Communiqués de presse Organes conventionnels
LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS OUVRE LES TRAVAUX DE SA ONZIÈME SESSION
12 octobre 2009
Comité pour la protection des droits
des travailleurs migrants
12 octobre 2009
Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a entamé ce matin, à Genève, les travaux de sa onzième session, en adoptant son ordre du jour et son programme de travail qui prévoient, notamment, l'examen du rapport de Sri Lanka, à partir de cet après-midi.
À cet égard, le Comité a procédé à l'audition de représentants d'organisations non gouvernementales qui ont fourni des renseignements s'agissant de la situation des travailleurs sri-lankais en regard de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, en particulier s'agissant de la situation des travailleurs sri-lankais dans les pays du Golfe, au Liban, en Israël.
Le Comité a également entendu M. Ibrahim Salama, Chef du Service des traités et du Conseil au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, qui a souligné que les effets de la crise économique actuelle rendent encore plus difficile la situation des migrants, en suscitant notamment à leur égard des sentiments de xénophobie. M. Salama a souligné que le Conseil des droits de l'homme avait tenu, au cours de sa dernière session, un débat sur les droits des migrants dans les lieux de détention, qui a permis de montrer encore une fois la pertinence de la Convention sur la protection des travailleurs migrants dans le débat actuel sur la migration. Réagissant aux interventions des membres du Comité, M. Salama a notamment souligné que l'objectif primordial des efforts d'harmonisation du Haut-Commissariat visait à faire en sorte que les différents organes apparaissent comme un système intégré et non pas comme des satellites du système. En outre, c'est la capacité du Comité à faire des liens entre les différents instruments internationaux et à développer des approches bilatérales qui fera la différence, a estimé M. Salama, qui a rappelé que les droits des migrants figurent au nombre des six priorités stratégiques du Haut-Commissariat.
Plusieurs membres du Comité ont ensuite fait part d'un certain nombre d'événements et activités intéressant les migrants auxquels ils ont participé depuis la dernière session du Comité. Le Président du Comité, M. Abdelhamid El Jamri, a également évoqué la participation du Comité à la réunion préparatoire du Forum mondial sur la migration et le développement qui se tiendra à Athènes le mois prochain. Les membres du Comité ont brièvement discuté de la question du système du kafil, pratiqué dans les pays du Golfe, qui s'appuie sur une forme de tutelle ou de parrainage des travailleurs migrants.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial de Sri Lanka (CMW/C/LKA/1).
Déclaration liminaire et échange de vues
M. IBRAHIM SALAMA, Chef du Service des traités et du Conseil au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a souligné que les effets de la crise économique actuelle rendent plus difficile la situation des migrants, en suscitant notamment envers eux des sentiments de xénophobie.
M. Salama a informé le Comité que dans le cadre de la définition de ses priorités stratégiques, le Haut-Commissariat a désigné la réalisation des droits de l'homme dans le contexte de la migration comme l'une de ces priorités. Il a aussi mentionné la récente accession du Nigéria à la Convention, ce qui porte le nombre d'États parties à 42.
Le Chef du Service des traités et du Conseil a souligné que le Conseil des droits de l'homme avait tenu, au cours de sa dernière session, un débat sur les droits des migrants dans les lieux de détention. Ce débat a permis de montrer encore une fois la pertinence de la Convention sur la protection des travailleurs migrants dans le débat actuel sur la migration. Il a aussi indiqué que le Conseil des droits de l'homme a adopté, lors de cette session, une résolution portant notamment sur les droits des enfants de travailleurs migrants.
M. Salama a enfin rappelé que dans son discours d'ouverture de la douzième session du Conseil des droits de l'homme, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navanethem Pillay avait souligné les défis auxquels le système est confronté et invité toutes les parties concernées à réfléchir aux moyens d'assurer une rationalisation du travail et à meilleure coordination des organes conventionnels, dans le cadre notamment du processus d'examen périodique universel.
M. ABDELHAMID EL JAMRI, Président du Comité, a rappelé qu'à partir de 2010, le Comité comptera quatorze experts au lieu de dix aujourd'hui. Il a brièvement fait état de la participation de membres du Comité à la neuvième réunion intercomités. M. El Jamri a par ailleurs indiqué qu'il était intervenu dans le cadre d'un débat sur les droits des travailleurs migrants dans les lieux de détention qui s'est tenu à l'occasion de la douzième session du Conseil des droits de l'homme. Il est ressorti de ce débat que la situation des travailleurs migrants en détention était alarmante. Un appel à été lancé aux États pour les inviter à ne par incriminer les migrants et à ne pas détenir les migrants avec les détenus de droit commun. D'autres principes relatifs à la Convention, comme la nécessité de garantir le droit de recours, de même que le droit à un interprète, ont aussi été rappelés.
Le Président a encore évoqué la participation du Comité à la réunion préparatoire du Forum mondial sur la migration et le développement qui se tiendra à Athènes le mois prochain. Un ensemble de recommandations ont été élaborées à cette occasion, qui portaient, notamment, sur l'intégration des travailleurs migrants temporaires ou saisonniers qui ne bénéficient pas nécessairement des mêmes droits et des mêmes conditions d'intégration que les autres migrants, et qui se trouvent souvent confrontés, à leur retour dans leur pays, à des problèmes de traçabilité de leurs droits sociaux.
M. El Jamri a enfin insisté sur le rôle très négatif de la crise sur la situation des travailleurs migrants qui tendent, dans ce contexte, à être désignés comme boucs émissaires.
Plusieurs membres du Comité ont également fait part d'un certain nombre d'événements et activités auxquels ils ont participé depuis la dernière session du Comité.
Mme Ana Elizabeth Cubias Medina a ainsi indiqué qu'elle avait participé à un séminaire de commémoration de la Convention sur les droits des enfants. Dans ce cadre, il a notamment été question de la traite des enfants. Le lien entre enfance et migration a été abordé de différentes manières et plusieurs recommandations ont porté sur les enfants migrants. Mme Cubias Medina a aussi participé à un dialogue sur la discrimination envers les travailleurs migrants dans le cadre du suivi de la Conférence de Durban.
M. Ahmed Hassan El-Borai a évoqué le système du kafil (essentiellement appliqué dans les pays du Golfe, ce système implique une tutelle ou un parrainage de travailleurs migrants) et demandé si le Comité avait la légitimité d'intervenir sur ce sujet. Les membres du Comité ont brièvement discuté de la question soulevée par M. El Borai. Le Président a rappelé que dans le meilleur des cas, le kafil est un parrain qui aide le migrant à s'intégrer, mais que le kafil peut également jouer un rôle totalement abusif et conduire à des situations assimilables à de la traite d'êtres humains. La kafala est aujourd'hui partout dénoncée lorsque l'on parle de droits de l'homme, a ajouté M. El Jamri. M. El-Borai a estimé qu'il serait intéressant que le Comité obtienne des statistiques pour mieux cerner le phénomène et se faire une image juste de la situation.
M. Azad Taghizada a noté qu'en Europe, on a commencé à utiliser la «carte verte». Il a estimé qu'il serait utile que le Comité rappelle que beaucoup de problèmes viennent non pas des migrants, mais des personnes qui sont responsables du trafic des travailleurs migrants.
M. Salama, réagissant aux interventions des membres du Comité, a admis qu'il est important de se focaliser sur les questions prioritaires pour définir des outils opérationnels efficaces. Il a invité le Comité à procéder à des choix clairs qui seront utiles pour décider de ses lignes directrices. Il a souligné aussi l'importance des principes d'indivisibilité et d'interdépendance de tous les droits de l'homme, qui sont des principes-clefs des droits de l'homme. L'objectif primordial de nos efforts d'harmonisation est de veiller à ce que les différents organes apparaissent comme un système intégré et non pas comme des satellites du système, a-t-il affirmé. Il a estimé qu'il est important de se pencher sur la magnitude d'une violation et que c'est cela qui guidera le choix des priorités du Comité. Il a, enfin, souhaité rappeler que la question des migrations était un phénomène qui prenait de l'ampleur et qui transcendait toutes les politiques. La capacité du Comité à faire des liens entre les différentes conventions et à développer des approches bilatérales fera la différence, plutôt que la ratification en soi. Le fait que le droit des immigrants figure au nombre des six priorités stratégiques du Haut-Commissariat est un reflet de vos efforts, a enfin déclaré M. Salama.
Concluant la discussion, le Président a évoqué plusieurs difficultés se rapportant à la Convention, mentionnant en particulier le manque d'informations qui rend difficile l'intégration des dispositions de la Convention dans le droit national. Il a recommandé, à cet égard, qu'une attention particulière soit portée à la formation.
Audition d'organisations non gouvernementales sur le rapport de Sri Lanka
Une représentante de Action Network for Migrant Workers et Women and Media Collective a indiqué que son organisation avait pris connaissance avec préoccupation du rapport présenté par les autorités sri-lankaises, notant que contrairement à ce qui était affirmé, les travailleurs sri-lankais ne sont pas couverts par une législation, ne sont pas soutenus par les représentations consulaires à l'étranger, et que la Convention reste le plus souvent lettre morte. Elle a souligné que si la migration est volontaire, c'est néanmoins la discrimination ethnique et la pauvreté qui prévalent dans le pays qui poussent les personnes et en particulier les femmes à migrer. La vente du travail de ses ressortissants est une manière par le Gouvernement sri-lankais d'augmenter ses recettes, a affirmé la représentante. L'une des principales préoccupations de cette organisation est liée à la féminisation de la migration, a déclaré la représentante, dénonçant l'attitude du Gouvernement sri-lankais qui s'est révélé incapable à protéger ses ressortissants, notamment dans les pays du Golfe. Elle a aussi souligné le problème lié au fait que plusieurs pays accueillant des immigrés sri-lankais ne sont pas parties à la Convention.
La représentante de l'organisation Kav LaOved a fait état de la situation des migrants sri-lankais en Israël, informant le Comité que 80% des migrants sont des femmes, qui travaillent pour l'essentiel dans le domaine des soins. Israël n'a pas signé la Convention, a-t-elle rappelé, et cela ouvre la voie à la traite d'êtres humains, a-t-elle estimé. Il n'y a pas, en Israël, de lois qui régissent le processus d'engagement et les passeurs demandent des commissions qui peuvent aller jusqu'à 10 000 dollars, poussant les travailleurs à s'endetter dans leur pays. Les travailleurs sri-lankais en Israël se trouvent donc dans une situation de vulnérabilité extrême et certains sont déportés à Sri Lanka en se trouvant dans l'incapacité à repayer leur dette. La représentante de Kav LaOved a recommandé qu'une collaboration bilatérale entre Israël et Sri Lanka soit établie pour parvenir à un accord sur les travailleurs migrants. Kav LaOved estime en outre que les campagnes d'information menées à Sri Lanka ne sont pas efficaces.
Un représentant du Centre des migrants au Liban de Caritas, a indiqué que la demande en travailleurs migrants a augmenté dans ce pays au cours des dernières années. Les travailleurs migrants de Sri Lanka sont aujourd'hui plus de 90 000 et travaillent pour des salaires de misère et dans des conditions très difficiles. La principale méthode permettant aux travailleurs sri-lankais de venir au Liban est de passer par une agence, mais il n'y a pas de contrôle sur ces agences qui travaillent dans l'opacité et exigent des commissions exorbitantes. Le représentant a encore noté qu'il n'y avait pas d'accord entre Sri Lanka et le Liban en matière de migrations. Il a en encore déploré les lacunes en matière d'informations données aux travailleurs migrants. Il a enfin recommandé que Sri Lanka facilite les transactions financières effectuées par ses ressortissants à l'étranger.
Une représentante de la Société de protection des travailleurs migrants de Bahreïn, où de nombreux travailleurs sri-lankais travaillent comme domestiques ou dans le domaine de la construction, a appelé Sri Lanka à ouvrir une ambassade dans ce pays. Même si un accord existe bel et bien entre Bahreïn et Sri Lanka, les autorités sri-lankaises doivent assurer le respect des dispositions de cet accord. La représentante a signalé qu'il est fréquent qu'à leur arrivée à Bahreïn, les travailleurs doivent signer un contrat avec une agence de recrutement, même s'ils ont déjà signé un accord, et qu'ils s'aperçoivent alors que le salaire qui est mentionné est bien inférieur à ce qui leur a été promis. Elle a signalé encore que l'agence de recrutement ne permet pas le retour du travailleur de sa propre initiative, après une période d'essai de trois mois. La représentante a par ailleurs mentionné la pratique fréquente de la traite sexuelle des femmes sri-lankaises par leurs employeurs ou des réseaux de prostitution.
Un représentant de l'organisation Mouvement international contre toutes les formes de discrimination, a mentionné le problème du personnel des ambassades et des consulats sri-lankais à l'étranger. Il a noté que les employés des agences consulaires ne sont pas en mesure d'aider les travailleurs sri-lankais, du fait notamment qu'ils ne connaissent pas la langue du pays hôte et qu'ils sont insuffisamment formés dans le domaine du droit. Il a aussi déploré le manque d'informations fournies aux travailleurs sri-lankais qui renoncent souvent à se plaindre. Le représentant a finalement déploré le manque de transparence s'agissant des accords bilatéraux existants, et indiqué que ces accords ne sont pas appliqués.
Les représentants des organisations non gouvernementales présentes ont souligné, en réponse à certaines questions des experts, que dans le contexte de la tradition du kafil, leurs passeports sont retirés aux travailleurs sri-lankais arrivant dans les pays du Golfe.
Les membres du Comité ont posé un certain nombre de questions aux représentants des organisations non gouvernementales présentes. Il a notamment été demandé s'il y avait des problèmes spécifiques relatifs à la migration féminine et s'il y a des cas de femmes qui ont réussi à échapper aux réseaux de prostitution et ont réussi à faire entendre leur voix une fois de retour au pays.
Un expert a noté qu'aucune des organisations présentes n'a mentionné la situation des travailleurs étrangers à Sri Lanka et a demandé si la législation de ce pays garantit à ces personnes le respect de leurs droits. Qu'est-ce que les organisations non gouvernementales attendent précisément de la part des consulats, a encore souhaité savoir cet expert.
Dans quelle mesure les droits de l'homme des travailleurs de Sri Lanka sont-ils protégés dans les pays d'accueil? Combien d'accords bilatéraux ont été passés? Qu'en est-il des représentations consulaires dans les pays d'accueil? Il a été noté que le Comité peut difficilement agir si le pays concerné n'est pas partie à la Convention. Sri Lanka respecte-t-il ses obligations? Si non, le problème relève-t-il d'un manque de ressources ou de volonté politique?
Quelles sont les procédures à suivre pour quitter Sri Lanka, a encore demandé un expert. Faut-il être en possession d'un contrat validé par les autorités sri-lankaises? La question de l'information dont bénéficient les travailleurs clandestins a aussi été soulevée.
Les organisations non gouvernementales ont-elles exposé leurs plaintes au gouvernement ou aux représentations consulaires a voulu savoir un expert. Y a-t-il eu des arrivages de nouveaux travailleurs migrants à Sri Lanka? Les auteurs du rapport national ont-ils été informés des problèmes qui existent et ont-ils reçu des recommandations de la part des ONG?
Dans leurs réponses, les représentants d'organisations non gouvernementales ont notamment souligné que les organisations non gouvernementales n'ont pas été consultées dans le cadre de la préparation du rapport de Sri Lanka. Les accords bilatéraux entre Sri Lanka et d'autres pays ne sont pas conclu dans la transparence, ont par ailleurs affirmé les représentants d'ONG. En particulier, les dispositions fondamentales de la Convention ne semblent pas figurer dans ces accords. Les ONG ont suggéré que le Comité devrait demander à Sri Lanka des copies de ces accords afin de les étudier. Une autre préoccupation a également porté sur la pratique, par certaines agences de recrutement, de retenir les passeports des travailleurs migrants.
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