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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU CONGO
19 février 2009
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Comité pour l'élimination de la discrimination raciale
19 février 2009
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le premier rapport du Congo sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la République du Congo, M. Kokou Mawuena Ika Kana Ewomsan, a notamment relevé que, durant ce dialogue avec la délégation congolaise, l'attention a été attirée sur les discriminations dont sont victimes les populations autochtones et sur les mesures spéciales qui doivent être prises en leur faveur. M. Ewomsan a souligné la nécessité de l'adoption du projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones. La volonté de construire une société démocratique sur la base de l'élimination de la discrimination raciale est manifeste en République du Congo, a-t-il conclu, mais il a aussi rappelé la nécessité d'une réconciliation nationale. Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport du Congo qui seront rendues publiques à l'issue de sa session, le vendredi 6 mars prochain.
Présentant le rapport de son pays, M. Luc-Joseph Okio, Représentant permanent de la République du Congo auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que l'État garantit à toute la population les mêmes conditions d'existence et de développement. Il a toutefois précisé qu'une partie de la population, composée de Pygmées - ou autochtones, a sa propre culture, ses mœurs; cette population bénéficie de la pleine attention du Gouvernement, a assuré le représentant. Il a reconnu que la survivance de certaines mœurs ne favorisent pas toujours les rapports égaux entre les Pygmées et les Bantous, mais a souligné que le Gouvernement favorise le brassage des populations et leur plein épanouissement. Il a notamment attiré l'attention sur le recrutement de populations autochtones dans la fonction publique et dans les entreprises forestières; l'initiation d'une loi sur la protection des droits des populations autochtones; ainsi que la célébration d'une Journée de solidarité avec les populations autochtones. Le Directeur général des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. Valentin Mavoungou, a pour sa part attiré l'attention, notamment, sur une disposition qui interdit les procédés de nature à caractériser l'appartenance d'une personne à une ethnie déterminée, ou encore l'article de la Constitution qui énonce l'égalité de tous les citoyens devant la loi ainsi que l'interdiction de toute discrimination.
La délégation congolaise était également composée de représentants du Ministère de la justice et de la Mission permanente auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des informations complémentaires en ce qui concerne, entre autres, la situation des Pygmées; le rôle des «éco-gardes»; la justice coutumière; le projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones; les mesures prises pour remédier aux clivages entre le Nord et le Sud du pays; la mise en place de la Commission nationale des droits de l'homme; les violences contre les peuples autochtones; la situation des réfugiés.
M. Patrick Thornberry a par ailleurs rendu compte, hier après-midi, du premier Forum sur les minorités, qui s'est tenu les 15 et 16 décembre dernier au Palais des Nations, et auquel il a assisté à la demande du Comité. Il a notamment indiqué que des recommandations sont en cours d'élaboration au sujet de la question de l'éducation et des minorités; le texte final de ces recommandations devrait être présenté par l'expert indépendant sur les minorités lors de la prochaine session du Conseil des droits de l'homme, a fait savoir M. Thornberry. Il a ajouté que ce premier Forum sur les minorités avait connu une forte participation, avec de nombreux Afro-américains et membres de groupes d'Amérique latine, auxquels il faut ajouter un certain nombre d'experts des organes conventionnels et d'institutions des Nations Unies.
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport du Pakistan.
Présentation du rapport du Congo
M. LUC-JOSEPH OKIO, Représentant permanent de la République du Congo auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que la République du Congo a toujours estimé que l'autoévaluation ne suffit pas. C'est pour cela qu'elle adhère à ce processus, car elle pense que, sans l'évaluation de la politique des États par des mécanismes d'experts qui sont de nature à permettre des avancées considérables dans chaque pays, rien de pourrait réellement progresser dans le pays, a-t-il indiqué. Il a réaffirmé que le Gouvernement de la République du Congo continuera à œuvrer pour la promotion et la protection des droits de l'homme – droits indispensables pour l'instauration d'une société démocratique et pacifique dans laquelle est garantie l'égalité entre toutes les populations.
Au plan national, les différentes constitutions adoptées à ce jour interdisent «toute discrimination fondée sur l'origine, la situation sociale ou matérielle, l'appartenance raciale, ethnique, le sexe, l'instruction, la langue, la religion, la philosophie ou le lieu de résidence», a poursuivi M. Okio. Ces constitutions ont renforcé l'ordonnance de 1962 qui a banni, dans les actes de l'état civil, les mentions concernant l'ethnie et la religion et qui interdisait les tatouages indélébiles, les scarifications, les limages de dents en tant que procédés de nature à caractériser l'appartenance d'une personne à une ethnie déterminée, a-t-il rappelé. En République du Congo, l'État garantit à toute la population répartie dans les dix départements administratifs les mêmes conditions d'existence et de développement, a-t-il souligné.
Cependant, a ajouté M. Okio, «comme vous le savez, il existe en République du Congo une partie de la population composée de Pygmées ou autochtones qui a sa culture, ses mœurs». Elle bénéficie de la pleine attention du Gouvernement, a assuré le Représentant permanent. «Certes, il y a des survivances de certaines mœurs qui ne favorisent pas toujours les rapports égaux entre les Pygmées et les Bantous; mais le Gouvernement de la République du Congo ne les tolère point», a affirmé M. Okio. Bien au contraire, a-t-il insisté, par la construction des infrastructures de toutes sortes, il appelle au brassage des populations et à leur plein épanouissement. Il n'existe pas au Congo des réserves des Pygmées ou populations autochtones, a en outre souligné le Représentant permanent. À l'actif de cette politique de mixité, il a cité le recrutement de populations autochtones dans la fonction publique et dans les entreprises forestières; l'initiation d'une loi sur la protection des droits des populations autochtones; ainsi que la célébration, le 9 août de chaque année, de la Journée de solidarité avec les populations autochtones.
En conclusion, M. Okio a assuré le Comité que toutes les populations vulnérables au Congo bénéficient de la plus grande attention du Gouvernement, en dépit de la modicité des ressources disponibles.
Répondant à une liste de questions écrites adressée à la République du Congo par le Comité, le Directeur général des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. Valentin Mavoungou, a notamment souligné qu'au sens strict, la notion de «discrimination raciale» n'a pas été définie par le droit positif congolais. M. Mavoungou a néanmoins rappelé l'existence de l'ordonnance du 28 juillet 1962 qui porte interdiction de procédés de nature à caractériser l'appartenance d'une personne à une ethnie déterminée. Il a également attiré l'attention sur la disposition fondamentale que constitue l'article 8 de la Constitution, qui énonce l'égalité de tous les citoyens devant la loi ainsi que l'interdiction de toute discrimination.
M. Mavoungou a par ailleurs indiqué que le processus d'adoption du projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones est toujours en cours. Sur le fond, ce projet de loi est très avancé et si l'agenda du Président le permet, il ne devrait pas tarder à passer en Conseil des ministres, a ajouté le Directeur général des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le Président de la République lui-même a pris des engagements sur ce projet de loi, qui doit voir le jour, a-t-il insisté.
Le problème des autochtones au Congo est un problème «majeur» en ce sens que le Gouvernement l'a pris particulièrement à cœur, a ajouté M. Mavoungou.
Le Gouvernement congolais a marqué sa préoccupation réelle au sujet des violences sexuelles contre les femmes et des projets de loi sont également en cours sur cette question, a-t-il poursuivi.
Il n'y a pas d'interdiction des partis politiques en République du Congo; les partis politiques sont créés librement, pour autant qu'ils soient conformes à la législation, a par ailleurs assuré M. Mavoungou.
La République du Congo fait partie des rares pays qui accueillent des réfugiés sans beaucoup poser de questions, a également fait valoir M. Mavoungou. Toutes les populations qui ont été inquiétées dans leur pays sont bienvenues au Congo, a-t-il souligné.
Répondant à une liste de questions qui lui avaient été adressée par le Comité, la délégation a indiqué que
Le neuvième rapport périodique du Congo (CERD/C/COG/9, qui est également un rapport initial) indique que la population congolaise est essentiellement composée de Bantous auxquels s'ajoutent des populations autochtones, généralement appelées Pygmées. En raison du mode de vie des populations autochtones (nomades), il n'est guère possible pour l'heure, d'indiquer le pourcentage de ce segment de la population congolaise. Aucun recensement n'a jamais été fait dans ce sens, précise le rapport. Ceci explique la mise en place récente d'un programme de recensement des populations autochtones de la République du Congo. Le pays abrite un nombre important de réfugiés, qui proviennent pour la majeure partie du Rwanda, de la République démocratique du Congo, de l'Angola, de la Sierra Leone et du Liberia, indique en outre le rapport. La République du Congo a intégré dans son bloc de constitutionnalité tous les instruments internationaux pertinents, dûment ratifiés, relatifs aux droits de l'homme, poursuit le rapport. La législation interne a prévu un nombre significatif de mécanismes aux fins d'obvier aux pratiques tendant à perpétuer la discrimination, quelle qu'en soit la forme, souligne le rapport. À cet effet, il en est fait mention notamment à l'article 1er de la Charte de l'Unité nationale adoptée au lendemain de la Conférence nationale souveraine, le 26 mai 1991, qui dispose: «tous les êtres humains naissent libres et égaux en droit. Ils ont droit, sans distinction, à la même dignité et à une égale protection de la loi».
Il est important de relever que la situation des peuples autochtones varie en intensité selon les départements, fait savoir le rapport. En effet, c'est davantage dans la partie septentrionale que les différences de traitement sont criantes entre les deux communautés en place. Le projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones a été finalisé en septembre 2007. Actuellement, nous en sommes à la phase du plaidoyer et du lobbying, en raison de l'opposition très marquée de certains services et personnalités, qui allèguent le risque d'une inflation législative, qui n'a pourtant pas pu être démontrée à ce jour. Des mesures spécifiques en faveur des peuples autochtones sont perçues singulièrement dans le système d'exploitation forestière. Quelques années auparavant, le Président Marien Ngouabi avait créé les «Villages Centres» pour tenter de rapprocher les Autochtones de leurs frères Bantous. Cette expérience a connu un succès mitigé faute de suivi. Aujourd'hui l'État congolais prend des mesures pour amener les Bantous à considérer les Autochtones comme des Congolais au même titre que tous les autres citoyens.
Outre l'interdiction de toute discrimination, la Constitution dispose: «Toute propagande ou toute incitation à la haine ethnique, à la violence ou à la guerre civile, constitue un crime». De même, la loi sur les partis politiques interdit les partis aux relents régionaux, ne présentant pas de représentativité nationale, souligne le rapport. Au cours de l'année 2004, un rapport publié par une organisation non gouvernementale (ONG) locale faisait état de cas de violence, d'abus de pouvoir, de traitements cruels, inhumains et dégradants et d'atteinte systématisée à l'intégrité physique, dirigés contre les populations autochtones dans la partie septentrionale de la République du Congo. Ces atteintes graves avérées ou supposées, seraient le fait de certains représentants des forces de l'ordre, notamment les gardes de prison et les éco-gardes du projet pour la gestion des écosystèmes périphériques du Parc national Ndoki (PROGEPP). Considérant ces allégations comme particulièrement graves, le Gouvernement a fait vérifier ces informations à travers les agents du Ministère de l'économie forestière en poste à Pokola et Kabo, sites abritant à la fois la société forestière dénommée Congolaise industrielle des bois (CIB) et le PROGEPP. Faisant suite aux informations recueillies, des dispositions particulières ont été prises par le Gouvernement afin de garantir aux populations autochtones la jouissance effective de leurs droits. Ainsi, le Gouvernement congolais a mis en place une Cellule d'aménagement au sein de la CIB qui a été chargée d'élaborer un Plan d'aménagement des sites exploités par la société forestière. Ce plan d'aménagement a été adopté le 6 décembre 2006. Il faut admettre que la représentativité des Autochtones est nulle, reconnaît par ailleurs le rapport. Les coutumes congolaises continuent à s'appliquer en dépit de l'existence d'un système juridique moderne et de leur abrogation formelle, reconnaît-il également. Ce dualisme juridique contribue toujours à la persistance de certaines normes coutumières qui n'améliorent guère la situation sociale de la femme au Congo. À cela s'ajoute l'influence d'une culture patriarcale basée sur l'inégalité entre les sexes et sur la supériorité des hommes sur les femmes. Le pourcentage de scolarisation des enfants autochtones demeure très faible, reconnaît par ailleurs le rapport. Dans la perspective du projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones, il est projeté d'adapter les programmes d'éducation aux besoins et mode de vie des peuples autochtones, indique-t-il. Il est également envisagé la formation des enseignants autochtones. Aucune discrimination n'est faite quant à l'accès aux centres de santé en République du Congo. Toutefois, il est constaté que très peu d'Autochtones fréquentent les centres de santé situés à proximité des villages. Cette situation déplorable à plus d'un titre est tributaire du mode de vie des populations autochtones qui préfèrent leur pharmacopée traditionnelle à la médecine moderne.
Examen du rapport
Observations et questions des membres du Comité
M. KOKOU MAWUENA IKA KANA EWOMSAN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la République du Congo, a rappelé que ce neuvième rapport périodique de la République du Congo réunit en fait en un seul rapport le rapport initial du pays et ses deuxième à neuvième rapports périodiques. Il a également rappelé qu'il y a plusieurs années, le Comité avait eu l'occasion de se pencher sur la situation en République du Congo et avait alors notamment regretté que les groupes pygmées continuent d'être victimes de discrimination ethnique. En 2007, au titre de la procédure de bilan, le Comité a ensuite eu un dialogue avec une délégation congolaise venue demander un report de l'examen de son rapport et solliciter une assistance technique du Haut Commissariat, a rappelé M. Ewomsan.
M. Ewomsan a ensuite rappelé que le pays a connu plusieurs guerres civiles, en 1993, en 1994 et en 1998-99, dans lesquelles diverses milices armées avaient exacerbé la haine. Dans ce contexte, où en est actuellement le processus de réconciliation, a demandé l'expert? En outre, comment le Gouvernement entend-il éradiquer l'opposition entre le Nord et le Sud du pays?
Selon le rapport, la population congolaise est composée de Bantous auxquels s'ajoutent des populations autochtones généralement qualifiées de pygmées, a poursuivi M. Ewomsan. Selon l'ONU, la population congolaise est estimée à 3,9 millions d'habitants, ce qui est quelque peu différent des données officielles congolaises, qui évaluent la population à 3,11 millions d'habitants, a-t-il relevé.
M. Ewomsan s'est par ailleurs enquis de la situation exacte des réfugiés en République du Congo et de leur possibilité d'accès à l'emploi.
M. Ewomsan a en outre relevé que l'espérance de vie est passée ces dernières années de 53 ans à 48,5 ans et s'est enquis des mesures prises afin de venir en aide aux populations les plus défavorisées.
Le rapport de la République du Congo reconnaît en toute franchise l'existence de discriminations, a par ailleurs relevé M. Ewomsan. Il reconnaît notamment que la situation des populations autochtones varie en intensité selon les régions. M. Ewomsan a fait observer que des enfants peuvent hériter de leur père des terres incluant les Pygmées qui y habitent. En outre, il est rare de trouver des autochtones munis de pièces d'identité, a-t-il relevé. D'autre part, les systèmes traditionnels des autochtones ne sont pas reconnus et face à la justice moderne, les autochtones sont laissés-pour-compte, victimes de stéréotypes, de menaces et de violence. Par ailleurs, les autorités autochtones ne sont pas officiellement reconnues et les populations autochtones sont souvent obligées d'accepter un chef qu'elles n'ont pas choisi. Quelle est la position des autorités congolaises au sujet du droit à la terre, a demandé M. Ewomsan?
La disposition constitutionnelle énonçant le principe d'intégration des traités internationaux ratifiés par le pays dans le droit interne reste inopérante faute de dispositions législatives ou réglementaires visant son application, a souligné l'expert.
En conclusion, M. Ewomsan a invité la République du Congo à aller de l'avant en matière de réforme législative aux fins de la pleine mise en œuvre des dispositions de la Convention; à faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention; à engager une campagne d'éducation civique en vue d'un meilleur ancrage, dans le pays, de la culture de respect de la dignité humaine; à mettre un terme à la pratique des «maîtres de Pygmées»; et à renforcer son système d'asile et les institutions nationales œuvrant dans le domaine des réfugiés.
D'autres membres du Comité se sont également inquiétés de la persistance de certaines formes de servage voire d'esclavage dont il semblerait que les Pygmées, considérés comme des sous-hommes, soient victimes en République du Congo. Un expert s'est dit préoccupé de l'existence de formes de travail obligatoire et non rémunéré auxquelles seraient soumis les Pygmées, qui n'ont souvent pas de papiers d'identité, n'ont pas de droit à la terre et ne sont pas autorisés à vivre dans des villages bantous. Cet expert a également dénoncé les abus sexuels dont seraient victimes les femmes pygmées, selon des informations émanant d'organisations régionales africaines.
Plusieurs membres du Comité ont regretté qu'il n'existe pas de définition de la discrimination raciale dans l'ordre juridique interne congolais. L'un d'eux a déploré que le pays adopte une vision très réductrice de cette notion, qui ne concerne pas uniquement la race, mais aussi la couleur ou encore l'origine nationale ou ethnique – ce qu'il convient de souligner eu égard à l'existence en République du Congo d'une soixantaine d'ethnies. Il faut que la République du Congo se dote d'une législation claire et nette afin de combattre la discrimination raciale, a insisté un expert.
Le projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones est de nature à apporter une réponse législative à beaucoup de questions qui se posent au Congo s'agissant des populations autochtones, a souligné un expert; aussi, le Comité devrait-il encourager l'adoption rapide de ce projet. La protection des écosystèmes forestiers est extrêmement importante pour la protection de nombreux groupes autochtones congolais, a en outre souligné l'expert.
Quant, concrètement, peut-on espérer un aboutissement du projet de loi – essentiel – portant promotion et protection des droits des peuples autochtones, a insisté un membre du Comité? Cet expert a en outre relevé que la représentativité des autochtones est «nulle», comme le reconnaît avec franchise le rapport lui-même. Ni le principe posé à l'article 11 de la Constitution, ni les textes relatifs aux crimes contre l'humanité et au génocide ne suffisent à répondre à l'obligation d'incrimination pénale des faits mentionnés à l'article 4 de la Convention, a en outre souligné cet expert; aussi, faut-il espérer que la République du Congo mettra sa législation en conformité avec cet article de la Convention, notamment dans le cadre de la réforme pénale qui a été engagée, a-t-il ajouté. Pourquoi la Commission nationale des droits de l'homme n'a-t-elle toujours pas tenu, à ce jour, de session inaugurale, a également demandé l'expert? Il serait judicieux que le Congo adopte une loi nationale sur les réfugiés, a-t-il ajouté.
Renseignements complémentaires fournis par la délégation
Un membre du Comité ayant attiré l'attention sur le caractère quelque peu péjoratif du terme «pygmée», qui renvoie en fait à la petite taille de l'individu visé, la délégation a souligné que les Pygmées sont en fait appelés batwas dans les langues congolaises, lesquelles ne connaissent pas le terme de «pygmée». Si ce terme a été utilisé dans le rapport, c'est en fait parce que le Congo l'a emprunté à la langue française qui est la langue officielle du pays, a souligné la délégation.
Le pourcentage de 1,4% d'autochtones parmi la population de la République du Congo ne concerne que ceux des autochtones qui ont pu être identifiés, a souligné la délégation.
Il est de plus en plus difficile de pouvoir identifier des Bantous de souche car avec les mariages mixtes, il y a de plus en plus de Bantous qui sont également autochtones, a par ailleurs fait observer la délégation.
Les «éco-gardes» ne sont en aucun cas des milices mais bien des gardes forestiers qui suivent une formation paramilitaire afin de pouvoir faire face à certaines éventualités, car comme chacun sait, il y a parfois des braconniers dans les forêts congolaises et ces «éco-gardes» doivent donc pouvoir exercer une dissuasion, a expliqué la délégation.
La justice coutumière au Congo est reconnue, mais la spécificité des Pygmées fait qu'ils n'ont pas recours, de l'avis de la délégation, à une justice coutumière particulière qui leur appartienne et qui soit donc reconnue.
Quant à la question de savoir pourquoi les Pygmées n'ont pas de pièces d'identité, la délégation a souligné qu'au Congo, nombreuses sont les personnes – y compris des Bantous – qui ne disposent pas de pièces d'état civil.
En ce qui concerne le projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones, ce que l'on peut dire aujourd'hui avec certitude, c'est qu'il aboutira dans les prochains mois, a assuré la délégation.
Sans toutefois être en mesure de fournir une date précise pour cela, la délégation a assuré que l'intention et la volonté réelle existent en République du Congo pour ce qui est de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, concernant la reconnaissance de la compétence du Comité pour recevoir des plaintes ou communications.
Interrogée sur les mesures prises afin d'apporter, dans le contexte de la restauration d'une paix durable au Congo, une solution aux clivages entre le Nord et le Sud du pays, la délégation a affirmé qu'il s'agit là d'une question difficile. Depuis la fin de la guerre en 1997, le Gouvernement congolais s'est efforcé d'instaurer la paix dans le pays, a-t-elle expliqué. À cette fin, le Gouvernement a mis en place plusieurs mécanismes, au nombre desquels un dialogue interne qui a regroupé la plupart des protagonistes pour définir une base sur laquelle reconstruire le tissu national. Des accords ont été trouvés entre les différents protagonistes, les questions politiques étant essentiellement celles sur lesquelles les gens se sont divisés. Les dirigeants politiques ont, parfois de manière inconsciente, amené certaines parties du pays à se regrouper derrière eux sur la base de clivages ethniques ou autres. Le dialogue instauré a toutefois réussi à faire en sorte que les Congolais se parlent entre eux. Aujourd'hui, la plupart des dirigeants politiques qui étaient en exil sont rentrés dans le pays et l'on est des élections présidentielles se dérouleront au mois de juillet prochain – dans la paix, faut-il espérer –, a poursuivi la délégation. La paix reste fragile, a-t-elle souligné, appelant tous les dirigeants politiques à faire preuve de responsabilité.
La délégation a expliqué que si la session inaugurale de la Commission nationale des droits de l'homme ne s'est pas encore tenue, c'est tout simplement parce que toutes les dispositions n'avaient pas encore été prises aux fins de la nomination des membres de cette instance. Pour cette année, a précisé la délégation, le budget de cette Commission est de 600 millions de francs CFA. Cette Commission est indépendante et peut instruire à tout moment sur les questions pour lesquelles elle a été instituée, a ajouté la délégation. La délégation a ajouté que l'on ne peut pas dire que la Commission nationale ne fonctionne pas; elle fonctionne, mais de manière quelque peu bancale, a reconnu la délégation, précisant qu'elle dispose d'un programme d'activités. Son fonctionnement obéit aux Principes de Paris.
La République du Congo s'est voulu pionnière en envisageant une législation visant la protection des populations autochtones, a par ailleurs déclaré la délégation. Le projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones vise à permettre à ces peuples de pouvoir prendre leur place dans la République. Certes, il ne s'agit à ce stade que d'un avant-projet de loi, mais il est indéniable qu'il répond clairement aux normes non seulement nationales mais internationales Notre vœu le plus cher est que cette loi voie le jour et aujourd'hui, le processus est effectivement très avancé, a indiqué la délégation. Cette question doit maintenant être inscrite au Conseil des ministres; c'est la dernière étape qui reste à franchir, a-t-elle insisté. La loi ne vise pas à annihiler les mœurs, cultures et identité des peuples autochtones, mais bien à les maintenir et à permettre l'expression républicaine de ces peuples, a souligné la délégation.
Pour ce qui est des violences perpétrées à l'encontre des peuples autochtones, la délégation a admis qu'il a pu y en avoir, certes, mais a souligné que le Gouvernement ne les laisse pas passer et que des gens ont été condamnés.
En ce qui concerne les réfugiés, la délégation a assuré qu'ils ont accès à l'emploi, certains d'entre eux étant même parvenus à devenir professeurs à l'université de Brazzaville. La République du Congo permet bien entendu la naturalisation des «exilés», a ajouté la délégation.
Observations préliminaires
M. Ewomsan a remercié la délégation pour les réponses qu'elle a apportées aux questions des membres du Comité durant ce dialogue fructueux qui a permis d'évaluer la situation du Congo au regard de la Convention. Ont ainsi été abordés les problèmes qui minent la société congolaise et, dans ce cadre, a notamment été soulignée la nécessité d'une réconciliation nationale. L'attention a également été attirée sur les discriminations dont sont victimes les populations autochtones et sur les mesures spéciales qui s'avèrent nécessaires, dans ce contexte, en leur faveur. A également été soulignée la nécessité d'aller de l'avant pour l'adoption du projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones. M. Ewomsan a donc exhorté la République du Congo à agir en ce sens. Il a par ailleurs dit apprécier la franchise et l'esprit autocritique avec lesquels la délégation s'est acquittée de sa tâche durant ce dialogue avec le Comité. La volonté de construire une société démocratique sur la base de l'élimination de la discrimination raciale est manifeste en République du Congo, a conclu M. Ewomsan. Si des problèmes ont été soulevés durant le présent dialogue, c'est pour aider le Congo à concrétiser cette volonté, a-t-il souligné.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
19 février 2009
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le premier rapport du Congo sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la République du Congo, M. Kokou Mawuena Ika Kana Ewomsan, a notamment relevé que, durant ce dialogue avec la délégation congolaise, l'attention a été attirée sur les discriminations dont sont victimes les populations autochtones et sur les mesures spéciales qui doivent être prises en leur faveur. M. Ewomsan a souligné la nécessité de l'adoption du projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones. La volonté de construire une société démocratique sur la base de l'élimination de la discrimination raciale est manifeste en République du Congo, a-t-il conclu, mais il a aussi rappelé la nécessité d'une réconciliation nationale. Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport du Congo qui seront rendues publiques à l'issue de sa session, le vendredi 6 mars prochain.
Présentant le rapport de son pays, M. Luc-Joseph Okio, Représentant permanent de la République du Congo auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que l'État garantit à toute la population les mêmes conditions d'existence et de développement. Il a toutefois précisé qu'une partie de la population, composée de Pygmées - ou autochtones, a sa propre culture, ses mœurs; cette population bénéficie de la pleine attention du Gouvernement, a assuré le représentant. Il a reconnu que la survivance de certaines mœurs ne favorisent pas toujours les rapports égaux entre les Pygmées et les Bantous, mais a souligné que le Gouvernement favorise le brassage des populations et leur plein épanouissement. Il a notamment attiré l'attention sur le recrutement de populations autochtones dans la fonction publique et dans les entreprises forestières; l'initiation d'une loi sur la protection des droits des populations autochtones; ainsi que la célébration d'une Journée de solidarité avec les populations autochtones. Le Directeur général des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. Valentin Mavoungou, a pour sa part attiré l'attention, notamment, sur une disposition qui interdit les procédés de nature à caractériser l'appartenance d'une personne à une ethnie déterminée, ou encore l'article de la Constitution qui énonce l'égalité de tous les citoyens devant la loi ainsi que l'interdiction de toute discrimination.
La délégation congolaise était également composée de représentants du Ministère de la justice et de la Mission permanente auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des informations complémentaires en ce qui concerne, entre autres, la situation des Pygmées; le rôle des «éco-gardes»; la justice coutumière; le projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones; les mesures prises pour remédier aux clivages entre le Nord et le Sud du pays; la mise en place de la Commission nationale des droits de l'homme; les violences contre les peuples autochtones; la situation des réfugiés.
M. Patrick Thornberry a par ailleurs rendu compte, hier après-midi, du premier Forum sur les minorités, qui s'est tenu les 15 et 16 décembre dernier au Palais des Nations, et auquel il a assisté à la demande du Comité. Il a notamment indiqué que des recommandations sont en cours d'élaboration au sujet de la question de l'éducation et des minorités; le texte final de ces recommandations devrait être présenté par l'expert indépendant sur les minorités lors de la prochaine session du Conseil des droits de l'homme, a fait savoir M. Thornberry. Il a ajouté que ce premier Forum sur les minorités avait connu une forte participation, avec de nombreux Afro-américains et membres de groupes d'Amérique latine, auxquels il faut ajouter un certain nombre d'experts des organes conventionnels et d'institutions des Nations Unies.
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport du Pakistan.
Présentation du rapport du Congo
M. LUC-JOSEPH OKIO, Représentant permanent de la République du Congo auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que la République du Congo a toujours estimé que l'autoévaluation ne suffit pas. C'est pour cela qu'elle adhère à ce processus, car elle pense que, sans l'évaluation de la politique des États par des mécanismes d'experts qui sont de nature à permettre des avancées considérables dans chaque pays, rien de pourrait réellement progresser dans le pays, a-t-il indiqué. Il a réaffirmé que le Gouvernement de la République du Congo continuera à œuvrer pour la promotion et la protection des droits de l'homme – droits indispensables pour l'instauration d'une société démocratique et pacifique dans laquelle est garantie l'égalité entre toutes les populations.
Au plan national, les différentes constitutions adoptées à ce jour interdisent «toute discrimination fondée sur l'origine, la situation sociale ou matérielle, l'appartenance raciale, ethnique, le sexe, l'instruction, la langue, la religion, la philosophie ou le lieu de résidence», a poursuivi M. Okio. Ces constitutions ont renforcé l'ordonnance de 1962 qui a banni, dans les actes de l'état civil, les mentions concernant l'ethnie et la religion et qui interdisait les tatouages indélébiles, les scarifications, les limages de dents en tant que procédés de nature à caractériser l'appartenance d'une personne à une ethnie déterminée, a-t-il rappelé. En République du Congo, l'État garantit à toute la population répartie dans les dix départements administratifs les mêmes conditions d'existence et de développement, a-t-il souligné.
Cependant, a ajouté M. Okio, «comme vous le savez, il existe en République du Congo une partie de la population composée de Pygmées ou autochtones qui a sa culture, ses mœurs». Elle bénéficie de la pleine attention du Gouvernement, a assuré le Représentant permanent. «Certes, il y a des survivances de certaines mœurs qui ne favorisent pas toujours les rapports égaux entre les Pygmées et les Bantous; mais le Gouvernement de la République du Congo ne les tolère point», a affirmé M. Okio. Bien au contraire, a-t-il insisté, par la construction des infrastructures de toutes sortes, il appelle au brassage des populations et à leur plein épanouissement. Il n'existe pas au Congo des réserves des Pygmées ou populations autochtones, a en outre souligné le Représentant permanent. À l'actif de cette politique de mixité, il a cité le recrutement de populations autochtones dans la fonction publique et dans les entreprises forestières; l'initiation d'une loi sur la protection des droits des populations autochtones; ainsi que la célébration, le 9 août de chaque année, de la Journée de solidarité avec les populations autochtones.
En conclusion, M. Okio a assuré le Comité que toutes les populations vulnérables au Congo bénéficient de la plus grande attention du Gouvernement, en dépit de la modicité des ressources disponibles.
Répondant à une liste de questions écrites adressée à la République du Congo par le Comité, le Directeur général des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. Valentin Mavoungou, a notamment souligné qu'au sens strict, la notion de «discrimination raciale» n'a pas été définie par le droit positif congolais. M. Mavoungou a néanmoins rappelé l'existence de l'ordonnance du 28 juillet 1962 qui porte interdiction de procédés de nature à caractériser l'appartenance d'une personne à une ethnie déterminée. Il a également attiré l'attention sur la disposition fondamentale que constitue l'article 8 de la Constitution, qui énonce l'égalité de tous les citoyens devant la loi ainsi que l'interdiction de toute discrimination.
M. Mavoungou a par ailleurs indiqué que le processus d'adoption du projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones est toujours en cours. Sur le fond, ce projet de loi est très avancé et si l'agenda du Président le permet, il ne devrait pas tarder à passer en Conseil des ministres, a ajouté le Directeur général des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le Président de la République lui-même a pris des engagements sur ce projet de loi, qui doit voir le jour, a-t-il insisté.
Le problème des autochtones au Congo est un problème «majeur» en ce sens que le Gouvernement l'a pris particulièrement à cœur, a ajouté M. Mavoungou.
Le Gouvernement congolais a marqué sa préoccupation réelle au sujet des violences sexuelles contre les femmes et des projets de loi sont également en cours sur cette question, a-t-il poursuivi.
Il n'y a pas d'interdiction des partis politiques en République du Congo; les partis politiques sont créés librement, pour autant qu'ils soient conformes à la législation, a par ailleurs assuré M. Mavoungou.
La République du Congo fait partie des rares pays qui accueillent des réfugiés sans beaucoup poser de questions, a également fait valoir M. Mavoungou. Toutes les populations qui ont été inquiétées dans leur pays sont bienvenues au Congo, a-t-il souligné.
Répondant à une liste de questions qui lui avaient été adressée par le Comité, la délégation a indiqué que
Le neuvième rapport périodique du Congo (CERD/C/COG/9, qui est également un rapport initial) indique que la population congolaise est essentiellement composée de Bantous auxquels s'ajoutent des populations autochtones, généralement appelées Pygmées. En raison du mode de vie des populations autochtones (nomades), il n'est guère possible pour l'heure, d'indiquer le pourcentage de ce segment de la population congolaise. Aucun recensement n'a jamais été fait dans ce sens, précise le rapport. Ceci explique la mise en place récente d'un programme de recensement des populations autochtones de la République du Congo. Le pays abrite un nombre important de réfugiés, qui proviennent pour la majeure partie du Rwanda, de la République démocratique du Congo, de l'Angola, de la Sierra Leone et du Liberia, indique en outre le rapport. La République du Congo a intégré dans son bloc de constitutionnalité tous les instruments internationaux pertinents, dûment ratifiés, relatifs aux droits de l'homme, poursuit le rapport. La législation interne a prévu un nombre significatif de mécanismes aux fins d'obvier aux pratiques tendant à perpétuer la discrimination, quelle qu'en soit la forme, souligne le rapport. À cet effet, il en est fait mention notamment à l'article 1er de la Charte de l'Unité nationale adoptée au lendemain de la Conférence nationale souveraine, le 26 mai 1991, qui dispose: «tous les êtres humains naissent libres et égaux en droit. Ils ont droit, sans distinction, à la même dignité et à une égale protection de la loi».
Il est important de relever que la situation des peuples autochtones varie en intensité selon les départements, fait savoir le rapport. En effet, c'est davantage dans la partie septentrionale que les différences de traitement sont criantes entre les deux communautés en place. Le projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones a été finalisé en septembre 2007. Actuellement, nous en sommes à la phase du plaidoyer et du lobbying, en raison de l'opposition très marquée de certains services et personnalités, qui allèguent le risque d'une inflation législative, qui n'a pourtant pas pu être démontrée à ce jour. Des mesures spécifiques en faveur des peuples autochtones sont perçues singulièrement dans le système d'exploitation forestière. Quelques années auparavant, le Président Marien Ngouabi avait créé les «Villages Centres» pour tenter de rapprocher les Autochtones de leurs frères Bantous. Cette expérience a connu un succès mitigé faute de suivi. Aujourd'hui l'État congolais prend des mesures pour amener les Bantous à considérer les Autochtones comme des Congolais au même titre que tous les autres citoyens.
Outre l'interdiction de toute discrimination, la Constitution dispose: «Toute propagande ou toute incitation à la haine ethnique, à la violence ou à la guerre civile, constitue un crime». De même, la loi sur les partis politiques interdit les partis aux relents régionaux, ne présentant pas de représentativité nationale, souligne le rapport. Au cours de l'année 2004, un rapport publié par une organisation non gouvernementale (ONG) locale faisait état de cas de violence, d'abus de pouvoir, de traitements cruels, inhumains et dégradants et d'atteinte systématisée à l'intégrité physique, dirigés contre les populations autochtones dans la partie septentrionale de la République du Congo. Ces atteintes graves avérées ou supposées, seraient le fait de certains représentants des forces de l'ordre, notamment les gardes de prison et les éco-gardes du projet pour la gestion des écosystèmes périphériques du Parc national Ndoki (PROGEPP). Considérant ces allégations comme particulièrement graves, le Gouvernement a fait vérifier ces informations à travers les agents du Ministère de l'économie forestière en poste à Pokola et Kabo, sites abritant à la fois la société forestière dénommée Congolaise industrielle des bois (CIB) et le PROGEPP. Faisant suite aux informations recueillies, des dispositions particulières ont été prises par le Gouvernement afin de garantir aux populations autochtones la jouissance effective de leurs droits. Ainsi, le Gouvernement congolais a mis en place une Cellule d'aménagement au sein de la CIB qui a été chargée d'élaborer un Plan d'aménagement des sites exploités par la société forestière. Ce plan d'aménagement a été adopté le 6 décembre 2006. Il faut admettre que la représentativité des Autochtones est nulle, reconnaît par ailleurs le rapport. Les coutumes congolaises continuent à s'appliquer en dépit de l'existence d'un système juridique moderne et de leur abrogation formelle, reconnaît-il également. Ce dualisme juridique contribue toujours à la persistance de certaines normes coutumières qui n'améliorent guère la situation sociale de la femme au Congo. À cela s'ajoute l'influence d'une culture patriarcale basée sur l'inégalité entre les sexes et sur la supériorité des hommes sur les femmes. Le pourcentage de scolarisation des enfants autochtones demeure très faible, reconnaît par ailleurs le rapport. Dans la perspective du projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones, il est projeté d'adapter les programmes d'éducation aux besoins et mode de vie des peuples autochtones, indique-t-il. Il est également envisagé la formation des enseignants autochtones. Aucune discrimination n'est faite quant à l'accès aux centres de santé en République du Congo. Toutefois, il est constaté que très peu d'Autochtones fréquentent les centres de santé situés à proximité des villages. Cette situation déplorable à plus d'un titre est tributaire du mode de vie des populations autochtones qui préfèrent leur pharmacopée traditionnelle à la médecine moderne.
Examen du rapport
Observations et questions des membres du Comité
M. KOKOU MAWUENA IKA KANA EWOMSAN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la République du Congo, a rappelé que ce neuvième rapport périodique de la République du Congo réunit en fait en un seul rapport le rapport initial du pays et ses deuxième à neuvième rapports périodiques. Il a également rappelé qu'il y a plusieurs années, le Comité avait eu l'occasion de se pencher sur la situation en République du Congo et avait alors notamment regretté que les groupes pygmées continuent d'être victimes de discrimination ethnique. En 2007, au titre de la procédure de bilan, le Comité a ensuite eu un dialogue avec une délégation congolaise venue demander un report de l'examen de son rapport et solliciter une assistance technique du Haut Commissariat, a rappelé M. Ewomsan.
M. Ewomsan a ensuite rappelé que le pays a connu plusieurs guerres civiles, en 1993, en 1994 et en 1998-99, dans lesquelles diverses milices armées avaient exacerbé la haine. Dans ce contexte, où en est actuellement le processus de réconciliation, a demandé l'expert? En outre, comment le Gouvernement entend-il éradiquer l'opposition entre le Nord et le Sud du pays?
Selon le rapport, la population congolaise est composée de Bantous auxquels s'ajoutent des populations autochtones généralement qualifiées de pygmées, a poursuivi M. Ewomsan. Selon l'ONU, la population congolaise est estimée à 3,9 millions d'habitants, ce qui est quelque peu différent des données officielles congolaises, qui évaluent la population à 3,11 millions d'habitants, a-t-il relevé.
M. Ewomsan s'est par ailleurs enquis de la situation exacte des réfugiés en République du Congo et de leur possibilité d'accès à l'emploi.
M. Ewomsan a en outre relevé que l'espérance de vie est passée ces dernières années de 53 ans à 48,5 ans et s'est enquis des mesures prises afin de venir en aide aux populations les plus défavorisées.
Le rapport de la République du Congo reconnaît en toute franchise l'existence de discriminations, a par ailleurs relevé M. Ewomsan. Il reconnaît notamment que la situation des populations autochtones varie en intensité selon les régions. M. Ewomsan a fait observer que des enfants peuvent hériter de leur père des terres incluant les Pygmées qui y habitent. En outre, il est rare de trouver des autochtones munis de pièces d'identité, a-t-il relevé. D'autre part, les systèmes traditionnels des autochtones ne sont pas reconnus et face à la justice moderne, les autochtones sont laissés-pour-compte, victimes de stéréotypes, de menaces et de violence. Par ailleurs, les autorités autochtones ne sont pas officiellement reconnues et les populations autochtones sont souvent obligées d'accepter un chef qu'elles n'ont pas choisi. Quelle est la position des autorités congolaises au sujet du droit à la terre, a demandé M. Ewomsan?
La disposition constitutionnelle énonçant le principe d'intégration des traités internationaux ratifiés par le pays dans le droit interne reste inopérante faute de dispositions législatives ou réglementaires visant son application, a souligné l'expert.
En conclusion, M. Ewomsan a invité la République du Congo à aller de l'avant en matière de réforme législative aux fins de la pleine mise en œuvre des dispositions de la Convention; à faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention; à engager une campagne d'éducation civique en vue d'un meilleur ancrage, dans le pays, de la culture de respect de la dignité humaine; à mettre un terme à la pratique des «maîtres de Pygmées»; et à renforcer son système d'asile et les institutions nationales œuvrant dans le domaine des réfugiés.
D'autres membres du Comité se sont également inquiétés de la persistance de certaines formes de servage voire d'esclavage dont il semblerait que les Pygmées, considérés comme des sous-hommes, soient victimes en République du Congo. Un expert s'est dit préoccupé de l'existence de formes de travail obligatoire et non rémunéré auxquelles seraient soumis les Pygmées, qui n'ont souvent pas de papiers d'identité, n'ont pas de droit à la terre et ne sont pas autorisés à vivre dans des villages bantous. Cet expert a également dénoncé les abus sexuels dont seraient victimes les femmes pygmées, selon des informations émanant d'organisations régionales africaines.
Plusieurs membres du Comité ont regretté qu'il n'existe pas de définition de la discrimination raciale dans l'ordre juridique interne congolais. L'un d'eux a déploré que le pays adopte une vision très réductrice de cette notion, qui ne concerne pas uniquement la race, mais aussi la couleur ou encore l'origine nationale ou ethnique – ce qu'il convient de souligner eu égard à l'existence en République du Congo d'une soixantaine d'ethnies. Il faut que la République du Congo se dote d'une législation claire et nette afin de combattre la discrimination raciale, a insisté un expert.
Le projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones est de nature à apporter une réponse législative à beaucoup de questions qui se posent au Congo s'agissant des populations autochtones, a souligné un expert; aussi, le Comité devrait-il encourager l'adoption rapide de ce projet. La protection des écosystèmes forestiers est extrêmement importante pour la protection de nombreux groupes autochtones congolais, a en outre souligné l'expert.
Quant, concrètement, peut-on espérer un aboutissement du projet de loi – essentiel – portant promotion et protection des droits des peuples autochtones, a insisté un membre du Comité? Cet expert a en outre relevé que la représentativité des autochtones est «nulle», comme le reconnaît avec franchise le rapport lui-même. Ni le principe posé à l'article 11 de la Constitution, ni les textes relatifs aux crimes contre l'humanité et au génocide ne suffisent à répondre à l'obligation d'incrimination pénale des faits mentionnés à l'article 4 de la Convention, a en outre souligné cet expert; aussi, faut-il espérer que la République du Congo mettra sa législation en conformité avec cet article de la Convention, notamment dans le cadre de la réforme pénale qui a été engagée, a-t-il ajouté. Pourquoi la Commission nationale des droits de l'homme n'a-t-elle toujours pas tenu, à ce jour, de session inaugurale, a également demandé l'expert? Il serait judicieux que le Congo adopte une loi nationale sur les réfugiés, a-t-il ajouté.
Renseignements complémentaires fournis par la délégation
Un membre du Comité ayant attiré l'attention sur le caractère quelque peu péjoratif du terme «pygmée», qui renvoie en fait à la petite taille de l'individu visé, la délégation a souligné que les Pygmées sont en fait appelés batwas dans les langues congolaises, lesquelles ne connaissent pas le terme de «pygmée». Si ce terme a été utilisé dans le rapport, c'est en fait parce que le Congo l'a emprunté à la langue française qui est la langue officielle du pays, a souligné la délégation.
Le pourcentage de 1,4% d'autochtones parmi la population de la République du Congo ne concerne que ceux des autochtones qui ont pu être identifiés, a souligné la délégation.
Il est de plus en plus difficile de pouvoir identifier des Bantous de souche car avec les mariages mixtes, il y a de plus en plus de Bantous qui sont également autochtones, a par ailleurs fait observer la délégation.
Les «éco-gardes» ne sont en aucun cas des milices mais bien des gardes forestiers qui suivent une formation paramilitaire afin de pouvoir faire face à certaines éventualités, car comme chacun sait, il y a parfois des braconniers dans les forêts congolaises et ces «éco-gardes» doivent donc pouvoir exercer une dissuasion, a expliqué la délégation.
La justice coutumière au Congo est reconnue, mais la spécificité des Pygmées fait qu'ils n'ont pas recours, de l'avis de la délégation, à une justice coutumière particulière qui leur appartienne et qui soit donc reconnue.
Quant à la question de savoir pourquoi les Pygmées n'ont pas de pièces d'identité, la délégation a souligné qu'au Congo, nombreuses sont les personnes – y compris des Bantous – qui ne disposent pas de pièces d'état civil.
En ce qui concerne le projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones, ce que l'on peut dire aujourd'hui avec certitude, c'est qu'il aboutira dans les prochains mois, a assuré la délégation.
Sans toutefois être en mesure de fournir une date précise pour cela, la délégation a assuré que l'intention et la volonté réelle existent en République du Congo pour ce qui est de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, concernant la reconnaissance de la compétence du Comité pour recevoir des plaintes ou communications.
Interrogée sur les mesures prises afin d'apporter, dans le contexte de la restauration d'une paix durable au Congo, une solution aux clivages entre le Nord et le Sud du pays, la délégation a affirmé qu'il s'agit là d'une question difficile. Depuis la fin de la guerre en 1997, le Gouvernement congolais s'est efforcé d'instaurer la paix dans le pays, a-t-elle expliqué. À cette fin, le Gouvernement a mis en place plusieurs mécanismes, au nombre desquels un dialogue interne qui a regroupé la plupart des protagonistes pour définir une base sur laquelle reconstruire le tissu national. Des accords ont été trouvés entre les différents protagonistes, les questions politiques étant essentiellement celles sur lesquelles les gens se sont divisés. Les dirigeants politiques ont, parfois de manière inconsciente, amené certaines parties du pays à se regrouper derrière eux sur la base de clivages ethniques ou autres. Le dialogue instauré a toutefois réussi à faire en sorte que les Congolais se parlent entre eux. Aujourd'hui, la plupart des dirigeants politiques qui étaient en exil sont rentrés dans le pays et l'on est des élections présidentielles se dérouleront au mois de juillet prochain – dans la paix, faut-il espérer –, a poursuivi la délégation. La paix reste fragile, a-t-elle souligné, appelant tous les dirigeants politiques à faire preuve de responsabilité.
La délégation a expliqué que si la session inaugurale de la Commission nationale des droits de l'homme ne s'est pas encore tenue, c'est tout simplement parce que toutes les dispositions n'avaient pas encore été prises aux fins de la nomination des membres de cette instance. Pour cette année, a précisé la délégation, le budget de cette Commission est de 600 millions de francs CFA. Cette Commission est indépendante et peut instruire à tout moment sur les questions pour lesquelles elle a été instituée, a ajouté la délégation. La délégation a ajouté que l'on ne peut pas dire que la Commission nationale ne fonctionne pas; elle fonctionne, mais de manière quelque peu bancale, a reconnu la délégation, précisant qu'elle dispose d'un programme d'activités. Son fonctionnement obéit aux Principes de Paris.
La République du Congo s'est voulu pionnière en envisageant une législation visant la protection des populations autochtones, a par ailleurs déclaré la délégation. Le projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones vise à permettre à ces peuples de pouvoir prendre leur place dans la République. Certes, il ne s'agit à ce stade que d'un avant-projet de loi, mais il est indéniable qu'il répond clairement aux normes non seulement nationales mais internationales Notre vœu le plus cher est que cette loi voie le jour et aujourd'hui, le processus est effectivement très avancé, a indiqué la délégation. Cette question doit maintenant être inscrite au Conseil des ministres; c'est la dernière étape qui reste à franchir, a-t-elle insisté. La loi ne vise pas à annihiler les mœurs, cultures et identité des peuples autochtones, mais bien à les maintenir et à permettre l'expression républicaine de ces peuples, a souligné la délégation.
Pour ce qui est des violences perpétrées à l'encontre des peuples autochtones, la délégation a admis qu'il a pu y en avoir, certes, mais a souligné que le Gouvernement ne les laisse pas passer et que des gens ont été condamnés.
En ce qui concerne les réfugiés, la délégation a assuré qu'ils ont accès à l'emploi, certains d'entre eux étant même parvenus à devenir professeurs à l'université de Brazzaville. La République du Congo permet bien entendu la naturalisation des «exilés», a ajouté la délégation.
Observations préliminaires
M. Ewomsan a remercié la délégation pour les réponses qu'elle a apportées aux questions des membres du Comité durant ce dialogue fructueux qui a permis d'évaluer la situation du Congo au regard de la Convention. Ont ainsi été abordés les problèmes qui minent la société congolaise et, dans ce cadre, a notamment été soulignée la nécessité d'une réconciliation nationale. L'attention a également été attirée sur les discriminations dont sont victimes les populations autochtones et sur les mesures spéciales qui s'avèrent nécessaires, dans ce contexte, en leur faveur. A également été soulignée la nécessité d'aller de l'avant pour l'adoption du projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones. M. Ewomsan a donc exhorté la République du Congo à agir en ce sens. Il a par ailleurs dit apprécier la franchise et l'esprit autocritique avec lesquels la délégation s'est acquittée de sa tâche durant ce dialogue avec le Comité. La volonté de construire une société démocratique sur la base de l'élimination de la discrimination raciale est manifeste en République du Congo, a conclu M. Ewomsan. Si des problèmes ont été soulevés durant le présent dialogue, c'est pour aider le Congo à concrétiser cette volonté, a-t-il souligné.
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