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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU YÉMEN

12 août 2002



CERD
61ème session
12 août 2002
Après-midi


Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entamé, cet après-midi, l'examen du rapport du Yémen sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport de son pays, M. Mohamed Al-Duraibi, Magistrat au Ministère de la justice du Yémen, a déclaré qu'en dépit de graves difficultés économiques, son pays est résolument engagé dans un effort de promotion et de protection des droits de l'homme. À cet égard, il a informé le Comité de la mise en place d'un ministère d'État aux droits de l'homme et de la création du Comité suprême des droits de l'homme. Le représentant a déclaré que la politique du Yémen en matière de droits de l'homme est gouvernée par le principe de non-discrimination. Il a enfin évoqué l'organisation de séminaires relatifs aux droits de l'homme en partenariat avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.
La délégation yéménite est également composée de Mme Wahiba Fareé, Ministre d'État chargée des droits de l'homme, ainsi que du Représentant permament du Yémen auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, M. Zaïd Mohamed Hajar, et d'autres membres de la Mission permanente à Genève.
Rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Yémen, M. Yuri A. Reshetov s'est félicité de l'adoption, par ce pays, d'une loi interdisant de pénaliser ou de porter préjudice à quiconque en raison de sa nationalité, de sa race, de son origine, de sa langue, de ses croyances, de sa profession, de son éducation ou de sa situation dans la société. Le rapporteur s'est également félicité que des mesures particulières visent à prévenir toutes formes de préjugés partisans, politiques, raciaux, confessionnels, régionaux ou tribaux. Il a toutefois demandé à la délégation yéménite de bien vouloir fournir davantage d'information sur la transposition en droit interne des dispositions de l'article 4 de la Convention, sur l'interdiction de la propagande incitant à la haine raciale.
Des experts ont souligné que, dans son dernier rapport, Amnesty International fait état des progrès notables réalisées par le Yémen en matière de droits de l'homme. Ils ont toutefois demandé à la délégation yéménite des éclaircissements sur plusieurs points : situation des réfugiés, situation des non-musulmans tant ce qui concerne la vie politique que la vie religieuse.
Au cours de la présente séance, les experts suivants ont pris la parole : M. Mahmoud Aboul-Nasr, M. Agha Shahi, M. Mohamed Aly Thiam, M. Tang Chenyuang, M. Marc Bossuyt, M. Régis de Gouttes, M. Raghavan Vasudevan Pillai, M. Nourredine Amir, M. Lindgren Alvès, M. Patrick Thornberry, Mme Patricia Nozipho January-Bardill et M. Linos Alexander Sicilianos
Le Comité doit conclure l'examen du rapport du Yémen lors de la séance qui s'ouvrira demain matin, à partir de 10 heures.

Présentation du rapport du Yémen
Dans son rapport (CERD/C/362/Add.8), le Yémen indique que la Constitution du pays consacre en son article 40 l'égalité en droits de tous les citoyens yéménites. Le rapport précise que la nationalité yéménite est régie par la loi, Ainsi, en aucune circonstance un Yéménite ne peut être déchu de sa nationalité. La nationalité se saurait être retirée à une personne l'ayant acquise dans le respect des procédures légales.
Le rapport indique que le Yémen a adopté de nombreuses politiques sur les plans législatif, juridique, judiciaire et surtout administratif qui réaffirment les droits énoncés par la Convention, avec pour objectif de promouvoir la compréhension entre les races. Il n'y a, précise le rapport, dans aucune loi ou aucune disposition de l'ordre juridique interne, une quelconque disposition fondée sur la discrimination raciale. L'État s'oppose catégoriquement aux politiques discriminatoires ou à la fourniture d'une assistance aux activités racistes. Cette attitude, souligne le rapport, procède non seulement de l'esprit des lois yéménites mais également de l'esprit de tolérance qui caractérise la charia islamique.
Le rapport souligne par ailleurs que les droits politiques sont garantis à tout citoyen ayant atteint l'âge de la majorité. Le législateur garantit aux organisations, associations et partis politiques locaux et étrangers le droit d'observer les élections. Le rapport souligne également que les deux tours des élections à la chambre des représentants qui ont eu lieu en 1993 et 1997 ont constitué un tournant considérable en matière de partage du pouvoir entre les représentants du peuple. C'est aussi la première fois que le Président de la République a été élu au suffrage universel direct.
Présentant le rapport du Yémen, M MOHAMED AL-DURAIBI, Magistrat au Ministère de la justice du Yémen, a déclaré que son pays est résolument engagé dans un effort de promotion et de protection des droits de l'homme et s'efforce de mettre en œuvre toutes les conventions internationales en ce domaine. Le Yémen accorde aux droits de l'homme une attention toute particulière, a-t-il assuré. À cet égard, il a informé le Comité de la mise en place d'un ministère d'État aux droits de l'homme et souligné la refonte du Haut Comité national des droits de l'homme. Le représentant a par ailleurs souligné l'augmentation du nombre des organisations non gouvernementales qui ont des activités dans le pays. Le juge Al-Duraibi a assuré qu'elles avaient toute latitude pour exercer leurs activités. La coopération entre le Yémen et les institutions spécialisées constitue un axe important de notre politique, a affirmé le représentant du Gouvernement yéménite. Il a ajouté que son pays a déployé d'importants efforts dans le domaine de l'éducation aux droits de l'homme et de la sensibilisation de la population aux questions relatives aux droits de l'homme.
Le Gouvernement yéménite a toujours œuvré pour assurer l'indépendance du pouvoir judiciaire, a assuré le juge Al-Duraibi, qui a ajouté que le statut des magistrats a été renforcé. Il a en outre déclaré que son pays s'efforce d'assurer un accès égal à l'éducation de toutes les composantes de la société. Il a en outre indiqué que les projets de fonds et d'associations spécialisés viennent s'ajouter aux initiatives prises par le Gouvernement pour lutter contre la pauvreté. À cet égard, il a souligné que des centres de formation professionnelle ont été créés au bénéfice des plus vulnérables. Enfin, la République yéménite est d'avis que la discrimination sur la base de la couleur et de l'origine ethnique doit en effet être éradiquée. Aussi, la politique menée par le Gouvernement est-elle fondée, de façon générale, sur le principe de non-discrimination. Rappelant l'attachement de son pays aux principes du respect des droits de l'homme, droits indivisibles, le représentant a finalement souligné les nombreuses difficultés auxquelles se heurte le Yémen dans cette action, en raison d'une situation économique défavorable du pays.

Examen du rapport du Yémen
M. YURI A. RESHETOV, Rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Yémen, a exprimé sa satisfaction de pouvoir amorcer un dialogue avec la délégation du Yémen sur les progrès accomplis par ce pays dans la mise en œuvre de la Convention. Il s'est d'abord félicité de la création d'un poste de Ministre d'État chargé des droits de l'homme. L'examen précédent du rapport, a-t-il rappelé, souffrait d'un manque d'informations sur la composition de la population, la vie des tribus et de la population nomade. Avait également été soulignée l'absence de transposition en droit interne de l'article 4 de la Convention (obligation d'interdire la propagande incitant à la haine raciale). Le rapporteur a fait observer que le présent rapport ne fournit toujours pas d'informations précises sur la composition de la population yéménite. Il convient toutefois de se réjouir de l'adoption, par le Yémen, d'une loi interdisant de pénaliser ou de porter préjudice à quiconque en raison de sa nationalité, de sa race, de son origine, de sa langue, de ses croyances, de sa profession, de son éducation ou de sa situation dans la société. Le rapporteur s'est également félicité que des mesures particulières visent à protéger contre toutes formes de préjugés partisans, politiques, raciaux, confessionnels, régionaux ou tribaux. Le rapporteur a salué la mise en œuvre par le Gouvernement du Yémen d'actions ciblées de lutte contre la pauvreté.
Le rapporteur a estimé que rien, dans le rapport remis par le Yémen, ne semble démontrer que les dispositions relatives à l'article 4 de la Convention soient effectivement intégrées dans la législation du Yémen. Et rien ne montre, a-t-il ajouté, que se soit développée une pratique de condamnation des discriminations fondées sur la race, l'origine, la religion. Partant, il a demandé à la délégation de fournir des renseignements concrets sur ces points. Le rapporteur a demandé à la délégation de fournir des informations sur la portée des réserves émises par le Yémen concernant certaines dispositions de la Convention.
Le rapporteur a demandé à la délégation davantage d'information sur les procédures électorales. Il a ainsi demandé à la délégation de préciser s'il était possible à un non-musulman de se présenter aux élections. M. Reshetov a ensuite attiré l'attention des membres du Comité sur une série de mesures visant le renforcement du rôle de la société civile. Le rapporteur a toutefois demandé à la délégation s'il est exact que les musulmans qui se convertissent à une autre religion sont passibles de la peine de mort ? Il s'est par ailleurs inquiété du statut des minorités religieuses au Yémen. Est-il exact que la situation de la population juive est telle que ses membres sont contraints de quitter le pays. Le rapporteur a fait état d'informations d'après lesquelles les immigrants africains subiraient également des actes de discrimination.
Se félicitant de l'économie générale du rapport présenté par le Yémen, un expert a toutefois regretté que le document ne contienne aucune information sur la répartition démographique de la population du pays, ce qui compromet les chances pour le Comité de s'assurer de la non-discrimination à l'égard de ces populations. L'expert a également souligné que le rapport n'est pas suffisamment précis sur les garanties de protection accordées aux non citoyens.
Un autre expert a demandé à la délégation de fournir davantage d'informations sur les mesures prises par le Yémen pour assurer la liberté de la presse. Il a demandé à la délégation des précisions sur les procédures de naturalisation, notamment en ce qui concerne les travailleurs étrangers. Il a également demandé à la délégation de fournir des exemples de décisions judiciaires prises sur la base de textes relatifs à l'interdiction de la discrimination raciale.
Un membre du Comité s'est demandé si les réserves à certaines dispositions de la Convention, faites en son temps, par l'ex République populaire démocratique du Yémen et qui, apparemment, ne guident plus le Yémen réunifié, ne pourraient pas être retirées. Le Comité se réjouirait d'une telle démarche, a-t-il souligné.
Un expert a demandé des éclaircissements sur la participation des minorités religieuses au processus électoral. Tout en se félicitant de la qualité du rapport, il a regretté qu'il ne soit pas suffisamment ciblé sur les questions qui intéressent directement le Comité. Il a évoqué la loi électorale de 1999 qui dispose que pour se présenter aux élections, tout citoyen doit, entre autres, «accomplir ses devoirs religieux». Cette règle empêcherait-elle des non-musulmans de se présenter aux élections, c'est demandé l'expert.
Un autre membre du Comité a souligné les inégalités entre les femmes et les hommes en matière de succession, résultant de l'application de règles de la charia. Il s'est interrogé sur l'opportunité du maintien de cette disposition.
Un expert a relevé que, selon Amnesty International, la situation des droits humains aurait connu des progrès importants au Yémen cette année, même s'il existe encore des violations. L'expert s'est en outre réjoui de la signature d'un accord mutuel de coopération technique avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et s'est félicité de la création d'un comité suprême des droits de l'homme. Il a toutefois regretté que le rapport présente un trop grand nombre de développements dans des domaines qui ne relèvent pas directement du champ d'application de la Convention. Il a appelé de ses vœux la présentation d'un rapport plus ciblé lors du prochain examen. Aucun exemple pratique de plainte, poursuite, condamnations pour des cas de discrimination raciale, ethnique ou religieuse n'est évoqué dans le rapport, a-t-il encore regretté. L'expert a enfin demandé quelles mesures ont été prises pour assurer la diffusion, dans le public, des idéaux des droits de l'homme. À cet égard, l'expert s'est demandé si les fonctionnaires yéménites, et notamment les fonctionnaires de police, bénéficiaient d'une formation en ce domaine.
Un expert a regretté le caractère par trop légaliste du rapport présenté par le Yémen. Il a invité la délégation a présenter des informations plus concrètes sur la mise en œuvre des droits protégés par la Convention, lors de la présentation de son prochain rapport. Nous voyons, a affirmé l'expert, que le Yémen est maintenant doté d'institutions démocratiques qui le différencie nettement de ses voisins.
Un expert a demandé à la délégation yéménite de fournir des informations au Comité sur d'éventuelles mesures d'action positive pour lutter contre les discriminations. Dans la mesure où le rapport précise que l'arabe est la langue officielle, qu'en est-il de l'intégration et de la participation à la vie du pays de ceux qui ne parlent pas la langue officielle ?
Un expert a demandé à la délégation de bien vouloir fournir des explications sur les droits des femmes au Yémen. Comment expliquer que leur taux de mortalité est beaucoup plus élevé que celui des hommes. Pourquoi le taux d'analphabétisme féminin est-il si élevé par rapport au reste de la population?
Un expert a fait état d'informations d'après lesquelles les réfugiés seraient l'objet de harcèlement de la part des forces de police. Par ailleurs, des femmes somaliennes rencontreraient des difficultés pour ce qui est du droit au logement.
Apportant de premiers éléments de réponse aux questions posées par les experts, la Ministre d'État aux droits de l'homme du Yémen, MME WAHIBA FAREÉ a souligné que son pays ne compte pas de «minorités». La plupart des juifs qui étaient présents sur notre territoire ont choisi de partir vers Israël pour des raisons d'ordre économique, a-t-elle déclaré. Poursuivant, la Ministre a affirmé que le Yémen a beaucoup progressé en ce qui concerne l'éducation des femmes. Le taux d'alphabétisation est passé de 11% en 1962 à plus de 60% aujourd'hui, a-t-elle précisé. Elle a par ailleurs indiqué qu'une loi a été votée qui prévoit l'interdiction de procéder à des mutilations génitales sur les jeunes femmes. La Ministre a également évoqué l'action du Comité suprême des droits de l'homme qui a révisé nombre de lois, parmi lesquelles la loi sur la naturalisation. Elle a déclaré que si l'islam est la religion d'État, le Yémen n'est pas un pays fanatique. Les personnes peuvent exercer librement leur culte.



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