Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE L'ARMÉNIE

07 août 2002



CERD
61ème session
7 août 2002
Après-midi



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entamé, cet après-midi, l'examen du rapport de l'Arménie sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport de son pays, M. Zorab Mnatsakanian, Représentant permanent de l'Arménie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a notamment indiqué que son pays était sur le point de se doter d'un ombudsman. Un nouveau Code pénal devrait en outre entrer en vigueur prochainement. Il érigera en infraction tout acte dont le racisme constitue la motivation avouée. Le représentant a également évoqué la création, depuis la présentation du précédent rapport, de la Commission arménienne des droits de l'homme. Ont également été évoqués la création du Conseil de coordination des minorités nationales et la préparation d'un projet de loi sur les minorités nationales. Cette loi aura pour but d'interdire toutes les formes de discrimination raciale, d'assurer l'égalité de tous les citoyens arméniens devant la loi sans distinction de race, de couleur, de nationalité ou d'origine ethnique.
La délégation arménienne est également composée de M. Arthur Osikyan, Directeur du Département juridique, de M. Ashot Kocharian, Directeur du Département des organisations internationales; et de M. Tigran Samvelian, de la Mission d'Arménie à Genève.
Rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Arménie, M. Mario Jorge Yutzis s'est félicité des progrès réalisés par l'Arménie depuis la présentation de son précédent rapport, et notamment de la création d'une commission des droits de l'homme. Ces mesures, a estimé le rapporteur, auront des répercussions positives sur la mise en œuvre des droits reconnus par la Convention. Il s'est également félicité de la mise en place, prochainement, de l'institution de l'ombudsman. Le rapporteur s'est toutefois interrogé sur le terme «monoethnique» utilisé dans le rapport pour caractériser l'Arménie. Il a souligné des contradictions dans les données statistiques figurant dans le rapport concernant les minorités nationales et a dit attendre des éclaircissements sur ce point.
Plusieurs experts ont abordé la question de l'article 69 du Code pénal qui incrimine l'incitation à la haine raciale. Ils ont regretté qu'aucune statistique concernant les recours exercés sur la base de cet article ne figure au rapport. L'absence de statistiques sur ce point ne permet en aucun cas de conclure que de tels actes n'existent pas, ont-ils souligné. Les interrogations ont été nombreuses sur la situation des minorités en Arménie. Plusieurs experts se sont en outre demandés pourquoi l'Assemblée nationale arménienne ne comptait dans ses rangs aucun député appartenant à une minorité.
Au cours de la séance de cet après-midi, les experts suivants ont pris la parole : M. Mahmoud Aboul-Nasr, Régis de Gouttes, Luis Valencia Rodríguez, Morten Kjaerum, Agha Shashi, Linos Alexander Sicilianos, Mohamed Aly Thiam , Patrick Thornberry, José Augusto Lindgren Alves, Kurt Herndl, ainsi que Mme Patricia Nozipho January-Bardill.
Le Comité achèvera demain matin, à partir de dix heures, l'examen du rapport de l'Arménie. Il devrait également se pencher, en fin de séance, sur la situation aux Îles Fidji, État partie très en retard dans la présentation de son rapport périodique.

Présentation du rapport de l'Arménie
Le troisième rapport périodique de l'Arménie (CERD/C/372/Add.3) affirme que le pays est «monoéthnique», la population étant constituée à 98% d'Arméniens et à 2% de personnes appartenant à plus de 10 autres nationalités. Le rapport passe en revue les activités et objectifs de l'Union des nationalités d'Arménie fondée en 1994 : manifestations, rencontres, création de commissions traitant de questions sociales et économiques. Le rapport fait état d'amendements apportés au Code pénal en vue de sanctionner les actes de délinquance fondés sur la discrimination raciale.
Le rapport souligne la création, en 1998, d'une commission des droits de l'homme et la mise en place d'un conseil de coordination des minorités. Ce conseil est composé de 22 représentants des différentes minorités présentes en Arménie. Il a notamment pour fonction de formuler à l'intention du Gouvernement des recommandations tenant dûment compte des besoins des minorités, organiser des manifestations caritatives et exécuter des programmes visant à valoriser les cultures, les langues et les traditions des minorités.
Le rapport précise par ailleurs qu'une loi sur les réfugiés a été adoptée en mars 1999. Le pays compte actuellement 311 000 réfugiés. Cette loi assure la libre entrée en Arménie des personnes demandant à bénéficier du statut de réfugiés et leur garantit un certain nombre de droits : droit de percevoir une allocation forfaitaire, d'obtenir une réponse à la demande du statut de réfugié, à subir un examen médical.
Présentant le rapport, M. ASHOT KOCHARIAN, Directeur du Département chargé des organisations internationales de l'Arménie, a souligné que son gouvernement a fait de l'adoption de mécanismes anti-discriminatoires une des priorités de son action. Il a tenu à assurer les membres du Comité de la ferme volonté du Gouvernement arménien de mettre en œuvre les objectifs fixés lors de la Conférence mondiale contre le racisme. Il a souligné que l'Arménie, en raison même de son histoire, faisait tout son possible afin d'aménager les conditions nécessaires à la promotion et à la protection des droits politiques, économiques, sociaux, culturels, religieux de toutes les minorités présentes sur son territoire. L'Arménie est un petit pays dans lequel les minorités vivent de façon harmonieuse, a affirmé M. Kocharian. Il a déclaré que depuis l'accession à l'indépendance, l'Arménie a réalisé des progrès importants dans la mise en place d'un État de droit et d'institutions pluralistes. Ainsi, 40 instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ont été ratifiés par le pays. L'Arménie est en outre sur le point de se doter d'un ombudsman et a souligné l'entrée en vigueur prochaine d'un nouveau Code pénal, qui vient d'être adopté en première lecture à l'Assemblée nationale. M. Kocharian a affirmé qu'en dépit de ressources limitées, le Gouvernement arménien alloue des aides financières à un nombre important de réfugiés et favorise leur naturalisation.
M. Kocharian a ensuite évoqué la création d'une commission des droits de l'homme, composée de 17 membres dont 2 sont issus de minorités nationales. Cette commission est compétente pour connaître des violations éventuelles de droits de l'homme. On ne dénombre aucune plainte relative à des faits de discrimination raciale depuis l'entrée en fonctions de la Commission. Le programme de droits de l'homme mis en œuvre conjointement par l'Arménie et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a pu être mené a bien, a précisé le représentant arménien. Il a ajouté que le Gouvernement a mis en œuvre un programme spécial pour assurer la réintégration des personnes qui sont revenues en Arménie. Le Gouvernement fait en sorte de garantir l'accès de ces populations aux soins de santé, à l'éducation, au logement et à l'emploi.
M. Kocharian a ensuite évoqué la mise en place du Conseil de coordination des minorités nationales. Enfin, il a souligné la préparation d'un projet de loi sur les minorités nationales. Cette loi aura pour but d'interdire toutes les formes de discrimination raciale, d'assurer l'égalité de tous les citoyens arméniens devant la loi sans distinction de race, de couleur, de nationalité ou d'origine ethnique.
M. ARTHUR OSIKYAN, Directeur du Département des affaires juridiques de l'Arménie, a pour sa part indiqué que le pays était en train de parachever la conformité de sa législation avec les normes internationales relatives aux droits de l'homme. Il a rappelé que la Constitution assure l'égalité de droits de tous les nationaux. Elle reconnaît également la faculté, pour les minorités, de développer librement leur culture. Les citoyens sont titulaires du droit de vote, quelle que soit leur nationalité. Le Code pénal prévoit des sanctions pour actes de discrimination, a précisé le Directeur. Les activités qui ont pour objectif d'encourager la haine raciale sont passibles d'une peine de prison de 3 ans au minimum. Le nouveau Code pénal qui entrera prochainement en vigueur prévoit l'interdiction de toute discrimination fondée sur la religion, de langue ou de race. M. Osikyan a évoqué la loi sur la police, en vertu de laquelle les forces de police doivent protéger de façon égale l'ensemble de la population. Il a enfin évoqué le Code du travail dont nombre de dispositions sont directement inspirées des règles et principes de l'Organisation internationale du travail.

Examen du rapport de l'Arménie
Le rapporteur du Comité pour le rapport de l'Arménie, M. Mario Jorge Yutzis, a souligné les difficultés économiques auxquelles est confronté le pays. L'Arménie a le taux officiel de chômage le plus élevé de la région et plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Ces conditions économiques précaires affectent l'ensemble de la population, plaçant toutefois en première ligne les groupes vulnérables parmi lesquels les personnes déplacées à l'intérieur du pays et les minorités nationales. Le rapporteur s'est félicité des progrès réalisés par l'Arménie depuis la présentation de son précédent rapport. Une quarantaine de conventions et traités internationaux ont été ratifiés; le Code pénal a été réformé afin de prendre en compte les exigences des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme; la Commission des droits de l'homme à été mise en place. Autant de mesures, a estimé le rapporteur, qui auront des répercussions positives sur la mise en œuvre des droits reconnus par la Convention. Le rapporteur s'est enfin félicité de la perspective de mise en place de l'institution de l'ombudsman.
M. Yutsis s'est interrogé sur l'emploi du terme «monoethnique» dans le rapport de l'Arménie. Il a également souligné des contradictions dans les données statistiques figurant dans le rapport et concernant les minorités nationales. Il a dit attendre des éclaircissements sur ce point de la part de la délégation arménienne, notamment en ce qui concerne le nombre de russes et de grecs vivant sur le territoire de l'Arménie. Combien de gitans vivent en Arménie, s'est également demandé le rapporteur. Il a souhaité que le prochain rapport précise des données socioéconomiques relatives à ces différents groupes ethniques.
M. Yutsis a ensuite abordé à la question de l'application de l'article 69 du Code pénal qui incrimine l'incitation à la haine raciale, la punissant d'une peine d'emprisonnement. Il a regretté qu'aucune statistique ne vienne témoigner du respect de ses dispositions. L'absence de statistiques sur ce point, a souligné le rapporteur, ne permet en aucun cas au Comité de conclure que de tels actes n'existent pas. Partant, le rapporteur s'est demandé si la population est bien informée quant à l'existence de ses droits? Les citoyens arméniens savent-ils qu'ils peuvent ester en justice s'ils ont été victimes d'atteintes discriminatoires à leurs droits. Le rapporteur a ensuite demandé à la délégation arménienne de bien vouloir communiquer des informations sur les recommandations faites par le Conseil de coordination des nationalités. Il a par ailleurs demandé à la délégation de préciser les informations contenues dans le rapport s'agissant des réfugiées sur le territoire arménien. Enfin, le rapporteur a demandé, dans la mesure ou il existe une église officielle en Arménie, si celle-ci est seule à exercer des activités caritatives. Si une minorité religieuse souhaite construire un lieu de culte, en a-t-elle la possibilité, a par ailleurs demandé M. Yutsis.
Plusieurs experts ont souligné la contradiction entre l'expression d'État «monoethnique» utilisée dans le rapport et la liste importante des minorités nationales en Arménie. Ils ont demandé des informations plus précises sur la composition de la population arménienne. Partant, ils ont invité la délégation arménienne à fournir des explications sur l'absence de représentants de minorités à l'Assemblée nationale. Des mesures ne s'imposent-elles pas pour assurer une représentation nationale équitable de ces minorités?
Un expert s'est ensuite demandé pourquoi l'Arménie n'a pas fait la déclaration au titre de l'article 14 de la Convention (par laquelle un État partie reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de personnes ou de groupes de personnes relevant de sa juridiction qui se plaignent d'être victimes d'une violation des droits énoncés dans la Convention) alors qu'en tant que nouveau membre du Conseil de l'Europe, elle a reconnu, de fait, la compétence de la Cour européenne des droits de l'homme pour connaître de plaintes individuelles. Il s'est par ailleurs demandé si la Commission des droits de l'homme arménienne est compétente pour instruire des plaintes mettant en cause des comportements racistes ?
Un expert a demandé davantage d'informations sur les réalisations concrètes du Conseil de coordination des minorités nationales. Il s'est inquiété de la trop grande généralité de l'expression «intention raciste», utilisée dans le Code pénal arménien. Comment déceler une telle intention, s'est-il demandé ? Ce libellé, trop vague, pourrait poser des problèmes quant à son application, a-t-il estimé.
Un expert s'est demandé si le bénéfice des droits fondamentaux est limité aux citoyens arméniens ou s'il s'applique à l'ensemble des personnes présentes sur le territoire arménien. L'expert s'est demandé quels pouvoirs et privilèges sont accordés à l'église apostolique arménienne.
Un expert a souligné le très grand nombre de minorités présentes en Arménie et s'est demandé quelle autorité de l'État prend en charge ces groupes et suit cette question de façon particulière. Les membres de ces minorités bénéficient-ils tous de la citoyenneté arménienne ?
Un expert, se félicitant du nombre d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés par l'Arménie, s'est demandé quelles solutions sont apportées par le droit arménien en cas de conflit entre la Constitution et les traités internationaux?



* *** *

VOIR CETTE PAGE EN :