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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DES ÉTATS-UNIS

22 Février 2008



Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

22 février 2008



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport des États-Unis sur la mise en œuvre, par ce pays, des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Au cours du débat, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport des États-Unis, M. Linos-Alexandre Sicilianos, s'est inquiété de ce que la preuve du caractère intentionnel de la discrimination s'impose pour que des poursuites pour discrimination raciale puissent être engagées à l'encontre d'agents publics. Il a par ailleurs fait mention d'un rapport alternatif émanant d'organisations non gouvernementales dans lequel ces dernières insistent sur le fait que depuis le 11 septembre 2001, la communauté immigrante et réfugiée aux États-Unis est en butte à un éventail de violations systématiques de ses droits de l'homme. M. Sicilianos s'est par ailleurs inquiété de ce que le pays semble avoir choisi de réglementer le profilage racial au lieu d'y mettre un terme. La ségrégation résidentielle des Afro-américains et des Hispaniques reste une caractéristique marquée de la discrimination raciale et sociale aux États-Unis, a par ailleurs relevé M. Sicilianos. La réalité est que les peuples dits «de couleur» sont surreprésentés dans la population carcérale des États-Unis, a-t-il ajouté.

Présentant le rapport de son pays, M. Warren Tichenor, Représentant permanent des États-Unis auprès des Nations Unies à Genève, a expliqué que les États-Unis sont une démocratie multiraciale et multiethnique dynamique dans laquelle les individus ont le droit d’être protégés contre la discrimination fondée notamment sur la race, la couleur et l’origine nationale dans pratiquement tous les aspects de la vie sociale et économique. La Constitution et les lois fédérales interdisent la discrimination dans un large éventail de domaines, a-t-il souligné. Tout en reconnaissant que beaucoup reste à faire, il a fait remarquer que son pays a fait des progrès significatifs dans l’amélioration des relations raciales et continue d’œuvrer dans ce but.

Plusieurs membres de la délégation des États-Unis ont ensuite répondu à une liste de questions écrites du Comité préalablement adressée au pays.

La délégation des États-Unis était également composée, entre autres, de représentants du Département de l’intérieur, du Département de la justice, du Département du travail, du Département d’État (affaires étrangères), du Département de la sécurité nationale, de la Commission de l’égalité des chances et de la Mission permanente des États-Unis auprès de l’Office des Nations Unies à Genève.

La délégation a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, la surreprésentation de certains groupes dans le système de justice pénal et dans les prisons; la détention des mineurs et l'imposition de peines de prison à perpétuité à leur encontre; les mesures prises pour réglementer le profilage racial; la politique d'immigration; les questions autochtones; l’éventuelle participation des États-Unis à la Conférence d'examen de Durban; ou encore la pratique consistant à retirer le droit de vote aux personnes accusées de crimes graves.


Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport des États-Unis, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 7 mars 2008.

Cet après-midi et lundi matin, le Comité examinera à huis clos des communications individuelles (plaintes). Lundi après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Belgique (CERD/C/BEL/15).


Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. WARREN TICHENOR, Représentant permanent des États-Unis auprès des Nations Unies à Genève, s’est réjoui de l’opportunité offerte à sa délégation d’engager un dialogue avec les membres du Comité sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention aux États-Unis et, plus largement, sur les activités qui peuvent être déployées pour lutter contre la discrimination raciale. Il a souligné que la taille, la composition et le niveau de sa délégation, ainsi que les efforts intenses consentis pour la préparation du rapport, témoignaient du sérieux avec lequel le Gouvernement remplit ses obligations en vertu de la Convention.

Il a expliqué que les États-Unis sont une démocratie multiraciale et multiethnique dynamique dans laquelle les individus ont le droit d’être protégés contre la discrimination fondée notamment sur la race, la couleur et l’origine nationale dans pratiquement tous les aspects de la vie sociale et économique. La Constitution et les lois fédérales interdisent la discrimination dans un large éventail de domaines, a-t-il souligné. Tout en reconnaissant que beaucoup reste à faire, il a fait remarquer que son pays a fait des progrès significatifs dans l’amélioration des relations raciales et continue d’œuvrer dans ce but.

Poursuivant cette présentation, MME GRACE BECKER, Attorney General adjointe par intérim à la Division des droits civils du Département de la justice des États-Unis, a expliqué que la Constitution américaine garantit qu’aucun pouvoir public ne peut commettre d'actes de discrimination raciale contre des personnes, des groupes de personnes ou des institutions et que cette interdiction s’applique à tous les niveaux de gouvernement - de la municipalité au Gouvernement fédéral - ainsi qu’à toutes les autorités et institutions publiques. Elle a présenté la Division des droits civils du Département de la justice en précisant que cette Division qui est chargée de mettre en œuvre les lois fédérales relatives aux droits civils. Cette Division fait partie des nombreuses institutions gouvernementales oeuvrant à la lutte contre la discrimination, a-t-elle précisé. Mme Becker a notamment fait part du lancement, l'an dernier, d’une initiative destinée à faciliter, sur l'ensemble du territoire, les enquêtes sur des faits ou menaces racistes.

Entamant les réponses de sa délégation à une liste de questions écrites du Comité préalablement transmise aux États-Unis, Mme Becker a indiqué que selon les données disponibles pour 2003, la population des États-Unis était alors composée de 88,3% de natifs, 4,5% de citoyens naturalisés et de 7,2% de non-citoyens. Elle a en outre assuré qu’il existe des systèmes de protection importants au bénéfice des étrangers qui se trouvent sur territoire américain, et ce, indépendamment de leur statut d’immigration. Nombre des protections dont jouissent ces personnes sont les mêmes que celles offertes aux citoyens américains, a-t-elle précisé.

Interrogée sur les mesures adoptées pour lutter contre le profilage racial, la délégation, par la voix de Mme Becker, a expliqué qu’en sus des protections constitutionnelles existantes, l’Administration actuelle des États-Unis a été la première à publier des directives sur le profilage racial pour les agents fédéraux responsables de l'application des lois. De plus, les États-Unis luttent contre le profilage racial en suspendant l’octroi de fonds aux agences qui se livrent à de telles pratiques.

Mme Becker a ensuite assuré que son pays partage les préoccupations du Comité s’agissant de la concentration de minorités raciales, ethniques et nationales dans certains quartiers pauvres. Elle a indiqué que la Division des droits civils et le Ministère du logement et du développement urbain ont mis en place plusieurs textes législatifs visant à combattre la discrimination en matière de logement. Le Ministère du logement comprend une division chargée de recevoir les plaintes et d’enquêter sur les cas portés à son attention, a précisé Mme Becker.

S’agissant des moyens mis en œuvre pour punir les crimes de haine, Mme Becker a souligné que 47 États sur les 50 que comptent les États-Unis ont des lois condamnant de tels crimes. La poursuite des auteurs de tels crimes est une priorité du Département de la justice, a-t-elle assuré, avant de préciser que ce même Département a, depuis le 11 septembre 2001, mené des enquêtes sur plus de 800 cas impliquant des personnes semblant être d’origine arabe, musulmane, sikhe ou sud-asiatique.

Mme Becker a ensuite assuré que les États-Unis sont résolus à assurer une justice égale pour tous et interdisent toute discrimination dans l’administration de la justice qui soit basée sur la race, la couleur ou l’origine. Elle a affirmé que les raisons des disparités raciales qui peuvent être observées dans le système de justice pénal sont complexes. Elle a en outre souligné que les données récentes montrent que le taux de croissance de l'incarcération des Afro-américains a été inférieur à celui des Blancs et des Hispaniques, ce qui constitue selon elle un signe encourageant. Mme Becker a également informé le Comité de l’existence d’une loi interdisant aux policiers de recourir à la force de manière disproportionnée. Un agent qui aurait commis des actes de mauvais traitement à l’encontre de réfugiés peut faire l’objet de poursuites au pénal, a-t-elle souligné.

S’agissant de la politique d'immigration, Mme Becker a expliqué que le système actuel d’enregistrement des entrées et sorties du pays a été mis en place par le Service de l’immigration et de la naturalisation en réponse aux attaques terroristes du 11 septembre 2001 et pour prévenir toute menace contre la sécurité nationale. Le système en vigueur prévoit que les personnes sont enregistrées lors de leur entrée dans le pays, durant leur séjour et au moment de leur départ. Il s’agit d’assurer que les étrangers non immigrants respectent bien les termes de leur visa et de leurs conditions d’admission, a précisé Mme Becker. Elle a ensuite fait valoir que ce régime est compatible avec les obligations contractées par les États-Unis en vertu de la Convention; il est lié à des questions de sécurité nationale et ne soumet pas des nationaux étrangers à des arrestations ou détentions arbitraires, a-t-elle ajouté. Les procédures de détention et de renvoi en vigueur sont compatibles avec les droits de l'homme des étrangers non immigrants, a dit Mme Becker.

En réponse à une question portant sur les mesures mises en œuvre par le Gouvernement pour aider les victimes - majoritairement afro-américaines - de l’ouragan Katrina, Mme Becker a rappelé que les lois fédérales interdisent toute discrimination dans l’octroi de l’aide en cas de catastrophe. Elle a souligné que l’Agence fédérale de gestion des urgences (FEMA) a fourni une aide sans précédent aux victimes de la catastrophe. Plus de 7,7 milliards de dollars ont été offerts à plus de 1,4 million de foyers, a-t-elle précisé.

En ce qui concerne l’accès aux soins de santé, Mme Becker a indiqué que le Département de la santé et des services humains s’engage activement à assurer assurance et soins de santé à toutes les personnes se trouvant sur le territoire national. Dans cette perspective, existe un large éventail de programmes administrés par le Département, qui est mis en œuvre dans tout le pays. Mme Becker a indiqué qu'une loi adoptée en 2003 a permis aux personnes âgées et aux personnes handicapées de disposer d'une meilleure couverture de santé, contribuant ainsi à réduire sensiblement les disparités raciales et ethniques au sein des personnes âgées.

MME LESLIE SILVERMAN, de la Commission de l’égalité des chances en matière d'emploi, a pour sa part précisé que cette Commission a lancé en 2006 un programme destiné à renforcer ses activités dans tout le pays. Suite à cette initiative, la Commission a vu s’accroître le nombre de plaintes reçues, a-t-elle indiqué. Depuis septembre 2001, la Commission a reçu plus de 1 000 plaintes pour des cas de discrimination sur le lieu de travail déposées par des personnes arabes, musulmanes et sud-asiatiques, ce qui représente un doublement du nombre de plaintes reçues par rapport à la même période précédant cette date, a précisé Mme Silverman.

Répondant à une question relative aux traités entre les États-Unis et les tribus indiennes, M. CARL J. ARTMAN, du Département de l’Intérieur, a pour sa part souligné qu'en vertu du droit en vigueur, les États-Unis maintiennent une relation formelle « de gouvernement à gouvernement » avec les tribus, qui contribuent à la riche diversité du pays. Plusieurs de ces tribus disposent de leur propre système judiciaire, comprenant tribunaux et lois, et ont leur propre système de santé et d’éducation, a-t-il ajouté. Il a ensuite fait part de l'existence d'une loi fédérale qui prévoit que soit accordée la préférence à des Indiens pour l'emploi dans deux agences fédérales traitant des affaires indiennes. Enfin, M. Artman a assuré que la législation américaine offre de nombreuses mesures de protection des droits des Américains natifs, en particulier en rapport avec leur relation à des zones ayant une signification spirituelle et culturelle importante pour eux.

Le sixième rapport périodique des États-Unis (CERD/C/USA/6) indique notamment qu’à la suite des événements du 11 septembre 2001, le Congrès a créé un nouveau Ministère de la sécurité du territoire au sein duquel un Bureau des droits civils et des libertés publiques est chargé d’enquêter sur les allégations d’atteintes aux droits civils et aux libertés publiques et d’actes de discrimination fondée sur la race, l’appartenance ethnique et la religion commis par des agents ou des fonctionnaires du Ministère de la sécurité du territoire. En outre, depuis 2000, plusieurs autres entités ont également créé des bureaux ou services de formation chargés des questions liées à la discrimination raciale et ethnique ou de la collaboration avec différents groupes raciaux ou ethniques. Par exemple, le Ministère de l’intérieur a créé en 2006 un nouveau bureau chargé d’aider les Amérindiens et les natifs de l’Alaska -notamment en matière d'éducation et d'emploi- et le Ministère du logement et du développement urbain a, pour sa part, créé plusieurs bureaux pour s’attaquer aux problèmes liés à la discrimination en matière de logement.

Le rapport concède que deux problèmes se sont posés avec une acuité particulière depuis 2000. Le premier concerne l’augmentation de la criminalité due aux préjugés et des actes discriminatoires connexes visant des personnes perçues comme étant musulmanes ou arabes, ou originaires du Moyen-Orient ou d’Asie du Sud, après les attaques terroristes du 11 septembre. Le second a trait à l’impact de l’évolution démographique provoquée par les taux élevés d’immigration aux États-Unis, tant légale qu’illégale. Les séquelles du passé auxquelles viennent s’ajouter ces problèmes plus récents constituent un défi permanent pour les institutions qui, aux États-Unis, sont chargées d’éliminer la discrimination. Ainsi, en dépit d’importants progrès, de nombreux problèmes subsistent, et les États-Unis admettent qu’il reste beaucoup à faire dans ce domaine, concède le rapport.

Le rapport rappelle que la Constitution et les lois fédérales interdisent la discrimination dans un large éventail de domaines, parmi lesquels l’éducation, l’emploi, l’accès aux lieux publics, les transports, les élections, et l’accès au logement et au crédit hypothécaire, ainsi que dans les forces armées et dans les programmes financés par le Gouvernement fédéral. Il explique aussi que le Président des États-Unis a renouvelé plusieurs initiatives consistant à revoir les lois et politiques existantes en vue de promouvoir l’égalité raciale et ethnique, parmi lesquelles figurent notamment la Commission consultative présidentielle sur l’excellence en matière d’instruction pour les Hispano-Américains, le Conseil consultatif présidentiel sur les collèges et universités de tradition noire, l’ordonnance présidentielle sur les collèges et université tribaux, et l’Initiative de la Maison blanche sur les Américains d’origine asiatique et les natifs des îles du Pacifique. De plus, peu après le 11 septembre, la Division des droits civils du Ministère de la justice a revu et évalué les lois et pratiques existantes et a pris la tête d’un projet spécial, l’Initiative de lutte contre les réactions hostiles et discriminatoires consécutives aux attentats du 11 septembre. Cette initiative exprimait la détermination du Gouvernement des États-Unis de combattre les violations des droits civils commises contre des Américains d’origine arabe, musulmans, sikhs et originaires d’Asie du Sud, précise le rapport.

S’agissant des mesures positives destinées à éliminer toute incitation à la discrimination raciale ou tous actes de discrimination raciale, le rapport rappelle que la capacité des États-Unis à donner effet à ces obligations est limitée par les garanties prévues par la Constitution des États-Unis en faveur de la liberté de parole, d’expression et d’association. C’est la raison pour laquelle, en devenant partie à la Convention, les États-Unis ont officiellement déposé une réserve, pour préciser qu’ils ne pouvaient accepter aucune obligation qui limiterait les droits constitutionnels à la liberté de parole, d’expression et d’association par le biais de l’adoption de mesures législatives ou autres, dans la mesure où cela reviendrait à violer leur Constitution et leurs lois. Dans le respect des limitations prévues par leur Constitution, les États-Unis peuvent toutefois donner effet aux dispositions de cet article dans de nombreux domaines, assure le rapport.


Examen du rapport


M. LINOS-ALEXANDRE SICILIANOS, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport des États-Unis, a félicité la délégation des États-Unis pour le caractère complet et détaillé de son rapport et pour ses réponses à la liste des 32 questions qui lui avait été préalablement adressée par le Comité. Il a indiqué avoir l'intention d'insister sur certaines questions prioritaires au sujet desquelles, selon lui, des précisions devraient être apportées. En ce qui concerne la définition de la discrimination raciale et la notion de discrimination intentionnelle, M. Sicilianos a relevé que la preuve du caractère intentionnel de la discrimination s'impose pour que des poursuites pour discrimination raciale puissent être engagées à l'encontre d'agents publics. Ainsi, pour fonder une plainte, le requérant doit-il prouver devant les tribunaux qu'il y avait intention de discrimination raciale et que cette intention lui a nui, s'est-il inquiété, faisant observer qu'il est très difficile de prouver que quelqu’un a agi avec intention.

Quelles sont les intentions des États-Unis à l'égard des réserves qu'ils maintiennent au sujet de la Convention, a par ailleurs demandé M. Sicilianos?

Pour ce qui est des non-citoyens et des réfugiés, les organisations non gouvernementales, dans leur rapport alternatif, insistent sur le fait que depuis le 11 septembre 2001, la communauté immigrante et réfugiée est en butte à un éventail de violations systématiques de ses droits de l'homme - imputables au Gouvernement fédéral, aux gouvernements locaux et fédérés, aux agents responsables de l'application des lois, à des employeurs et à des acteurs privés -, s'agissant notamment de son droit à un procès équitable et de son droit d'accès à l'emploi et aux services de santé et d'éducation, a poursuivi M. Sicilianos.

En ce qui concerne le profilage racial, M. Sicilianos relève que le Président Bush a lui-même qualifié de mauvaise cette pratique, jugeant qu'il convenait d'y mettre un terme. Or, il semble que le pays ait choisi de réglementer le profilage racial au lieu d'y mettre un terme, s'est inquiété le rapporteur.

M. Sicilianos a enjoint les États-Unis à prendre des mesures pour faire face aux actes de brutalité commis par des policiers à l'encontre des membres des minorités raciales et ethniques, qualifiant ce phénomène de « très alarmant ».

La ségrégation résidentielle des Afro-américains et des Hispaniques reste une caractéristique marquée de la discrimination raciale et sociale aux États-Unis, a par ailleurs relevé M. Sicilianos.

La réalité est que les peuples dits «de couleur» sont surreprésentés dans la population carcérale des États-Unis, a poursuivi le rapporteur. Il a souligné qu'il n'était pas convaincu par l'argumentation selon laquelle cela serait dû à une participation différentielle à des crimes de la part de certains groupes plutôt qu'à un traitement différentiel de la part du système de justice. Par ailleurs, M. Sicilianos a relevé que, selon certaines informations, plus de cinq millions de citoyens ne pourraient pas voter au motif qu'ils auraient commis des actes criminels, ce qui, au vu de ce qui vient d'être dit, semble devoir toucher particulièrement la communauté afro-américaine.

M. Sicilianos s'est par ailleurs enquis de la réaction de la délégation aux informations faisant état de ségrégation dans l'emploi. Des disparités entre les différentes communautés persistent en outre aux États-Unis en matière d'espérance de vie et de mortalité infantile ou maternelle, a-t-il fait observer.

Un autre membre du Comité s'est inquiété des informations laissant entendre que les États-Unis auraient récemment pris une certaine distance vis-à-vis de la Conférence d'examen de Durban qui doit se tenir en Afrique du Sud l'an prochain. Qu'en est-il de la participation des États-Unis à cette conférence, a demandé l'expert?

Plusieurs experts se sont enquis du statut des populations natives de l'Alaska et d'Hawaï.

Les États-Unis envisagent-ils de mettre en place une institution nationale des droits de l'homme comme il en existe dans plus d'une centaine de pays à travers le monde, a demandé un expert?

Un membre du Comité a rappelé que le Comité avait adopté une Recommandation générale (n°31) sur la prévention de la discrimination raciale dans le fonctionnement de la justice pénale. Dans cette Recommandation générale, sont mentionnés plusieurs indicateurs factuels d'une telle discrimination dont, précisément, un certain nombre existent aux États-Unis. Plusieurs groupes sociaux cibles sont particulièrement exposés à la discrimination raciale aux États-Unis, notamment les Afro-américains, les Hispaniques ou encore les personnes d'origine musulmane ou sud-asiatique, a poursuivi cet expert. Des pratiques de profilage racial de ces groupes existent et doivent être combattues, a-t-il poursuivi. Le Comité est très attentif à cette question, a-t-il insisté. Un nombre très important de personnes appartenant à ces groupes cibles est détenu dans les prisons des États-Unis, a par ailleurs souligné ce même expert, avant de s'enquérir du nombre de personnes noires et hispaniques figurant parmi les personnes auxquelles a été appliquée la peine de mort? Alors que les deux tiers des consommateurs de crack (cocaïne fumée) sont blancs ou hispaniques, 82% des personnes condamnées pour consommation de crack sont des Noirs, a d'autre part relevé cet expert. La solution aux problèmes rencontrés par les populations cibles ici identifiées ne résiderait-elle pas dans l'amélioration des conditions de travail et de l'accès au logement, à la santé et à l'éducation, au besoin par le biais de mesures affirmatives, s'est interrogé l'expert?

Treize États aux États-Unis placent les enfants en détention sans remise en liberté sous caution, parfois dès l'âge de huit ans, s'est inquiété un expert, rappelant que les États-Unis n'ont toujours pas ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant. Un autre expert a relevé que les États-Unis n'ont ratifié qu'une faible proportion des nombreux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme qui existent.
Les États-Unis comptent parmi les très rares pays au monde qui continuent de juger et condamner les enfants et les adolescents comme des adultes, ce qui est contraire au droit international, a insisté un expert. Les jeunes représentent parfois, dans certaines juridictions, jusqu'à 90% des personnes condamnées à perpétuité; il s'agit alors majoritairement de jeunes de couleur, s'est inquiété un membre du Comité.

Combien coûte une parcelle de terre autochtone, a demandé un expert, soulignant que les sommes qui ont pu être accordées à des communautés autochtones en échange d'une partie de leurs terres sont dérisoires au regard de la valeur réelle de cette terre pour ces communautés? Le montant dérisoire des indemnisations accordées à des communautés autochtones ne peut qu'attester du fait que ces communautés n'ont tout simplement pas été impliquées dans les processus ayant abouti à ces indemnisations. Un autre membre du Comité a évoqué la question de la pollution de certaines terres autochtones, soulignant que certaines ONG abordent ces questions en parlant de «racisme environnemental».

S’agissant de l’apparente contradiction entre l’article 4 de la Convention et le premier Amendement des États-Unis relatif à la liberté d’expression, la délégation des États-Unis a estimé qu’il s’agit là d’un sujet sur lequel les États-Unis et le Comité ont une différence de principe d’opinion et de tradition légale. À l'instar du Comité, les États-Unis souscrivent au rejet de toute idée de supériorité raciale, mais ils jugent en revanche inutile de pénaliser ces idées. De telles idées ne peuvent de toute manière pas s’épanouir dans une société libre, a estimé la délégation.

Pour ce qui est de l’éventuelle participation des États-Unis à la Conférence d'examen de Durban, la délégation américaine a rappelé qu'en 2001, les États-Unis avaient retiré leur délégation de la Conférence de Durban car ils percevaient de l’antisémitisme dans les discussions qui s'y tenaient. Pour cette raison, les États-Unis ne participeront au Comité préparatoire de la prochaine Conférence d'examen qu’en tant qu’observateurs. En tant qu’État partie, les États-Unis tiennent à rester informés des déroulements du processus, a précisé la délégation; mais ils statueront plus tard sur leur éventuelle participation à la Conférence d'examen de 2009. Il ne s’agit pas d’une absence de volonté de notre part d’aborder les questions de race, a assuré la délégation.

En réaction aux préoccupations exprimées par les experts du Comité au sujet des liens entre la race et certains mauvais résultats, s’illustrant notamment dans la surreprésentation des Afro-américains au sein de la population carcérale ou la concentration de certains groupes dans les quartiers pauvres, la délégation a assuré que le Gouvernement, tout comme les citoyens, accorde l’attention la plus sérieuse à ces disparités. Dans la recherche de solutions, a-t-elle poursuivi, il est important de comprendre la nature, les sources et les causes des disparités. Ainsi, il s’agit de distinguer les cas où les disparités s’expliquent par de la discrimination raciale, des cas où les disparités sont liées à d’autres facteurs comme la classe sociale, la pauvreté ou des circonstances socioéconomiques. La délégation a ainsi tenu à mettre en évidence qu’il existe dans certaines situations un simple lien, une simple corrélation, entre mauvaises performances et race, et non pas une relation de cause à effet. Les disparités ne sont pas forcément la résultante de la discrimination raciale, a insisté la délégation. S'agissant par exemple des taux d’incarcération de certains groupes, s’ils constituent un indicateur possible de discrimination raciale, ils n’en sont pas pour autant une preuve d’une telle discrimination. De nombreux facteurs contribuent à de telles disparités, a souligné la délégation. La délégation a souligné que 80% des crimes commis par des Afro-américains sont des crimes commis par des Noirs contre des Noirs. Elle a par ailleurs indiqué que 95% des personnes accusées de pornographie infantile sont des hommes blancs. Les raisons ne sont pas claires, mais la discrimination raciale ne semble pas en être la cause, a ajouté la délégation.

S'agissant de la préoccupation manifestée par les experts relative à l’exigence d’une intention de discriminer pour fonder un cas de discrimination, la délégation a tenu à souligner qu’il y a beaucoup de dispositions du droit civil qui n’exigent pas, en fait, de preuve de l'intention discriminatoire pour fonder une plainte.

En ce qui concerne la question de l'imposition de la peine de mort et plus particulièrement les remarques d'un membre du Comité concernant le nombre de Noirs et d’Hispaniques à avoir été condamnés à mort en 2006, la délégation a affirmé que les preuves de discrimination raciale délibérée en la matière sont ambiguës et n'ont jamais pu être fondées. Une étude mandatée par la Cour suprême du New Jersey a démontré qu’il n’existe pas de préjugé racial dans l’application de la peine de mort dans cet État fédéré, a ajouté la délégation.

Il est vrai que les mineurs peuvent être condamnés à perpétuité sans remise de peine, a par ailleurs reconnu la délégation. Mais en réalité, le taux d'imposition de la peine de prison à perpétuité ne devient relativement élevé que pour les jeunes de plus de 14 ans.

S’agissant de la pratique consistant à retirer le droit de vote aux personnes accusées de crime, la délégation a indiqué que la plupart des États fédérés refusent le droit de vote aux personnes qui ont commis des crimes graves. Dans tous les cas, la perte de ce droit ne procède pas de l’appartenance de la personne à tel ou tel groupe racial, mais de la gravité du crime qu'elle a commis, a indiqué la délégation. Elle a souligné que de nombreuses cours d’appel ont de surcroît estimé que ce principe n’était pas contraire à la Constitution.

En ce qui concerne les questions autochtones, la délégation a rappelé qu'il n'existe aucune définition du terme « peuples autochtones ». Aux États-Unis, la reconnaissance en la matière peut passer par un traité, un ordre exécutif ou un ordre administratif. Il y a aujourd’hui aux États-Unis 560 tribus reconnues, a précisé la délégation. Une fois reconnue, une tribu entre dans des rapports de gouvernement à gouvernement avec les États-Unis, a rappelé la délégation. S'agissant de la question des terres, la délégation a ensuite reconnu que de nombreuses populations de par le monde ont été privées de façon injuste de leurs terres ancestrales. Reconnaissant ainsi que de nombreuses tribus indiennes se sont vu prendre leurs terres, le Congrès des États-Unis a pour sa part créé une commission appelée Indian Claim Commission, qui est chargée de recevoir les réclamations de ces tribus et leur offrir compensation, a indiqué la délégation. Elle a par ailleurs rappelé qu'en matière de restitution des terres prises au titre de la doctrine des pouvoirs pléniers, les Indiens ont eu la possibilité de porter plainte il y a plus de 50 ans. La réouverture de ce processus de revendication dépasse la portée de la Convention et, en outre, ne serait pas faisable eu égard aux actuelles et aux droits légaux existant aujourd’hui aux États-Unis, a affirmé la délégation. Aux membres du Comité qui estimaient que la Déclaration sur les droits des peuples autochtones (adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies au mois de septembre 2007) pourrait être utile pour résoudre les conflits liés à la terre et à la reconnaissance des tribus, la délégation des États-Unis a indiqué qu'elle doutait que la référence à un texte récemment adopté à l’issue d’un vote et assorti de nombreuses déclarations interprétatives soit appropriée pour discuter des obligations des États-Unis au regard de la Convention.

Revenant sur la question du profilage racial, la délégation a indiqué que le Gouvernement a beaucoup travaillé pour créer des principes directeurs pratiques définissant clairement les situations où l’utilisation du profilage racial est incompatible avec les lois. La délégation a par ailleurs souligné que le Gouvernement a mis sur pied des cours de formation et de sensibilisation aux différences culturelles à l’attention du personnel chargé de l’application des lois et de la sécurité.

En réponse à une question soulevée par un membre du Comité au sujet de la construction du mur de sécurité au sud des États-Unis, la délégation a indiqué que le Congrès a autorisé, en 2006 et cette année encore, la construction d’une portion supplémentaire de ce mur. L’objectif est de permettre au Gouvernement d’accroître son contrôle sur les frontières, conformément au droit souverain de tout pays, a fait savoir la délégation.


Quant à la question relative à la possibilité de créer une institution nationale des droits de l'homme, la délégation a souligné qu’il existe dans le pays une Commission sur les droits civils. Cette dernière - si elle ne correspond pas totalement à une institution nationale des droits de l'homme au sens où l’entend le Comité - rassemble néanmoins des informations sur des cas de discrimination, examine l’application des lois en matière de non-discrimination et surveille les activités des agences et départements fédéraux en la matière.

Un membre du Comité a cité des chiffres de l'organisation Human Rights Watch selon lesquels en 1995, 56,4% des enfants détenus dans les prisons étaient des Noirs. Parmi les jeunes condamnés, les Afro-américains sont condamnés à des taux dix fois plus élevés que les autres jeunes. En outre, alors que les femmes noires représentent 13% de la population féminine des États-Unis, elles constituent 58% des femmes détenues dans les prisons du pays. Il y a là non pas des preuves, certes, mais des indices sérieux de discrimination raciale, a affirmé cet expert.

Les États-Unis sont trop légalistes dans les réponses et explications qu'ils fournissent au Comité, a estimé un autre membre du Comité.

Un autre membre du Comité s'est inquiété de l'augmentation dramatique du nombre des immigrants dans les prisons du pays ces dernières années. À quoi est dû ce triplement, quasiment, du nombre d'immigrants dans les prisons, a-t-il demandé?

À l'issue de ces deux séances d'examen du rapport des États-Unis, M. LINOS ALEXANDRE SICILIANOS, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport des États-Unis, a vivement remercié la délégation des États-Unis pour son extraordinaire prestation. Il faut que tout ce qui a été dit durant ces deux séances mûrisse, dans mon esprit et dans celui de mes collègues, avant de tirer des conclusions ou même de préfigurer ce qui figurera dans les observations finales du Comité, a indiqué M. Sicilianos.

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