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Examen du Brésil au Comité des droits économiques, sociaux et culturels : des experts évoquent les droits fonciers des peuples autochtones, des inégalités économiques et des violences envers les défenseurs des droits de l’homme
29 septembre 2023
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et cet après-midi, le troisième rapport du Brésil au titre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Au cours de cet examen, un expert a relevé des trajectoires positives dans le pays en matière de droits économiques, sociaux et culturels, et de droits de l'homme en général, planifiées ou mises en œuvre par la nouvelle administration. En effet, avec l’arrivée d’un nouveau Gouvernement en 2023, de nouvelles instances ont été créées au sein de l'exécutif, dédiées, notamment, aux femmes et à la population noire, a relevé le même expert.
L’accent a été mis, pendant l’examen, sur la déforestation de l’Amazonie, l’exploitation minière illégale et la violation des droits fonciers des peuples autochtones. Depuis 2020, 35 autochtones ont été tués dans des conflits fonciers, tandis que les incursions illégales dans les territoires autochtones ont augmenté de 252% sous l’ancienne administration, a fait remarquer un expert. Il a noté avec satisfaction le plan présenté par le nouveau Président Lula da Silva, en juin 2023, pour protéger la forêt amazonienne en prévoyant des sanctions plus sévères en cas d’exploitation forestière illégale, et d’autres mesures en faveur de la régularisation de terres appartenant aux peuples autochtones et aux communautés quilombolas.
Cependant, de nombreux processus de démarcation des terres autochtones durent depuis de nombreuses années, générant un contexte d'insécurité juridique avec de graves conséquences sur les droits des groupes concernés, y compris leur droit à la vie. Il a été rappelé que Maria Bernadete Pacifico, représentante des quilombolas, avait été assassinée le 17 août 2023.
Par ailleurs, un expert a fait état d’allégations relatives à l’augmentation du nombre de meurtres, d’attaques violentes et des menaces à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme au Brésil, avec 114 cas de violences politiques enregistrées au cours du premier semestre 2023.
Autres sujets d’inquiétude mentionnés par les experts, le « vaste secteur informel » qui constitue 40% du marché de l’emploi national, une discrimination en matière salariale, la persistance d’inégalités économiques et de la pauvreté, ou encore le fait que plus de dix millions de jeunes sont sans emploi au Brésil. Le Comité est cependant conscient, a tenu à nuancer une experte, que le Gouvernement actuel agit pour inverser des politiques régressives adoptées entre 2016 et 2022.
Présentant le rapport de son pays, Mme Rita Cristina de Oliveira, Secrétaire exécutive du Ministère des droits de l’homme et de la citoyenneté au Brésil, a d’emblée indiqué que le rapport [soumis en 2020] ne présentait pas la réalité du Gouvernement actuel. La volonté du nouveau Gouvernement est en effet de reconstruire les politiques sociales brésiliennes et surtout de réintégrer les populations en grande précarité qui ont été ignorées.
Mme De Oliveira a énuméré un certain nombre de mesures prises par le nouveau Gouvernement, telles que le plan « Brésil sans faim », qui contient quatre-vingts mesures pour réduire la faim dans le pays d’ici à 2030 ; le programme intitulé « Mon logement, ma vie » pour le droit à un logement convenable ; ou encore le programme en cours d’élaboration pour les personnes vivant dans la rue.
Le Gouvernement, a dit Mme De Oliveira, a également lancé de vastes chantiers pour permettre aux personnes âgées de bénéficier d’une prise en charge généralisée ou encore pour placer les droits des personnes LGBTQI+ au cœur des politiques publiques. Enfin, des programmes de protection en faveur des défenseurs des droits de l’homme sont en cours de discussion.
Outre Mme de Oliveira et plusieurs de ses collaborateurs au Ministère des droits de l’homme et de la citoyenneté, la délégation était composée de nombreux représentants des Ministères des affaires étrangères ; des peuples autochtones ; du développement, de l’assistance sociale et de la famille ; de l’éducation ; de l’égalité raciale ; du développement agraire ; de la culture ; de la sécurité sociale ; de la femme ; et de la santé. Le pouvoir judiciaire était aussi représenté.
Pendant le dialogue avec le Comité, la délégation a précisé, notamment, que le nouveau Gouvernement procédait à une révision complète du régime des droits fonciers des populations autochtones. La Fondation nationale de l'Indien (FUNAI) a formé des groupes techniques chargés de délimiter les territoires autochtones et quilombolas dans toutes les régions du pays, et un dispositif est actuellement en place pour délivrer des titres de propriétés aux membres de la communauté quilombola, a-t-elle ajouté.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport Brésil et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 13 octobre prochain.
Lundi 2 octobre à 10 heures, le Comité entamera l’examen le rapport de la France.
Examen du rapport du Brésil
Le Comité est saisi du troisième rapport périodique du Brésil (E/C.12/BRA/3) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.
Présentation du rapport
Présentant le rapport, Mme RITA CRISTINA DE OLIVEIRA, Secrétaire exécutive du Ministère des droits de l'homme et de la citoyenneté du Brésil, cheffe de la délégation brésilienne, a indiqué d’emblée que ce document [soumis en 2020] ne présentait pas la réalité du Gouvernement actuel. La volonté du nouveau Gouvernement est en effet de reconstruire les politiques sociales brésiliennes et surtout de réintégrer les populations en grande précarité qui ont été ignorées. Le Brésil dispose pour cela d’un des systèmes de protection sociale les plus avancés, a dit Mme De Oliveira, qui a déploré que la COVID-19 ait malgré cela coûté la vie à environ 700 000 Brésiliens.
En 2022, le Brésil a malheureusement retrouvé sa place sur la Carte de la faim du Programme alimentaire mondial, a regretté Mme De Oliveira. Elle a mentionné un nouveau plan intitulé « Brésil sans faim », qui contient quatre-vingts mesures pour réduire la faim dans le pays d’ici à 2030. S’agissant du droit à un logement convenable, le Gouvernement actuel a restructuré le programme intitulé « Mon logement, ma vie ». Un nouveau plan a également été lancé pour les personnes vivant dans les rues : pour l’élaborer, le Gouvernement a procédé à un diagnostic qui a montré que la population concernée est généralement composée de jeunes hommes, noirs, souffrant parfois d’un handicap, et dont le nombre a considérablement augmenté entre 2016 et 2022. Par ailleurs, un recensement complet de la population est en cours d’élaboration, a dit Mme De Oliveira.
La cheffe de la délégation a énuméré d’autres mesures prises par le nouveau Gouvernement du Président Lula, telles que la création d’une commission nationale chargée d’éliminer l’esclavage et l’adoption de lois pour garantir l’égalité de genre, l’égalité salariale et pour fixer des quotas relatifs à l’emploi des personnes noires. Un programme a également été lancé pour permettre aux personnes âgées de bénéficier d’une prise en charge généralisée. Les droits des personnes LGBTQI+ sont également au cœur des politiques brésiliennes, notamment pour leur permettre de surmonter les obstacles dans leurs démarches auprès des services publics ou pour accéder au monde du travail.
De plus, un groupe technique élabore une nouvelle politique pour consolider les programmes en faveur des défenseurs des droits de l’homme. À cet égard, Mme de Oliveira a rendu hommage à la défenseuse Maria Bernadete Pacifico, représentante quilombola, assassinée récemment à son domicile.
Concluant son propos, la cheffe de la délégation a réaffirmé les engagements pris par le Président Lula en faveur de l’environnement et de la lutte contre les changements climatiques, ainsi que pour réduire la déforestation en Amazonie.
Questions et observations des membres du Comité
M. MICHAEL WINDFUHR, rapporteur du groupe de travail chargé de l’examen du rapport du Brésil, a remarqué que le nouveau Gouvernement élu était au pouvoir depuis janvier 2023 seulement et qu’une grande partie du rapport concernait des politiques antérieures à cette date.
Les membres du Comité, a ajouté M. Windfuhr, constatent une jurisprudence limitée relative à l’application des dispositions du Pacte au Brésil. La délégation a été invitée à détailler les mesures prises pour favoriser l’invocation des dispositions du Pacte dans les procédures judiciaires au Brésil, en particulier en ce qui concerne les personnes vivant en milieux défavorisés ou marginalisés, y compris les communautés noires. M. Windfuhr a admis que l’application du Pacte dans un pays fédéral aussi vaste que le Brésil pouvait constituer un défi.
M. Windfuhr a ensuite déploré la déforestation de l’Amazonie, l’exploitation minière illégale et la violation des droits fonciers des peuples autochtones. Depuis 2020, au moins 35 autochtones ont été tués dans des conflits fonciers, tandis que les incursions illégales dans les territoires autochtones ont augmenté de 252% sous l’administration Bolsonaro, selon les informations en possession du Comité. L’expert a noté avec satisfaction le plan présenté en juin 2023 visant à protéger la forêt amazonienne et prévoyant des sanctions plus sévères en cas d’exploitation forestière illégale. L’expert s’est aussi enquis des dispositions envisagées pour prévenir et réprimer les exploitations minières illégales.
M. Windfuhr a aussi mis l’accent sur la communauté afro-brésilienne quilombola et ses droits fonciers. La discrimination et la violence sont fréquentes contre cette communauté, dont une représentante, Maria Bernadete Pacifico, a été assassinée à son domicile le 17 août 2023. L’expert a demandé à la délégation les mesures prises pour accélérer l'attribution de titres de propriété foncière aux Quilombolas.
M. Windfuhr s’est également inquiété d’allégations relatives à une augmentation du nombre des meurtres, des attaques violentes et des menaces à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme au Brésil. Le Brésil, a-t-il dit, est le quatrième pays avec le plus grand nombre de défenseurs des droits humains tués, avec 114 cas de violence politique enregistrés au cours du seul premier trimestre 2023. La concentration des terres entre les mains de quelques-uns est la principale cause des conflits agraires dans toutes les régions du Brésil et est responsable des taux élevés de violence dans les zones rurales, a estimé l’expert.
M. Windfuhr s'est toutefois félicité qu’avec le changement de gouvernement en 2023, de nouvelles instances ont été créées au sein de l'exécutif, dédiées, notamment, aux femmes et à la population noire. Toutefois, ces départements sont confrontés à des problèmes budgétaires qui entravent leur bon fonctionnement, a dit l’expert.
En 2022, le Brésil est revenu sur la « Carte de la faim » du Programme alimentaire mondial, dont il était sorti en 2014 après des décennies d'efforts intégrés entre différentes entités gouvernementales : quelque 61 millions de personnes sont aujourd’hui confrontées à une forme ou une autre d'insécurité alimentaire, a déploré l’expert, qui a souhaité connaître les mesures prises par le Gouvernement à cet égard.
M. SEREE NONTHASOOT, membre du groupe de travail chargé de l’examen du rapport du Brésil, a noté que le rapport périodique, attendu 2014, n’avait été soumis qu’en 2020, en raison notamment de la pandémie et des élections générales dans le pays. L’expert a mentionné des trajectoires positives au Brésil en matière de droits économiques, sociaux et culturels, et de droits de l'homme en général, planifiées ou mises en œuvre par la nouvelle administration.
Cela étant, a ajouté l’expert, selon les données reçues par le Comité, plus de dix millions de jeunes au Brésil sont sans emploi. Autre sujet de préoccupation, le « vaste secteur informel » constitue 40% du marché de l'emploi national et les femmes y prédominent. Notant avec satisfaction la mise en œuvre de mesures pour améliorer les opportunités d'emploi pour les groupes minoritaires, l’expert a souhaité connaître les raisons pour lesquelles ce train de mesures doit se terminer l'année prochaine et ce que le Brésil prévoit pour le remplacer.
M. Nonthasoot a aussi demandé quelles mesures le Gouvernement avait prises pour mettre fin à la discrimination en matière salariale et à certaines formes modernes d’esclavage au Brésil.
Mme JULIETA ROSSI, membre du groupe de travail chargé de l’examen du rapport du Brésil, a, elle aussi, fait part de ses préoccupations quant à l’augmentation des chiffres de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire au Brésil, même si, a-t-elle dit, le Comité est conscient que le Gouvernement actuel agit pour inverser les politiques régressives adoptées entre 2016 et 2022.
Par ailleurs, a poursuivi l’experte, le Comité reconnaît le changement de position du nouveau Gouvernement sur la démarcation et la régularisation des terres des peuples autochtones et des communautés quilombolas. Cependant, de nombreux processus de démarcation durent depuis de nombreuses années, générant un contexte d'insécurité juridique avec de graves conséquences sur les droits des groupes concernés, y compris leur droit à la vie. Elle a demandé à la délégation de détailler les mesures mises en œuvre pour protéger immédiatement les territoires autochtones et quilombolas de l'avancée de l'agro-industrie et des activités extractives.
Mme Rossi a fait part d’autres préoccupations relatives au travail des enfants, y compris les enfants en situation de rue ; et mis en garde contre un manque de données statistiques qui se traduit par des politiques publiques inadéquates.
M. ASLAN ABASHIDZE, également membre du groupe de travail chargé de l’examen du rapport du Brésil, a souligné que, selon la Constitution du Brésil, l’éducation est un droit fondamental qui doit être garanti à tous les citoyens « par le Gouvernement et par la famille ». L’expert s’est interrogé sur le degré d’implication de la famille en matière d’éducation, et sur ses droits et obligations dans ce domaine. Il a également relevé une précarité dans les infrastructures scolaires et s’est interrogé sur les salaires des enseignants ainsi que les moyens financiers alloués à l’éducation.
Un autre expert du Comité a mentionné des violations des droits de l’homme commises par des entreprises brésiliennes, y compris des discriminations à l’encontre de personnes autochtones, d’ascendance africaine, LGBT et des personnes réfugiées, et l’absence de réparation pour les victimes. L’expert a souhaité connaître les prochaines étapes en vue de l’adoption d’une législation relative au respect des droits de l’homme par les entreprises.
Il a été demandé quels étaient les effets de la dette extérieure du Brésil sur les répartitions budgétaires internes. Une experte a fait observer qu’une évaluation précise de l’impact de la dette permettrait de connaître ses répercussions sur les droits de l’homme et, notamment, de s’assurer que cela n'empêche pas le Brésil d’honorer ses obligations au titre du Pacte.
Des inquiétudes ont été émises exprimées concernant le pourcentage élevé de personnes – afrodescendantes en général – vivant en dessous du seuil de pauvreté au Brésil. Les femmes noires âgées sont particulièrement touchées par la pauvreté et accèdent difficilement à la santé, a-t-il été relevé.
Une experte a demandé à quelles causes l’État attribuait les inégalités économiques persistantes au Brésil. Elle a fait remarquer que le programme Bolsa Familia, s'il a effectivement sorti de nombreuses personnes de la pauvreté, n'a cependant pas permis de réduire sensiblement le problème des inégalités au Brésil, à en croire les données disponibles.
Des experts ont encore fait état de discriminations à l’encontre des populations tsiganes, et relevé que l’inégalité entre les sexes restait une préoccupation majeure au Brésil, au détriment en particulier des femmes appartenant à des groupes marginalisés, des femmes autochtones, des femmes d’ascendance africaine, des femmes déplacées et des femmes handicapées.
Réponses de la délégation
Concernant les communautés traditionnelles et les conflits fonciers, la délégation a indiqué que le Gouvernement procédait actuellement à une révision du régime des droits fonciers des populations autochtones. La Fondation nationale de l’Indien (FUNAI) a formé 32 groupes techniques chargés de délimiter les territoires autochtones dans toutes les régions du pays. Des progrès ont été réalisés en ce qui concerne la délimitation officielle des terres autochtones et quilombolas. À cet égard, la délégation a précisé qu’un nouveau programme visait à fournir des titres de propriété aux membres de la communauté quilombola.
Le Ministère des peuples autochtones est compétent pour la coordination des politiques publiques et la FUNAI est chargée de l'exécution des politiques publiques. Le Ministère supervise les activités de la FUNAI, a précisé la délégation.
S’agissant des défenseurs des droits de l’homme, des équipes ont été formées et des budgets supplémentaires ont été alloués pour leur permettre de poursuivre leur travail et leurs activités.
Les nouvelles politiques environnementales ont pour objectif de préserver, conserver et mettre en valeur la biodiversité. Un nouveau plan relatif à la déforestation vise à réduire à zéro le déboisement d’ici à 2030. Une nouvelle politique publique en matière agraire a également vu le jour. Le précédent gouvernement n’avait prévu aucune mesure pour protéger les terres agricoles, autrement dit il n’existait aucun plan national de réformes agraires et aucune ressource n’étaient allouées à ce secteur, a dit la délégation : elle a précisé que le Gouvernement actuel était en train de réviser toutes ces politiques.
La délégation a aussi indiqué qu’un projet était en cours pour cartographier la population tsigane et évaluer ses besoins. L’objectif, a précisé la délégation, est de lui venir en aide et un budget a d’ores et déjà été alloué. De plus, trois ministères devraient participer à l’élaboration d’un programme pour les Tsiganes.
Le nouveau Gouvernement favorise l’intégration des migrants, a poursuivi la délégation, qui a détaillé certaines mesures prises à cet égard par le Ministère de la justice et de la sécurité publique, en particulier l’adoption de procédures administratives pour régulariser les migrants dans des délais raisonnables ; l’adoption de procédures simplifiées pour les personnes LGBTQI+ ; ou encore l’assistance humanitaire pour les migrants et réfugiés arrivés du Venezuela.
Concernant le droit à un travail décent, il a été précisé qu’un programme venait d’être adopté pour encourager la conduite responsable des entreprises. Le service de l’inspection du travail contribue à l’instauration de conditions de travail décentes au Brésil. D’autres mesures sont prises contre l’esclavage, contre le travail des enfants, pour la protection des travailleurs domestiques ou encore pour l’intégration des personnes handicapées dans le marché du travail.
Afin de réduire le taux de chômage, le Ministère de l’emploi élabore un programme de qualification sociale professionnelle pour augmenter l’accès à l’emploi. En outre, le Ministère du travail et de l’emploi propose des actions concrètes pour donner aux personnes LGTBQI+ un accès facilité au monde du travail.
De plus, le Président Lula a fait adopter une loi sur l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Si le Brésil applique le principe selon lequel « à travail égal salaire égal », a précisé la délégation, de nombreuses discriminations doivent encore être combattues. En effet, les femmes au Brésil touchent en moyenne 78% du salaire des hommes, une part qui descend même à moins de 50% pour les femmes noires. Par ailleurs, les travailleuses à domicile vivent dans des conditions précaires et souffrent davantage du caractère informel de leur emploi que les hommes.
La délégation a ensuite précisé que le Président Lula avait rétabli le Ministère de la prévoyance sociale, Ministère dont l’action a permis de réduire le nombre de personnes en situation de pauvreté de 29 millions. En 2021, 70% de la population active était protégée par un régime de prévoyance sociale, mais avec une disparité entre les régions et les communautés. De même, le taux de couverture sociale des personnes de plus de 60 ans s’élève à 80%, mais là aussi avec des disparités entre les régions et des communautés. La délégation a fait savoir que l’assistance sociale avait joué un rôle crucial dans la protection des plus vulnérables au cours de la pandémie.
La lutte contre la pauvreté est une priorité du nouveau Gouvernement, a assuré la délégation. Entre 2020 et 2021, l’augmentation de la pauvreté a atteint 22%, un niveau inédit. La nouvelle politique de salaire minimum est importante en ce qu’elle permet à la population de maintenir son pouvoir d’achat, tout en favorisant la croissance économique. Le Gouvernement veut encourager un paradigme de croissance économique plus juste et respectueuse de l’environnement, a indiqué la délégation.
Cent jours après l’entrée en fonction du Président Lula, l’équivalent d’1,2 milliard de dollars a été débloqué pour l’adoption de mesures sociales, a ajouté la délégation.
Les inégalités économiques au Brésil, a expliqué la délégation, sont dues en partie à l’absence de politique à long terme en matière de réforme agraire, ainsi qu’au manque d’investissements dans le logement, la santé, l’éducation et la sécurité sociale. Le budget de 2024 prévoit donc des financements supplémentaires dans ces trois derniers domaines, de même que d’autres investissements socio-économiques. Parallèlement, une réforme fiscale est sur les rails, prévoyant une taxation plus élevée des contribuables riches et des sociétés off-shore, de même qu’une amélioration de la collecte des impôts.
La couverture de santé s’applique à toutes les personnes âgées ayant ou non cotisé au régime d’assurance sociale, a précisé la délégation. Le Gouvernement – dans son plan pluriannuel – a prévu d’augmenter les prestations de la prévoyance sociale.
Pour la première fois dans l’histoire du Brésil, s’est enorgueillie la délégation, un Ministère de la femme a été créé pour formuler des politiques publiques, notamment en faveur des femmes en milieu rural, des femmes handicapées et des femmes quilombolas, de même que pour élaborer des politiques en vue de lutter contre les violences faites aux femmes et de combattre le harcèlement dont elles sont victimes.
Par ailleurs, bien que le Brésil soit reconnu comme un pays multiracial et multiethnique, il reste nécessaire de garantir la diversité au sein du système judiciaire brésilien, a admis la délégation. « Face au caractère structurel bien connu du racisme qui afflige la société », a-t-elle ajouté, le Conseil national de la justice a lancé, en novembre 2022, le Pacte judiciaire national pour l’équité raciale. Le Pacte, qui consiste en l’adoption d’actions positives et correctives dans toutes les sphères de la justice, est soutenu par cent pour cent des tribunaux brésiliens, a dit la délégation, précisant que la mise en œuvre de politiques transversales de lutte contre les inégalités d'accès à la justice, mettant l'accent sur la jouissance des droits sans discrimination, est une préoccupation centrale du pouvoir judiciaire.
S’agissant du travail des enfants, la délégation a indiqué qu’au premier semestre 2023, 1400 enfants et adolescents avaient été retirés du travail et réorientés vers l’école ou des structures telles que l’assistance sociale et l’apprentissage professionnel. Il a, en outre, été rappelé qu’en 2011, un programme avait été élaboré pour lutter contre le travail des enfants et des adolescents, puis que des actions concrètes en faveur de la prévention et de l’élimination du travail des enfants avaient vu le jour en 2013.
La délégation a fait savoir que le nouveau Gouvernement avait adopté des mesures afin d’encourager la prévention, la médiation et la résolution des conflits fonciers. Des structures ont été créées afin de mieux prévenir et remédier aux conflits fonciers collectifs. Ainsi, une nouvelle commission est chargée de remédier aux conflits sociaux et environnementaux dans les zones rurales, un comité intersectoriel étant en même temps chargé de la médiation des conflits fonciers dans les zones urbaines.
L'éradication des formes modernes d'esclavage est une autre priorité du Gouvernement brésilien, a en outre précisé la délégation. Au cours du premier semestre 2023, 1201 travailleurs ont été sauvés de conditions proches de l’esclavage.
Après l’assassinat politique de Maria Bernadete Pacifico, le Bureau du Médiateur du Ministère de la femme a recommandé aux organismes concernés d'orienter leurs actions dans une perspective de genre, ce qui est important pour donner de la visibilité aux caractéristiques particulières de la violence subie par les défenseurs des droits humains.
Le « groupe politique qui a perdu les élections » au Brésil n’a pas entièrement disparu, a fait observer la délégation, rappelant la tentative de coup d’État commise huit jours après l’entrée en fonction du nouveau Gouvernement. Après ces événements, le Gouvernement a créé un groupe de travail chargé de faire des propositions en matière de lutte contre le discours de haine, entre autres.
Remarques de conclusion
M. WINDFUHR a remercié la délégation pour ce dialogue constructif et le Brésil pour son engagement dans la mise en œuvre de la Convention. De nombreuses mesures très intéressantes ont été prises. Le pays avait énormément progressé et doit désormais tout reprendre presque à zéro, a constaté M. Windfuhr. Il a également mis l’accent sur les consultations qui ont repris entre la société civile et le Gouvernement brésilien. Le rapporteur a encouragé la délégation à prendre au sérieux les observations finales, qui constituent le début d’un dialogue plus constructif à long terme.
MME DE OLIVEIRA a dit que, pendant les longs mois qui ont précédé le dialogue avec le Comité, la délégation et le Gouvernement brésilien n’ont pu que constater l’état dans lequel se trouvait le pays et la société brésilienne, revenus plusieurs années en arrière. Les questions posées par les membres du Comité offrent de nouvelles perspectives et permettront de mieux étayer le travail du Gouvernement. Mme De Oliveira a salué la société civile et ses représentants, notant que les rapports qu’ils fournissent permettent de faire avancer les droits économiques, sociaux et culturels.