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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA SUÈDE

12 août 2008



Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

12 août 2008


Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de la Suède sur la mise en œuvre, par ce pays, des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant des observations préliminaires à l'issue du dialogue avec la délégation suédoise, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Suède, M. Anwar Kemal, a relevé au nombre des mesures positives prises par la Suède l'adoption d'un plan national des droits de l'homme pour la période 2006-2009 qui accorde la priorité aux questions de discrimination; la nouvelle loi contre la discrimination; le droit d'appel devant un organe indépendant face à une décision de refoulement du territoire; ainsi que la consolidation de l'institution du médiateur. Subsistent néanmoins certaines faiblesses ayant trait, avant tout, au sort des Samis dont la situation n'est toujours pas réglée, a souligné M. Kemal. Le fait que le Gouvernement suédois n'interdise pas les organisations qui font la promotion de la haine raciale est une autre faiblesse importante relevée par le rapporteur. Il a également attiré l'attention sur le désavantage des minorités et des migrants dans les domaines de la santé et de l'emploi. Les Roms sont en marge de la société et il convient de leur accorder une attention spéciale, a-t-il souligné. Le Comité rendra publiques ses observations finales sur la Suède à la fin de la session, le 15 août prochain.

Présentant le rapport de son pays, M. Carl-Henrik Ehrenkrona, Directeur général des affaires juridiques au Ministère des affaires étrangères de la Suède, a souligné que la prévention et la lutte effective contre toutes les formes de discrimination constituent un objectif essentiel du plan national d'action pour les droits de l'homme en vigueur. La discrimination raciale reste un sujet de préoccupation en Suède comme ailleurs, en dépit des tentatives pour la contrer, a-t-il poursuivi, soulignant que la plus vaste initiative prise par le Gouvernement pour remédier à la croissance récente des attitudes racistes réside dans la nouvelle Loi sur la discrimination qui entrera en vigueur le 1er janvier 2009. La police suédoise surveille étroitement les organisations dont les membres sont engagés dans des activités racistes, a-t-il par ailleurs indiqué. La Suède considère que les organisations engagées dans des activités racistes ne peuvent poursuivre de telles activités sans être en contravention avec la loi, a-t-il précisé.

La délégation suédoise était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la justice et du Ministère de l'intégration et de l'égalité. Elle a fourni des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, la question de l'interdiction des organisations racistes; la nouvelle loi contre les discriminations adoptée en juin dernier; les allégations de discrimination dans le domaine judiciaire; la situation des Samis et des Roms.


Le Comité doit clore les travaux de sa soixante-treizième session vendredi prochain, en rendant publiques les observations finales sur l'ensemble des rapports examinés au cours de la session.


Présentation du rapport

M. CARL-HENRIK EHRENKRONA, Directeur général des affaires juridiques au Ministère des affaires étrangères de la Suède, a souligné que la prévention et la lutte effective contre toutes les formes de discrimination constituent un objectif essentiel du plan national d'action pour les droits de l'homme de la Suède pour années 2006-2009. Il a en outre indiqué que des responsables gouvernementaux ont rencontré des représentants d'organisations non gouvernementales et d'autres parties intéressées avant la soumission du présent rapport et qu'il est de l'intention des autorités d'inviter les organisations non gouvernementales intéressées à une réunion de suivi afin de débattre des observations finales et recommandations que le Comité aura adoptées à l'issue de la session.

En Suède, comme dans de nombreux autres pays, la discrimination raciale reste un sujet de préoccupation, en dépit des tentatives faites pour la contrer, a poursuivi M. Ehrenkrona. Récemment, certaines indications attestent d'une croissance des attitudes racistes. À titre d'exemple, il convient de relever que le dernier rapport du Conseil national de prévention de la criminalité fait état d'une hausse du nombre de crimes motivés par la xénophobie, l'islamophobie ou l'antisémitisme. Entre 2005 et 2007, a précisé M. Ehrenkrona, leur nombre est passé de 2400 à 2800. Selon le Conseil national de prévention de la criminalité, cette hausse peut s'expliquer, dans une certaine mesure, par les efforts déployés par les autorités policières pour encourager les victimes de crimes de haine à porter plainte. Toutefois, il y a aussi des raisons de penser que ces chiffres reflètent également une hausse véritable des crimes de haine, ce qui donne lieu à de sérieuses préoccupations.

M. Ehrenkrona a souligné que la plus vaste initiative prise par le Gouvernement pour remédier à ces tendances réside dans l'adoption, en juin dernier, de la nouvelle Loi sur la discrimination, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2009 et regroupera en un seul texte législatif les sept textes de loi civile existant actuellement contre la discrimination dans différents domaines de la société et en fonction de différentes bases de discrimination. Les quatre ombudsmen actuels contre la discrimination sur différentes bases seront également fusionnés en une seule autorité nationale: l'Ombudsman contre les discriminations. Cela devrait permettre une surveillance plus forte et plus effective du respect de la loi, a-t-il assuré. La nouvelle loi intègre la protection contre la discrimination fondée sur les cinq critères qui étaient déjà retenus précédemment, à savoir: l'appartenance ethnique, le sexe, l'orientation sexuelle, la religion ou la croyance et le handicap. Elle ajoute en outre deux nouvelles bases de discrimination: celle fondée sur l'âge et celle fondée sur l'identité sexuelle. Cette nouvelle loi introduit en outre une protection dans des domaines qui n'étaient pas jusqu'ici couverts par la législation, a poursuivi M. Ehrenkrona, précisant que l'élément le plus important en la matière reste l'interdiction générale de la discrimination pour les employés du secteur public.

M. Ehrenkrona a indiqué que l'Ombudsman chargé des discriminations a porté 32 cas de discrimination actuellement en suspens devant les tribunaux. Selon l'Ombudsman, la principale raison pour laquelle il n'est pas donné suite à une plainte réside dans le manque de preuve. La durée moyenne d'une enquête de l'Ombudsman est restée constante ces dernières années, autour d'un peu moins de quatre mois, ce qui peut être considéré comme acceptable, a souligné M. Ehrenkrona, ajoutant que pour l'année 2007, cette durée a atteint près de six mois. Seul un faible pourcentage des personnes qui estiment être victimes de discrimination dépose effectivement plainte, a par ailleurs souligné M. Ehrenkrona. Il est même probable que la plupart des cas de discrimination dans la société ne sont pas détectés, y compris par les victimes elles-mêmes, a-t-il ajouté. Pour la plupart des gens, la discrimination n'est pas la première explication qui vient à l'esprit lorsque, par exemple, un emploi est offert à quelqu'un d'autre. La pratique du testing est l'une des manières de prouver la discrimination dans des cas individuels et de faire prendre conscience des discriminations qui peuvent exister au sein de la société, a poursuivi M. Ehrenkrona. Le Gouvernement a annoncé qu'un comité serait mis sur pied pour voir si l'Ombudsman contre les discriminations pourrait être autorisé, et de quelle manière, à recourir à cette méthode, a-t-il précisé. À ce stade, l'Ombudsman chargé des discriminations ne peut pratiquer de tels tests mais peut utiliser – et a déjà utilisé – les tests réalisés par d'autres.

La police suédoise surveille étroitement les organisations dont les membres sont engagés dans des activités racistes, a poursuivi M. Ehrenkrona. La Suède considère que les organisations engagées dans des activités racistes ne peuvent poursuivre de telles activités sans être en contravention avec la loi, a-t-il précisé.

En ce qui concerne la politique suédoise en matière de migration et d'intégration, M. Ehrenkrona a rappelé que la Suède reconnaît depuis longtemps son statut de pays d'immigration. Entre 2005 et 2006, l'immigration en Suède a augmenté de 47%. En 2006, près de 100 000 personnes ont immigré en Suède et ce nombre a été sensiblement le même en 2007, a indiqué M. Ehrenkrona. Pour 2006, ce nombre élevé peut s'expliquer par l'entrée en vigueur, cette année-là, d'une loi sur l'asile temporaire. Pour 2007, il peut s'expliquer par l'immigration de proches des personnes auxquelles avait été accordé un permis de résidence au titre de la loi précitée, ainsi que par un nombre accru de requérants d'asile en provenance de certains pays comme l'Iraq et par une immigration accrue en provenance de pays de l'Union européenne. Le Gouvernement suédois pense que la meilleure voie vers l'intégration passe par l'emploi et par la connaissance de la langue suédoise, a précisé M. Ehrenkrona.

M. Ehrenkrona a par ailleurs indiqué que selon le Parlement sami, le nombre de Samis est évalué à 20 000 à 25 000, dont 2500 sont impliqués dans des moyens de subsistance traditionnels comme l'élevage du renne. L'Ombudsman a achevé cet été une étude globale sur la discrimination à l'encontre des Samis. Une étude nationale doit également être menée sur la situation des Samis en matière de santé. Les rapports de la Commission frontalière, l'Enquête sur les droits de pêche et de chasse des Samis et l'Enquête sur l'élevage des rennes seront traités dans un projet de loi sur la politique suédoise à l'égard des Samis devant être soumis au Riksdag (parlement) en mars 2010, a indiqué M. Ehrenkrona. En outre, a-t-il indiqué, les négociations entre les propriétaires terriens et les propriétaires de rennes sur l'étendue des pâturages d'hiver dans le comté de Härjedalen sont sur le point d'aboutir à un accord. Le Gouvernement suédois considère que la ratification de la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail sur les peuples indigènes et tribaux est toujours compliquée et le Gouvernement examine actuellement cette question, a précisé M. Ehrenkrona. En effet, a-t-il expliqué, la ratification de cette Convention de l'OIT affecterait les droits fonciers d'une zone couvrant le tiers du territoire suédois; aussi, toutes les questions liées aux conséquences juridiques doivent-elles être clarifiées avant que le Riksdag n'envisage la ratification.

La population rom constitue un groupe affecté de manière particulièrement négative par les préjugés et la discrimination, a déclaré M. Ehrenkrona. Comme dans nombre d'autres pays, cela remonte à longtemps, a-t-il fait observer. À compter de 2005, l'Ombudsman contre la discrimination a reçu des fonds additionnels pour les questions liées aux Roms et en 2006, le Gouvernement a désigné une Délégation pour les questions roms, chargée d'améliorer la situation des Roms et dont la moitié des membres sont des Roms. Cette Délégation doit présenter un rapport final en décembre 2009, assorti de recommandations.

Le dix-huitième rapport périodique de la Suède (CERD/C/SWE/18) souligne que les statistiques officielles de la Suède ne font pas état des origines ethniques de la population, indiquant seulement la nationalité et le pays de naissance. L'une des dispositions essentielles de la loi suédoise sur les données personnelles interdit de prendre en compte dans le traitement des données personnelles les critères de race, d'origine ethnique ou de croyance religieuse. Actuellement, il n'est donc pas possible à la Suède de fournir des informations statistiques exhaustives concernant par exemple les minorités nationales. Toutefois, les estimations d'une l'enquête menée par les pouvoirs publics en 1997 indique que les Finno-Suédois étaient au nombre de 450 000, les Finnois de Tornedal au nombre de 50 000 et les Juifs au nombre de 25 000. La population des Roms comptait 20 000 personnes et les gens du voyage, dont beaucoup se considèrent proches des Roms, étaient au nombre de 20 000. D'après les estimations du Parlement sami, la population sami s'élève à 20 000 personnes. Pour l'année scolaire 2005/06, près de 13 000 élèves ont pu bénéficier d'un enseignement dans la langue maternelle dans l'une des langues des minorités nationales (finnois, romani, finnois de Tornedal, sami et yiddish). Le nombre total d'élèves bénéficiant de l'enseignement en langue maternelle pour l'année scolaire 2005/06 était de 147 500, soit 14,8 % de l'effectif scolaire total; les 10 langues maternelles les plus fréquemment enseignées sont l'arabe, le bosniaque, le croate, le serbe, le finnois, l'espagnol, l'albanais, l'anglais, le farsi et le turc.

Le Code pénal contient deux dispositions traitant directement des comportements insultants ou discriminatoires fondés sur la race, la couleur, l'origine nationale ou ethnique ou l'appartenance religieuse, à savoir celles qui se rapportent à l'agitation contre un groupe national ou ethnique et la discrimination illégale. Depuis 2003, la police et les parquets suédois ont systématiquement fait de la lutte contre les crimes racistes une priorité. Cet effort à grande échelle porte sur tous les domaines, depuis les initiatives visant à lutter contre la discrimination illégale dans les lieux de divertissement publics jusqu'aux actions destinées à dissuader les agents immobiliers et les bailleurs de locaux commerciaux de louer à des organisations nazies, par exemple. Le rapport de synthèse pour 2005 établi par le Conseil national de prévention de la criminalité montre que le nombre de crimes xénophobes signalés reste relativement constant depuis 2000. En 2005, on a signalé 2 272 crimes de ce type. Dans la moitié des cas, il s'agissait de coups et blessures, et de menaces ou de persécutions illégales; près d'un quart des faits signalés concernaient l'agitation contre un groupe national ou ethnique ou une discrimination illégale.

La loi contre la discrimination dans le travail (1999, 130) visant à combattre la
discrimination fondée sur l'appartenance ethnique, la religion ou d'autres croyances est entrée en vigueur le 1er mai 1999. L'ombudsman chargé de la lutte contre la discrimination ethnique en supervise l'application, précise en outre le rapport. La loi sur l'interdiction de la discrimination (2003, 307) est entrée en vigueur le 1er juillet 2003. Elle vise la discrimination fondée sur le sexe, l'origine ethnique, la religion ou d'autres croyances, l'orientation sexuelle ou le handicap. Les quatre ombudsmans compétents en matière de lutte contre la discrimination en supervisent l'application.


Observations et questions des membres du Comité

M. ANWAR KEMAL, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Suède, a rappelé que la Suède est une monarchie constitutionnelle qui possède des dispositions très efficaces en matière de protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces dernières années, a relevé M. Kemal, la composition de la population suédoise a changé. La Suède est devenue un aimant pour les migrants économiques du monde entier, a insisté M. Kemal. Lorsque l'on parle de discrimination raciale, trois groupes viennent à l'esprit, a-t-il poursuivi: les Samis, les Roms et les éléments non nordiques de la population migrante. Il convient donc d'examiner si ces trois groupes sont confrontés à des difficultés ou à des discriminations.

M. Kemal s'est réjoui de la loi sur la discrimination adoptée cette année par la Suède. Il a aussi souligné qu'il serait souhaitable que la Suède fournisse des chiffres précis concernant la composition ethnique de sa population.

Le rapporteur a par ailleurs fait état d'un rapport alternatif présenté par l'Association suédoise pour les Nations Unies, selon lequel la Suède ne respecte pas ses obligations au titre de l'article 4 de la Convention. Selon ce rapport, les crimes racistes sont en augmentation alors que la propagande raciste et la musique du White Power (pouvoir blanc) se propagent ouvertement, prenant pour cibles les groupes vulnérables de la jeunesse. En outre, 20% des écoles de Suède seraient soumises à la propagande raciste. À cet égard, il conviendra pour le Comité d'évaluer si le point de vue de la Suède selon lequel elle respecte l'article 4 de la Convention en reconnaissant que les organisations engagées dans des activités racistes ne peuvent poursuivre de telles activités sans contrevenir à la loi répond aux exigences de l'article 4.

Un autre problème a trait au fait que le procureur général soit le seul habilité à poursuivre des délits en rapport avec la discrimination ethnique, a poursuivi M. Kemal.

La Constitution suédoise ne reconnaît pas spécifiquement le peuple sami comme un peuple autochtone, alors que l'État les a reconnus en tant que tels, a par ailleurs relevé M. Kemal. La question des différends en matière de droits fonciers des Samis est source de grande préoccupation, a-t-il souligné. Il a en outre fait observer que selon des informations fournies par les Samis, seuls des domaines mineurs de responsabilité administrative ont été transférés au Parlement sami. Qu'en est-il du projet de Convention sur les Samis septentrionaux présenté par un comité d'experts nordiques en 2005, a en outre demandé M. Kemal? Ce qu'il faut, ce sont des mesures spéciales (action affirmative) en faveur des Samis dans les domaines de la culture, de l'éducation et de la santé, a-t-il souligné.
Pour les Roms, le tableau est mitigé, a poursuivi M. Kemal. Une quarantaine de plaintes émanant de Roms sont reçues chaque année, a-t-il relevé, jugeant ce nombre important car historiquement, les Roms rapportent peu les incidents de discrimination à leur encontre par manque de connaissance ou par manque de confiance dans les autorités de l'État. En 2002, la Suède a mis en place le Conseil pour les questions rom, un organe consultatif remplacé en 2006 par la Délégation pour les questions rom, s'est réjoui M. Kemal. Il a toutefois souligné que la Suède doit rester engagée en faveur de la solution des problèmes que rencontre la communauté rom en matière de manque d'accès à un logement décent, à l'éducation, à l'emploi ainsi qu'aux lieux et espaces publics. La Suède doit combattre les attitudes négatives et les préjugés qui persistent à l'égard des Roms, a insisté M. Kemal.

En conclusion, M. Kemal a déclaré que la Suède s'efforce de remédier, à titre prioritaire, à la situation en ce qui concerne la discrimination à l'encontre des personnes d'origine étrangère et des minorités ethniques; mais la discrimination persiste. Les personnes d'origine immigrée ont un taux d'emploi plus faible que la moyenne; les immigrants manquent souvent d'informations en matière d'accès à la santé, et le logement reste un sérieux problème pour un grand nombre d'entre eux, a en outre souligné le rapporteur.

Un autre membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur la nouvelle loi sur la discrimination, adoptée en juin dernier. Il s'est par ailleurs dit étonné par les informations selon lesquelles la discrimination raciale et des préjugés discriminatoires auraient cours dans l'appareil judiciaire suédois.

Un expert s'est inquiété d'informations émanant d'organisations non gouvernementales selon lesquelles les immigrants, lorsqu'ils présentent des plaintes en justice, ne se sentent pas sur un pied d'égalité; il semblerait que les interprètes, par exemple, ne puissent pas toujours les accompagner devant le tribunal.

Quelles mesures concrètes la Suède peut-elle prendre pour reconnaître les droits des Samis à utiliser leurs ressources, a-t-il été demandé à la délégation? Un expert a déploré le faible appui financier dont bénéficient les Samis pour ester en justice afin de défendre leurs droits fonciers. Selon certaines informations, s'est inquiété cet expert, la charge de la preuve dans ce type d'affaire semble peser sur les Samis, qui doivent attester d'une utilisation sans interruption de leur territoire pendant plus de 90 ans.

Un autre membre du Comité s'est réjoui que la législation pénale suédoise prévoie une circonstance aggravante à caractère général fondée sur la motivation raciste d'un délit. En revanche, a-t-il regretté, la Suède n'a pas érigé en infraction pénale la participation à des organisations délictueuses - en particulier des organisations à caractère raciste - et n'a pas l'intention de le faire; il y a là une contradiction avec l'article 4 de la Convention. Un autre expert a indiqué avoir l'impression générale que la Suède a un bilan exemplaire en matière de droits de l'homme, tout en relevant lui aussi que la Suède n'a toujours pas adopté de disposition visant à interdire les organisations racistes.

Plusieurs experts ont souhaité en savoir davantage sur la pratique, en Suède, des demandes d'emploi anonymes visant à assurer la non-discrimination dans l'embauche.


Renseignements complémentaires fournis par la délégation

En ce qui concerne la question de l'interdiction des organisations racistes, la délégation a indiqué que de l'avis des autorités suédoises, une telle interdiction n'est pas la meilleure façon de lutter contre la xénophobie et le racisme, l'important en la matière étant de criminaliser les manifestations de ces phénomènes. La délégation a rappelé que la législation pénale prévoit que la motivation raciste d'un acte constitue une circonstance aggravante aux fins de la sanction devant être appliquée. Interdire les organisations racistes constituerait une ingérence dans le droit associé à la liberté d'association et à la liberté d'opinion, a poursuivi la délégation. Par ailleurs, les groupes racistes ayant des structures assez lâches, il serait difficile de déterminer l'objet de l'interdiction, a-t-elle ajouté. D'autre part, il est toujours possible de restructurer une organisation qui a été interdite et ainsi contourner une interdiction; ces organisations deviendraient alors clandestines et il serait alors encore plus difficile de les contrôler, de sorte qu'elles n'en seraient que plus dangereuses pour la société, a expliqué la délégation.

Pour ce qui est de la nouvelle loi contre les discriminations adoptée en juin dernier, la délégation a rappelé que cette nouvelle loi entrera en vigueur le 1er janvier prochain. En vertu de ce texte de loi, les quatre médiateurs thématiques qui existaient jusqu'ici en matière de lutte contre la discrimination seront fusionnés en un seul et unique médiateur (ombudsman) contre la discrimination. En outre, la nouvelle loi retient deux nouveaux critères de discrimination. La délégation a notamment souligné, que la nouvelle loi interdit la discrimination dans le contexte du service militaire, civil ou obligatoire - ce qui est nouveau. En vertu de cette loi, l'interdiction de la discrimination s'appliquera à tous les employés du secteur public. En outre, les organisations non gouvernementales auront le droit d'agir au nom du plaignant dans des affaires de discrimination, a ajouté la délégation.

Les autorités de police dans tout le pays ont amélioré leur travail en matière de lutte contre les crimes et délits de haine, a assuré la délégation.

En réponse aux allégations de discriminations dans le domaine judiciaire, la délégation a rappelé qu'en 2003, une commission gouvernementale mise sur pied pour évaluer la discrimination structurelle fondée sur l'appartenance ethnique ou religieuse avait établi que le système de justice suédois connaissait les mêmes caractéristiques de discrimination que celles que l'on peut retrouver dans d'autres pays. Par la suite, d'autres études ont aussi conclu à l'existence d'une discrimination contre les personnes non suédoises dans le système judiciaire. En 2006, a poursuivi la délégation, le Gouvernement a demandé une étude sur la façon dont les non-Suédois sont victimes de discrimination dans le système de justice. Cette étude a recommandé de prendre plusieurs mesures concrètes, parmi lesquelles le recrutement actif de minorités non suédoises dans le système de justice ou encore le renforcement de la mise à disposition d'interprètes auprès des tribunaux. Une autre recommandation de cette étude préconisait le réexamen de la législation contre la discrimination et l'élargissement du mandat du médiateur contre la discrimination ethnique. D'ores et déjà, les forces de police déploient beaucoup d'efforts pour recruter en leur sein des non-Suédois, a fait valoir la délégation.

Le Gouvernement suédois est conscient de l'importance de disposer de données sur la composition ethnique de la population, afin de suivre l'efficacité des politiques visant à promouvoir l'intégration et l'égalité de tous, a assuré la délégation. Mais l'enregistrement des individus en fonction de leur appartenance ethnique ou religieuse n'est pas autorisé en Suède et cela s'applique également au recueil de statistiques officielles, a-t-elle rappelé. Les Roms ont d'ailleurs eux-mêmes fait savoir qu'ils n'étaient pas partisans d'être enregistrés sur la base de leur appartenance ethnique, a souligné la délégation.

En ce qui concerne la discrimination dans le monde du travail, la délégation a fait état d'une étude réalisée par l'Organisation internationale du travail (OIT) qui a montré qu'en Suède, si la plupart des personnes doivent présenter quatre demandes d'emploi avant d'être convoquées à un entretien d'embauche, les non-Suédois de souche doivent, eux, en présenter une dizaine. Cette étude a montré que la situation en la matière était souvent pire dans les autres pays. Néanmoins, même si le résultat de cette étude est acceptable au regard de la situation dans les autres pays, le Gouvernement suédois n'en est pas moins loin d'être satisfait de la situation, car son objectif reste de se débarrasser totalement d'une telle discrimination à l'embauche.

En ce qui concerne la situation des Samis, la délégation a notamment fait observer qu'un projet de Convention nordique sami est en cours d'examen dans la région scandinave, afin d'harmoniser les mesures concernant les Samis en Norvège, en Finlande et en Suède.

En vertu de la législation suédoise, l'aide juridique n'est pas accordée à une personne morale; or, un village sami est considéré comme une personne morale, a par ailleurs expliqué la délégation.

En matière de droit foncier, la charge de la preuve incombe à celui, sami ou non, qui affirme avoir la propriété de la terre parce qu'il en a l'usage immémorial, a en outre indiqué la délégation. Elle a par ailleurs souligné que des consultations doivent être menées avec les villages samis concernés avant tout projet d'exploitation minière.
La délégation a en outre rappelé que la Suède avait voté en faveur de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Cette Déclaration a été traduite en langue sami, a précisé la délégation.

Il résulte de l'Enquête sur les droits de pêche et de chasse des Samis que cette question ne donnera pas lieu à une loi; les initiatives locales seront encouragées, l'étude ayant préconisé une association coopérative dans ce domaine.

En réponse à une question, la délégation a indiqué que le Ministère de l'éducation a alloué, pour cette année, dix millions de couronnes à la publication de manuels en langue sami et dans les langues des minorités nationales.

S'agissant de la situation des Roms, la délégation a souligné que le Gouvernement prend très au sérieux la situation vulnérable des membres de cette communauté. Le Gouvernement reconnaît que le chômage et l'absentéisme scolaire atteignent des taux très élevés pour les Roms, a-t-elle ajouté. Au printemps dernier, la Suède a créé un groupe de travail sur les questions d'éducation, qui intègre des représentants des Roms. Il faut espérer que ce groupe de travail sera à même de présenter des recommandations afin d'améliorer la situation scolaire des Roms, a affirmé la délégation.

Un expert ayant souligné que la Convention fait obligation aux États parties d'adopter des mesures spéciales pour éliminer les désavantages dont souffrent les personnes appartenant à certains groupes, la délégation a expliqué que la nouvelle loi contre la discrimination n'autorise pas les mesures d'action affirmative, que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé.


Conclusion du débat

Un membre du Comité a attiré l'attention sur les inquiétudes suscitées par les activités du mouvement d'extrême droite White Power et de la musique qu'il diffuse. Il semble que les plus grands journaux suédois aient pris l'initiative sans précédent de publier les photographies, noms, prénoms, âges et, le cas échéant, le casier judiciaire, d'une soixantaine de personnes appartenant à la mouvance d'extrême droite – personnes considérées comme des ennemis de la démocratie, prêtes à utiliser la violence pour mettre à bas l'État de droit. S'il faut se féliciter de cette initiative, il faut comprendre qu'elle met à jour l'existence d'une importante mouvance xénophobe et raciste. La police secrète suédoise fait état de 1800 crimes et délits à connotation raciste et xénophobe, a ajouté l'expert.

Présentant des observations préliminaires à l'issue du dialogue avec la délégation suédoise, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Suède, M. Anwar Kemal, a réitéré son sentiment personne, probablement partagé par tout le monde, selon laquelle la délégation suédoise est ouverte à une approche franche et sincère. Le dialogue qui s'est noué entre le Comité et cette délégation a été d'une très grande qualité, a-t-il insisté. Il a relevé au nombre des mesures positives prises par la Suède l'adoption du deuxième plan national des droits de l'homme pour la période 2006-2009, qui accorde la priorité aux questions de discrimination; l'adoption de la nouvelle loi contre la discrimination en juin dernier; l'adoption de la nouvelle loi de 2006 qui a introduit un droit d'appel devant un organe indépendant face à une décision de refoulement du territoire; la consolidation de l'institution des médiateurs, désormais fusionnés en un seul médiateur; ou encore le partage des pratiques optimales par le réseau européen des Roms. Traditionnellement, le Comité encourage les pays à adhérer aux différentes conventions et il convient ici de relever que la Suède a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture ou encore le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant consacré à la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie des enfants. Est également positive l'action menée par la Suède en ce qui concerne les demandes d'emploi anonymes.

Subsistent néanmoins certaines faiblesses, ayant trait, avant tout, au sort des Samis dont la situation – très complexe – n'est toujours pas réglée, a souligné M. Kemal. Il s'agit de personnes qui vont avoir de plus en plus de difficultés à maintenir leurs modes de vie traditionnels face à la pression, notamment, de sociétés minières, a-t-il ajouté. M. Kemal a également relevé une faiblesse en Suède pour ce qui a trait à l'absence de données; il faut trouver une solution pour disposer de données précises afin d'aider les populations qui en ont besoin, a-t-il souligné. Une autre faiblesse importante a trait au fait que le Gouvernement suédois n'interdise pas les organisations haineuses. Le Comité est inquiet et il faut ici se laisser guider par l'article 4 de la Convention, a précisé M. Kemal. Une autre faiblesse, reconnue par la Suède elle-même, est qu'il peut y avoir un préjudice au niveau des procédures judiciaires, a relevé le rapporteur. Ce manque d'égalité se retrouve également au sein de la police – sauf peut-être au sein de la police de Stockholm qui, semble-t-il, peut être considérée comme un modèle, a insisté M. Kemal.

La Suède dispose certes d'un des meilleurs systèmes de santé qui soit, a poursuivi M. Kemal; mais des problèmes bureaucratiques se posent lorsqu'il s'agit d'y accéder. Apparemment, les minorités et les migrants seraient désavantagés au niveau de la santé. Les migrants et les minorités sont également défavorisés en matière d'emploi, a souligné M. Kemal; or, il est important que les immigrants travaillent et ne restent pas au chômage à toucher des prestations, car tel n'est certainement pas l'objectif de leur migration en Suède. Les Roms, quant à eux, sont en marge de la société et il convient de leur accorder une attention spéciale, a ajouté le rapporteur.


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