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LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DU TCHAD
27 mai 1999
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APRÈS-MIDI
HR/CRC/99/30
27 mai 1999
La délégation tchadienne, dirigée par le Ministre de la justice, indique que le nouveau code du travail porte à quatorze ans l'âge minimum du travail
Le Comité des droits de l'enfant a entamé, cet après-midi, l'examen du rapport initial soumis par le Tchad sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.
M.Limane Mahamat, Ministre de la justice du Tchad, a présenté le rapport en rappelant que son pays est l'un des plus pauvres du monde. Il a rappelé que l'histoire du Tchad après son indépendance a longtemps été caractérisée par l'instabilité, jusqu'à la chute de l'une des dictatures les plus répressives qu'ait connu l'Afrique, sous le régime d'Hissène Habré de 1982 à 1990. Le Tchad s'est ensuite engagé sur la voie de la démocratisation de son système politique et de la promotion des droits de l'homme, a déclaré le Ministre.
La délégation tchadienne a indiqué que, conformément au code du travail qui vient d'être adopté, l'âge minimum d'accès à l'emploi a été porté de 12 à 14 ans. La délégation a également expliqué que la croissance du chômage dans le pays, qui préoccupe certains membres du Comité, est en partie liée à la politique d'ajustement structurel, qui empêche le Tchad d'accroître le nombre d'emplois publics alors que l'État est traditionnellement le principal employeur du pays.
Outre le Ministre de la justice, la délégation tchadienne est composée de M.Djonata Djatto, Conseiller du Premier Ministre pour les affaires administratives, juridiques et aux droits de l'homme; de M.Kaguer Darbo, Directeur des affaires juridiques au Ministère des affaires étrangères; de MmeMotoyam Nanitom, Directrice de la protection de l'enfance au Ministère de la justice; et de M.Turzi Antoine, futur Consul honoraire du Tchad en Suisse.
Le Comité poursuivra demain matin, à 10 heures, l'examen du rapport du Tchad.
Présentation du rapport du Tchad
Présentant le rapport initial de son pays, M.LIMANE MAHAMAT, Ministre de la justice du Tchad, a rappelé que le Tchad est l'un des pays les plus pauvres du monde en dépit du fait que son sous-sol regorge de ressources. Il a rappelé que l'histoire du Tchad après son indépendance en 1960 a longtemps été caractérisée par l'instabilité et les nombreuses guerres civiles, jusqu'à la chute de l'une dictatures les plus répressives qu'ait connu l'Afrique, sous le régime d'Hissène Habré. Depuis 1990, le Tchad s'est résolument engagé sur la voie de la démocratisation de son système politique et de la promotion des droits de l'homme. Outre la Constitution de 1996, qui fait une large place aux droits et libertés, de nombreux instruments juridiques ont été adoptés ou ratifiés. Il y a un mois à peine, a rappelé le Ministre de la justice, la Commission des droits de l'homme de l'ONU a décidé de retirer le Tchad de la liste des pays examinés au titre de la procédure confidentielle et sur laquelle il était inscrit depuis 1991. Le Tchad a présenté récemment son rapport initial en vertu de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, a-t-il en outre souligné.
M.Mahamat a par ailleurs indiqué qu'aux termes d'une ordonnance de 1991 portant réorganisation des forces armées tchadiennes, l'âge de recrutement dans l'armée a été fixé à 18 ans pour les engagés et à 20 ans pour les appelés au contingent. Le Ministre de la justice a également fait part au Comité de deux projets portant, l'un, sur la formation et le perfectionnement des éducateurs spécialisés, des assistants et des juges pour enfants et, l'autre, sur la création d'un centre de sauvegarde pour la prise en charge des mineurs en conflit avec la loi et en danger moral. Il a exprimé l'espoir que le Comité examinerait avec attention ces deux projets afin de permettre au Tchad de mener à bien les actions nécessaires dans ces deux domaines.
Le rapport initial du Tchad (CRC/C/3/Add.50) souligne que le Gouvernement se reconnaît un devoir fondamental de protection des enfants vivant dans des circonstances particulièrement difficiles qui ont longtemps été marginalisés par les pouvoirs publics en raison de l'instabilité politique. En 1995, a été adopté un Programme national d'action en faveur de l'enfant tchadien (PRONAFET) qui définit les principaux objectifs pour la survie, la protection et le développement de l'enfant et sert de cadre de référence pour la définition des objectifs de cycle de coopération Tchad/UNICEF 1996-2000. Un Comité national de coordination et de suivi des objectifs du PRONAFET a été créé et rattaché au Secrétariat général de la Présidence de la République. La promotion du secteur social s'est concrétisée à travers trois grandes politiques sectorielles : la santé et la nutrition, l'éducation de base, l'eau et l'assainissement. Un programme national de protection des enfants en circonstances particulièrement difficiles a été mis en place et le programme urbain pour ces enfants est coordonné conjointement par le Ministère de la femme, de l'enfance et des affaires sociales et par le Ministère de la justice.
Pour renforcer la protection de l'enfant et dans le souci d'harmoniser la législation nationale avec les dispositions de la Convention, la Conférence nationale souveraine a recommandé la réactualisation de tous les textes contenant des dispositions sur la protection de l'enfance, dont certains datent de l'époque coloniale. À cet effet, la Commission nationale des droits de l'homme est chargée de participer à la révision de la législation en vigueur et de l'élaboration de nouvelles normes. Un code de la famille et des personnes est déjà en chantier, précise le rapport daté de 1997.
Au Tchad, la mise en oeuvre de la Convention a évolué dans un contexte caractérisé par des crises politiques, militaires et socio-économiques. En 1992, environ 51% de la population totale et 44% de la population rurale vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Cette situation s'est fortement dégradée à cause, entre autres, de la décision de dévaluation du franc CFA. Sur le plan démographique et sanitaire, le pays s'est heurté à une poussée migratoire urbaine résultant de l'insécurité à l'intérieur du pays et de l'expansion du phénomène d'urbanisation par accroissement naturel. La pandémie du sida au Tchad est en progression (le nombre de cas signalés a augmenté de 15% entre 1993 et 1994). En outre, l'application d'une nouvelle loi, nationale ou internationale, ne suscite pas de prime abord une adhésion unanime et enthousiaste surtout quand il s'agit d'un texte qui remet en question tendances, moeurs et traditions acquises au fil des ans. Ainsi, l'excision des filles est considérée comme une épreuve indispensable par certaines couches sociales.
Le rapport indique également que la correction physique dans le milieu traditionnel fait partie des mesures d'éducation de l'enfant. Dans certaines sociétés tchadiennes, surtout dans le milieu paysan, l'enfant constitue un important capital de production ce qui explique que les parents préfèrent les initier aux techniques de production que de les inscrire à l'école. Le taux d'analphabétisme des parents, leur réticence à accepter le planning familial, l'insuffisance notoire des agents spécialisés (éducateurs spécialisés, psychologues, psychiatres) auprès des établissements pénitentiaires, d'enseignement et d'accueil sont autant de facteurs qui entravent la mise en oeuvre de la Convention, souligne le rapport. Le pays ne dispose pas de juridictions pour enfants ni de juges pour enfant. Les difficultés majeures auxquelles se heurte l'application de la Convention sont d'ordre matériel (disponibilités budgétaires limitées) et administratif (démotivation des agents de l'État liée au non-paiement des salaires).
Dans la pratique, poursuit le rapport, la contribution des parents d'élèves dans le fonctionnement des écoles est considérable (800000 francs CFA en 1995), ce qui ne concrétise pas la gratuité de l'école publique telle qu'énoncée dans la Convention. Selon la loi, «les successions sont régies par la coutume du défunt. Or certaines coutumes excluent les femmes et les enfants de la succession pour créer la discrimination entre les héritières et les héritiers (coutume musulmane)». Le gouvernement entend résoudre ce problème par l'élaboration d'un code de la famille qui s'appliquera à tous sans distinction. En 1992, environ 51% de la population totale et 44% de la population rurale vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Le taux brut de scolarisation dans l'enseignement élémentaire est de 54% et il existe de grandes disparités entre filles (31,6%) et garçons (76,%). Sur le plan national, l'âge d'admission à certains emplois qui ne comportent pas de risque varie de 12 à 14 ans. Dans la pratique, on constate l'emploi abusif des enfants dans les travaux domestiques ou comme apprentis en dépit des textes.
Examen du rapport du Tchad
Interrogée sur les mesures prises par le pays pour assurer la diffusion la plus large possible de la Convention relative aux droits de l'enfant à travers le pays, la délégation a notamment indiqué que la Convention a été diffusée dans cinq des principales langues traditionnelles du Tchad.
Certains experts ayant jugé insuffisants les crédits alloués aux soins médicaux et à l'éducation des enfants, la délégation a affirmé que le pays a pourtant déployé de nombreux efforts en direction de ces deux secteurs. Elle a souligné que les questions d'éducation et de santé sont étroitement imbriquées et a précisé que le budget du Ministère de l'action sociale et de la famille est en augmentation constante. Il est toutefois très difficile de déterminer la part de ce budget qui revient directement aux enfants, a ajouté la délégation.
La délégation a par ailleurs souligné que les secteurs de l'action sociale, de la santé et de l'éducation canalisent l'essentiel de l'aide internationale reçue par le Tchad, les autres secteurs devant se contenter des ressources nationales. Ces faits témoignent de l'importance que les partenaires extérieurs du Tchad accordent eux aussi à la situation des enfants, a souligné la délégation.
Certains experts ayant souhaité savoir si les enfants tchadiens peuvent librement accéder aux soins de santé, sans être accompagnés de leurs parents, la délégation a expliqué qu'étant donné que les soins de santé ne sont pas gratuits dans le pays, il serait illusoire de prétendre assurer le libre accès des enfants à ces soins.
Interrogée sur les mesures prises pour résoudre la question des incompatibilités entre, d'une part, les pratiques coutumières et, de l'autre, la loi et les dispositions de la Convention, la délégation a indiqué que des séminaires ont été organisés dans le pays pour lever les réticences des chefs traditionnels à l'égard de certaines dispositions de la Convention, notamment en ce qui concerne la liberté de choix des enfants. Le Gouvernement entend multiplier de tels séminaires pour vaincre les dernières réticences qui subsistent.
S'agissant de la définition de l'enfant, dont certains experts ont souligné qu'elle semblait varier suivant les circonstances voire suivant le sexe, la délégation a indiqué que l'âge minimum du mariage est fixé à 15 ans pour les filles et à 18 ans pour les garçons. Cette différence constitue une discrimination regrettable, a reconnu la délégation avant de préciser qu'un projet de loi actuellement à l'étude entend harmoniser l'âge du mariage entre filles et garçons.
Parallèlement au code de la famille qui est en cours d'élaboration, l'élaboration d'un code des enfants contenant des dispositions pénales spécifiques est nécessaire, conformément aux recommandations de la Conférence nationale souveraine, a affirmé la délégation. Le code du travail qui vient d'être adopté a porté de 12 à 14 ans l'âge minimum d'accès à l'emploi, a par ailleurs indiqué la délégation.
Un membre du Comité s'étant inquiété de l'ampleur du chômage qui touche le pays, la délégation a expliqué que la croissance du chômage est en partie liée à la politique d'ajustement structurel à laquelle doit se soumettre le Tchad et qui l'empêche d'accroître le nombre d'emplois publics alors que, comme chacun sait, dans un pays comme le Tchad, l'État est souvent le principal employeur, le secteur privé étant peu développé.
Un expert, rappelant que l'enregistrement de la naissance d'un enfant est le premier acte permettant de reconnaître son existence même, s'est inquiété que moins de la moitié des naissances semblent être enregistrées de manière officielle au Tchad.
Un expert a demandé à la délégation de lui préciser si la Convention s'applique dans la «zone d'insécurité» dont fait état le document de base soumis au Comité par le Tchad.
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