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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU BRÉSIL

08 Mars 2004


08.03.2004

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, vendredi après-midi et ce matin, le rapport périodique du Brésil sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Au nombre des questions qui ont attiré l'attention du Comité, figurent celles ayant trait à la situation des Noirs et des autochtones et à la persistance dans le pays de formes de travail équivalant à des formes contemporaines d'esclavage.

Présentant des observations préliminaires sur ce rapport, le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport brésilien, M. Patrick Thornberry, a mis l'accent sur le grand intérêt du Comité pour les changements en cours au Brésil. Un cercle vertueux pourrait être créé sur la base de ce qui pourrait se passer au Brésil, a-t-il estimé. Malgré l'amélioration des indicateurs sociaux au Brésil ces dernières années, l'écart entre Blancs et Noirs n'a pas été réduit, a par ailleurs relevé l'expert.

Mme Matilde Ribeiro, Ministre et Secrétaire spéciale pour les politiques de promotion de l'égalité raciale du Brésil, a présenté le rapport de son pays en reconnaissant que le racisme structurel existe au Brésil et que les inégalités sociales sont profondément ancrées, ce qui a provoqué l'exclusion des Noirs et des autochtones du point de vue de l'accès aux biens et aux services. Un programme d'action affirmative a été mis en place en mai 2002 afin de promouvoir la participation des Noirs, des femmes et des personnes handicapées, notamment. Le Brésil reconnaît, depuis l'an dernier, la compétence du Comité pour examiner les plaintes individuelles. Mme Ribeiro a précisé qu'en janvier 2003, un nouveau code civil est entré en vigueur qui, associé à la nouvelle Constitution, marque l'élimination de normes discriminatoires fondée sur la race, l'ethnie ou le sexe. Le 12 février dernier, un forum permanent de dialogue entre les autochtones et le Gouvernement a vu le jour pour discuter de la question de l'homologation des terres, a par ailleurs fait valoir Mme Ribeiro.

La délégation brésilienne était également composée de représentants du Ministère des relations extérieures, du Secrétariat pour les politiques de promotion de l'égalité raciale, et de la Mission permanente du Brésil auprès des Nations Unies. Elle a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité s'agissant notamment de l'incrimination des actes racistes, des liens entre l'appartenance à une race et la pauvreté; de la lutte contre l'analphabétisme et des questions d'éducation; de la situation des autochtones; de la situation des Gitans; des manifestations de formes contemporaines d'esclavage. Sur cette dernière question, la délégation a indiqué que 25 000 personnes seraient soumises à des conditions analogues à l'esclavage au Brésil, mais a ajouté qu'en 2003, le Gouvernement fédéral a libéré environ 5 400 travailleurs victimes de ce phénomène, témoignant ainsi de la très haute priorité qu'il accorde à l'éradication de ces pratiques.

Le nombre d'autochtones brésiliens s'élèverait aujourd'hui à au moins 410 000 alors qu'il était évalué à environ 100 000 en 1955. Selon le projet du Gouvernement fédéral, sur les 8,76 millions de kilomètres carrés que couvre le territoire du Brésil, un million sera, d'ici 2007, constitué de terres autochtones dûment délimitées, a en outre indiqué la délégation.


Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport périodique des Pays-Bas (CERD/C/452/Add.3).



Présentation du rapport du Brésil

MME MATILDE RIBEIRO, Ministre, Secrétaire spéciale pour les politiques de promotion de l'égalité raciale du Brésil, a expliqué que le rapport du Brésil insiste sur les mesures administratives, législatives et judiciaires adoptées par l'État pour donner suite à ses engagements en vertu de la Convention et présente les difficultés auxquelles le pays se heurte en matière de lutte contre la discrimination raciale. Elle a rappelé que le Président Luis Ignacio da Silva avait reconnu, dans sa déclaration inaugurale de 2003, que la lutte contre la discrimination est une responsabilité qui incombe à l'État et a fait état, dans ce domaine, d'une situation injuste et cruelle découlant notamment de l'histoire du pays.

Mme Ribeiro a rappelé que le Brésil est composé de 26 États et d'un district fédéral. La population totale est d'environ 170 millions d'habitants dont près de 80 millions de Noirs (environ 46,2% de la population). Elle a reconnu que le racisme structurel existe au Brésil et que les inégalités sociales sont profondément ancrées, ce qui a provoqué l'exclusion des Noirs et des autochtones du point de vue de l'accès aux biens et aux services. Mme Ribeiro a par ailleurs fait part de la création d'un groupe de travail chargé de l'élimination de la discrimination dans les domaines de l'emploi et du travail. Elle a également rappelé que, suite à une grande marche contre le racisme et la discrimination qui avait été organisée dans le pays, un Groupe interministériel pour la promotion de la population noire a été créé en 1995. Mme Ribeiro a souligné qu'un deuxième plan national des droits de l'homme a été lancé en 2002. Le 13 mai 2002 - journée marquant l'anniversaire de l'abolition de l'esclavage au Brésil - un programme d'action affirmative a été mis en place afin, notamment, de promouvoir la participation des Noirs, des femmes et des personnes handicapées.

La Constitution fédérale de 1988 représente le cadre juridique de l'institutionnalisation des droits de l'homme au Brésil, a souligné Mme Ribeiro. Un décret de mai 2003 a créé le Secrétariat spécial pour les politiques de promotion de l'égalité raciale, a-t-elle rappelé. En août 2003, la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail, sur les peuples autochtones et tribaux, est entrée en vigueur au Brésil, un an après sa ratification. Un décret présidentiel a été publié en juin de l'an dernier, en vertu duquel est reconnue la compétence du Comité, en vertu de l'article 14 de la Convention, pour examiner toute plainte qui pourrait lui être présentée par un individu se plaignant d'être victime d'une violation de l'une quelconque des dispositions de la Convention, a par ailleurs indiqué Mme Ribeiro. Elle a précisé que parallèlement, le Brésil a créé un organe chargé de recevoir les plaintes de tous ceux qui s'estiment victimes de pratiques discriminatoires. Cet organe est également habilité à offrir des réparations satisfaisantes aux victimes de racisme et à maintenir un registre de plaintes dont une copie doit être envoyée chaque année au Secrétaire général des Nations Unies.

Mme Ribeiro a précisé qu'en janvier 2003, le nouveau Code civil remplaçant celui de 1916 est entré en vigueur qui, associé à la nouvelle Constitution, marque l'élimination de normes discriminatoires fondées sur la race, l'ethnie ou le sexe.

Le mois dernier, deux plaintes ont été déposées pour racisme, une affaire étant liée à la mort d'un jeune activiste noir entre les mains de la police, a poursuivi Mme Ribeiro. Ces deux cas font l'objet d'une enquête aux fins d'un procès, a-t-elle précisé. Les indicateurs sociaux continuent de confirmer une nette tendance à l'inégalité dans la société brésilienne, au détriment des groupes noir et autochtone, a souligné la Ministre. Les parlementaires noirs ne sont pas nombreux au Congrès, surtout au regard du nombre de Noirs dans la population totale, a reconnu Mme Ribeiro.

Mme Ribeiro a indiqué que le Gouvernement souhaite relancer la politique à l'intention des peuples autochtones et des minorités. Le Brésil estime qu'il doit se doter d'une législation exemplaire dans ce domaine. La Ministre a ajouté qu'il y a des conflits entre certains secteurs de la société brésilienne et la population autochtone, surtout pour ce qui est de la reconnaissance et de la démarcation des terres traditionnellement occupées par les autochtones. Une loi sur les communautés autochtones est actuellement à l'étude et, le 12 février dernier, un forum permanent de dialogue entre les autochtones et le Gouvernement a vu le jour pour discuter de la question de l'homologation des terres, a souligné Mme Ribeiro. Quant aux minorités, en particulier les minorités arabe et juive, elles sont parfaitement intégrées au pays et actives dans les domaines civil, politique et social, a-t-elle assuré. Pour ce qui est des Gitans, ou Roms, ils se sont organisés en associations qui parviennent à défendre leur identité et leur culture.

En conclusion, Mme Ribeiro a assuré que le Brésil a enregistré, dès 1997, des progrès considérables en matière de promotion de l'égalité raciale. Ces progrès sont néanmoins loin d'être suffisants, a-t-elle reconnu. La situation doit cependant être appréhendée en tenant compte du fait que le Brésil a la dimension d'un continent, a-t-elle souligné. La lutte contre la pauvreté est la grande priorité retenue par le Gouvernement fédéral, a rappelé Mme Ribeiro. Le Brésil a l'intention de mener des politiques publiques universelles et concrètes intégrant notamment les notions de race, d'ethnie, de sexe et d'orientation sexuelle, a-t-elle précisé.


Le rapport du Brésil, qui regroupe en un seul document les quatorzième à dix-septième rapports périodiques du pays (CERD/C/431/Add.8), reconnaît que la construction d'une société multiculturelle et multiethnique n'a pas mis le Brésil à l'abri des fléaux que sont le racisme et l'intolérance raciale. Pendant des décennies, un mythe s'est propagé, celui d'une nationalité caractérisée par la fusion harmonieuse et parfaite de trois races, qui ont construit une «démocratie raciale» dans le pays. Pendant longtemps, la société et l'État brésiliens, agissant au nom de ce mythe, se sont révélés incapables de mettre en œuvre des mécanismes permettant d'intégrer effectivement les Afro-Brésiliens, les autochtones et les membres d'autres groupes victimes de discrimination dans la société, affirme le rapport. Les conséquences de ce processus apparaissent dans le présent rapport et témoignent non seulement de l'existence du racisme au Brésil, mais aussi des effets cumulatifs qu'il a produits en entraînant l'inégalité économique et sociale. Les statistiques montrent que les caractéristiques raciales et l'origine jouent un rôle important dans la création des inégalités sociales et économiques au Brésil. Face à cette inégalité, l'État brésilien s'est employé à adapter le cadre juridique mis en place pour combattre le racisme et la discrimination, conformément aux dispositions de la Convention.

La Constitution fédérale de 1988 a érigé le délit de racisme en crime imprescriptible, non susceptible de libération sous caution et passible de réclusion, souligne le rapport. Les faits suivants, tirés de l'histoire récente, marquent des étapes importantes dans les efforts accomplis pour sensibiliser la société et le Gouvernement à la question du racisme: la création en 1995 du Groupe interministériel pour la promotion de la population noire; l'examen du contenu des manuels scolaires dans le but de prévenir la transmission de stéréotypes et d'introduire la question de la diversité dans les programmes d'études; la réalisation d'une recherche sur l'évolution et l'impact du racisme sur les indicateurs sociaux au Brésil; le lancement par le Gouvernement brésilien d'un programme visant à donner aux dernières communautés des descendants d'esclaves fugitifs (quilombos) des titres de propriété permanents pour les terres qu'elles occupent; l'inclusion de la question du racisme au nombre des priorités du Gouvernement. Moins d'un mois après la fin de la Conférence de Durban, le Brésil a créé le Conseil national de lutte contre la discrimination, rappelle le rapport. Il a pour mission principale de proposer et d'appliquer des politiques nationales de lutte contre la discrimination, précise-t-il. Le Gouvernement met également en œuvre un Programme national d'action positive visant à garantir le respect des principes de la diversité et du pluralisme dans l'attribution des postes de l'administration publique fédérale et dans la sous-traitance de services par les organismes gouvernementaux.

Les Noirs sont constamment victimes de discrimination lorsqu'ils veulent entrer dans une banque, affirme plus loin le rapport. Une discrimination s'exerce sur le lieu de travail, dans les lieux de loisirs, les bars et les restaurants, ajoute-t-il. Depuis 1995, un grand nombre de personnes soupçonnées de racisme ont été arrêtées, assure le rapport. En 1988, précise-t-il, la police a fait état de 389 incidents, classés comme délits de racisme, dans tout l'état de São Paulo; 254 ont donné lieu à une enquête. En 1990, poursuit le rapport, 44% de la population brésilienne (soit 63 millions de personnes) étaient pauvres; à la fin de la décennie, cette proportion était tombée à 32% (soit 54 millions de personnes).


Examen du rapport

M. Patrick Thornberry, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport brésilien, s'est notamment félicité des abondantes statistiques que contient ce rapport. La délégation affirme que les Noirs représentent 46,2% de la population totale alors que le taux d'identification à ce groupe, au sein de la population, n'est que d'un peu plus de 6%, a-t-il néanmoins relevé. Certes, le taux d'identification d'un groupe est toujours un peu plus faible que son taux réel de représentation dans la population, surtout dans le cas de groupes ayant été victimes de discrimination; mais ici, la différence est énorme, a constaté M. Thornberry.

M. Thornberry s'est par ailleurs félicité de l'invitation permanente qu'a adressée le Brésil à tous les mécanismes de droits de l'homme des Nations Unies.

Il semble exister au Brésil une discrimination qui a connu une sorte d'accumulation historique, a par ailleurs déclaré l'expert. Relevant que le rapport fait référence à la notion de juste discrimination (pour compenser l'inégalité de chances), M. Thornberry a affirmé que le terme de «discrimination» n'est certainement pas le plus approprié pour qualifier la notion visée.

Relevant que le rapport affirme que les actes racistes dans le pays ne sont pas isolés et font partie d'un mouvement organisé qui prend de l'ampleur, l'expert a souhaité savoir si la loi interdisait formellement les organisations néo-nazies.

M. Thornberry a noté que le rapport brésilien indique que le Congrès a été saisi d'un projet de loi «qui définit le statut juridique des étrangers au Brésil et prévoit d'autres mesures en vue de régulariser la situation des immigrants qui vivent dans le pays dans des conditions dégradantes, y compris ceux qui y travaillent dans des conditions qui équivalent à l'esclavage». Le rapporteur a souhaité en savoir davantage sur les personnes visées par ce dernier membre de phrase.

Malgré l'amélioration des indicateurs sociaux au Brésil ces dernières années, l'écart entre Blancs et Noirs n'a pas été réduit, a par ailleurs relevé l'expert.

M. Thornberry a souhaité en savoir davantage sur la situation en matière de déplacement de populations autochtones, eu égard, en particulier, aux possibilités d'expulsion de ces populations pour des raisons relevant de la souveraineté nationale.

Un autre expert s'est félicité que le Brésil ait accepté de reconnaître la compétence du Comité pour examiner des communications et que la Convention n°169 de l'OIT soit entrée en vigueur dans le pays. Ce même expert s'est toutefois inquiété de la persistance d'actes de violence et d'agression contre les Indiens, dont témoignent notamment des informations émanant d'Amnesty International.

Certains membres du Comité se sont félicités de la reconnaissance, par l'État brésilien, d'un droit de propriété définitif des quilombos sur les terres qu'ils occupent. Ces dernières années, en particulier depuis l'arrivée du Gouvernement actuel au Brésil, des mesures décisives ont vu le jour pour lutter contre la discrimination et les préjugés raciaux, a affirmé un autre membre du Comité.

La question des populations indiennes de l'Amazonie préoccupe le Comité au plus haut point, tout d'abord parce qu'il s'agit d'une question de culture intéressant des populations qui ont été l'embryon du Brésil et représentent donc un héritage culturel qui concerne l'identité même du Brésil, a souligné un expert.


En ce qui concerne le statut de la Convention dans le droit brésilien, la délégation a souligné que le Brésil s'inscrit dans la tradition moniste. Elle a ajouté que la loi sanctionne les crimes motivés par des préjugés de race ou de couleur, a rappelé la délégation. Au Brésil, le racisme institutionnel ou institutionnalisé est interdit. Le racisme est un crime inadmissible et imprescriptible au Brésil, a souligné la délégation.

Il convient de souligner que depuis 1985, le Brésil s'est doté d'une loi relative aux affaires civiles publiques qui vise à garantir les intérêts de différents groupes, des mesures de dédommagement étant prévues lorsque ces intérêts ont été lésés.

Il existe au Brésil des pratiques de préjugés non institutionnalisées qui se manifestent dans le domaine des relations interpersonnelles et prennent par exemple la forme d'insultes. Les sanctions éventuellement applicables aux auteurs de telles insultes dépendent de la manière dont ce phénomène se manifeste. Pour pouvoir faire l'objet de poursuites, il faut que l'acte fasse l'objet d'une déclaration dans les six mois, a précisé la délégation. Ainsi, de nombreux actes d'insultes raciales restent impunis, la clause d'imprescriptibilité ci-dessus mentionnée ne s'appliquant pas dans le cas d'insultes.

Le racisme ne constitue pas une circonstance aggravante générique pour les crimes d'atteinte corporelle ou d'homicide, a précisé la délégation.

Une loi de 1997 sanctionne spécifiquement la propagation du nazisme en tant qu'idéologie de supériorité raciale, a par ailleurs souligné la délégation.

En ce qui concerne la discrimination positive ou action affirmative, la délégation a affirmé expliqué, en réponse aux interrogations de certains membres du Comité, que la notion de juste discrimination (ou discrimination positive) correspond aux notions d'action affirmative ou de mesures temporaires spéciales telles qu'énoncées à l'article premier de la Convention. Il s'agit de mesures accordant un traitement différencié et avantageux à certains secteurs de la population qui traditionnellement font l'objet de discrimination, à savoir, dans le cas du Brésil, les personnes d'origine africaine, les autochtones et les femmes.

La délégation a reconnu qu'au Brésil, la race et la pauvreté sont des facteurs directement liées. L'incidence de la pauvreté est beaucoup plus forte parmi la population noire que parmi la population blanche, phénomène encore accentué par le critère de sexe, les femmes noires souffrant d'une exclusion sociale particulièrement prononcée, a précisé la délégation.

Au Brésil, le racisme est structurel et se développe en tant qu'héritage historique de l'esclavage, a poursuivi la délégation.

En 2004, a par ailleurs indiqué la délégation, seront organisées dans chaque État brésilien et dans le district fédéral des audiences qui trouveront leur point d'orgue dans une conférence nationale sur l'égalité raciale devant se tenir en 2005. L'objectif de ces audiences est de renforcer la prise de conscience de l'égalité raciale au plan national.

La délégation a attiré l'attention sur les efforts en cours pour promouvoir un Système unique de sécurité publique qui s'articule autour d'accords conclus entre le pouvoir fédéral, les États et les municipalités du Brésil. Dans le cadre de ce Système, seront mis en place des auditeurs (médiateurs) de police, chargés de contrôler les policiers, a précisé la délégation.

La délégation a par ailleurs souligné que le programme Faim Zéro vise prioritairement les autochtones, les quilombos et les personnes vivant en zone rurale.

Petit à petit, tous les citoyens brésiliens devraient être enregistrés sur les registres d'État civil, a en outre indiqué la délégation. En effet, on estime à 650 000 le nombre d'enfants qui naissent chaque année au Brésil sans être enregistrés, a-t-elle précisé. On estime par ailleurs à vingt millions le nombre total d'analphabètes, jeunes et adultes, au Brésil, les Noirs et les autochtones constituant le plus grand nombre d'entre eux. Or, les analphabètes ont une «capacité électorale passive» car ils ne peuvent pas être élus, a expliqué la délégation. C'est pourquoi le Gouvernement a engagé, depuis 2003, une action massive d'alphabétisation, sur quatre ans, a-t-elle fait valoir.

En ce qui concerne l'éducation, la délégation a rappelé que la responsabilité dans ce domaine est partagée entre le pouvoir fédéral, les États et les municipalités. Le Gouvernement fédéral est essentiellement chargé de l'enseignement supérieur, a-t-elle précisé. En outre, le secteur privé est très développé, a-t-elle ajouté. En ce qui concerne la situation des autochtones au regard de l'éducation, la délégation a notamment fait part des mesures prises par les autorités afin de promouvoir la formation initiale et continue de professionnels autochtones.

La délégation a assuré qu'au Brésil, la question des autochtones est traitée de manière de plus en plus transparente. Les autorités de l'Union fédérale sont notamment compétentes pour ce qui concerne la démarcation des terres des autochtones, a-t-elle précisé. Au Brésil, a-t-elle souligné, les terres des autochtones sont inaliénables; les droits sur ces terres sont imprescriptibles. La Constitution reconnaît en outre aux Indiens le droit d'être des parties légitimes pour défendre leurs intérêts devant la loi, a ajouté la délégation.

Les historiens estiment qu'en 1500, lorsque les Portugais débarquèrent sur les rivages du Brésil, la population autochtone qui se trouvait sur le territoire de l'actuel Brésil s'élevait à 4 ou 5 millions de personnes. En 1955, un anthropologue brésilien renommé calculait qu'il ne restait plus qu'entre 100 000 et 120 000 autochtones au Brésil, et ce, en dépit des efforts déployés par le Service de protection des Indiens qui avait été créé. Depuis, alors qu'on pensait en 1955 que la population autochtone brésilienne allait disparaître, on a assisté à un renversement de la tendance démographique, a fait valoir la délégation. En effet, d'après les données de la Fondation nationale des Indiens, le nombre d'autochtones brésiliens s'élèverait aujourd'hui à 410 000. L'Institut brésilien de géographie et de statistiques estime quant à lui leur nombre actuel à plus de 700 000. D'après les données les plus conservatrices - à savoir celles de la Fondation nationale des Indiens -, le taux annuel d'accroissement naturel de la population autochtone serait de 3,5%, soit un taux bien supérieur à celui de la population brésilienne globale, a précisé la délégation.

Selon le projet du Gouvernement fédéral, sur les 8,76 millions de kilomètres carrés que couvre le territoire du Brésil, un million de kilomètres carrés sera, d'ici 2007, constitué de terres autochtones dûment délimitées, a par ailleurs indiqué la délégation. La démarcation des terres autochtones prévue dans la Constitution sera alors achevée. Les terres autochtones sont réparties sur tout le territoire national et non pas seulement en Amazonie, a précisé la délégation.

Le Gouvernement de Luis Ignacio «Lula» da Silva est donc en train de mettre en œuvre une politique de protection des autochtones qui est soutenue par l'immense majorité de la population brésilienne, a fait valoir la délégation. Lors d'un sondage réalisé en 2000, 70% de la population brésilienne se disait favorable à la cause autochtone, a précisé la délégation.

Le Brésil doit faire face à des manifestations de formes de travail équivalant à des formes contemporaines d'esclavage, a poursuivi la délégation. Ces formes contemporaines d'esclavage touchent surtout des travailleurs ruraux amenés, sous des contrats fallacieux, dans des grandes entreprises agricoles où ils vivent en isolement total et où ils sont soumis à la servitude pour dettes. Ces pratiques sont passibles de peine de deux à huit années d'emprisonnement, a précisé la délégation. Ainsi, plus de 100 ans après l'abolition de l'esclavage au Brésil (1888), l'exploitation d'une main-d'œuvre soumise à des conditions analogues à l'esclavage persiste dans ce pays, a déploré la délégation, ajoutant que le Brésil est loin d'être le seul pays à être victime de telles pratiques. D'après certains calculs, 25 000 personnes seraient soumises à des conditions analogues à l'esclavage au Brésil, a-t-elle précisé, reconnaissant que cette situation était inadmissible. Le Président Lula da Silva a donc lancé en 2003 un plan national d'élimination du travail analogue à l'esclavage à l'horizon 2006. La délégation a précisé que le Congrès est actuellement saisi d'un projet de loi qui envisage de déclarer comme crime imprescriptible l'engagement de travailleurs dans des conditions similaires à l'esclavage et prévoit des peines de quatre à huit d'emprisonnement ainsi que des amendes.

En 2003, a souligné la délégation, le Gouvernement fédéral a libéré environ 5 400 travailleurs qui étaient réduits à des conditions analogues à l'esclavage, soit davantage que le nombre total de travailleurs libérés durant la période 1994-2002, ce qui témoigne de la très haute priorité que l'État brésilien accorde à l'éradication de ces pratiques.

Le Brésil est le premier pays qui se présente devant le Comité en reconnaissant que des pratiques analogues à l'esclavage existent sur son territoire, alors que de telles pratiques existent dans nombre d'autres pays, s'est félicité un membre du Comité. De nombreux experts ont félicité la délégation pour la franchise avec laquelle elle a abordé cette question, comme d'autres.
En ce qui concerne la situation des Gitans au Brésil au regard de l'enregistrement des naissances et de l'accès à l'éducation, la délégation a rappelé que la Constitution (article 5) énonce que, l'enregistrement civil des naissances et les certificats de décès sont gratuits pour les personnes à faible revenu. Les autorités brésiliennes ont donc engagé une série de mesures visant à assurer, dans la pratique, le respect de cette disposition constitutionnelle qui, il est vrai, n'est pas encore pleinement appliquée. En ce qui concerne l'accès à l'éducation pour la population gitane, il faut rappeler que la Constitution exige de l'État qu'il garantisse à tous un enseignement de base obligatoire et gratuit. Ces dispositions s'appliquent bien entendu aussi aux Gitans, a souligné délégation. Il n'y a pas de question gitane au Brésil, contrairement à ce qui peut être le cas dans d'autres pays, a-t-elle assuré. Il y a au Brésil la question des personnes d'ascendance africaine et la question des autochtones, mais il n'y a pas de question gitane, a insisté la délégation.



Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires sur ce rapport, le rapporteur du Comité pour le Brésil, M. Patrick Thornberry, a remercié la délégation pour le rapport très détaillé, réfléchi et autocritique qu'elle a présenté. Faisant notamment référence à la question de la discrimination positive, il a souligné qu'il n'est pas nécessaire d'adopter toutes les terminologies de la Convention pour en appliquer les dispositions; l'important est de comprendre la substance de cet instrument. Le développement et le progrès n'amènent pas obligatoirement l'extinction des cultures; les relations entre races peuvent être améliorées et tout dépend dans ces domaines de la philosophie que privilégient les autorités. D'où le grand intérêt du Comité pour ce qui se passe actuellement au Brésil, où des changements sont en cours. Un cercle vertueux pourrait être créé sur la base de ce qui pourrait se passer au Brésil, a estimé M. Thornberry. Le moment est bon pour le pays et nombreux sont ceux, à l'extérieur, qui observent ce qui s'y passe, a-t-il souligné.

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