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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA SUÈDE

26 février 2004


Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné hier après-midi et ce matin le rapport périodique de la Suède sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Ont été particulièrement débattues les questions relatives à la condition des Samis, des Roms et des musulmans en Suède, ainsi que l'absence d'interdiction des organisations racistes dans la loi. M. Linos Alexandre Sicilianos, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport suédois, a présenté des observations préliminaires en fin de séance. Le Comité adoptera ses observations finales sur le rapport de la Suède avant la fin de la session.

Présentant le rapport de son pays, M. Carl-Henrik Ehrenkrona, Directeur général des affaires juridiques au Ministère des affaires étrangères de la Suède, a notamment affirmé qu'en dépit de tout l'arsenal législatif mis en place par la Suède afin de lutter contre la discrimination au niveau individuel, subsistent des indications de discrimination structurelle, ou institutionnelle, fondée sur l'origine ethnique ou religieuse dans de nombreux domaines de la société. Or, ce type de discrimination ne peut pas être combattu à un niveau purement individuel et des mesures complémentaires s'imposent. C'est pourquoi le Gouvernement a nommé une commission chargée de rassembler et d'analyser les connaissances relatives à la discrimination structurelle fondée sur l'origine ethnique ou la religion, qui doit présenter son rapport en 2005.

Promouvoir l'intégration des immigrants et des réfugiés reste l'une des tâches essentielles du Gouvernement, a poursuivi le représentant. En effet, dans de nombreux domaines, ces personnes se trouvent dans une situation moins favorable que les autres, a-t-il précisé, soulignant que l'emploi est essentiel pour la réussite de l'intégration. M. Ehrenkrona a par ailleurs indiqué qu'une commission de délimitation des frontières devra faire des propositions fin 2004 concernant les droits des Samis s'agissant des pâturages des troupeaux de rennes.

La délégation suédoise était également composée de représentants des ministères de l'agriculture, de la justice, des affaires étrangères, ainsi que de la Mission permanente de la Suède auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, l'islamophobie et les critères employés pour la reconnaissance du statut de minorité; la politique urbaine, notamment en ce qui concerne le logement; la situation de la population rom; le rôle et l'action de la police en matière de lutte contre les crimes à caractère raciste et xénophobe; l'impossibilité de faire appel d'une décision d'expulsion frappant un étranger dont on peut dire qu'il représente une menace pour la sécurité du pays; les mutilations génitales féminines; la situation des Samis; et l'absence d'interdiction des organisations racistes dans la loi suédoise.


Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport périodique des Bahamas (CERD/C/428/Add.1).



Présentation du rapport de la Suède

Présentant le rapport de son pays, M. CARL-HENRIK EHRENKRONA, Directeur général des affaires juridiques au Ministère des affaires étrangères de la Suède, a rappelé que la promotion et la protection des droits de l'homme constitue l'une des tâches les plus importantes incombant aux gouvernements. La Suède, comme de nombreux autres pays, a ses problèmes et ses faiblesses et le Gouvernement suédois est plutôt convaincu qu'il existe des domaines où la situation des droits de l'homme pourrait être améliorée, a-t-il ajouté. La discrimination, sous toutes ses formes, constitue une violation du principe de l'égale valeur de tous les êtres humains, a-t-il affirmé. Dès lors, lutter contre la discrimination est l'une des priorités du Gouvernement suédois qui a, à cette fin, adopté en 2001 un plan d'action contre le racisme, la xénophobie, l'homophobie et la discrimination. La protection contre la discrimination ethnique vient d'être renforcée par une nouvelle loi qui vise à contrer la discrimination fondée sur divers critères et qui est entrée en vigueur en juillet 2003, a poursuivi M. Ehrenkrona. Grâce à cette nouvelle législation, la portée de la protection a été élargie pour inclure d'autres domaines de la société que le marché du travail et les universités, a-t-il précisé. Il a par ailleurs indiqué qu'une commission s'est vu confier la tâche de proposer une législation visant à contrer la discrimination fondée sur le sexe, l'origine ethnique, la religion, l'orientation sexuelle ou le handicap au sein du système éducatif, l'objectif étant pour la Suède de s'acquitter des obligations qui lui incombent en vertu des deux directives européennes contre la discrimination dans la mesure où elles concernent l'école et l'éducation. Cette commission doit remettre ses propositions au plus tard le 30 avril prochain.

En dépit de tout cet arsenal législatif visant à lutter contre la discrimination au niveau individuel, subsistent des indications de discrimination structurelle, ou institutionnelle, fondée sur l'origine ethnique ou religieuse dans de nombreux domaines de la société, a déclaré M. Ehrenkrona. Des normes, des habitudes, des attitudes et des comportements généralement acceptés dans les institutions et les autres structures de la société peuvent entraver la possibilité pour une personne appartenant à une minorité ethnique de bénéficier des mêmes droits et opportunités que la majorité de la population, a-t-il expliqué. Or, ce type de discrimination ne peut pas être contré à un niveau purement individuel et des mesures complémentaires s'imposent, a-t-il ajouté. C'est pourquoi le Gouvernement a nommé une commission chargée de rassembler et d'analyser les connaissances relatives à la discrimination structurelle fondée sur l'origine ethnique ou la religion. Le rapport de cette commission doit être présenté au Gouvernement d'ici le 31 mars 2005, a précisé M. Ehrenkrona.

Promouvoir l'intégration des immigrants et des réfugiés reste l'une des tâches essentielles du Gouvernement, a poursuivi M. Ehrenkrona. En effet, dans de nombreux domaines, ces personnes se trouvent dans une situation moins favorable que les autres. C'est pourquoi ont été prises des mesures visant à améliorer la structure de suivi et d'évaluation de l'intégration. Un Groupe de travail créé à cette fin vient de présenter des propositions concernant les objectifs et les indicateurs à retenir dans les domaines de l'emploi, de la diversité ethnique et de l'éducation, a précisé M. Ehrenkrona. À cet égard, il convient de souligner que l'emploi est essentiel pour la réussite de l'intégration, a-t-il ajouté. En présentant le projet de budget pour 2004, le Gouvernement a annoncé que l'un de ses objectifs est de renforcer la diversité ethnique dans la fonction publique, a par ailleurs indiqué M. Ehrenkrona. L'expérience ayant prouvé que la qualité de l'accueil que les municipalités réservent aux nouveaux arrivants est cruciale pour leur future réussite sur le marché du travail, le Gouvernement entend, dans un délai d'un an, soumettre au Parlement un projet de loi visant à améliorer l'accueil municipal des réfugiés, à la lumière des propositions contenues dans le rapport qu'a présenté le comité mandaté pour étudier cette question.

M. Ehrenkrona a rappelé que les politiques suédoises en faveur des minorités ne sont en place que depuis l'année 2000 et pourront être modifiées en fonction de l'expérience acquise. Il a souligné qu'une loi a été adoptée qui permet d'utiliser le finnois et le meänkieli dans les rapports avec les pouvoirs publics et dont devraient profiter non seulement les personnes d'origine ethnique finlandaise mais aussi un grand nombre de Roms parlant le finnois. Les résultats du programme mené sur deux ans par l'Ombudsman contre la discrimination ethnique afin de prévenir et de combattre la discrimination contre les Roms seront présentés au Gouvernement au mois de mars 2003, a indiqué M. Ehrenkrona. On peut d'ores et déjà affirmer que les mesures prises dans le cadre de ce programme, qui se sont essentiellement concentrées sur l'éducation et l'information, ont entraîné une croissance du nombre de plaintes de Roms reçues par l'Ombudsman.

M. Ehrenkrona a par ailleurs souhaité apporter un certain nombre d'éclaircissements suite aux observations finales présentées par le Comité en 2000 s'agissant des Samis. Ainsi, a-t-il rappelé qu'en 1977 déjà, le Parlement avait déjà reconnu les Samis comme étant le peuple autochtone de la Suède. Cela n'empêche pas que les Samis se voient accorder les droits et la protection accordés par la loi suédoise aux minorités nationales. En 2000, la Suède a donc reconnu les langues sami comme étant des langues minoritaires. Une loi sur le pâturage des rennes datant de 1971 a accordé aux individus d'ascendance sami le droit d'utiliser la terre et l'eau à des fins de soutien personnel et pour leurs rennes. Depuis 1995, le droit de propriété et le droit de faire paître des troupeaux de rennes sont des droits constitutionnels jouissant du même degré de protection. Le droit de faire paître des rennes s'applique tant sur les terres d'État que sur les terres privées. Cela signifie que la vente d'une terre propriété d'État à une personne privée n'affecte pas le droit des Samis de faire paître leurs troupeaux dans la zone de pâturage de rennes. M. Ehrenkrona a indiqué qu'une Commission des limites territoriales a été créée en janvier 2002 qui devra faire des propositions visant à définir les frontières dans lesquelles s'appliquent les droits des Samis à faire paître leurs troupeaux de rennes. Cette Commission rendra ses conclusions en décembre 2004 et cela devrait permettre de restreindre considérablement le nombre de différends entre propriétaires terriens et propriétaires de troupeaux de rennes. Seront également présentées en décembre 2005 les conclusions de la Commission sur la chasse et la pêche qui a été chargée, en avril 2003, d'éclaircir la portée des droits Samis dans ces deux domaines et la manière dont doivent être gérées les ressources concernées.

Aucun calendrier n'a été fixé jusqu'ici pour la ratification de la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail sur les populations autochtones et tribales, a poursuivi M. Ehrenkrona. Le Gouvernement suédois a toutefois l'ambition de la ratifier le plus tôt possible. Il convient à cet égard de mentionner que le mandat de la Commission des limites territoriales susmentionnée inclut l'identification des terres traditionnellement occupées par les Samis, en rapport avec l'article 14 de la Convention n°169 de l'OIT.

En suède, comme dans d'autres pays européens, ont récemment été présentées des informations faisant état d'une croissance des manifestations d'antisémitisme, a poursuivi M. Ehrenkrona. Toutefois, il convient de souligner qu'aucune information de ce type n'a été scientifiquement vérifiée, a-t-il ajouté. En outre, les rapports préliminaires de la police ne font pas apparaître une hausse des crimes antisémites, a-t-il précisé. Il n'en demeure pas moins que l'antisémitisme peut prendre d'autres formes que criminelles et c'est pourquoi les autorités prennent très au sérieux ces informations. L'islamophobie et l'antisémitisme constituent des menaces pour les valeurs fondamentales de la société démocratique qu'est la Suède, a déclaré M. Ehrenkrona.

Le rapport de la Suède (CERD/C/452/Add.4), qui réunit en un seul document les quinzième et seizième rapports périodiques du pays, souligne que la législation pénale de la Suède contient des dispositions interdisant la discrimination ethnique. La loi contre la discrimination ethnique dans le travail et la loi instituant un ombudsman chargé de la lutte contre la discrimination ethnique ont également une importance cruciale, ajoute le rapport. Il souligne en outre que la Suède est aujourd'hui un pays d'immigration. La composition de sa population a connu de profonds changements au cours de quelques décennies seulement. Sur les presque 9 millions d'habitants de la Suède, plus d'un million sont nés dans un autre pays. En outre, au moins l'un des deux parents de plus de 800 000 habitants nés en Suède était né à l'étranger. Plus d'un citoyen suédois sur cinq a donc «des origines étrangères». Il convient d'avoir à l'esprit qu'après cinq années de résidence légale, les étrangers peuvent obtenir la citoyenneté suédoise, précise le rapport.

Le rapport indique par ailleurs que la loi fondamentale sur la liberté d'expression a été modifiée en vue d'améliorer les possibilités d'adopter des mesures juridiques contre l'agitation raciale. Le fait que le motif d'un crime était de nuire à une personne, à un groupe ethnique ou à un autre groupe analogue de personnes pour des raisons de race, de couleur, d'origine nationale ou ethnique, de convictions religieuses, d'orientation sexuelle ou toute autre raison similaire constitue une circonstance aggravante de la peine. Toute personne ayant fait l'objet d'une discrimination illégale peut recevoir une indemnité pour préjudice, manque à gagner ou dommages ou autres effets subis. Les procureurs publics doivent traiter les crimes dictés par la haine, à savoir les crimes racistes, la discrimination illégale ainsi que différents types d'actes criminels à titre prioritaire et coopérer étroitement avec la police à cet égard. En 2001, le Conseil national de la police a créé un réseau national de centres de coordination de l'information et de la formation sur les questions concernant le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme, les menaces homophobes et la discrimination. La principale mission du réseau est de faciliter l'action de la police en lui donnant des informations sur l'action préventive et l'utilisation opérationnelle du renseignement ainsi que la surveillance et l'investigation des crimes comportant des aspects racistes, xénophobes, antisémites ou homophobes. Le rapport souligne une diminution des infractions xénophobes signalées à la police. La prévention des crimes racistes et activités criminelles commises dans le cadre du mouvement «pouvoir blanc» est l'une des principales priorités de l'action menée par la police ces dernières années, précise le rapport.

En 2003, le Parlement a adopté de nouvelles lois en vue de lutter contre la discrimination. La nouvelle législation se traduit par une extension substantielle du domaine soumis à la supervision de l'Office de l'Ombudsman contre la discrimination ethnique. Le nombre de cas de discrimination présumée dans le monde du travail qui ont été signalées à l'Office de l'Ombudsman a diminué ces dernières années, souligne le rapport. Il indique par ailleurs que la loi sur l'égalité de traitement des étudiants de l'enseignement supérieur est entrée en vigueur le 1er mars 2002. En février 2001, le Gouvernement a adopté un plan d'action contre le racisme, la xénophobie, l'homophobie et la discrimination. Le Conseil suédois pour l'intégration joue un rôle stratégique dans le suivi et l'évaluation du plan d'action et doit remettre régulièrement au Gouvernement des rapports sur les résultats de ses évaluations. Le rapport indique par ailleurs que le Gouvernement a chargé le Conseil national pour l'intégration de suivre la situation des musulmans en Suède depuis les événements du 11 septembre 2001. Selon un rapport publié par le Conseil en juin 2003, la majorité des musulmans en Suède considéraient, un an après ces événements, que leur situation était très problématique et difficile. De nombreux musulmans estimaient faire l'objet de discriminations. Ils estimaient également que l'image de l'islam et des musulmans dans les médias était devenue de plus en plus négative.




Examen du rapport

Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport suédois, M. Linos-Alexandre Sicilianos, a félicité la Suède pour la régularité avec laquelle elle présente ses rapports au Comité ainsi qu'aux autres organes des Nations Unies créés en vertu d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Relevant qu'à l'instar de nombreux autres pays, la Suède n'autorise pas l'établissement de statistiques sur la composition ethnique de la population, il a fait observer que la recommandation du Comité des ministres du Conseil de l'Europe sur la protection des données et les statistiques permet de respecter le principe de l'interdiction de traitement des données sensibles tout en permettant l'établissement de données fiables.

Au nombre des points positifs, M. Sicilianos a notamment relevé l'extension des compétences de l'Ombudsman contre la discrimination ethnique ainsi que la modification de la loi fondamentale sur la liberté d'expression visant à améliorer les possibilités d'adopter des mesures juridiques contre l'agitation raciale. L'expert a néanmoins souhaité obtenir davantage d'informations sur l'efficacité des mesures prises par la Suède en vue d'améliorer la répression de tous les crimes dictés par la haine. Il a mis l'accent sur le grand intérêt que revêt selon lui, pour la mise en œuvre de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, une disposition d'une directive de l'Union européenne concernant la lutte contre la discrimination qui concerne le partage de la charge de la preuve. Ainsi, selon cette disposition, lorsqu'une personne se dit victime d'un acte de discrimination raciale ou ethnique, il suffit qu'elle apporte des indices pour établir cet acte. Il appartient alors à l'auteur présumé de fournir la preuve qu'il n'a pas commis un tel acte. M. Sicilianos s'est demandé ce qu'il en était de l'inclusion d'une telle disposition dans la législation suédoise.

D'après le rapport alternatif de l'Association des Nations Unies de Suède, la mise en œuvre de la loi sur l'égalité de traitement des étudiants de l'enseignement supérieur, entrée en vigueur le 1er mars 2002, serait incomplète dans un tiers des universités suédoises, a par ailleurs relevé M. Sicilianos.

Le rapport de la Suède semble reconnaître que, suite aux événements du 11 septembre 2001, la situation des musulmans dans ce pays est difficile, a poursuivi M. Sicilianos. Il s'agit là d'une question qui préoccupe beaucoup le Comité, lequel a adopté une déclaration à cet égard lors de sa session de mars 2002, a-t-il rappelé.

En ce qui concerne les minorités nationales, M. Sicilianos a rappelé que lors de sa ratification de la Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales, la Suède a fait une déclaration par laquelle elle reconnaît officiellement l'existence de cinq minorités: les Samis, les Finno-suédois, les Finnois de Tornedal, les Roms et les juifs. Parmi ces cinq groupes minoritaires, les conclusions finales du Comité de l'an 2000 se référaient aux Samis et aux Roms, a rappelé l'expert. Il a donc souhaité savoir quelles suites seraient données aux conclusions de la Commission des limites territoriales chargée d'aborder des problèmes d'importance cruciale pour les Samis, à savoir la définition des limites de leurs droits concernant l'élevage du renne ainsi que l'étendue des droits de chasse et de pêche des Samis sur les terres qu'ils occupent traditionnellement.

M. Sicilianos s'est par ailleurs enquis du bilan d'activités du Conseil pour les questions concernant les Roms.

L'expert a par ailleurs rappelé que dans ses observations finales de 2000, le Comité se disait préoccupé par les difficultés que rencontraient les personnes appartenant à des groupes minoritaires pour accéder au marché du travail. Aussi, M. Sicilianos a-t-il souligné que la même préoccupation vaut pour les immigrés puisque le rapport de la Suède reconnaît lui-même qu' «une forte inégalité subsiste sur le marché du travail entre les personnes nées à l'étranger et celles qui sont nées en Suède». Plusieurs mesures ont certes été adoptées dans ce domaine, y compris la nouvelle législation donnant suite aux directives communautaires visant à lutter contre les discriminations directes et indirectes en matière d'emploi; néanmoins, il convient de demeurer vigilant et de faire en sorte que la nouvelle législation soit appliquée efficacement, a souligné M. Sicilianos.

Plusieurs autres membres du Comité ont évoqué l'exclusion et la discrimination dont sont victimes les Roms en Suède. Les Roms continuent d'être victimes de discrimination dans de nombreux domaines, notamment en matière d'emploi, de logement, d'éducation et de santé, et il convient donc pour le Gouvernement suédois de redoubler d'efforts pour combattre cet état de fait, a déclaré un expert. Ce même expert a également recommandé au Gouvernement suédois de redoubler d'efforts pour combattre l'islamophobie qui semble s'être développée dans le pays depuis les événements du 11 septembre 2001.

Un autre membre du Comité, tout en se réjouissant de la franchise avec laquelle le rapport suédois aborde la question de la discrimination à l'encontre des musulmans en Suède, a souhaité en savoir davantage sur le rapport publié en juin 2003 sur cette question par le Conseil national pour l'intégration. Il a souhaité connaître le nombre d'Arabes et de musulmans vivant en Suède et a souhaité savoir pourquoi ils n'y sont pas considérés comme une minorité - les juifs l'étant dans ce pays.

Un membre du Comité a fait état d'informations indiquant que certaines ONG s'inquiètent du manque d'efficacité des mesures prises pour lutter contre les crimes de haine. Selon ces ONG, les délits liés à ce type de crimes seraient en hausse ces dernières années et peu de poursuites seraient engagées. Qu'en est-il des données empiriques à ce sujet et quelle réaction cette perception des choses inspire-t-elle à la délégation, a demandé cet expert?

Plusieurs experts ont mis l'accent sur l'importance que revêt la reconnaissance, énoncée dès les premières lignes du rapport, du fait que la Suède est devenue un pays d'immigration. A également été relevé à plusieurs reprises le fait que, malgré une baisse des infractions racistes, les chiffres fournis en la matière dans le rapport (plus de deux milles infractions annuelles) restent élevés.

Un expert a souhaité savoir s'il était envisagé de modifier la disposition législative selon laquelle les requérants d'asile soupçonnés d'être des terroristes ne peuvent pas faire appel d'une décision d'expulsion.

Un autre membre du Comité s'est notamment enquis de la manière dont l'État entend s'y prendre pour promouvoir la diversité ethnique dans la fonction publique. L'application de la méthode des quotas à cette fin est-elle envisagée?

Un expert a rappelé que la Suède jouit d'un bon bilan en matière de droits de l'homme. La Suède a toujours été un modèle pour ce qui est de la mise en œuvre des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, a quant à lui affirmé un autre expert.

Certains membres du Comité ont insisté pour que le pays ratifie la Convention n°169 du BIT sur les populations autochtones et tribales.


S'agissant de l'islamophobie et de la condition des musulmans en Suède, la délégation a rappelé que la Suède n'autorise pas l'enregistrement de la population selon des critères d'appartenance ethnique ou religieuse. Ce que l'on peut dire, a néanmoins indiqué la délégation, c'est qu'environ 300 personnes en Suède sont nées dans des pays où la majorité de la population est musulmane. En Suède, la politique de minorité a été lancée par le Gouvernement en 1995 et se fonde notamment sur la Convention-cadre du Conseil de l'Europe relative à la protection des minorités nationales; or, pour répondre à l'expert qui souhaitait savoir pourquoi les musulmans ne sont pas reconnus comme une minorité en Suède, il suffit de dire que les musulmans en Suède, en tant que groupe, ne répondent pas aux conditions requises pour être considérés comme une minorité nationale. Cela n'empêche pas les autorités de lutter contre l'islamophobie, a assuré la délégation. À cet égard, il convient notamment de préciser que le nouveau centre contre le racisme qui vient d'être créé devra faire œuvre utile pour lutter contre ce phénomène. En outre, conscientes de l'importance de l'éducation dans ce domaine, les autorités s'efforcent aussi de sensibiliser les gens à l'importance qu'il y a à travailler avec les élèves pour leur inculquer les valeurs fondamentales de tolérance et de respect. D'autre part, le Conseil suédois de l'intégration fera rapport en février 2005 sur la situation qui prévaut dans le pays en matière d'islamophobie et d'antisémitisme, a indiqué la délégation.

La délégation a précisé qu'en Suède, les critères suivants s'appliquent pour décider qui constitue une minorité nationale: il faut qu'il s'agisse d'un groupe partageant un certain sentiment d'appartenance commune, qu'elle soit religieuse, culturelle ou linguistique; il doit y avoir auto-identification et le groupe doit souhaiter conserver son identité; on tient en outre compte des liens historiques du groupe avec la Suède, qui doivent dater d'au moins un siècle.

En ce qui concerne la question de la ségrégation en matière de logement, la délégation a déclaré que l'un des objectifs de la politique urbaine en Suède est de rompre avec les habitudes dans ce domaine. À cet égard, il convient de rappeler que le Gouvernement a passé des accords de développement local avec plusieurs municipalités, concernant 24 zones urbaines en difficulté. Pour ce qui est de savoir s'il est possible d'ester en justice contre une municipalité dont on estime qu'elle n'est pas à la hauteur de ses engagements en vertu d'un tel accord, la délégation a indiqué qu'il est difficile de répondre à cette question. On ne peut pas poursuivre en justice une municipalité qui n'aurait pas appliqué une politique de caractère général, a précisé la délégation. En revanche, si une municipalité appliquait une politique de discrimination à l'école à l'encontre de certaines personnes, ces dernières pourraient obtenir réparation, a-t-elle expliqué. Pour conclure sur cette question, la délégation a affirmé que les résultats de cette politique urbaine ont été positifs puisque le développement dans les 24 zones urbaines en difficulté susmentionnées a été meilleur que dans les autres zones urbaines.

Un expert s'étant inquiété d'informations selon lesquelles les personnes pauvres auraient des difficultés à obtenir de l'argent auprès des banques et ne pourraient donc acheter leur logement, la délégation a indiqué que la nouvelle loi contre les discriminations s'applique aussi à ce domaine. Si un Rom se voyait refuser un prêt pour la simple raison qu'il est rom, cela pourrait constituer un cas de discrimination ethnique, a assuré la délégation.

S'agissant précisément de la situation de la population rom en Suède, la délégation a rappelé qu'un Conseil spécial concernant les Roms a été mis en place en tant qu'organe consultatif auprès du Gouvernement. Son rôle est de promouvoir la situation des Roms au sein de la société suédoise. En 2002, à l'initiative de ce Conseil, s'est tenue une conférence sur la situation des enfants rom, a précisé la délégation. En ce qui concerne l'éducation des enfants rom, la délégation a rappelé qu'en Suède, le système scolaire est obligatoire et gratuit pour tous, du primaire à l'université. Les enfants rom ont droit à une instruction dans leur langue rom et ceux qui parlent le finnois ont droit à une double instruction, en finnois et en langue rom.

Le refus d'accepter une personne dans un restaurant ou un lieu de loisirs sur la base de son origine ethnique ou de tout autre critère discriminatoire est passible de sanction en vertu de la loi, a indiqué la délégation. Précisément, le fait est qu'une grande partie des plaintes pour discrimination déposées auprès de la police concernent des cas de discrimination de ce type. La grande question en la matière concerne la charge de la preuve; or le principe qui prévaut en la matière est celui du partage du fardeau de la preuve, a expliqué la délégation.

En ce qui concerne le rôle et l'action de la police en matière de lutte contre les crimes à caractère raciste ou xénophobe, la délégation a rappelé qu'un moyen de lutter contre ces crimes consiste à veiller à ce que toutes les personnes qui travaillent dans le système judiciaire soient dûment informées des raisons qui sous-tendent ces crimes. La pratique juridique a créé de nouvelles possibilités d'intervention de la police, laquelle a donc mis en place de nouvelles stratégies et méthodes, a précisé la délégation. Le Conseil national de la police a rappelé l'importance qu'il y a pour la police à agir en la matière et tous les crimes de cette nature doivent se voir accorder la priorité. La prévention des délits racistes du «pouvoir blanc» constitue, ces dernières années, l'une des grandes priorités de la police, a précisé la délégation.

S'agissant du déclin du nombre de crimes à caractère raciste et xénophobe, évalué à 15% sur l'année écoulée, il est difficile d'en vérifier les raisons et de démontrer que ce déclin découle des mesures prises par les autorités, a affirmé la délégation. Elle a par ailleurs souligné que le Conseil national de la police recommande que la composition des effectifs reflète la composition démographique du pays.

Il est vrai que la loi sur les étrangers et celle sur le contrôle spécial des étrangers prévoient que le Gouvernement pourra expulser un étranger dont on peut dire qu'il représente une menace pour la sécurité du pays, a poursuivi la délégation. Il n'est alors pas possible de faire appel d'une telle décision d'expulsion, a reconnu la délégation.

En 1982, a par ailleurs rappelé la délégation, a été adoptée une loi spéciale qui punit d'une peine de privation de liberté pouvant aller jusqu'à dix ans les actes de mutilations génitales féminines et ce, indépendamment du consentement de la victime. En juin 2003, la Suède a adopté un plan d'action national de prévention des mutilations génitales féminines, a précisé la délégation.

En ce qui concerne la situation des Samis, la délégation a rappelé qu'il s'agit d'une population autochtone qui, pour survivre, chasse, pêche et élève des rennes. L'élevage des rennes se fait dans le Nord du pays, sur des terres qui sont en partie propriété de l'État et en partie propriété de particuliers ou de grandes sociétés se livrant à l'exploitation forestière. En ce qui les concerne, les grandes sociétés d'exploitation doivent adapter leurs pratiques de coupe à la présence de troupeaux de rennes. Pour les petits exploitants forestiers, la situation est quelque peu différente et des conflits peuvent surgir lorsque ceux-ci doivent procéder à des coupes alors que les Samis doivent aussi faire paître leurs rennes. Dans ce cas de figure, on peut dire que les petits propriétaires exploitants ont des droits égaux à ceux des Samis ayant des rennes, a affirmé la délégation. Pour ce qui est de la terre appartenant à l'État et aux grandes sociétés d'exploitation, la situation est différente, a-t-elle ajouté.

La délégation a rappelé que l'élevage de rennes se pratique sur une superficie totale (255 000 kilomètres carrés) couvrant à peu près la moitié du territoire suédois. Le fait que la Suède n'ait pas encore ratifié la Convention n°169 de l'OIT sur les populations autochtones et tribales est essentiellement dû au contentieux qui existe en ce qui concerne l'utilisation des terres dans une partie de la zone d'élevage. Une éventuelle ratification de la Convention devra être entreprise de manière à ne pas nuire à l'agriculture et à la sylviculture dans le nord du pays, a indiqué la délégation. Il devrait bien falloir cinq ans avant que n'aient été réglées toutes les questions, en particulier celle qui porte sur la délimitation des frontières externes d'élevage du renne. Les droits de pêche et de chasse sont valables pour les Samis indépendamment de la propriété de la terre, qui peut même être privée, a par ailleurs souligné la délégation. Une Commission a été établie afin de faire toute la lumière sur ces questions de pêche et de chasse, a-t-elle rappelé.

La délégation a indiqué que la Commission chargée de la délimitation des frontières est composée d'experts - dans les domaines de l'agriculture et de la sylviculture, en particulier - et de Samis représentant les éleveurs de rennes. Les représentants Samis sont nommés sur proposition du Parlement sami, a précisé la délégation.

Plusieurs membres du Comité ayant fait part de leur préoccupation face à l'absence d'interdiction des organisations racistes dans la loi suédoise, la délégation a expliqué que l'effet qu'ont sur l'individu les dispositions pénales existantes autour de ces questions équivaut, dans la pratique, à une interdiction de l'organisation à laquelle il appartient. La façon dont le droit suédois restreint la possibilité pour les organisations racistes d'agir et de se livrer à toute propagande a, dans les faits, les mêmes effets qu'une interdiction expresse de ce type d'organisations, a insisté la délégation. Le fait est que le droit suédois punit les actes et non pas ce qui peut se passer dans l'esprit d'une ou de plusieurs personnes, a-t-elle ajouté. De l'avis du législateur suédois, ce n'est pas le fait d'appartenir à telle ou telle organisation qui doit être sanctionné, mais bien l'acte criminel éventuellement commis par l'individu. La délégation a toutefois admis comprendre les préoccupations du Comité à cet égard; peut-être serait-il nécessaire de revenir sur ces questions dans le cadre du prochain rapport de la Suède, a-t-elle conclu.

Observations préliminaires

Présentant ses observations préliminaires sur le rapport suédois, M. Linos Alexandre Sicilianos, rapporteur du Comité pour l'examen de ce rapport, s'est félicité de la qualité et de la richesse du dialogue qui s'est noué entre la délégation et les experts. Les points de discorde, si l'on peut parler de points de discorde, ont été clarifiés et on connaît désormais la doctrine du Comité et celle du pays en ce qui concerne l'article 4 b) de la Convention (relatif à l'interdiction des organisations racistes). Des éclaircissements et des informations ont été fournies en ce qui concerne toutes les questions qui intéressaient le Comité et ce dernier dispose désormais des éléments nécessaires pour rédiger ses observations finales, a indiqué M. Sicilianos.

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