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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LA SITUATION AU RWANDA ET AU CONGO

05 Mars 1999

Après-midi
HR/CERD/99/11
5 mars 1999


Des experts s'inquiètent des conditions de détention au Rwanda


Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, cet après-midi, les situations au Rwanda et au Congo au regard des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale dans ces deux pays. La situation au Rwanda a été examinée au titre de la procédure d'action urgente en présence de M.Canisius Kananura, Chargé d'affaires à la Mission permanente du Rwanda auprès des NationsUnies à Genève. La situation au Congo, qui n'a jamais présenté son rapport initial, attendu en 1989, a été examinée en l'absence d'une délégation de ce pays.

Le représentant rwandais a assuré le Comité que le Gouvernement de son pays s'est assigné pour tâche principale la réconciliation des trois ethnies principales qui composent la population rwandaise. Il a indiqué qu'il existe actuellement 136000 personnes détenues dans les prisons rwandaises.

L'expert chargé de l'examen de la situation au Rwanda, M.Theodoor van Boven, a souligné que les conditions de sécurité dans le pays dépendent étroitement de la situation générale qui prévaut encore dans l'ensemble de la région. Il a déclaré que les conditions de détention dans le pays restent déplorables. La libre circulation d'armes et l'existence de groupes armés qui ne rendent de comptes à personne continuent de constituer une menace majeure dans le pays, a-t-il souligné. Un autre membre du Comité, M.Régis de Gouttes, est également intervenu dans l'examen de la situation rwandaise.

S'agissant de la situation au Congo, MmeShanti Sadiq Ali, rapporteur pour ce pays, a affirmé que le conflit que connaît le Congo était fondamentalement ethnique. Le Comité a décidé de confier à MmeShanti Sadiq Ali le soin de rédiger des observations de conclusion sur la situation au Congo.

Le Comité examinera, lundi 8 mars, à 10 heures, dans le cadre des mesures préventives et de la procédure d'action urgente, la situation en Yougoslavie, en présence d'une délégation de ce pays.


Examen de la situation au Rwanda

M.Canisius Kananura, Chargé d'affaires à la Mission permanente du Rwanda auprès des NationsUnies à Genève, a exprimé le regret de sa délégation que les huitième, neuvième, dixième et onzième rapports périodiques n'aient pu être présentés au Comité en raison, essentiellement, de la guerre qui a ravagé le pays depuis 1990 et du génocide qu'il a subi en 1994. Néanmoins, le Rwanda entend présenter succinctement, par le biais de la présente déclaration, les rapports périodiques en retard, a indiqué M.Kananura. Le représentant a indiqué que le Rwanda compte aujourd'hui 7,7millions d'habitants et que l'État fait tout son possible pour que les membres des trois groupes ethniques qui composent la population (Bahutus, Batutsis et Batwa) soient désormais égaux, tant devant la loi que dans les faits. D'après la Banque mondiale, la proportion de pauvres n'a cessé de s'accroître depuis 1985 pour atteindre 70% de la population totale en 1997, a indiqué M.Kananura. La Loi fondamentale du pays reconnaît l'égalité des droits de chacun devant la loi, a-t-il précisé. Le droit de toute personne à la propriété est garanti par la Loi fondamentale: il ne peut être porté atteinte à ce droit que pour cause d'utilité publique, a déclaré le Chargé d'affaires. En outre, le Code pénal et le Code du travail, entre autres, consacrent le principe de non-discrimination. Actuellement, a indiqué M.Kananura, l'Assemblée nationale de transition examine un projet de loi qui prévoit de garantir l'égalité des sexes en matière de droits d'héritage.

M.Kananura a rappelé que le pouvoir exécutif au Rwanda est exercé collectivement à travers les décisions prises en Conseil des Ministres par le Président de la République et le Gouvernement. Le pouvoir législatif, quant à lui, est exercé par l'Assemblée nationale de transition. Le pouvoir judiciaire, enfin, est exercé par des cours, tribunaux et autres juridictions, au sommet desquels se trouve la Cour suprême. Les droits de l'homme sont garantis par la Loi fondamentale et par les instruments internationaux auxquels le Rwanda est partie. Si une quelconque décision administrative violait l'un, quelconque, des droits fondamentaux, l'intéressé pourrait saisir le Conseil d'État. La Commission nationale des droits de l'homme qui vient d'être créée aura pour tâche essentielle d'examiner les violations des droits de l'homme commises sur le territoire rwandais et d'accroître la sensibilité du public aux questions relatives aux droits de l'homme, a indiqué M.Kananura.

Le Chargé d'affaires rwandais a expliqué qu'afin d'empêcher à jamais que ne se reproduise un crime de génocide au Rwanda, l'Assemblée a adopté la loi du 30 août 1996 permettant la répression concrète de ce crime. Le Gouvernement a pour tâche principale la réconciliation des trois ethnies principales qui composent la population du Rwanda, a conclu M.Kananura.

M.Theodoor van Boven, expert chargé de l'examen de la situation au Rwanda, s'est réjoui que le dialogue avec le Rwanda ait pu reprendre grâce à la présence, aujourd'hui, de M.Kananura devant le Comité. Lorsque le génocide s'est produit au Rwanda en 1994 et que la communauté internationale est restée passive, cela a sans aucun doute constitué pour les NationsUnies et pour la communauté internationale, y compris pour le Comité, une défaite. M.van Boven a reconnu ne pas être en mesure de donner une analyse détaillée de la situation qui prévaut actuellement au Rwanda en raison du peu d'information dont il dispose. Il a rappelé que le représentant spécial de la Commission des droits de l'homme des NationsUnies chargé de la situation au Rwanda, M.Michel Moussali, n'a pas pour mandat de contrôler tous les événements qui peuvent se produire dans le pays dans le domaine des droits de l'homme mais à faire des recommandations pour faciliter, par exemple, le bon fonctionnement d'une commission nationale des droits de l'homme et à faire des recommandations sur l'assistance technique qui pourrait être apportée au Rwanda dans le domaine des droits de l'homme.

Les conditions de sécurité dans le pays sont dépendent étroitement de la situation générale qui prévaut encore dans l'ensemble de la région, a souligné M.van Boven. Certaines informations font certes état d'une certaine amélioration de la situation en matière de sécurité dans certaines parties du pays, a-t-il reconnu. Néanmoins, dans son rapport publié en novembre dernier (S/1998/1096), la Commission internationale d'enquête sur la vente, la fourniture et l'expédition d'armes dans la région des Grands Lacs, mise en place par le Conseil de sécurité, conclut que la libre circulation d'armes constitue un risque majeur d'insécurité dans la région.

Il reste 125000 personnes détenues au Rwanda et les conditions de détention dans le pays restent déplorables, a poursuivi M.van Boven. Tout en reconnaissant que certains progrès ont été enregistrés dans domaine de l'administration de la justice, il a souligné que les besoins restent immenses à cet égard. Pour M.van Boven, il est regrettable que le Gouvernement rwandais ait du mal à accepter une présence internationale pour surveiller les droits de l'homme dans le pays. Nombre de recommandations faites par le Comité en 1998 restent pertinentes, a conclu M.van Boven. La libre circulation d'armes et l'existence de groupes armés qui ne rendent de compte à personne continuent de constituer une menace majeure dans le pays, a-t-il souligné.

Un autre membre du Comité a rappelé qu'en août 1998, le Comité avait déjà demandé au Rwanda de remédier à la sous-représentation des Hutus «de souche» dans les grandes institutions politiques et sociales du pays. Cet expert a également souhaité savoir quelle composition était envisagée pour la Commission nationale des droits de l'homme. Il a aussi souhaité connaître la nature des relations qu'entretiennent les autorités judiciaires nationales rwandaises avec le Tribunal pénal international (TPI) pour le Rwanda. Il a rappelé que l'an dernier, le Comité avait demandé au Rwanda de renforcer sa coopération avec le TPI, de mieux faire connaître les travaux de cette juridiction et d'accélérer le processus de reconstruction d'un pouvoir judiciaire indépendant. Quels progrès ont été réalisés en matière d'amélioration des conditions de détention, s'est interrogé cet expert?

Tous les partis qui ont participé aux négociations d'Arusha disposent de onze députés à l'Assemblée nationale, a rappelé le Chargé d'affaires de la Mission permanente du Rwanda auprès des NationsUnies à Genève. Il a fait part de l'indignation générale suscitée au Rwanda par le fait que les planificateurs du génocide étaient jugés en dehors du pays alors qu'il existe au Rwanda des juridictions susceptibles de les poursuivre en justice. Le Gouvernement rwandais en est donc réduit à juger de simples exécutants du génocide alors que les planificateurs sont jugés à Arusha, siège du TPI. Il serait judicieux que le TPI accepte de procéder à des jugements sur le sol rwandais. Parfois, on vient chercher, parmi les paysans rwandais, des témoins du génocide et on les amène à Arusha pour qu'ils témoignent devant le TPI. À leur retour, certains sont assassinés, s'est inquiété M.Kananura. Il y a aujourd'hui au Rwanda 136000 personnes détenues en prison, a indiqué le Chargé d'affaires. Il a expliqué que désormais, la peine des personnes qui avouent avoir participé au génocide est commuée, ce qui a pour conséquence de multiplier les inculpations et les dénonciations.

Examen de la situation au Congo

Mme Shanti Sadiq Ali, experte chargée de l'examen de la situation au Congo, a rappelé que les combats dans le pays ont pris fin en octobre 1997 lorsque M.Denis Sassou Nguesso a pris le pouvoir avec l'appui des troupes angolaises qui sont intervenues à Brazzaville et à Pointe Noire. Parallèlement, les forces gouvernementales tchadiennes sont aussi intervenues. Le précédent Chef de l'État, M.Pascal Lissouba, s'est alors exilé avec son Premier Ministre, M.Bernard Kolelas. MmeSadiq Ali a indiqué que durant les combats, les milices des deux côtés ont détenu un grand nombre de personnes en raison uniquement de leur origine ethnique et les ont détenues dans des conditions déplorables. Le conflit était fondamentalement un conflit ethnique entre les habitants du Nord, partisans de M.Sassou Nguesso et ceux du Sud, partisans de M.Lissouba. Ayant gagné la guerre, le Général Sassou Nguesso a abrogé la Constitution, dissous toutes les institutions et remplacé les membres de la Cour suprême par des juges qu'il a unilatéralement désignés. En raison de la guerre, les élections présidentielles, prévues pour le 29 juillet 1997, n'ont pas eu lieu. MM.Lissouba et Kolelas se sont autoproclamés, respectivement, Président «légitime» et Premier Ministre à la tête d'un «gouvernement constitutionnel en exil»: ils ont menacé de revenir au pouvoir par la force, ce qui s'est traduit par une détérioration supplémentaire de la paix et de la sécurité déjà précaires.

Selon l'Observatoire congolais des droits de l'homme, depuis l'arrivée des nouvelles autorités au Congo, plus d'une centaine d'exécutions sommaires se sont produites, ainsi que de nombreuses arrestations et détentions arbitraires. Ces violations des droits de l'homme et cette discrimination raciale peuvent être considérées comme étant de nature systématique puisqu'elles visent essentiellement les partisans réels ou présumés des dirigeants en exil, a affirmé MmeSadiq Ali. Elle a également attiré l'attention sur la grave discrimination dont sont victimes les Pygmées au Congo, notamment dans les domaines de l'emploi, de la santé et de l'éducation. L'intervention de mercenaires est l'une des constantes du conflit au Congo en dépit du fait que le pays a signé la Convention internationale interdisant de telles pratiques, qu'il lui reste toutefois encore à ratifier.

La fin de la guerre civile au Congo ne doit pas se traduire par l'impunité des actes de violence telles les exécutions sommaires et les violations du droit humanitaire, a déclaré MmeSadiq Ali. Des milliers de civils ont été tués lors des affrontements qui ont opposé, d'une part, les troupes gouvernementales alliées à des milices armées et, de l'autre, les membres des milices appartenant à un groupe d'opposition armé. Les deux parties sont responsables d'actes de torture et d'assassinats arbitraires et délibérés. La plupart des victimes étaient prises pour cible en raison de leur appartenance ethnique, a souligné l'experte. Elle a fait état d'informations selon lesquelles, depuis la fin du mois d'août 1998, des centaines de civils non armés auraient été tués dans le cadre de combats entre les «Ninjas» et les forces gouvernementales dans la région de Pool, au sud du pays, ainsi qu'à Brazzaville, alors que des milliers d'autres auraient fui en République démocratique du Congo voisine.

Un expert a suggéré que le Congo fasse appel à l'assistance technique des Nations Unies et le Comité a décidé de confier à MmeShanti Sadiq Ali le soin de rédiger des observations de conclusion sur la situation dans ce pays.

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