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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU KIRGHIZISTAN

16 août 1999

APRES-MIDI

HR/CERD/99/53
16 août 1999



Il adopte sans vote ses conclusions et recommandations finales sur le rapport d'Haïti; il adopte également une révision de ses Directives générales


Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, cet après-midi, le rapport du Kirghizistan sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, MmeLira Sabyrova, premier Secrétaire de la Mission permanente du Kirghizistan auprès des Nations Unies à Genève, a affirmé que, pendant les huit ans d'indépendance du pays, les droits fondamentaux des minorités nationales ont été étendus et renforcés. Elle a indiqué qu'elle prendra note des questions des experts du Comité, qui seront envoyées au gouvernement du pays. Le Kirghizistan fournira des réponses à ces questions dans un prochain rapport.

L'expert chargé de l'examen du rapport du Kirghizistan, M.Luis Valencia Rodríguez, a exprimé le souhait que tous les rapports des États parties soient à la hauteur du texte présenté par le Kirghizistan, qui est précis et conforme aux directives du Comité. Cependant, davantage de renseignements ont été souhaités sur la nature des activités économiques et des données socio-économiques portant sur les groupes de langues minoritaires. De même, les résultats obtenus par la Commission nationale des droits de l'homme devraient être évoqués dans le prochain rapport. M.Valencia Rodríguez a estimé nécessaire que l'État promulgue des lois sur l'interdiction de la discrimination raciale car les dispositions de la Constitution font défaut dans ce domaine. L'importance de l'équilibre du marché du travail dans le contexte de la pression exercée par l'économie de marché a été soulignée, ainsi que la nécessité d'assurer un équilibre dans la composition du Parlement.

Le Comité a en outre adopté ses conclusions et recommandations finales concernant le rapport d'Haïti. Aux termes de ce texte, il exprime sa préoccupation devant l'affirmation maintes fois répétée de l'absence de discrimination raciale en Haïti. Dans ce contexte, le Comité estime que l'absence de plaintes et d'actions judiciaires dans ce domaine pourrait refléter un manque d'information sur l'existence d'un système de recours légal dans les cas de discrimination raciale. Il recommande que l'État partie fournisse des informations complètes concernant la composition démographique de sa population dans son prochain rapport, ainsi que des indicateurs socio-économiques ventilés en fonction des différentes ethnies. Il requiert en outre que l'État partie inclue dans son prochain rapport une description des mécanismes légaux disponibles pour porter plainte en cas de discrimination raciale.

À la suite d'un échange de vues, le Comité a adopté par consensus des révisions aux paragraphes 8, 9 et 10 de ses Directives générales concernant la présentation de rapports par les États parties. Les révisions, proposées par M.Michael Parker Banton (CERD/C/55/Misc.3), ont été adoptées telles qu'amendées oralement.

Les membres suivants du Comité sont également intervenus: M.IvanGarvalov, MmeDeci Zou, M.Ion Diaconu, M.Régis de Gouttes, M.Mario Jorge Yutzis, M.Michael E. Sherifis, M.Michael Parker Banton, M.Agha Shahi et M.Mahmoud Aboul-Nasr.

À sa prochaine séance publique, demain après-midi à 15 heures, le Comité doit examiner la situation au Sénégal, très en retard dans la présentation de son rapport périodique, ainsi que le rapport périodique de la Colombie. Demain matin, le Comité examinera en séance privée les communications émanant de personnes ou groupes de personnes s'estimant victimes d'une violation de l'un des droits énoncés dans la Convention.



Présentation du rapport du Kirghizistan

Présentant le rapport de son pays, MmeLira Sabyrova, premier Secrétaire de la Mission permanente du Kirghizistan auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué que les minorités ethniques disposent d'organes puissants d'expression qui s'appellent les kouroultaï (rassemblements). Ils peuvent attirer l'attention du gouvernement sur les moyens d'améliorer la situation des minorités dans le pays. Avec la réforme juridique, de nouvelles lois sont mises en place en conformité avec les principes de la Convention. La Constitution actuelle protège tous les droits fondamentaux des citoyens du pays, sans aucune restriction. MmeSabyrova a estimé que pendant les huit ans d'indépendance du pays, ces droits ont été étendus et renforcés.

La représentante a indiqué qu'elle prendra note des questions des experts du Comité, qui seront envoyées à son gouvernement. Le Gouvernement kirghize répondra ensuite sous forme d'un prochain rapport.

Le rapport initial du Kirghizistan (CERD/C/326/Add.1), en date du 15janvier 1999, rappelle que le pays compte de nombreux groupes ethniques largement représentés. Au 1er janvier 1998, la population comptait plus de 80 groupes nationaux différents : majoritaires, les Kirghizes représentaient 61,2% de la population, les Russes, 14,9%, les Ouzbeks, 14,4%, les Ukrainiens, 1,5%, les Tatars, 1,1%. Les autres groupes ethniques totalisent moins de 10% de l'ensemble de la population. La République kirghize permet aux différents groupes nationaux de promouvoir librement leurs langues. Outre le kirghize, le russe est couramment employé dans le pays.

Le rapport fait état du programme «Le Kirghizistan : notre maison commune», qui stipule que chaque citoyen est une composante du peuple unifié du Kirghizistan. Au titre de ce programme, le gouvernement adopte des mesures relatives à la création de centres culturels pour les différents groupes nationaux, à l'exercice de la liberté de communiquer dans n'importe quelle langue, à la jouissance du droit à l'éducation et au travail, à la participation équitable à la vie politique et sociale de la République et à la création d'établissements d'enseignement général, de structures d'accueil des enfants et des établissements d'enseignement supérieur à l'intention des minorités nationales.

Le rapport indique qu'en janvier 1994, un kouroultaï (rassemblement) du peuple du Kirghizistan a approuvé la création d'une Assemblée du peuple du Kirghizistan, vaste organisation sociale ayant pour vocation de se faire l'écho des intérêts spécifiques des différentes ethnies constitutives du peuple. Ses tâches sont de coopérer au renforcement de l'entente entre les différents groupes nationaux, à la promotion des intérêts des minorités nationales, à la promotion des valeurs humaines et humanistes et à la prévention des situations de conflit. Cette Assemblée a participé à l'examen d'un ensemble de projets de loi, notamment à celui relatif à la protection des droits des minorités nationales. Elle a également élaboré un projet de modification de la loi sur les associations, ainsi que des propositions de modification de la loi électorale. En janvier 1997, le Conseil de l'Assemblée a acquis le statut d'organe chargé de conseiller le Président. Actuellement, 28 associations et centres culturels de groupes nationaux reconnus siègent à l'Assemblée. En janvier 1996, un Centre d'information et de recherche de l'Assemblée a été créé pour préparer des séminaires avec la participation de représentants d'organismes internationaux parmi lesquels M.Max van der Stoel, Haut-Commissaire de l'OSCE aux minorités nationales.


Examen du rapport du Kirghizistan

L'expert chargé de l'examen du rapport du Kirghizistan, M.Luis Valencia Rodríguez, a remercié la représentante de sa présence et de sa présentation. Il a exprimé le souhait que tous les rapports périodiques soient à la hauteur du texte étudié, qui est précis et conforme aux directives du Comité. Les experts dans leur ensemble ont souligné la qualité du rapport.

M.Valencia Rodríguez a noté que la Constitution kirghize protège les droits fondamentaux de toutes les minorités. Cependant, le rapport du Département d'État des États-Unis de 1998 indique qu'on a enregistré des plaintes de discrimination dont les minorités ne parlant pas le kirghize sont les victimes. Des explications ont été demandées à ce sujet. De même, la nature des activités économiques et des données socio-économiques portant sur les groupes de langues minoritaires seraient utiles. La question des mariages inter-ethniques a soulevé des interrogations : comment expliquer la très faible proportion de Kirghizes mariés à des membres d'autres ethnies ?

Au sujet de l'Assemblée de peuple kirghize, l'expert s'est interrogé sur la manière dont ses membres sont désignés. En outre, il a estimé que les résultats obtenus par la Commission nationale des droits de l'homme devraient être évoqués dans le prochain rapport. L'expert a demandé de plus amples explications sur la Loi sur les associations publiques. Il a noté qu'il n'existe pas d'interdiction formelle de la discrimination raciale, ce qui constitue une faille importante dans le droit national. Le rapport reconnaît que des problèmes existent en raison des salaires faibles, de l'augmentation de l'inflation, de l'insuffisance de la sécurité sociale, de la limitation de la possibilité d'utiliser les langues nationales et de la fréquence du chômage. Des experts ont demandé des informations sur la privatisation des terres, et comment cela touche les groupes résidant sur les terres concernées. Les mesures prises par le gouvernement en ce qui concerne le droit au travail ont été estimées insuffisantes. Les experts ont observé qu'il est nécessaire de créer les conditions économiques appropriées pour que tous les groupes de la société puissent accéder au travail dans une économie de marché maintenant dominante.

En ce qui concerne les moyens de recours devant les tribunaux, M.Valencia Rodríguez s'est interrogé sur le coût des services de traduction assurés pour les accusés de langue minoritaire. Au sujet du droit de vote, il a demandé des précisions sur les conditions requises pour accéder au statut de citoyen et si les étrangers et les réfugiés, n'étant pas considérés comme citoyens, ne bénéficient donc pas du droit de voter et d'être élus. Un expert a rappelé la Recommandation générale du Comité en ce qui concerne les étrangers et leurs droits civils. Les critères en matière de naturalisation devraient également être présentés. Dans ce contexte, l'expert a noté que, selon le Département d'État des États-Unis, les femmes et les groupes minoritaires, en particulier les Russes et les Ouzbeks, ne sont pas représentés correctement dans l'administration et les organes politiques. Des questions ont en outre porté sur l'exigence d'un permis de travail obligatoire appelé «propiska», en particulier en ce qu'elle peut affecter la situation des groupes ethniques minoritaires.

Concernant l'instruction publique, un expert a noté que l'«éducation de base» est gratuite et obligatoire, mais une définition de cette notion serait nécessaire. Il a également été demandé si les étudiants sont redevables envers l'État lorsqu'ils reçoivent des bourses d'études. Les experts se sont félicités de ce qu'un enseignement soit dispensé dans les quatre langues principales du pays, à savoir le kirghize, le russe, l'ouzbek et le turc. Mais il semble qu'au niveau universitaire, un étudiant sur six seulement n'est pas d'origine kirghize.

Des experts se sont interrogés sur la manière dont l'État partie a résolu le conflit ethnique entre Ouzbeks et Kirghizes depuis 1990, lorsqu'un affrontement grave dans la ville d'Osh a causé des pertes de vies humaines et des dommages matériels. Le rapport présente en outre les cas de procès pour discrimination raciale survenus dans le pays entre 1991 et 1994, mais n'informe pas sur des cas survenus après cette date. Les condamnations qui ont été prononcées dans ce cadre méritent également des précisions. Par ailleurs, le Département d'État des États-Unis attire l'attention sur le fait que la majorité des postes du système judiciaire kirghize est détenue par des citoyens d'origine kirghize qui font preuve d'une bienveillance particulière pour les membres de leur groupe ethnique.

La diffusion des principes fondamentaux des droits de l'homme fait l'objet de mesures adéquates de la part du gouvernement kirghize. Ainsi, un expert a souligné l'importance de la création de facultés des droits de l'homme dans les universités. Les experts ont toutefois conseillé l'intensification des programmes de promotion de la diversité linguistique et culturelle du Kirghizistan. Il faut en effet promouvoir la tolérance malgré les difficultés économiques, les rivalités religieuses et les courants migratoires forts qui pourraient avoir un impact négatif sur la situation. Les experts se sont interrogés sur les dispositions prises par le gouvernement pour rendre publiques la Convention et les conclusions du Comité. De plus, la position du gouvernement sur l'article 14 de la Convention sur la reconnaissance de la compétence du Comité à recevoir et examiner des communications provenant de personnes ou de groupes de personnes relevant de la juridiction du pays qui y souscrit et s'estimant victimes de discrimination raciale, a été demandée.

En conclusion, M.Valencia Rodríguez a estimé que ce rapport est marqué par la franchise et l'ouverture en ce qui concerne les minorités nationales. Il semble cependant nécessaire que l'État promulgue des lois sur l'interdiction de la discrimination raciale car les dispositions de la Constitution font défaut dans ce domaine. L'importance de l'équilibre sur le marché du travail dans le contexte de la pression exercée par l'économie de marché a été soulignée, ainsi que la nécessité d'assurer l'équilibre dans la composition du Parlement.

Adoption des conclusions et recommandations finales sur le rapport d'Haïti

Dans ses conclusions et recommandations finales concernant le rapport d'Haïti, le Comité note que la situation des droits de l'homme s'est améliorée, en dépit des menaces persistantes que représente l'instabilité économique et politique. En conséquence, le Comité attire l'attention sur les effets négatifs de l'actuelle crise politique, économique et sociale traversée par l'État partie, qui a exacerbé la discrimination entre les différents groupes de la population. Le Comité exprime sa satisfaction concernant l'information fournie par l'État partie sur le fait que les instruments internationaux, y compris la Convention internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, font partie de la loi interne du pays.

Le Comité exprime cependant sa préoccupation quant à l'affirmation maintes fois répétée de l'absence de discrimination raciale en Haïti. Dans ce contexte, le Comité estime que l'absence de plaintes et d'actions judiciaires dans ce domaine pourrait refléter un manque d'information sur l'existence d'un système de recours légal dans les cas de discrimination raciale. De même, une inquiétude est exprimée en ce qui concerne le manque d'information sur la mise en oeuvre de l'article 4 de la Convention, relatif à l'interdiction de la propagande raciste, en particulier sur la manière dont ce principe est appliqué par les juges et les avocats. Le Comité exprime sa préoccupation en ce qui concerne les rapports faisant état de violations des droits de l'homme perpétrées par des membres de la Police nationale haïtienne. La loi interne manque en outre d'un mécanisme de prévention des actes de discrimination raciale commis par des particuliers, conformément aux articles 2 et 5 de la Convention. Le Comité s'inquiète en outre de ce que la Convention n'a pas encore été traduite en créole, puisqu'il s'agit de l'autre langue officielle et qu'elle est utilisée par la majorité de la population.

Au titre de ses suggestions et recommandations, le Comité recommande que l'État partie fournisse des informations complètes concernant la composition démographique de sa population dans son prochain rapport, ainsi que des indicateurs socio-économiques ventilés en fonction des différentes ethnies. Il requiert en outre que le l'État partie inclue dans son prochain rapport une description des mécanismes légaux disponibles pour porter plainte en cas de discrimination raciale. Dans ce cadre, le Comité recommande que l'État partie révise sa législation intérieure en accord avec les articles 4 et 6 de la Convention. Il demande en outre que l'État partie indique dans son prochain rapport les mesures prises ou prévues pour améliorer l'information du public concernant la Convention. Il suggère que l'État partie utilise l'assistance technique offerte par les services consultatifs et le programme d'assistance technique du Haut-Commissariat aux droits de l'homme. Le Comité note que l'État partie n'a pas répondu aux dispositions de l'article 14 de la Convention, reconnaissant la compétence du Comité pour examiner des plaintes, et recommande qu'il ratifie les amendements à l'article 6, paragraphe 6 de la Convention.

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