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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE TIENT UN DÉBAT GÉNÉRAL SUR LE THÈME DES NON-RESSORTISSANTS
02 mars 2004
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2 mars 2004
Il décide de créer un groupe de travail chargé de rédiger
un projet d'observation générale révisée sur les non-ressortissants
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a tenu, hier après-midi et ce matin, un débat général sur le thème des non-ressortissants et la discrimination raciale, en présence des Rapporteurs spéciaux sur les droits des non-ressortissants, sur les formes contemporaines de racisme et sur les droits de l'homme des migrants. Près d'une trentaine de représentants d'États parties, d'organisations non gouvernementales et d'institutions des Nations Unies ont participé à ce débat qui s'inscrivait dans le cadre d'une démarche du Comité devant aboutir à l'élaboration d'une observation générale révisée sur les non-ressortissants.
À cette fin, le Comité a décidé de mettre en place, en son sein, un groupe de travail à composition non limitée qui sera chargé de procéder à la rédaction d'un projet d'observation générale révisée sur les non-ressortissants. M. Morten Kjaerum a été désigné coordonnateur et rapporteur de ce groupe de travail. Le Comité s'efforcera de tenir compte de toutes les observations faites au cours de ce débat, a assuré son Président, M. Mario Jorge Yutzis.
M. Doudou Diène, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, a dit avoir constaté qu'une nouvelle forme de discrimination était en train d'émerger, qui frappe les non-ressortissants et a mis l'accent sur la négation croissante, dans un grand nombre de pays, de l'identité culturelle des non-ressortissants. Le Rapporteur spécial sur les droits des non-ressortissants, M. David Weissbrodt, a attiré l'attention sur l'importante source de jurisprudence relative aux droits des non-ressortissants que représente le commentaire général n°XV du Comité des droits de l'homme. Quant à la Rapporteuse spéciale sur les droits de l'homme des migrants, Mme Gabriela Rodríguez Pizarro, elle a notamment déclaré que les membres du Comité, dans leur projet d'observation générale, devraient prendre en compte la situation d'apartheid juridique dans laquelle se trouvent de nombreux migrants dans le monde entier.
Plusieurs intervenants ont relevé que si le droit international protège les non-citoyens - ou non-ressortissants - , il existe un large fossé entre la situation de jure et la situation de facto. Les non-ressortissants sont souvent détenus de façon arbitraire et subissent la violence raciale ainsi que diverses violations de leurs droits de l'homme, en particulier dans les domaines de l'emploi, du logement et de l'accès aux services sociaux, a-t-il été rappelé. Les immigrants en situation irrégulière sont à cet égard particulièrement exposés, ont souligné de nombreux orateurs.
Les événements du 11 septembre 2001 ont été un tournant car ils ont amené nombre d'États à prendre des mesures draconiennes qui ont entraîné des changements profonds sur la situation des non-ressortissants, ont par ailleurs fait observer certains intervenants. Certains ont en outre dénoncé l'exploitation croissante de la problématique des migrants par des partis politiques.
Le représentant du Bureau international du travail a recommandé que le Comité avalise l'avis rendu le 17 septembre dernier par la Cour interaméricaine des droits de l'homme qui a estimé que la qualité de migrant d'une personne ne doit pas servir de justification pour la priver de ses droits de l'homme, en particulier en ce qui concerne les droits liés au travail.
Des membres du Comité se sont interrogés sur les résultats escomptés du débat d'aujourd'hui, soulignant notamment qu'il ne saurait être question d'étendre le champ d'application de la Convention.
Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport périodique de la Libye (CERD/C/431/Add.5).
Aperçu du débat général sur la situation des non-ressortissants
Dans une brève déclaration liminaire, le Président du Comité, M. MARIO JORGE YUTZIS, a souligné que l'objectif de ce débat général est de sensibiliser à la situation des non-ressortissants afin d'envisager une solution aux problèmes au quotidien que rencontrent ces personnes.
M. DAVID WEISSBRODT, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des non-ressortissants, a rappelé que c'est le Comité qui, le premier, en 1997, a proposé à la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme d'entreprendre une étude sur la question des non-ressortissants. Il a rappelé que le droit international relatif aux droits de l'homme accorde aux non-ressortissants les mêmes droits que ceux accordés aux citoyens, les seules exceptions à ce principe qui sont autorisées étant celles qui servent un objectif légitime de l'État. Mais la situation des non-ressortissants à travers le monde témoigne d'un écart important entre la situation de jure et la situation de facto, a souligné M. Weissbrodt. S'il ne fallait retenir qu'une seule source de jurisprudence relative aux droits des non-ressortissants, ce serait le commentaire général n°XV du Comité des droits de l'homme en date de 1986, a affirmé le Rapporteur spécial.
M. DOUDOU DIÈNE, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, a indiqué pouvoir affirmer, au vu des diverses visites qu'il a effectuées sur le terrain dans de nombreux pays, qu'une nouvelle forme de discrimination est en train d'émerger qui frappe les non-ressortissants. Ce phénomène est lié aux questions des migrants et des réfugiés, a-t-il souligné. M. Diène a attiré l'attention sur l'extrême vulnérabilité des non-ressortissants, tant du point de vue de l'exercice de leurs droits que du point de vue de leur accès à la protection sociale et aux droits sociaux tels que le droit à la santé. En France, un débat est en cours en vue de restreindre les droits des non-ressortissants à la protection sociale, et à la santé en particulier, a notamment rappelé M. Diène. Il a mis l'accent sur la négation croissante, dans un grand nombre de pays, de l'identité culturelle des non-ressortissants. Dans le contexte de l'après 11 septembre, où les enjeux identitaires sont extrêmement importants, s'opère un glissement vers le déni de l'identité culturelle du non-ressortissant, a déploré M. Diène. Il a en outre dénoncé la diabolisation du non-ressortissant qui se voit «instrumentalisé» dans les plate-formes politiques.
MME GABRIELA RODRÍGUEZ PIZARRO, Rapporteuse spéciale sur les droits de l'homme des migrants, a déclaré que les membres du Comité, dans leur projet d'observation générale révisée sur la question des non-ressortissants, devraient prendre en compte la situation d'apartheid juridique dans laquelle se trouvent de nombreux migrants dans le monde entier. Mme Rodríguez Pizarro a qualifié de désolante la situation des droits et libertés des personnes qui émigrent, en particulier celles qui se trouvent dans une situation irrégulière. Elle a rappelé qu'elle a déjà attiré l'attention sur le problème de la détention des immigrants illégaux et des requérants d'asile et le caractère arbitraire des décisions de détention prises à l'encontre de certaines personnes. La Rapporteuse spéciale a indiqué que le rapport qu'elle présentera lors de la prochaine session de la Commission des droits de l'homme rend particulièrement compte de la situation des travailleurs domestiques - une catégorie de travailleurs migrants souvent soumise à des conditions d'esclavage et de travail forcé. Mme Rodríguez-Pizarro s'est dite préoccupée par les tentatives de certains médias et de certains discours politiques qui tentent de relier l'immigration, en particulier illégale, avec la hausse des taux de délinquance, ce qui suscite dans les pays d'accueil des préjugés stéréotypés et racistes. Il faut que les organes conventionnels élaborent des critères bien précis de protection des droits des non-ressortissants, a conclu la Rapporteuse spéciale.
M. CHRISTOPH BIERWIRTH (Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, HCR) a fait part de sa préoccupation au sujet des manifestations de racisme qui s'expriment de par le monde. Ces manifestations de racisme peuvent menacer sérieusement les droits de l'homme des non-ressortissants et en particulier la protection internationale à laquelle les réfugiés ont droit. Le Comité devrait s'attacher à bien définir le terme de «non-ressortissant», afin de préciser le contexte juridique et factuel de cette notion. Le représentant du HCR a mis l'accent sur la nécessité de souligner l'obligation des États à respecter le principe de non-refoulement et à prévenir et réduire l'apatridie.
M. JIM GOLDSTON (Open Society Justice Initiative) a souligné que la vulnérabilité particulière des non-ressortissants est aggravée par le fait que beaucoup sont des membres de minorités. Il arrive souvent que des personnes nées sur le territoire d'un État ne puissent pas obtenir les documents nécessaires leur permettant de prouver leur nationalité, ce qui génère l'apatridie. Ainsi, 190 000 Bhoutanais d'origine népalaise ont-ils été privés arbitrairement de leur nationalité. Il faudrait réaffirmer que les non-ressortissants doivent jouir des mêmes droits que les autres en matière de protection contre la discrimination raciale, a par ailleurs affirmé le représentant.
M. AKHMED MAZMANOV (Société internationale des Turcs Meshkets «Vatan»), a témoigné de la situation de son peuple, les Turcs Meshkets, déporté par Staline et confronté encore aujourd'hui à des souffrances indicibles. Les Turcs Meshkets ne possèdent pas de papiers d'identité leur permettant de voyager et l'oppression du pouvoir est telle qu'ils n'osent se déplacer, a-t-il affirmé. Le droit de résidence n'a pas été accordé aux Turcs Meshkets qui n'ont toujours pas été reconnus comme citoyens par la Fédération de Russie; la Fédération de Russie fait tout pour qu'ils quittent la région où ils vivent. Les Turcs Meshkets n'ont toujours pas le droit de conclure des contrats privés et ne peuvent commercer sur les marchés, a insisté le représentant. En outre, les enfants de Turcs Meshkets ne disposent pas d'acte de naissance officiel, a-t-il ajouté.
M. YURI DZHIBLADZE (Centre pour le développement de la démocratie et des droits de l'homme) a affirmé que l'exemple des Meshkets illustre de manière éloquente un cas où se combinent la discrimination raciale et la discrimination fondée sur les considérations ethniques. Il a mis l'accent sur la nécessité de prendre des mesures immédiates pour assurer la protection des Meshkets au niveau international, étant donné qu'il n'existe pas de voies de recours nationales. Le représentant a recommandé au Comité de faire part de sa sérieuse préoccupation face à cette situation et de prendre des mesures à cet égard.
MME SONIA PIERRE (Movimiento de Mujeres Dominico-Haitianas) a attiré l'attention sur la situation des fils et filles d'immigrants haïtiens nés en République dominicaine, qui n'ont pas la citoyenneté dominicaine alors même que la Constitution de ce pays prévoit, en vertu du droit du sol, que toute personne née en République dominicaine doit avoir la nationalité dominicaine. La représentante a donc dénoncé la discrimination flagrante dont sont victimes les enfants d'immigrants haïtiens nés en République dominicaine, qui n'ont pas accès à l'éducation, à la santé ni aux droits civils.
M. ABBAS SHIBBAK (Centre d'études sur les réfugiés de l'Université d'Oxford) a indiqué qu'il vient d'achever une étude globale sur la situation des apatrides et des personnes privées de citoyenneté dans la région arabe. Il ressort de cette étude que c'est dans cette région du monde que l'on dénombre le plus grand nombre de personnes privées de citoyenneté, soit huit millions environ, a-t-il indiqué. Il a précisé que le principal groupe est celui des réfugiés palestiniens. Cette dernière communauté est restée apatride du fait qu'en 1948 Israël a transformé en résidents étrangers des personnes qui étaient citoyennes dans leur propre pays. Le représentant a également évoqué la situation des Kurdes en Syrie et en Iraq et celle de la communauté bédoune dans la région du Golfe.
M. SÉRGIO CERDA (Argentine) a assuré que son pays est favorable à des mesures qui permettraient d'améliorer le sort des non-ressortissants et a rappelé que l'Argentine a récemment modifié sa loi sur l'immigration. Il a par ailleurs indiqué que l'Argentine est sur le point de signer la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille qui revêt une importance capitale pour la situation des non-ressortissants.
M. MORTEN SKOVGAARD HANSEN (Danemark) a indiqué que la politique danoise dans ces domaines comporte des mesures tant législatives que non législatives visant notamment à promouvoir l'égalité de traitement entre citoyens et non-citoyens. Il a également fait part de la mise à disposition du Comité d'un document concernant la situation économique et sociale des ressortissants de pays tiers au Danemark.
MME CORDULA DROEGE (Commission internationale de juristes, au nom de plusieurs autres ONG) a relevé que si le droit international protège les non-ressortissants, il existe un énorme fossé entre la loi et la situation réelle des non-ressortissants. Ces personnes sont détenues de façon arbitraire et subissent la violence raciale ainsi que diverses violations de leurs droits de l'homme, y compris dans le cadre des politiques mises en place en vue de lutter contre le terrorisme. Les non-ressortissants ne doivent pas être nécessairement exclus de la jouissance des droits politiques, certains États accordant en effet le droit de vote aux migrants, a rappelé la représentante. Du point de vue de l'administration de la justice, il convient de rappeler que les non-ressortissants détenus ont droit à l'assistance consulaire, a-t-elle rappelé. Il faut donc qu'une recommandation générale sur les non-ressortissants reconnaisse les risques particuliers auxquels sont exposées ces personnes.
MME PIA OBEROI (Amnesty International) a jugé fort à propos ce débat qui se tient à un moment où les droits des non-ressortissants sont particulièrement menacés de par le monde. Amnesty International estime que pour renforcer la protection de tous les non-ressortissants, il faut absolument que le Comité adopte une observation générale révisée sur cette question. Les non-ressortissants se trouvent dans une situation particulièrement vulnérable, a rappelé la représentante. Il existe un écart croissant entre les normes internationales relatives à la non-discrimination et la réalité de la situation actuelle des non-ressortissants, a-t-elle déclaré.
MME GENEVIEVE GENCIANOS (Migrants Rights International) a déclaré que partout dans le monde, on observe des violences dont le motif réel est la race. Elle a par ailleurs attiré l'attention sur la situation particulière que connaissent les travailleurs migrants peu qualifiés provenant des pays en développement. Elle a rappelé que la Déclaration de Durban contient un certain nombre de mesures permettant de lutter de manière adéquate contre la discrimination raciale à l'encontre, notamment, des migrants.
M KARL GRUNBERG (Association contre le racisme, ACOR - SOS Racisme Suisse) a attiré l'attention sur la situation préoccupante qui prévaut en Suisse où deux lois importantes - sur l'asile et sur les étrangers - sont actuellement soumises à révision. En vertu du droit suisse, le régime de l'autorisation de séjour dépend exclusivement du Gouvernement, a rappelé le représentant. Aujourd'hui, le principal danger a trait à la question de la légalisation de la situation des non-ressortissants non européens.
MME TATIANA ZHDANOK (Comité des droits de l'homme de la Lettonie) a déclaré qu'actuellement, 20% de la population lettone environ se trouvent dans la situation absurde d'être des citoyens d'un État qui n'existe plus, à savoir l'ex-URSS. Selon la loi, ces personnes ne sont ni des étrangers ni des apatrides. En Lettonie, une soixantaine de différences ont été recensées entre les droits des non-ressortissants et ceux des citoyens. Il n'y aura pas amélioration de la situation de ces personnes sans l'aide des organes internationaux, a affirmé la représentante.
M. VADIM POLESTSUK (Centre d'information des droits de l'homme de l'Estonie) a rappelé qu'en Estonie, qu'en Estonie, 20% de la population sont des non-ressortissants, majoritairement d'anciens citoyens de URSS. Les groupes minoritaires sont sous-représentés et connaissent un taux de chômage beaucoup plus élevé que le reste de la population. Les personnes qui étaient jadis des militaires de l'ex-URSS ne peuvent obtenir que des permis de résidence temporaire en Estonie, a souligné le représentant. En outre, a-t-il ajouté, seules 3 000 à 4 000 personnes sont naturalisées chaque année alors que l'Estonie compte 160 000 apatrides au total. Il faut accorder aux anciens ressortissants de l'URSS des permis de résidence permanents, a insisté le représentant.
M. JEAN PASCAL OBEMBO (Service information antiraciste, ARIS) a rappelé qu'après les attaques du 11 septembre 2001, plusieurs pays ont pris des mesures visant à combattre plus efficacement le terrorisme. Si cette démarche est incontestablement légitime, il n'en demeure pas moins que des mesures ont été prises dans ce cadre qui mettent en danger les droits garantis, entre autres, par les constitutions nationales, notamment le droit à la liberté d'expression. Le représentant a dénoncé la tendance actuelle à s'affranchir des limites que le droit international impose en ce qui concerne la possibilité de restreindre les droits des non-ressortissants.
MME MARIANA SALAZAR (Fédération internationale des droits de l'homme) a relevé la tendance accrue de la part des États à créer de plus en plus de catégories de non-ressortissants jouissant chacune de droits différents. Elle a relevé que dans des situations d'urgence, certaines catégories de non-ressortissants sont particulièrement vulnérables aux violations de droits de l'homme. Il est des droits à la non-discrimination auxquels il ne saurait être question de déroger, même dans une situation d'urgence, a-t-elle souligné. La définition des non-ressortissants ne doit pas être établie de manière exhaustive étant donné que dans la réalité de nouvelles catégories de non-ressortissants sont sans cesse créées par les États, a déclaré la représentante.
M. CLAUDE KAAN (Centre européen pour les droits des Roms) a attiré l'attention sur les sentiments anti-rom qui se développent dans l'Europe actuelle. Il a dénoncé l'absence d'harmonisation entre les règles de l'Union européenne et celles des Nations Unies concernant la non-discrimination.
M. CLIVE BALDWIN (Minority Rights Group) a attiré l'attention sur un certain nombre d'exemples de discrimination fondée sur la non-ressortissantneté telle qu'elle existe, en particulier, aux Fidji, en République dominicaine, au Kénya, ainsi qu'en ce qui concerne les Roms.
MME MARTA VILLAREAL (Sin Fronteras - Mexique) a souligné que l'égalité de tous devant la loi est quotidiennement bafouée au Mexique. Elle a fait observer que si le Mexique a ratifié la Convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, il n'a pas abrogé les sanctions pénales prévues en cas d'entrée illégale dans le pays, lesquelles peuvent aller jusqu'à dix ans d'emprisonnement. En outre, la détention pour délit administratif, qui est limitée à 36 heures, peut être prolongée pendant toute la durée du processus d'immigration dans le cas des non-ressortissants.
M. ROY CLARKE, s'identifiant comme citoyen britannique résidant en Zambie, a, accompagné de son avocat (M. Chaloka Beyani), a attiré l'attention sur son cas personnel. Le 5 janvier dernier, il a reçu un ordre d'expulsion exigeant qu'il quitte la Zambie, alors que ses quatre enfants et sa femme sont tous Zambiens. La raison invoquée pour justifier cette décision d'expulsion est qu'étant journaliste, il a publié en janvier dernier dans le journal The Post, un article critique à l'égard du Gouvernement. La décision fait actuellement l'objet d'un examen judiciaire. M. Clarke a dénoncé la tendance généralisée du Gouvernement zambien à recourir à l'expulsion comme arme politique, non seulement à l'encontre de non-ressortissants mais aussi à l'encontre de citoyens. Son avocat a lui aussi dénoncé cette tendance, qui frappe notamment des opposants, les autorités n'hésitant pas à reclasser des citoyens comme non-ressortissants.
MME MERRILYN ONISKO (Palestinian Human Rights Organisation) a attiré l'attention du Comité sur la situation des réfugiés palestiniens au Liban, qui sont victimes de discrimination dans tous les aspects de leur vie. Ainsi, en vertu d'une législation de 2001, les Palestiniens ne peuvent devenir propriétaire au Liban. Les Palestiniens sont également exclus, officiellement, de nombreuses professions telles que celles de médecin, d'avocats ou de banquiers.
M. KHARA NANDA TIMSANA (Centre for Protection of Minorities and Against Racism and Discrimination in Bhutan, CEMARD-Bhutan), s'identifiant comme citoyen Bhoutanais réfugié au Népal depuis 20 ans, a rappelé que plus de 100 000 réfugiés bhoutanais vivent actuellement dans des camps dans le Sud-Est du Népal. Ces personnes ont été arbitrairement dépossédées de leur citoyenneté bhoutanaise et souhaiteraient rentrer au Bhoutan, a-t-il rappelé.
MME GAVKAR DZHURAEVA (Fondation Tadjikistan) a rappelé qu'en Asie centrale, plusieurs conflits ont, dans les années 1990, engendré d'importants déplacements internes de populations. Le Tadjikistan, en ce qui le concerne, a connu un conflit sanglant qui s'est soldé par de nombreux morts et réfugiés. Or, seuls quelques-uns des 300 000 Tadjiks qui se sont retrouvés réfugiés en Fédération de Russie ont réussi à obtenir un statut. L'accord d'armistice n'a pas changé la situation, si ce n'est que ces Tadjiks ne sont plus qualifiés de réfugiés mais d'immigrants illégaux.
M. PATRICK YU (Northern Ireland Council for Ethnic Minorities) a dénoncé l'impact des événements du 11 septembre 2001, une série de mesures discriminatoires ayant été prises contre les non-ressortissants dans la foulée de ces événements. Il a notamment proposé que dans son observation générale révisée sur les non-ressortissants, le Comité s'efforce de définir le plus largement possible le terme de citoyen.
MME K'NYAW PAW NAW (OSI Burma Project - Open Society Institute), s'identifiant comme apatride vivant dans les camps de réfugiés le long de la frontière birmano-thaïlandaise, a attiré l'attention du Comité sur la situation des personnes qui se trouvent dans la même situation qu'elle dans les camps situés le long de cette frontière. Elle a recommandé au Comité de lancer une étude approfondie sur cette situation.
M. ERASMO MARTÍNEZ (Mexique) a pris note de la déclaration faite par l'ONG Sin Fronteras au cours du débat et a assuré que le Mexique s'engage à améliorer la situation des droits de l'homme dans le pays. Ces trois dernières années, le Gouvernement mexicain s'est ouvert aux contrôles internationaux et a signé un accord avec le Haut Commissariat aux droits de l'homme, a-t-il fait valoir. Il a précisé que le Gouvernement prépare actuellement un programme national visant à améliorer la situation dans le domaine des droits de l'homme.
M. PATRICK TARAN (Bureau international du travail, BIT) a affirmé qu'il n'est pas exagéré de dire que la discrimination dont souffrent les non-ressortissants dans toutes les régions du monde menace déjà la cohésion sociale et le tissu social d'un nombre croissant d'États. Sur les 175 millions de personnes qui vivent en dehors de leur pays d'origine ou de citoyenneté, 86,3 millions, soit la quasi-totalité des adultes, sont économiquement actifs, selon une étude que vient juste d'achever le BIT. À l'heure actuelle, les phénomènes associés à la mondialisation, tels que la compétitivité accrue et la concentration du contrôle des ressources et des richesses, combinés à une déréglementation officielle, tirent les salaires et les conditions de travail vers le bas, a-t-il poursuivi. Garantir la compétitivité de l'économie sur les marchés mondiaux implique que l'offre de main-d'œuvre soit docile et bon marché. Cet état de fait expose les travailleurs non-ressortissants à des violations de leurs droits sans possibilité de recours à une quelconque protection juridique pour faire face à cette situation. Le BIT, pour sa part, a beaucoup insisté sur la nécessité de concentrer ses efforts pour s'occuper des personnes ayant des besoins spéciaux, en particulier les travailleurs migrants non-ressortissants. M. Taran a dénoncé les graves abus dont font l'objet les droits des travailleurs non-ressortissants dans nombre de régions à travers le monde. Dans un tiers des procédures de demande d'emploi, au moins, des candidats issus de famille d'immigrants sont, à qualification égale, victimes de discrimination. Dans un avis du 17 septembre dernier, la Cour interaméricaine des droits de l'homme a estimé que la qualité de migrant d'une personne ne doit pas servir de justification pour la priver de ses droits de l'homme, en particulier en ce qui concerne les droits liés au travail, a rappelé le représentant du BIT; il serait bon que le Comité avalise cet avis sous forme de recommandation, a-t-il ajouté.
Interventions de membres du Comité
Suite à ces déclarations, un membre du Comité a relevé que les problèmes que rencontrent les non-ressortissants à travers le monde se sont accrus tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. Les événements du 11 septembre 2001 ont été un tournant car ils ont amené nombre d'États à prendre des mesures draconiennes qui ont entraîné des changements profonds sur la situation des non-ressortissants, ont souligné plusieurs experts. La lutte contre le terrorisme ne doit pas se solder par une quelconque discrimination, a insisté un expert.
Les immigrants sans papiers sont l'un des groupes les plus exposés aux discriminations et aux violations de leurs droits, ont par ailleurs souligné plusieurs experts.
Un expert a déploré le manque d'informations concernant la situation des personnes apatrides à travers le monde. Ce même expert a par ailleurs dénoncé l'exploitation croissante de la problématique des migrants par des partis politiques. Relevant lui aussi ce dernier phénomène, un autre expert a affirmé que le Comité va devoir insister sur les mesures à prendre afin de prévenir, entre autres, la diffusion d'idées racistes. Cet expert a par ailleurs mis l'accent sur la nécessité d'assurer un contrôle judiciaire sur les centres de rétention pour étrangers en situation irrégulière ainsi qu'un accès des ONG à ces centres.
La tendance de certains pays occidentaux à restreindre les droits sociaux des non-ressortissants - relevée à juste titre par le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme - est atténuée par la jurisprudence de plus en plus protectrice de la Cour européenne des droits de l'homme, a fait valoir un membre du Comité.
Parmi les nombreuses discriminations dont sont victimes les non-ressortissants, figurent celles ayant trait à l'administration de la justice, aux expulsions arbitraires et aux questions de logement, a relevé un membre du Comité.
Parfois, les non-ressortissants sont en butte à davantage de discriminations encore dans les pays de transit que dans les pays d'accueil, a fait observer un expert.
Un membre du Comité a rappelé que c'est bien d'une question de survie dont il s'agit pour les personnes qui voyagent à travers le monde afin, précisément, d'assurer leur survie.
Plusieurs experts se sont dit perplexes quant aux résultats que l'on peut espérer attendre de cette discussion thématique. L'un d'eux a déploré que dans le cadre de ce débat qui se voulait thématique, de nombreux intervenants aient abordé des situations particulières. Un autre a souligné que le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale n'est pas le Comité des droits de l'homme. Un autre a souligné qu'il ne saurait être question d'étendre le champ d'application de la Convention.
Un expert a insisté pour qu'il soit dûment pris acte du fait que le Comité regrette profondément la très faible participation des États à ce débat thématique.
En conclusion du débat, le Président du Comité, M. Mario Jorge Yutzis, a affirmé que ce n'est certainement pas par hasard que le Comité a été amené à débattre, maintenant, de la situation des non-ressortissants. Il n'y a pas de coïncidence fortuite dans l'histoire, a-t-il insisté. Il incombe désormais au Comité d'adopter une position équilibrée sur cette question afin de parvenir à l'adoption d'une observation générale par consensus.
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