acquis à l'idée de mettre en œuvre la Convention, de nombreuses lois ayant été adoptées ou amendées à cet effet. Selon la Constitution, a-t-il poursuivi, tout accord international ratifié par l'Albanie devient partie intégrante de son système juridique interne à compter du jour de sa publication au journal officiel; en outre, un instrument international légalement ratifié prévaut sur les lois nationales qui ne sont pas compatibles avec lui. Le Ministre adjoint a par ailleurs précisé que le Gouvernement albanais a engagé le processus de ratification des protocoles facultatifs se rapportant à la Convention, qui traitent de la vente d'enfants et de l'implication des enfants dans les conflits armés. Conformément au plan d'action de Stockholm, des actions interrégionales sont envisagées sur la base desquelles à été rédigé un projet d'accord entre l'Albanie et la Grèce sur la protection des enfants non accompagnés, victimes de trafic ou exposés au trafic, a également indiqué M. Hajdaraga.

M. Hajdaraga a par ailleurs indiqué que le Ministère de la justice a lancé un projet visant la mise en place d'un système spécifique de justice juvénile. Il en outre souligné que le Gouvernement albanais a adopté, en septembre 2003, une Stratégie nationale pour l'amélioration des conditions de vie des Roms. Le Plan d'action associé à la Stratégie nationale pour les enfants est en cours de révision, a également indiqué le Ministre adjoint.

La délégation albanaise était également composée de M. Vladimir Thanati, Représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations Unies à Genève, et de représentants du Ministère des affaires étrangères; du Ministère de l'ordre public; du Ministère de la culture, de la jeunesse et des sports; du Ministère de la santé; du Ministère de la justice; ainsi que de la Mission permanente de l'Albanie à Genève.

La délégation a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant, entre autres, des activités du Médiateur du peuple; de l'enregistrement des naissances; des châtiments corporels et autres formes de violence à l'encontre des enfants; des enfants victimes de vendettas; des 4 000 enfants albanais émigrés en Grèce et en Italie; de la traite des êtres humains; de l'avortement; des questions de santé et d'éducation; de la situation des enfants handicapés; des enfants en conflit avec la loi; ainsi que du travail des enfants.

Le Comité entamera demain matin, à 10 heures, l'examen du deuxième rapport périodique du Luxembourg (CRC/C/104/Add.5).


Présentation du rapport de l'Albanie

Présentant le rapport de son pays, M. LUAN HAJDARAGA, Ministre adjoint au Ministère des affaires étrangères de l'Albanie, a souligné que depuis 1992, le Gouvernement albanais est pleinement acquis à l'idée de mettre en œuvre la Convention. De nombreuses lois ont été adoptées ou amendées à cet effet. Ont ainsi été adoptés puis amendés le Code pénal, le Code de procédure pénale, le Code de la famille ainsi que la loi sur le statut civil. Selon la Constitution, a poursuivi M. Hajdaraga, tout accord international ratifié par l'Albanie devient partie intégrante de son système juridique interne à compter du jour de sa publication au journal officiel. Un instrument international légalement ratifié prévaut sur les lois nationales qui ne sont pas compatibles avec lui, a-t-il précisé. Il a rappelé que l'Albanie a ratifié les instruments internationaux les plus importants visant la protection de l'enfance tels que ceux ayant trait au crime organisé, au travail ou au crime cybernétique. Le Gouvernement albanais a par ailleurs engagé le processus de ratification des protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant qui traitent de la vente d'enfants et de l'implication des enfants dans les conflits armés. Conformément au plan d'action de Stockholm, des actions interrégionales sont envisagées sur la base desquelles à été rédigé un projet d'accord entre l'Albanie et la Grèce sur la protection des enfants non accompagnés, victimes de trafic ou exposés au trafic, a par ailleurs indiqué M. Hajdaraga.

En 2001, a poursuivi le Ministre adjoint, le Gouvernement albanais a adopté la Stratégie nationale pour les enfants, qui est basée sur les principes fondamentaux énoncés dans la Convention relative aux droits de l'enfant (qui ont trait à la survie, à la protection, au développement et à la participation de l'enfant). En 2004, le Conseil des Ministres a mis sur pied une nouvelle structure chargée de la protection des droits de l'enfant: le Comité interministériel pour les droits de l'enfant, présidé par le Vice-Premier Ministre et composé des ministres impliqués dans la protection des droits de l'enfant. Un groupe interministériel d'experts a été créé pour faciliter le travail de ce Comité interministériel. Le Comité interministériel sera également responsable de la coordination des activités visant la mise en œuvre de la Convention, a précisé M. Hajdaraga. Il a par ailleurs souligné qu'une division spéciale pour la protection des droits de l'enfant a été créée au sein du Ministère de l'ordre public; elle dispose de relais dans tous les départements de police des différentes régions du pays. Une unité spéciale sur le travail des enfants a également été mise en place au sein du Ministère du travail et des affaires sociales. Quant au Ministère de la justice, il a lancé un projet visant la mise en place d'un système spécifique de justice juvénile, a indiqué le Ministre adjoint.

M. Hajdaraga a par ailleurs mis l'accent sur la coopération constructive établie entre les pouvoirs publics (notamment le Ministère des affaires étrangères) et les ONG albanaises traitant des droits de l'homme et plus particulièrement des droits de l'enfant. S'agissant de l'interdiction de la discrimination, le Ministre adjoint a mis l'accent sur les valeurs traditionnelles inhérentes à la société albanaise - laquelle peut se prévaloir d'une longue histoire de non-discrimination - avant de souligner que toutes les personnes appartenant à des minorités bénéficient du principe de la pleine égalité de tous devant la loi. Le Gouvernement accorde une grande importance à l'éducation des minorités, a poursuivi M. Hajdaraga. À cet égard, il convient de mentionner que le rapport pour les classes des minorités est d'un enseignant pour six élèves alors qu'il est d'un enseignant pour 19 élèves dans les autres classes. Conscient des besoins particuliers de la minorité rom, le Gouvernement albanais a adopté, en septembre 2003, une Stratégie nationale pour l'amélioration des conditions de vie des Roms assortie d'un service de contrôle de sa mise en œuvre. Cette Stratégie se concentre sur les questions relatives à l'éducation; aux arts et à la culture; aux médias et à la participation à la vie civile; à l'emploi; au logement et aux questions sociales; à l'ordre public; à l'administration centrale et locale; à la santé; à la justice; ainsi qu'à l'économie.

Conscientes du fait qu'en raison des migrations internes, certains citoyens ne sont pas enregistrés, au niveau local, à leur lieu de domicile, les autorités - à travers le Ministère du gouvernement local et de la décentralisation - ont entrepris d'accroître la sensibilisation de la population à cette problématique, a par ailleurs indiqué M. Hajdaraga. Il a enfin souligné que le Plan d'action associé à la Stratégie nationale pour les enfants est en cours de révision.

Le rapport initial de l'Albanie (CRC/C/11/Add.27) souligne que depuis la ratification de la Convention relative aux droits de l'enfant, de profondes modifications ont été apportées au système juridique pour le mettre en conformité avec ses dispositions. Les grandes réformes législatives et institutionnelles auxquelles il a été procédé ont permis de renforcer considérablement les droits de l'enfant et, plus généralement, les droits de l'homme, les rapprochant des normes européennes en la matière. La Stratégie nationale pour l'enfance, document de la plus haute importance définissant la politique du Gouvernement albanais dans le domaine des droits de l'enfant, est en cours d'exécution, indique le rapport; elle est élaborée par un groupe de travail composé d'experts d'institutions publiques spécialistes des problèmes de l'enfance et de représentants de plusieurs associations non gouvernementales oeuvrant en faveur de l'enfance. Le groupe de travail est supervisé par le Comité pour l'égalité des chances, précise le rapport. Il souligne par ailleurs que les changements intervenus au cours de la dernière décennie ont notablement accru les risques pour les enfants et leurs familles. Certains phénomènes sociaux, tels que les migrations, l'urbanisation sauvage, la pauvreté et le chômage, la désintégration des familles et le divorce, ont des répercussions sur un nombre grandissant d'enfants appartenant à diverses catégories. Les problèmes et les risques auxquels les enfants doivent faire face sont le reflet des défis en matière de développement et des difficultés complexes auxquelles l'État, la société et la famille sont confrontés en période de transition. Face à cette situation, poursuit le rapport, le Service social d'État s'emploie à élargir la gamme des services qu'il offre, à promouvoir des technologies et solutions nouvelles et à concentrer son action sur la satisfaction des besoins sociaux des enfants les plus démunis. Les catégories d'enfants destinataires des activités de protection et d'assistance sociales du Service social d'État sont les suivantes: enfants abandonnés et orphelins; enfants handicapés; enfants victimes de violence, de maltraitance ou d'abus sexuels; enfants/mineurs victimes de la prostitution et de la drogue; enfants rapatriés (après avoir émigré sans leurs parents); enfants des rues. Les principaux axes de développement des services sociaux en faveur de l'enfance sont la retrait des institutions des enfants pris en charge et la décentralisation des services, précise le rapport.

Le rapport indique par ailleurs que l'âge minimum de la responsabilité pénale est de 14 ans pour la commission d'un crime et de 16 ans s'il s'agit d'un délit. Un individu qui n'avait pas 18 ans au moment de la commission d'un crime encourt une peine d'emprisonnement égale au maximum à la moitié de la peine maximale prévue pour un adulte coupable de l'acte criminel considéré. Dans la pratique, poursuit le rapport, les enfants appartenant à certains groupes sociaux font l'objet de diverses restrictions, phénomène qui se retrouve au demeurant dans tous les pays d'Europe orientale et même au-delà. Ces restrictions ne découlent pas d'une quelconque discrimination imposée par l'État et ses institutions mais de la mentalité de ces groupes sociaux. Les enfants roms vivent généralement dans la pauvreté et dans des conditions sociales difficiles. Pour la plupart, ils mendient dans la rue et durant l'été, un grand nombre d'entre eux se rendent en Grèce pour y chercher du travail. Dans ce contexte, ils sont nombreux à être contraints à la prostitution, à être victimes de violences physiques et psychologiques et à être maltraités et exploités par des bandes impliquées dans des activités illicites. Dans l'ensemble, les enfants roms ne vont pas régulièrement à l'école et ne se conforment pas aux prescriptions relatives à l'instruction obligatoire, ce qui explique l'analphabétisme très élevé dans ce groupe de population. Face à cette situation, des mesures ont été prises, parfois en coopération avec les ONG, en vue de la rescolarisation de ces enfants et de leur insertion sociale.

Le rapport indique par ailleurs que le Comité albanais pour l'adoption ne peut approuver une adoption internationale que si au bout de six mois après l'inscription d'un enfant sur les listes, cet enfant ne peut être placé dans une famille adoptive en Albanie. De mai 1994 à février 1998, ce Comité a approuvé 298 adoptions; 211 des enfants concernés ont été adoptés par une famille albanaise et 87 par une famille d'un pays étranger. L'adoption, en particulier internationale, peut donner lieu à une forme de traite d'enfants, indique plus loin le rapport. L'expérience de l'Albanie montre qu'une coopération internationale de grande envergure s'impose pour détecter les abus auxquels conduisent parfois les adoptions et remédier à cette situation. Selon les données statistiques, incomplètes, du Comité pour l'égalité des chances, affirme également le rapport, quelque 4 000 enfants auraient émigré non accompagnés de leurs parents (3 000 vers la Grèce et 1 000 vers l'Italie). Partis à l'étranger, loin de leur famille et de son environnement protecteur, ces enfants y sont souvent exposés à de nombreux risques (mauvais traitements, violences physiques et sexuelles…), astreints aux pires formes de travail ou réduits à se livrer à des trafics et autres activités illicites. Certains de ces enfants ont été vendus par leurs parents ou sont exploités par des réseaux criminels de type mafieux à des fins commerciales. Les données émanant du Comité pour l'égalité des chances indiquent en outre que les enfants victimes de la traite sont issus de parents divorcés ne leur offrant aucune protection familiale; proviennent de familles nombreuses en situation de détresse économique; sont issus de familles rurales comptant sur leur aide; sont des orphelins totalement livrés à eux-mêmes; sont nés de parents partis travailler à l'étranger; ont quitté l'école pour se livrer à la mendicité et autres activités illicites en Albanie. Le trafic d'êtres humains sous toutes ses formes constitue une infraction pénale spécifique en droit albanais, fait toutefois valoir le rapport.

Le rapport indique par ailleurs que l'on constate des carences sévères en iode chez 63% des enfants de 10 à 12 ans. L'exploitation sexuelle des enfants - principalement des filles - est un problème qui prend une dimension inquiétante en Albanie depuis quelques années, indique d'autre part le document. Malgré son extrême gravité, l'ampleur réelle du phénomène et le nombre des enfants exploités demeurent inconnus, ajoute-t-il. Ces dernières années, il a beaucoup été question, en particulier dans la presse, de réseaux de traite d'enfants à des fins de trafic d'organes mais aucun réseau de ce type, s'il en existe, n'a encore été découvert. Les enlèvements d'enfants constituent en revanche depuis un certain temps une activité très rémunératrice pour les ravisseurs. La justice a été saisie d'un grand nombre d'affaires de cet ordre mais beaucoup d'autres n'ont pas été élucidées par les organes compétents en raison tant de l'inexpérience de leur personnel face à ce type de criminalité relativement nouveau en Albanie que de la pénurie de moyens.


Examen du rapport

M. LOTHAR FRIEDRICH KRAPPMANN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Albanie, a déploré le retard enregistré par la présentation de ce rapport initial qui était attendu pour 1994. ll a relevé que l'Albanie est une société en transition encore en proie à une crise politique, économique, institutionnelle et psychologique qui continue de constituer une menace pour le bien-être et l'épanouissement de l'enfant. Le Comité a conscience de cette situation difficile en dépit de laquelle l'Albanie s'est efforcée de construire une société démocratique fondée sur les droits, a-t-il assuré. Ceci étant, il est appréciable que la Convention relative aux droits de l'enfant soit devenue partie intégrante de l'ordre juridique interne et l'emporte sur les lois nationales qui ne sont pas conformes avec cet instrument. En revanche, il est regrettable que le Gouvernement albanais n'ait diffusé la Convention qu'en 500 exemplaires, ce qui autorise à se demander si cet instrument est bien connu à travers le pays. Cette question est d'autant plus importante que certains secteurs de la population semblent avoir des conceptions très traditionnelles de l'enfant, de la famille, de la répartition des rôles entre les personnes des deux sexes, de l'autorité et de l'honneur. Relevant que la révision globale du système juridique est en bonne voie dans le pays, M. Krappmann a estimé que le défi pour l'Albanie est désormais de mettre en œuvre les lois adoptées. Il a souhaité savoir si la protection des droits de l'enfant est une tâche explicite du Médiateur du peuple ou si elle ne constitue qu'une activité occasionnelle de cette institution. Cette question est d'autant plus légitime qu'il ne semble pas exister dans le pays d'autres institutions indépendantes qui s'intéressent aux droits de l'homme. M. Krappmann a par ailleurs déploré le manque de stratégie spécifique visant à recueillir des données sur les enfants.

En tant que co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport albanais, M. JACOB EGBERT DOEK - qui est par ailleurs Président du Comité - a attiré l'attention sur la situation des 104 enfants qui, dans le pays, se trouveraient en situation de "détention à domicile" parce qu'ils sont menacés par des vendettas. Il semble que ces enfants suivent des enseignements qui leur sont dispensés par des enseignants mis à disposition par des organisations non gouvernementales (ONG); à cet égard, il faut espérer que c'est bien le Gouvernement qui rémunère ces enseignants à domicile. Que fait le Gouvernement pour éliminer ces pratiques de vendetta, a demandé M. Doek?

Un autre membre du Comité s'est enquis des statistiques disponibles concernant les enfants qui travaillent. Relevant qu'il peut être procédé à un mariage d'enfants de moins de 18 ans pour des raisons appropriées, ce même expert s'est enquis de ce que recouvre dans ce contexte la notion de "raisons appropriées". Il est en outre préoccupant que les mineurs soient détenus dans les mêmes cellules que les adultes, a ajouté cet expert. Ce même membre du Comité a attiré l'attention sur les violences policières contre les enfants, qui entraînent parfois la mort.

Un expert a attiré l'attention sur l'ampleur du problème des châtiments corporels qu'aucune disposition législative n'interdit à la maison, de sorte qu'ils restent très fréquents dans le pays.

La corruption est-elle un problème en Albanie et, le cas échéant, constitue-t-elle une entrave à l'utilisation adéquate des fonds par les autorités publiques, a demandé un autre membre du Comité?

Relevant que beaucoup d'enfants ne sont pas dûment enregistrés en Albanie, un expert a souligné que cette situation constitue un terrain propice à la traite et à différentes formes d'abus à leur égard.

Plusieurs membres du Comité se sont inquiétés que l'avortement semble être utilisé en Albanie comme méthode de planification familiale.

Certains experts ont souhaité obtenir davantage d'informations sur la situation des minorités, s'agissant en particulier des Roms dont les enfants sont victimes de diverses discriminations de fait.


Renseignements complémentaires fournis par la délégation albanaise

S'agissant des ressources allouées à l'action en faveur des enfants, la délégation a souligné que la situation économique de l'Albanie s'améliore de jour en jour, de sorte que le pays devrait, à l'avenir, être en mesure d'accroître ses ressources consacrées à l'enfance. Le PIB, en hausse, est actuellement d'un peu plus de 1 000 dollars par habitant et la devise nationale est stable, a insisté la délégation.

Les activités du Médiateur du peuple en faveur des enfants ne sont absolument pas occasionnelles puisque, en avril 2004, une division spécifiquement consacrée à l'enfance a été créée au sein du Bureau de cette institution, a par ailleurs fait valoir la délégation. Les cas de violation des droits de l'enfant sont présentés au Médiateur; mais le fait est que le nombre de plaintes dans ce domaine est faible, a-t-elle précisé.

Il n'y a pas eu jusqu'ici, dans le pays, de cas où la Convention relative aux droits de l'enfant aurait été spécifiquement invoquée devant les tribunaux, a indiqué la délégation. Elle a admis que cela peut laisser à penser que les citoyens ne connaissent pas bien leurs droits et que les ONG qui pourraient représenter les enfants en justice ne savent pas que les dispositions de la Convention peuvent être invoquées directement devant les tribunaux.

On ne peut pas affirmer abruptement que seulement 500 exemplaires de la Convention ont été diffusés dans le pays, a ajouté la délégation; en effet, on parle de cet instrument dans les ouvrages scolaires et les enfants sont ainsi sensibilisés aux droits qui y sont énoncés.

En ce qui concerne l'enregistrement des naissances, la délégation a notamment rappelé que l'article 35 de la nouvelle loi sur le statut civil traite de cette question. L'enregistrement des naissances est gratuit, a-t-elle précisé.

S'agissant du respect du principe de non-discrimination en ce qui concerne les fillettes, la délégation a fait valoir qu'avec l'entrée en vigueur du nouveau Code de la famille, plus aucune différence ne persiste désormais entre les personnes des deux sexes, s'agissant notamment de l'âge à partir duquel on peut contracter mariage. L'État albanais ne reconnaît aucun mariage qui serait contracté par une personne âgée de moins de 18 ans, a insisté la délégation.

En ce qui concerne les enfants "maintenus enfermés dans des maisons", la délégation a reconnu que, du fait des traditions, certains formes de châtiments à l'encontre des enfants ont effectivement survécu dans le pays. Préoccupés par cet état de fait, les pouvoirs publics ont pris des mesures contre ce phénomène qui persiste dans le sud-est et dans des régions reculées du pays où l'État a quelque peu de mal à assurer sa présence. La police est parvenue à résoudre pas mal de problèmes à cet égard et à faire sortir les enfants des maisons où ils se trouvaient confinés, a affirmé la délégation.

La délégation a par ailleurs confirmé le chiffre - cité par un membre du Comité - de 104 enfants victimes de vendetta en Albanie. Ces enfants peuvent être scolarisés à domicile, a ajouté la délégation. Afin de lutter contre de telles pratiques de vendetta, des mesures ont été prises, notamment du point de vue pénal par le biais d'un amendement apporté à la loi en vertu duquel un crime commis sous prétexte de vendetta constitue désormais une circonstance aggravante.

S'agissant des crimes de vendetta, la délégation a indiqué qu'en 2004, huit cas de vengeance ayant entraîné la mort ont été enregistrés. Sur 500 000 enfants suivant un enseignement obligatoire, seuls 104 suivent un enseignement dit isolé, a souhaité relativiser la délégation.

La délégation a indiqué qu'une partie du rapport sur la santé génésique en Albanie présenté par le Ministère de la santé est consacrée à la violence au sein de la famille; malheureusement, ce rapport n'est disponible - pour l'heure - qu'en Albanais.

Ce n'est pas dans la mentalité de la famille albanaise de pratiquer la violence à l'égard de l'enfant, a assuré la délégation. Elle a ajouté qu'un programme a été lancé dans les écoles secondaires visant la mise en place d'une structure à l'attention des enfants qui subiraient des sévices; mais il n'y a pas eu, pour l'heure, de cas déclarés.

Relevant que la pauvreté est source de travail des enfants et que les données sur cette question font défaut dans le rapport présenté par l'Albanie, un membre du Comité a fait état d'informations selon lesquelles 10 000 enfants travaillent en Albanie et ne vont pas à l'école. Ce même expert s'est inquiété de la fréquence de l'abandon scolaire chez les jeunes filles. La majorité des jeunes entrent sur le marché du travail sans aucune qualification professionnelle, s'est en outre inquiété cet expert.

En ce qui concerne les questions d'éducation, la délégation a souligné que l'enseignement est gratuit dans toutes les écoles. Les enseignants voient leurs frais de déplacements couverts par l'État, a-t-elle par ailleurs indiqué. Les pouvoirs publics ont récemment mis en place des classes collectives où les enfants de différents âges suivent des cours ensemble; cela touche particulièrement les enfants de la communauté rom ou ceux qui doivent aller travailler et ne peuvent de ce fait pas aller régulièrement à l'école.

La délégation a indiqué qu'un accord a été conclu entre le Ministère de la culture, de la jeunesse et des sports et celui de l'éducation afin de relancer l'éducation physique à l'école, nombre d'activités et clubs sportifs ayant cessé d'exister durant la période de transition.

Un membre du Comité a souhaité connaître les raisons de l'importante baisse enregistrée par le taux de scolarisation en maternelle. La délégation a notamment indiqué qu'en 2003, un atelier ministériel sur la petite enfance a été organisé en Albanie à l'issue duquel a été fixé l'objectif de voir tous les enfants scolarisés au niveau de la maternelle. Durant la période de transition, a poursuivi la délégation, l'Albanie a connu un important phénomène d'urbanisation; un million de personnes environ ont alors rejoint les deux principales villes du pays. Ces flux migratoires ont engendré de nombreux problèmes dont le manque d'infrastructures - y compris dans le secteur de l'enseignement - n'est pas le moindre, a expliqué la délégation.

En ce qui concerne la situation des enfants handicapés, la délégation a souligné que le Gouvernement a adopté une stratégie en faveur des personnes handicapées en vertu de laquelle de nombreux mécanismes sont envisagés afin d'assurer l'intégration des enfants handicapés dans la vie sociale et culturelle du pays.

Un membre du Comité a jugé inquiétant le chiffre selon lequel 96% des enfants handicapés seraient illettrés en Albanie. La délégation a déclaré ne pas comprendre d'où provient ce chiffre, les services sociaux albanais ne donnant pas un tel taux d'illettrisme pour les enfants handicapés du pays.

Un autre expert a fait part de ses préoccupations face aux taux élevés d'avortements, de toxicomanie et d'enfants des rues. Cet expert a également relevé que l'Albanie est confrontée à des problèmes en tant que pays d'origine et de transit de la traite des femmes; qu'a-t-il été fait en matière de prévention de ce phénomène, s'est alors enquis l'expert?

La délégation a indiqué qu'après que l'avortement eut été légalisé en1992 par décision du Conseil des ministres, une loi promulguée en 1995 par le Parlement albanais introduisit l'interruption volontaire de grossesse dans le pays. Après 1997, le nombre d'avortements pratiqués a diminué et il n'y a plus eu, à partir de cette date, de mortalité maternelle due à l'avortement.

En ce qui concerne les questions de santé, la délégation a reconnu qu'en dépit d'une baisse notable, le taux de mortalité infantile en Albanie est toujours loin d'être satisfaisant puisqu'il s'établit encore à 15,5 pour mille naissances vivantes (contre 45 pour 1000 en 1990). L'objectif serait de parvenir à un taux inférieur à 10 pour mille, a indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs souligné que l'Albanie dispose d'une loi sur l'allaitement maternel dont nombre d'articles et de recommandations visent à encourager les hôpitaux à adopter des politiques favorables aux nourrissons.

En ce qui concerne la malnutrition, la délégation a fait valoir que, selon les études réalisées - notamment par le Ministère de la santé -, la situation s'est considérablement améliorée; il n'en demeure pas moins que 26% des enfants de 0 à 3 ans souffrent de malnutrition.

Afin de lutter contre les carences en iode, a poursuivi la délégation, ont été mises en œuvre une stratégie à court terme fondée sur la distribution gratuite d'iode et une stratégie à long terme visant l'iodisation du sel.

Le Gouvernement ayant annoncé avoir créé un centre international de lutte contre la traite, un membre du Comité a souhaité savoir dans quelle mesure une aide a pu être apportée aux quatre mille enfants albanais qui ont émigré en Grèce et en Italie et sont particulièrement vulnérables. S'agissant de ces quatre mille enfants émigrés, le principal problème a trait à l'éducation et en particulier à l'apprentissage de leur langue maternelle. Aussi, un accord a-t-il été conclu entre les gouvernements albanais et grec afin que soient ouvertes en Grèce des écoles dispensant un enseignement en langue albanaise.

L'Albanie a toujours été un lieu de transit de tous types de trafics, a par ailleurs déclaré la délégation; néanmoins, le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour que le pays n'occupe plus cette place. En Albanie, plusieurs groupes qui étaient à l'origine du trafic ont été frappés et le Gouvernement fait preuve, à cet égard, d'une tolérance zéro, a souligné la délégation. L'Albanie peut être fière de ses réalisations dans ce domaine, même si d'autres interventions publiques devront certainement avoir lieu dans l'avenir, a affirmé la délégation.

Un membre du Comité s'est réjoui que l'Albanie soit parvenue, dans les années 1990, à enrayer un trafic d'adoptions grâce à une ferme volonté politique.

Un autre membre du Comité s'est enquis de l'âge minimum de la responsabilité pénale en Albanie. Ce même membre du Comité s'est dit inquiet de constater que les arrestations d'enfants sont médiatisées, ce qui n'est pas conforme aux dispositions de la Convention. Quelles mesures sont-elles prises pour réduire la durée de la détention avant procès, s'est par ailleurs enquis cet expert?

Il existe à Tirana un centre qui accueille les mineurs en conflit avec la loi et qui s'efforce de préparer leur réintégration dans la société, a notamment indiqué la délégation. La construction d'un second centre est actuellement envisagée, a-t-elle précisé. Ainsi, les jeunes peuvent-ils purger leur peine tout en suivant des études afin de pouvoir reprendre une vie normale à l'échéance de leur peine.

La délégation a par ailleurs fait valoir un cas où la divulgation d'informations relatives à une affaire impliquant un mineur a fait l'objet de sanctions.

En vertu de la loi, les enfants auteurs de délits voient leur peine divisée par deux par rapport à la peine qu'ils encourraient s'ils étaient adultes, a par ailleurs indiqué la délégation. Elle a précisé qu'en vertu de la nouvelle législation, l'âge de responsabilité pénale a été porté de 14 à 16 ans.

Interrogée sur le nombre d'enfants de moins de 16 ans qui travaillent dans le pays, la délégation a indiqué que les chiffres officiels étaient, à l'été 2002, de 307 enfants travaillant dans les grandes villes albanaises. La coopération de l'Albanie avec le Programme IPEC de l'OIT sur l'élimination du travail des enfants a donné lieu à la mise sur pied d'un Comité national pour l'élimination de ce type de travail, a ajouté la délégation. L'existence, en Albanie, de quatre programmes relevant du programme IPEC de l'OIT laisse entendre que le phénomène est plus important que ne le suggèrent les chiffres cités par la délégation, a fait observer un expert. La délégation a alors assuré que l'existence de ces quatre programmes ne saurait être interprétée comme indiquant que le travail des enfants est un grave problème en Albanie. En effet, comme l'indiquent les noms mêmes de ces programmes, ceux-ci visent plus particulièrement le bon fonctionnement des institutions de lutte contre le travail des enfants - telle que la division spéciale créée sur cette question au sein du Ministère du travail.




Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires, M. LOTHAR FRIEDRICH KRAPPMANN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Albanie, a remercié la délégation pour les informations qu'elle a fournies tout au long de cette journée d'examen ainsi que pour l'engagement dont elle a fait preuve en faveur des droits de l'enfant. Du point de vue législatif, l'Albanie s'en sort bien, a relevé M. Krappmann; il s'est ainsi réjoui que la Convention occupe la place qui est la sienne dans l'ordre juridique interne albanais. Il n'en demeure pas moins qu'à maints égards, la réalité sociale des enfants ne correspond pas tout à fait aux dispositions de cet instrument, a poursuivi l'expert. Des préoccupations graves ont été exprimées aujourd'hui dont il sera question dans les observations finales que le Comité adoptera ultérieurement, a-t-il insisté. M. Krappmann a néanmoins affirmé ne pas être pessimiste car deux mesures importantes ont été prises au cours de l'année écoulée, à savoir: la création d'un comité interministériel sur les droits de l'enfant (dont il faut espérer qu'il sera dûment doté de ressources); et la mise en place d'une division des droits de l'enfant au sein du Bureau du Médiateur du peuple.



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- 9 - HR/CRC/05/4
12 janvier 2005

(à suivre)

Comité des droits de l'enfant HR/CRC/05/4
12 janvier 2005


LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE

LE RAPPORT DE L'ALBANIE



Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui, le rapport initial de l'Albanie sur l'application par ce pays des dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Dans des observations préliminaires présentées en fin de journée, M. Lothar Friedrich Krappmann, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Albanie, a estimé que, du point de vue législatif, ce pays s'en sort bien. Il n'en demeure pas moins qu'à maints égards, la réalité sociale des enfants ne correspond pas tout à fait aux dispositions de la Convention, a-t-il ajouté. Des préoccupations graves ont été exprimées aujourd'hui dont il sera question dans les observations finales que le Comité adoptera ultérieurement, a insisté M. Krappmann. Il a néanmoins affirmé ne pas être pessimiste car deux mesures importantes ont été prises au cours de l'année écoulée, à savoir la création d'un comité interministériel sur les droits de l'enfant et la mise en place d'une division des droits de l'enfant au sein du Bureau du Médiateur du peuple.

Les observations finales du Comité sur ce rapport seront adoptées en séance privée et rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 28 janvier 2005.

Présentant le rapport de son pays, M. Luan Hajdaraga, Ministre adjoint au Ministère des affaires étrangères de l'Albanie, a souligné que depuis 1992, le Gouvernement albanais est pleinement acquis à l'idée de mettre en œuvre la Convention, de nombreuses lois ayant été adoptées ou amendées à cet effet. Selon la Constitution, a-t-il poursuivi, tout accord international ratifié par l'Albanie devient partie intégrante de son système juridique interne à compter du jour de sa publication au journal officiel; en outre, un instrument international légalement ratifié prévaut sur les lois nationales qui ne sont pas compatibles avec lui. Le Ministre adjoint a par ailleurs précisé que le Gouvernement albanais a engagé le processus de ratification des protocoles facultatifs se rapportant à la Convention, qui traitent de la vente d'enfants et de l'implication des enfants dans les conflits armés. Conformément au plan d'action de Stockholm, des actions interrégionales sont envisagées sur la base desquelles à été rédigé un projet d'accord entre l'Albanie et la Grèce sur la protection des enfants non accompagnés, victimes de trafic ou exposés au trafic, a également indiqué M. Hajdaraga.

M. Hajdaraga a par ailleurs indiqué que le Ministère de la justice a lancé un projet visant la mise en place d'un système spécifique de justice juvénile. Il en outre souligné que le Gouvernement albanais a adopté, en septembre 2003, une Stratégie nationale pour l'amélioration des conditions de vie des Roms. Le Plan d'action associé à la Stratégie nationale pour les enfants est en cours de révision, a également indiqué le Ministre adjoint.

La délégation albanaise était également composée de M. Vladimir Thanati, Représentant permanent de l'Albanie auprès des Nations Unies à Genève, et de représentants du Ministère des affaires étrangères; du Ministère de l'ordre public; du Ministère de la culture, de la jeunesse et des sports; du Ministère de la santé; du Ministère de la justice; ainsi que de la Mission permanente de l'Albanie à Genève.

La délégation a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant, entre autres, des activités du Médiateur du peuple; de l'enregistrement des naissances; des châtiments corporels et autres formes de violence à l'encontre des enfants; des enfants victimes de vendettas; des 4 000 enfants albanais émigrés en Grèce et en Italie; de la traite des êtres humains; de l'avortement; des questions de santé et d'éducation; de la situation des enfants handicapés; des enfants en conflit avec la loi; ainsi que du travail des enfants.

Le Comité entamera demain matin, à 10 heures, l'examen du deuxième rapport périodique du Luxembourg (CRC/C/104/Add.5).


Présentation du rapport de l'Albanie

Présentant le rapport de son pays, M. LUAN HAJDARAGA, Ministre adjoint au Ministère des affaires étrangères de l'Albanie, a souligné que depuis 1992, le Gouvernement albanais est pleinement acquis à l'idée de mettre en œuvre la Convention. De nombreuses lois ont été adoptées ou amendées à cet effet. Ont ainsi été adoptés puis amendés le Code pénal, le Code de procédure pénale, le Code de la famille ainsi que la loi sur le statut civil. Selon la Constitution, a poursuivi M. Hajdaraga, tout accord international ratifié par l'Albanie devient partie intégrante de son système juridique interne à compter du jour de sa publication au journal officiel. Un instrument international légalement ratifié prévaut sur les lois nationales qui ne sont pas compatibles avec lui, a-t-il précisé. Il a rappelé que l'Albanie a ratifié les instruments internationaux les plus importants visant la protection de l'enfance tels que ceux ayant trait au crime organisé, au travail ou au crime cybernétique. Le Gouvernement albanais a par ailleurs engagé le processus de ratification des protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant qui traitent de la vente d'enfants et de l'implication des enfants dans les conflits armés. Conformément au plan d'action de Stockholm, des actions interrégionales sont envisagées sur la base desquelles à été rédigé un projet d'accord entre l'Albanie et la Grèce sur la protection des enfants non accompagnés, victimes de trafic ou exposés au trafic, a par ailleurs indiqué M. Hajdaraga.

En 2001, a poursuivi le Ministre adjoint, le Gouvernement albanais a adopté la Stratégie nationale pour les enfants, qui est basée sur les principes fondamentaux énoncés dans la Convention relative aux droits de l'enfant (qui ont trait à la survie, à la protection, au développement et à la participation de l'enfant). En 2004, le Conseil des Ministres a mis sur pied une nouvelle structure chargée de la protection des droits de l'enfant: le Comité interministériel pour les droits de l'enfant, présidé par le Vice-Premier Ministre et composé des ministres impliqués dans la protection des droits de l'enfant. Un groupe interministériel d'experts a été créé pour faciliter le travail de ce Comité interministériel. Le Comité interministériel sera également responsable de la coordination des activités visant la mise en œuvre de la Convention, a précisé M. Hajdaraga. Il a par ailleurs souligné qu'une division spéciale pour la protection des droits de l'enfant a été créée au sein du Ministère de l'ordre public; elle dispose de relais dans tous les départements de police des différentes régions du pays. Une unité spéciale sur le travail des enfants a également été mise en place au sein du Ministère du travail et des affaires sociales. Quant au Ministère de la justice, il a lancé un projet visant la mise en place d'un système spécifique de justice juvénile, a indiqué le Ministre adjoint.

M. Hajdaraga a par ailleurs mis l'accent sur la coopération constructive établie entre les pouvoirs publics (notamment le Ministère des affaires étrangères) et les ONG albanaises traitant des droits de l'homme et plus particulièrement des droits de l'enfant. S'agissant de l'interdiction de la discrimination, le Ministre adjoint a mis l'accent sur les valeurs traditionnelles inhérentes à la société albanaise - laquelle peut se prévaloir d'une longue histoire de non-discrimination - avant de souligner que toutes les personnes appartenant à des minorités bénéficient du principe de la pleine égalité de tous devant la loi. Le Gouvernement accorde une grande importance à l'éducation des minorités, a poursuivi M. Hajdaraga. À cet égard, il convient de mentionner que le rapport pour les classes des minorités est d'un enseignant pour six élèves alors qu'il est d'un enseignant pour 19 élèves dans les autres classes. Conscient des besoins particuliers de la minorité rom, le Gouvernement albanais a adopté, en septembre 2003, une Stratégie nationale pour l'amélioration des conditions de vie des Roms assortie d'un service de contrôle de sa mise en œuvre. Cette Stratégie se concentre sur les questions relatives à l'éducation; aux arts et à la culture; aux médias et à la participation à la vie civile; à l'emploi; au logement et aux questions sociales; à l'ordre public; à l'administration centrale et locale; à la santé; à la justice; ainsi qu'à l'économie.

Conscientes du fait qu'en raison des migrations internes, certains citoyens ne sont pas enregistrés, au niveau local, à leur lieu de domicile, les autorités - à travers le Ministère du gouvernement local et de la décentralisation - ont entrepris d'accroître la sensibilisation de la population à cette problématique, a par ailleurs indiqué M. Hajdaraga. Il a enfin souligné que le Plan d'action associé à la Stratégie nationale pour les enfants est en cours de révision.

Le rapport initial de l'Albanie (CRC/C/11/Add.27) souligne que depuis la ratification de la Convention relative aux droits de l'enfant, de profondes modifications ont été apportées au système juridique pour le mettre en conformité avec ses dispositions. Les grandes réformes législatives et institutionnelles auxquelles il a été procédé ont permis de renforcer considérablement les droits de l'enfant et, plus généralement, les droits de l'homme, les rapprochant des normes européennes en la matière. La Stratégie nationale pour l'enfance, document de la plus haute importance définissant la politique du Gouvernement albanais dans le domaine des droits de l'enfant, est en cours d'exécution, indique le rapport; elle est élaborée par un groupe de travail composé d'experts d'institutions publiques spécialistes des problèmes de l'enfance et de représentants de plusieurs associations non gouvernementales oeuvrant en faveur de l'enfance. Le groupe de travail est supervisé par le Comité pour l'égalité des chances, précise le rapport. Il souligne par ailleurs que les changements intervenus au cours de la dernière décennie ont notablement accru les risques pour les enfants et leurs familles. Certains phénomènes sociaux, tels que les migrations, l'urbanisation sauvage, la pauvreté et le chômage, la désintégration des familles et le divorce, ont des répercussions sur un nombre grandissant d'enfants appartenant à diverses catégories. Les problèmes et les risques auxquels les enfants doivent faire face sont le reflet des défis en matière de développement et des difficultés complexes auxquelles l'État, la société et la famille sont confrontés en période de transition. Face à cette situation, poursuit le rapport, le Service social d'État s'emploie à élargir la gamme des services qu'il offre, à promouvoir des technologies et solutions nouvelles et à concentrer son action sur la satisfaction des besoins sociaux des enfants les plus démunis. Les catégories d'enfants destinataires des activités de protection et d'assistance sociales du Service social d'État sont les suivantes: enfants abandonnés et orphelins; enfants handicapés; enfants victimes de violence, de maltraitance ou d'abus sexuels; enfants/mineurs victimes de la prostitution et de la drogue; enfants rapatriés (après avoir émigré sans leurs parents); enfants des rues. Les principaux axes de développement des services sociaux en faveur de l'enfance sont la retrait des institutions des enfants pris en charge et la décentralisation des services, précise le rapport.

Le rapport indique par ailleurs que l'âge minimum de la responsabilité pénale est de 14 ans pour la commission d'un crime et de 16 ans s'il s'agit d'un délit. Un individu qui n'avait pas 18 ans au moment de la commission d'un crime encourt une peine d'emprisonnement égale au maximum à la moitié de la peine maximale prévue pour un adulte coupable de l'acte criminel considéré. Dans la pratique, poursuit le rapport, les enfants appartenant à certains groupes sociaux font l'objet de diverses restrictions, phénomène qui se retrouve au demeurant dans tous les pays d'Europe orientale et même au-delà. Ces restrictions ne découlent pas d'une quelconque discrimination imposée par l'État et ses institutions mais de la mentalité de ces groupes sociaux. Les enfants roms vivent généralement dans la pauvreté et dans des conditions sociales difficiles. Pour la plupart, ils mendient dans la rue et durant l'été, un grand nombre d'entre eux se rendent en Grèce pour y chercher du travail. Dans ce contexte, ils sont nombreux à être contraints à la prostitution, à être victimes de violences physiques et psychologiques et à être maltraités et exploités par des bandes impliquées dans des activités illicites. Dans l'ensemble, les enfants roms ne vont pas régulièrement à l'école et ne se conforment pas aux prescriptions relatives à l'instruction obligatoire, ce qui explique l'analphabétisme très élevé dans ce groupe de population. Face à cette situation, des mesures ont été prises, parfois en coopération avec les ONG, en vue de la rescolarisation de ces enfants et de leur insertion sociale.

Le rapport indique par ailleurs que le Comité albanais pour l'adoption ne peut approuver une adoption internationale que si au bout de six mois après l'inscription d'un enfant sur les listes, cet enfant ne peut être placé dans une famille adoptive en Albanie. De mai 1994 à février 1998, ce Comité a approuvé 298 adoptions; 211 des enfants concernés ont été adoptés par une famille albanaise et 87 par une famille d'un pays étranger. L'adoption, en particulier internationale, peut donner lieu à une forme de traite d'enfants, indique plus loin le rapport. L'expérience de l'Albanie montre qu'une coopération internationale de grande envergure s'impose pour détecter les abus auxquels conduisent parfois les adoptions et remédier à cette situation. Selon les données statistiques, incomplètes, du Comité pour l'égalité des chances, affirme également le rapport, quelque 4 000 enfants auraient émigré non accompagnés de leurs parents (3 000 vers la Grèce et 1 000 vers l'Italie). Partis à l'étranger, loin de leur famille et de son environnement protecteur, ces enfants y sont souvent exposés à de nombreux risques (mauvais traitements, violences physiques et sexuelles…), astreints aux pires formes de travail ou réduits à se livrer à des trafics et autres activités illicites. Certains de ces enfants ont été vendus par leurs parents ou sont exploités par des réseaux criminels de type mafieux à des fins commerciales. Les données émanant du Comité pour l'égalité des chances indiquent en outre que les enfants victimes de la traite sont issus de parents divorcés ne leur offrant aucune protection familiale; proviennent de familles nombreuses en situation de détresse économique; sont issus de familles rurales comptant sur leur aide; sont des orphelins totalement livrés à eux-mêmes; sont nés de parents partis travailler à l'étranger; ont quitté l'école pour se livrer à la mendicité et autres activités illicites en Albanie. Le trafic d'êtres humains sous toutes ses formes constitue une infraction pénale spécifique en droit albanais, fait toutefois valoir le rapport.

Le rapport indique par ailleurs que l'on constate des carences sévères en iode chez 63% des enfants de 10 à 12 ans. L'exploitation sexuelle des enfants - principalement des filles - est un problème qui prend une dimension inquiétante en Albanie depuis quelques années, indique d'autre part le document. Malgré son extrême gravité, l'ampleur réelle du phénomène et le nombre des enfants exploités demeurent inconnus, ajoute-t-il. Ces dernières années, il a beaucoup été question, en particulier dans la presse, de réseaux de traite d'enfants à des fins de trafic d'organes mais aucun réseau de ce type, s'il en existe, n'a encore été découvert. Les enlèvements d'enfants constituent en revanche depuis un certain temps une activité très rémunératrice pour les ravisseurs. La justice a été saisie d'un grand nombre d'affaires de cet ordre mais beaucoup d'autres n'ont pas été élucidées par les organes compétents en raison tant de l'inexpérience de leur personnel face à ce type de criminalité relativement nouveau en Albanie que de la pénurie de moyens.


Examen du rapport

M. LOTHAR FRIEDRICH KRAPPMANN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Albanie, a déploré le retard enregistré par la présentation de ce rapport initial qui était attendu pour 1994. ll a relevé que l'Albanie est une société en transition encore en proie à une crise politique, économique, institutionnelle et psychologique qui continue de constituer une menace pour le bien-être et l'épanouissement de l'enfant. Le Comité a conscience de cette situation difficile en dépit de laquelle l'Albanie s'est efforcée de construire une société démocratique fondée sur les droits, a-t-il assuré. Ceci étant, il est appréciable que la Convention relative aux droits de l'enfant soit devenue partie intégrante de l'ordre juridique interne et l'emporte sur les lois nationales qui ne sont pas conformes avec cet instrument. En revanche, il est regrettable que le Gouvernement albanais n'ait diffusé la Convention qu'en 500 exemplaires, ce qui autorise à se demander si cet instrument est bien connu à travers le pays. Cette question est d'autant plus importante que certains secteurs de la population semblent avoir des conceptions très traditionnelles de l'enfant, de la famille, de la répartition des rôles entre les personnes des deux sexes, de l'autorité et de l'honneur. Relevant que la révision globale du système juridique est en bonne voie dans le pays, M. Krappmann a estimé que le défi pour l'Albanie est désormais de mettre en œuvre les lois adoptées. Il a souhaité savoir si la protection des droits de l'enfant est une tâche explicite du Médiateur du peuple ou si elle ne constitue qu'une activité occasionnelle de cette institution. Cette question est d'autant plus légitime qu'il ne semble pas exister dans le pays d'autres institutions indépendantes qui s'intéressent aux droits de l'homme. M. Krappmann a par ailleurs déploré le manque de stratégie spécifique visant à recueillir des données sur les enfants.

En tant que co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport albanais, M. JACOB EGBERT DOEK - qui est par ailleurs Président du Comité - a attiré l'attention sur la situation des 104 enfants qui, dans le pays, se trouveraient en situation de "détention à domicile" parce qu'ils sont menacés par des vendettas. Il semble que ces enfants suivent des enseignements qui leur sont dispensés par des enseignants mis à disposition par des organisations non gouvernementales (ONG); à cet égard, il faut espérer que c'est bien le Gouvernement qui rémunère ces enseignants à domicile. Que fait le Gouvernement pour éliminer ces pratiques de vendetta, a demandé M. Doek?

Un autre membre du Comité s'est enquis des statistiques disponibles concernant les enfants qui travaillent. Relevant qu'il peut être procédé à un mariage d'enfants de moins de 18 ans pour des raisons appropriées, ce même expert s'est enquis de ce que recouvre dans ce contexte la notion de "raisons appropriées". Il est en outre préoccupant que les mineurs soient détenus dans les mêmes cellules que les adultes, a ajouté cet expert. Ce même membre du Comité a attiré l'attention sur les violences policières contre les enfants, qui entraînent parfois la mort.

Un expert a attiré l'attention sur l'ampleur du problème des châtiments corporels qu'aucune disposition législative n'interdit à la maison, de sorte qu'ils restent très fréquents dans le pays.

La corruption est-elle un problème en Albanie et, le cas échéant, constitue-t-elle une entrave à l'utilisation adéquate des fonds par les autorités publiques, a demandé un autre membre du Comité?

Relevant que beaucoup d'enfants ne sont pas dûment enregistrés en Albanie, un expert a souligné que cette situation constitue un terrain propice à la traite et à différentes formes d'abus à leur égard.

Plusieurs membres du Comité se sont inquiétés que l'avortement semble être utilisé en Albanie comme méthode de planification familiale.

Certains experts ont souhaité obtenir davantage d'informations sur la situation des minorités, s'agissant en particulier des Roms dont les enfants sont victimes de diverses discriminations de fait.


Renseignements complémentaires fournis par la délégation albanaise

S'agissant des ressources allouées à l'action en faveur des enfants, la délégation a souligné que la situation économique de l'Albanie s'améliore de jour en jour, de sorte que le pays devrait, à l'avenir, être en mesure d'accroître ses ressources consacrées à l'enfance. Le PIB, en hausse, est actuellement d'un peu plus de 1 000 dollars par habitant et la devise nationale est stable, a insisté la délégation.

Les activités du Médiateur du peuple en faveur des enfants ne sont absolument pas occasionnelles puisque, en avril 2004, une division spécifiquement consacrée à l'enfance a été créée au sein du Bureau de cette institution, a par ailleurs fait valoir la délégation. Les cas de violation des droits de l'enfant sont présentés au Médiateur; mais le fait est que le nombre de plaintes dans ce domaine est faible, a-t-elle précisé.

Il n'y a pas eu jusqu'ici, dans le pays, de cas où la Convention relative aux droits de l'enfant aurait été spécifiquement invoquée devant les tribunaux, a indiqué la délégation. Elle a admis que cela peut laisser à penser que les citoyens ne connaissent pas bien leurs droits et que les ONG qui pourraient représenter les enfants en justice ne savent pas que les dispositions de la Convention peuvent être invoquées directement devant les tribunaux.

On ne peut pas affirmer abruptement que seulement 500 exemplaires de la Convention ont été diffusés dans le pays, a ajouté la délégation; en effet, on parle de cet instrument dans les ouvrages scolaires et les enfants sont ainsi sensibilisés aux droits qui y sont énoncés.

En ce qui concerne l'enregistrement des naissances, la délégation a notamment rappelé que l'article 35 de la nouvelle loi sur le statut civil traite de cette question. L'enregistrement des naissances est gratuit, a-t-elle précisé.

S'agissant du respect du principe de non-discrimination en ce qui concerne les fillettes, la délégation a fait valoir qu'avec l'entrée en vigueur du nouveau Code de la famille, plus aucune différence ne persiste désormais entre les personnes des deux sexes, s'agissant notamment de l'âge à partir duquel on peut contracter mariage. L'État albanais ne reconnaît aucun mariage qui serait contracté par une personne âgée de moins de 18 ans, a insisté la délégation.

En ce qui concerne les enfants "maintenus enfermés dans des maisons", la délégation a reconnu que, du fait des traditions, certains formes de châtiments à l'encontre des enfants ont effectivement survécu dans le pays. Préoccupés par cet état de fait, les pouvoirs publics ont pris des mesures contre ce phénomène qui persiste dans le sud-est et dans des régions reculées du pays où l'État a quelque peu de mal à assurer sa présence. La police est parvenue à résoudre pas mal de problèmes à cet égard et à faire sortir les enfants des maisons où ils se trouvaient confinés, a affirmé la délégation.

La délégation a par ailleurs confirmé le chiffre - cité par un membre du Comité - de 104 enfants victimes de vendetta en Albanie. Ces enfants peuvent être scolarisés à domicile, a ajouté la délégation. Afin de lutter contre de telles pratiques de vendetta, des mesures ont été prises, notamment du point de vue pénal par le biais d'un amendement apporté à la loi en vertu duquel un crime commis sous prétexte de vendetta constitue désormais une circonstance aggravante.

S'agissant des crimes de vendetta, la délégation a indiqué qu'en 2004, huit cas de vengeance ayant entraîné la mort ont été enregistrés. Sur 500 000 enfants suivant un enseignement obligatoire, seuls 104 suivent un enseignement dit isolé, a souhaité relativiser la délégation.

La délégation a indiqué qu'une partie du rapport sur la santé génésique en Albanie présenté par le Ministère de la santé est consacrée à la violence au sein de la famille; malheureusement, ce rapport n'est disponible - pour l'heure - qu'en Albanais.

Ce n'est pas dans la mentalité de la famille albanaise de pratiquer la violence à l'égard de l'enfant, a assuré la délégation. Elle a ajouté qu'un programme a été lancé dans les écoles secondaires visant la mise en place d'une structure à l'attention des enfants qui subiraient des sévices; mais il n'y a pas eu, pour l'heure, de cas déclarés.

Relevant que la pauvreté est source de travail des enfants et que les données sur cette question font défaut dans le rapport présenté par l'Albanie, un membre du Comité a fait état d'informations selon lesquelles 10 000 enfants travaillent en Albanie et ne vont pas à l'école. Ce même expert s'est inquiété de la fréquence de l'abandon scolaire chez les jeunes filles. La majorité des jeunes entrent sur le marché du travail sans aucune qualification professionnelle, s'est en outre inquiété cet expert.

En ce qui concerne les questions d'éducation, la délégation a souligné que l'enseignement est gratuit dans toutes les écoles. Les enseignants voient leurs frais de déplacements couverts par l'État, a-t-elle par ailleurs indiqué. Les pouvoirs publics ont récemment mis en place des classes collectives où les enfants de différents âges suivent des cours ensemble; cela touche particulièrement les enfants de la communauté rom ou ceux qui doivent aller travailler et ne peuvent de ce fait pas aller régulièrement à l'école.

La délégation a indiqué qu'un accord a été conclu entre le Ministère de la culture, de la jeunesse et des sports et celui de l'éducation afin de relancer l'éducation physique à l'école, nombre d'activités et clubs sportifs ayant cessé d'exister durant la période de transition.

Un membre du Comité a souhaité connaître les raisons de l'importante baisse enregistrée par le taux de scolarisation en maternelle. La délégation a notamment indiqué qu'en 2003, un atelier ministériel sur la petite enfance a été organisé en Albanie à l'issue duquel a été fixé l'objectif de voir tous les enfants scolarisés au niveau de la maternelle. Durant la période de transition, a poursuivi la délégation, l'Albanie a connu un important phénomène d'urbanisation; un million de personnes environ ont alors rejoint les deux principales villes du pays. Ces flux migratoires ont engendré de nombreux problèmes dont le manque d'infrastructures - y compris dans le secteur de l'enseignement - n'est pas le moindre, a expliqué la délégation.

En ce qui concerne la situation des enfants handicapés, la délégation a souligné que le Gouvernement a adopté une stratégie en faveur des personnes handicapées en vertu de laquelle de nombreux mécanismes sont envisagés afin d'assurer l'intégration des enfants handicapés dans la vie sociale et culturelle du pays.

Un membre du Comité a jugé inquiétant le chiffre selon lequel 96% des enfants handicapés seraient illettrés en Albanie. La délégation a déclaré ne pas comprendre d'où provient ce chiffre, les services sociaux albanais ne donnant pas un tel taux d'illettrisme pour les enfants handicapés du pays.

Un autre expert a fait part de ses préoccupations face aux taux élevés d'avortements, de toxicomanie et d'enfants des rues. Cet expert a également relevé que l'Albanie est confrontée à des problèmes en tant que pays d'origine et de transit de la traite des femmes; qu'a-t-il été fait en matière de prévention de ce phénomène, s'est alors enquis l'expert?

La délégation a indiqué qu'après que l'avortement eut été légalisé en1992 par décision du Conseil des ministres, une loi promulguée en 1995 par le Parlement albanais introduisit l'interruption volontaire de grossesse dans le pays. Après 1997, le nombre d'avortements pratiqués a diminué et il n'y a plus eu, à partir de cette date, de mortalité maternelle due à l'avortement.

En ce qui concerne les questions de santé, la délégation a reconnu qu'en dépit d'une baisse notable, le taux de mortalité infantile en Albanie est toujours loin d'être satisfaisant puisqu'il s'établit encore à 15,5 pour mille naissances vivantes (contre 45 pour 1000 en 1990). L'objectif serait de parvenir à un taux inférieur à 10 pour mille, a indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs souligné que l'Albanie dispose d'une loi sur l'allaitement maternel dont nombre d'articles et de recommandations visent à encourager les hôpitaux à adopter des politiques favorables aux nourrissons.

En ce qui concerne la malnutrition, la délégation a fait valoir que, selon les études réalisées - notamment par le Ministère de la santé -, la situation s'est considérablement améliorée; il n'en demeure pas moins que 26% des enfants de 0 à 3 ans souffrent de malnutrition.

Afin de lutter contre les carences en iode, a poursuivi la délégation, ont été mises en œuvre une stratégie à court terme fondée sur la distribution gratuite d'iode et une stratégie à long terme visant l'iodisation du sel.

Le Gouvernement ayant annoncé avoir créé un centre international de lutte contre la traite, un membre du Comité a souhaité savoir dans quelle mesure une aide a pu être apportée aux quatre mille enfants albanais qui ont émigré en Grèce et en Italie et sont particulièrement vulnérables. S'agissant de ces quatre mille enfants émigrés, le principal problème a trait à l'éducation et en particulier à l'apprentissage de leur langue maternelle. Aussi, un accord a-t-il été conclu entre les gouvernements albanais et grec afin que soient ouvertes en Grèce des écoles dispensant un enseignement en langue albanaise.

L'Albanie a toujours été un lieu de transit de tous types de trafics, a par ailleurs déclaré la délégation; néanmoins, le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour que le pays n'occupe plus cette place. En Albanie, plusieurs groupes qui étaient à l'origine du trafic ont été frappés et le Gouvernement fait preuve, à cet égard, d'une tolérance zéro, a souligné la délégation. L'Albanie peut être fière de ses réalisations dans ce domaine, même si d'autres interventions publiques devront certainement avoir lieu dans l'avenir, a affirmé la délégation.

Un membre du Comité s'est réjoui que l'Albanie soit parvenue, dans les années 1990, à enrayer un trafic d'adoptions grâce à une ferme volonté politique.

Un autre membre du Comité s'est enquis de l'âge minimum de la responsabilité pénale en Albanie. Ce même membre du Comité s'est dit inquiet de constater que les arrestations d'enfants sont médiatisées, ce qui n'est pas conforme aux dispositions de la Convention. Quelles mesures sont-elles prises pour réduire la durée de la détention avant procès, s'est par ailleurs enquis cet expert?

Il existe à Tirana un centre qui accueille les mineurs en conflit avec la loi et qui s'efforce de préparer leur réintégration dans la société, a notamment indiqué la délégation. La construction d'un second centre est actuellement envisagée, a-t-elle précisé. Ainsi, les jeunes peuvent-ils purger leur peine tout en suivant des études afin de pouvoir reprendre une vie normale à l'échéance de leur peine.

La délégation a par ailleurs fait valoir un cas où la divulgation d'informations relatives à une affaire impliquant un mineur a fait l'objet de sanctions.

En vertu de la loi, les enfants auteurs de délits voient leur peine divisée par deux par rapport à la peine qu'ils encourraient s'ils étaient adultes, a par ailleurs indiqué la délégation. Elle a précisé qu'en vertu de la nouvelle législation, l'âge de responsabilité pénale a été porté de 14 à 16 ans.

Interrogée sur le nombre d'enfants de moins de 16 ans qui travaillent dans le pays, la délégation a indiqué que les chiffres officiels étaient, à l'été 2002, de 307 enfants travaillant dans les grandes villes albanaises. La coopération de l'Albanie avec le Programme IPEC de l'OIT sur l'élimination du travail des enfants a donné lieu à la mise sur pied d'un Comité national pour l'élimination de ce type de travail, a ajouté la délégation. L'existence, en Albanie, de quatre programmes relevant du programme IPEC de l'OIT laisse entendre que le phénomène est plus important que ne le suggèrent les chiffres cités par la délégation, a fait observer un expert. La délégation a alors assuré que l'existence de ces quatre programmes ne saurait être interprétée comme indiquant que le travail des enfants est un grave problème en Albanie. En effet, comme l'indiquent les noms mêmes de ces programmes, ceux-ci visent plus particulièrement le bon fonctionnement des institutions de lutte contre le travail des enfants - telle que la division spéciale créée sur cette question au sein du Ministère du travail.




Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires, M. LOTHAR FRIEDRICH KRAPPMANN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Albanie, a remercié la délégation pour les informations qu'elle a fournies tout au long de cette journée d'examen ainsi que pour l'engagement dont elle a fait preuve en faveur des droits de l'enfant. Du point de vue législatif, l'Albanie s'en sort bien, a relevé M. Krappmann; il s'est ainsi réjoui que la Convention occupe la place qui est la sienne dans l'ordre juridique interne albanais. Il n'en demeure pas moins qu'à maints égards, la réalité sociale des enfants ne correspond pas tout à fait aux dispositions de cet instrument, a poursuivi l'expert. Des préoccupations graves ont été exprimées aujourd'hui dont il sera question dans les observations finales que le Comité adoptera ultérieurement, a-t-il insisté. M. Krappmann a néanmoins affirmé ne pas être pessimiste car deux mesures importantes ont été prises au cours de l'année écoulée, à savoir: la création d'un comité interministériel sur les droits de l'enfant (dont il faut espérer qu'il sera dûment doté de ressources); et la mise en place d'une division des droits de l'enfant au sein du Bureau du Médiateur du peuple.


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