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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU TOGO

31 juillet 2008



Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

31 juillet 2008


Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique du Togo sur la mise en œuvre, par ce pays, des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant des observations préliminaires à l'issue du dialogue avec la délégation togolaise, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Togo, M. Régis de Gouttes, a cité, parmi les points qui mériteront d'être mentionnés dans les observations finales que le Comité adoptera ultérieurement et qui seront rendues publiques à l'issue de la session, le 15 août prochain : les perspectives de mise en place de la Commission nationale vérité et justice; la solution à trouver à l'impunité des violences inter-ethniques passées et les efforts menés dans l'établissement du processus de réconciliation nationale et de paix sociale. Parmi les autres questions qui continueront à appeler l'attention du Comité, figurent celles de la discrimination entre les ethnies; des poursuites et des sanctions contre les actes de racisme; de l'incorporation complète des dispositions de la Convention dans le droit national et de l'action à mener auprès des médias pour prévenir toute diffusion de haine raciale et ethnique.

Mme Célestine Akouavi Aidam, Ministre des droits de l'homme et de la consolidation de la démocratie du Togo, a rappelé que le pays a traversé une longue crise sociopolitique de 1990 à 2007. Si la situation a évolué en matière de droits de l'homme, il est indéniable que des efforts restent à faire, a-t-elle reconnu. Soulignant que le Code pénal togolais actuel fait référence à la discrimination raciale en se limitant aux injures, elle a indiqué qu'une définition de la discrimination raciale conforme à l'article premier de la Convention est en voie d'être intégrée dans le Code pénal. La Ministre a par ailleurs admis que des disparités ethniques existent dans la composition de la fonction publique et des forces de l'ordre et de sécurité.

Complétant la présentation du rapport, M. Koffi Kounte, Président de la commission nationale des droits de l'homme du Togo, a rappelé que l'interdiction de la discrimination raciale est consacrée par la Constitution de 1992 et dans différents textes de loi qui proclament l'égalité de tous les citoyens. Il a fait observer que la discrimination se présente sous différents aspects, notamment sous la forme du tribalisme et du régionalisme.

La délégation togolaise était également composée de représentants du Ministère des droits de l'homme et de la consolidation de la démocratie; du Ministère de la justice; du Ministère des affaires étrangères; du Ministère de la sécurité et de la protection civile; du Ministère de la défense et des anciens combattants; ainsi que de la Mission permanente du Togo auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, l'impunité des responsables politiques qui ont incité à la haine ethnique et tribale au cours des troubles qu'a connus le pays; l'absence de plaintes pour discrimination raciale; le manque de ressources dont souffre la justice; la future commission vérité, justice et réconciliation; l'interdiction de l'incitation à la haine raciale; la situation des Peuhls; ainsi que la scolarisation des jeunes filles.

Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport de la Fédération de Russie (CERD/C/RUS/19).


Présentation du rapport

MME CÉLESTINE AKOUAVI AIDAM, Ministre des droits de l'homme et de la consolidation de la démocratie du Togo, a rappelé que le Togo a adhéré à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale en 1972. Elle a rappelé que le pays a traversé une longue crise sociopolitique de 1990 à 2007, la situation ayant alors été aggravée par les sanctions économiques prises à l'encontre du Togo en 1993 par les partenaires au développement, notamment l'Union européenne et les États Unis. Dans le souci de renouer les relations de coopération avec la communauté internationale, le Gouvernement togolais a initié un dialogue politique national qui a abouti le 20 août 2006 à la signature d'un accord politique global (APG). La mise en oeuvre de cet accord a permis l'organisation d'élections législatives en octobre 2007. Le Togo poursuit par ailleurs ses efforts en vue de la mise en oeuvre des engagements qu'il a pris conformément aux instruments des droits de l'homme que le pays a ratifiés. Si la situation a évolué en matière de droits de l'homme, il est indéniable que des efforts restent à faire car quatorze années de traversée de désert n'ont pas permis au pays d'honorer certains de ses engagements internationaux, a toutefois ajouté Mme Aidam.

Répondant aux préoccupations du Comité telles qu'exprimées dans une liste de questions écrites préalablement adressée au Togo, la Ministre a indiqué que l'article 59 alinéa 2 du Code pénal togolais fait référence à la discrimination raciale en se limitant aux injures. Il est évident que ce texte ne comporte pas toutes les composantes de la définition de la discrimination raciale au sens de l'article premier de la Convention, a reconnu Mme Aidam. Toutefois, dans le cadre de l'exécution du volet du Programme de modernisation de la justice consacré à l'harmonisation de la législation nationale avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés par le Togo, une définition de la discrimination raciale conforme à l'article premier de la Convention est en voie d'être intégrée au Code pénal, a précisé Mme Aidam. L'avant-projet de nouveau code pénal adopté par le comité de rédaction devra être validé par un atelier, avec l'assistance d'un expert international, pour être soumis au Gouvernement en vue de son adoption et de sa transmission sous forme de projet de loi à l'Assemblée nationale. Outre la définition de la discrimination raciale, ce nouveau code pénal comportera de nouvelles peines pour sanctionner les comportements jugés discriminatoires en tenant compte de leur gravité. Pour ce qui est de l'application des dispositions relatives à l'élimination de la discrimination raciale, l'article 11 de la Constitution consacre le principe de l'égalité de tous les êtres humains en dignité et en droit. Les dispositions discriminatoires qui existaient dans le droit interne ne reçoivent donc plus application, a insisté la Ministre.

Quant à la Commission nationale des droits de l'homme et les actions qu'elle mène en faveur de l'élimination de la discrimination raciale, Mme Aidam a rappelé que la loi du 9 février 2005 consacre l'indépendance de cette institution. Au sein de la Commission nationale des droits de l'homme, existe une sous-commission de lutte contre la discrimination raciale, ethnique, religieuse et les pratiques culturelles néfastes, a précisé Mme Aidam.

Pour mener à bien le processus de réconciliation au Togo, a poursuivi la Ministre des droits de l'homme et de la consolidation de la démocratie, a été créé un Haut Commissariat à la réconciliation et au renforcement de l'unité nationale. Par ailleurs, une étude sur le phénomène des dissensions ethniques a été commandée par le Gouvernement. Mme Aidam a ensuite évoqué le problème du faible taux de scolarisation dans certaines zones géographiques et du trafic d'enfants qui dépeuple ces zones des populations en âge d'aller à l'école. Afin d'y remédier, le Gouvernement a mis l'accent sur les mesures visant le relèvement du taux de scolarisation dans ces zones en s'efforçant notamment de rapprocher les structures scolaires, de créer des centres de santé et de rabaisser les frais de scolarité des jeunes filles.

De façon générale, on relève des disparités ethniques dans la fonction publique et au sein des forces de l'ordre et de sécurité, a fait observer Mme Aidam. Le Gouvernement a donc engagé des réflexions sur un rééquilibrage de la représentation ethnique dans les affaires publiques. Ainsi, pour le prochain concours de recrutement des agents de l'État, un accent particulier est-il mis sur l'identification ethnique des candidatures. Au niveau des forces de l'ordre et de sécurité, des efforts sont aussi consentis pour relever le niveau d'instruction du personnel militaire et diversifier sa composition. Le Togo vise à faire de l'armée une armée républicaine, exempte de toute considération politique ou ethnique, a insisté la Ministre.

Mme Aidam a indiqué qu'aucune organisation non gouvernementale n'a pris part à l'élaboration du présent rapport. Néanmoins, des dispositions sont prises en vue d'une participation active des ONG, dans l'avenir, à l'élaboration des prochains rapports.

La Ministre togolaise des droits de l'homme et de la consolidation de la démocratie a par ailleurs souligné que des efforts sont déployés afin de remédier au dysfonctionnement de l'appareil judiciaire togolais. L'un des programmes en ce sens concerne la modernisation de la législation en général et notamment celle relative au droit foncier.

Mme Aidam a en outre indiqué que le Togo est en train d'étudier la possibilité éventuelle de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention. En vue de vulgariser l'enseignement des droits de l'homme dans les établissements scolaires, le Gouvernement a décidé, en 1998, d'introduire dans le cursus scolaire l'enseignement des droits fondamentaux de l'homme, des libertés publiques et de la dignité de la personne humaine. Reste que ce programme n'a pas connu un grand succès en raison des difficultés auxquelles le pays est confronté, a précisé Mme Aidam.

Le Gouvernement a également pris d'autres mesures visant à donner effet aux dispositions de la Convention, a ajouté Mme Aidam. Ainsi, pour garantir un processus électoral libre, démocratique et transparent ouvert à tous les Togolais, les dispositions du Code électoral relatives aux délais de résidence et l'exigence de présenter une copie légalisée de l'acte de renonciation à toute nationalité étrangère, qui sont jugées discriminatoires, ont-elles été supprimées pour les élections législatives du 14 octobre 2007. De même, un Code de bonne conduite a été adopté pour l'organisation des élections. Ce code fait notamment obligation aux médias de bannir toute forme de discrimination. L'Accord politique global, adopté en 2006, encourage aussi les partis politique à imposer un quota minimum de candidatures féminines aux élections, a précisé la Ministre.

Des avancées significatives concernant la mise en oeuvre de la Convention peuvent être observées au Togo; mais elles ne doivent pas occulter le fait que plusieurs étapes restent encore à franchir, a conclu Mme Aidam. En effet, la longueur des procédures d'adoption et de promulgation des textes, l'application pratique des textes déjà adoptés, le manque de moyens financiers adéquats pour assurer l'effectivité des mesures prises dans tous les domaines associés à la mise en œuvre de la Convention constituent des difficultés réelles sur le terrain. Des efforts restent à faire pour que le Togo puisse figurer parmi les Etats modèles, a insisté Mme Aidam. Elle a néanmoins assuré que l'engagement du Gouvernement de son pays à mettre en œuvre les dispositions de la Convention est irréversible.

Complétant cette présentation, M. KOFFI KOUNTE, Président de la Commission nationale des droits de l'homme du Togo, a rappelé qu'au Togo, l'interdiction de la discrimination raciale est consacrée par la Constitution de 1992 et dans différents textes de loi qui proclament l'égalité de tous les citoyens. La Commission nationale des droits de l'homme relève que la discrimination se présente sous différents aspects, notamment sous la forme du tribalisme et du régionalisme, a-t-il indiqué. La Commission nationale a initié plusieurs séminaires et campagnes à travers le pays pour éradiquer ce phénomène, a-t-il précisé. Au nombre des progrès réalisés par le pays, la Commission nationale des droits de l'homme note l'ouverture du corps de l'armée aux femmes. La Commission se félicite des avancées positives enregistrées par le Togo dans la lutte contre la discrimination raciale; elle tient toutefois à attirer l'attention sur la situation des personnes qui vivent avec un handicap et encourage le Gouvernement à prendre des mesures significatives en faveur de ces personnes.

Le document rassemblant les sixième à dix-septième rapports périodiques du Togo (CERD/C/TGO/17) rappelle que depuis 1967, le Gouvernement fait de l'unité nationale et de la paix le socle de sa politique nationale. Ainsi, les efforts du Gouvernement tendent à consolider cette unité nationale et à garantir la jouissance des droits fondamentaux à tous les citoyens, sans exclusion aucune. L'élimination de la discrimination raciale est un idéal que le Gouvernement togolais partage avec tous les peuples qui ont à cœur l'épanouissement de l'homme dans un monde où s'effacent les frontières, les différences raciales, ethniques et linguistiques. Certes, l'élimination de la discrimination raciale est une ambition de longue haleine, mais elle n'est pas une œuvre vaine.

L'engagement du Togo de donner effet aux dispositions de la Convention se traduit d'abord par l'intégration de celles-ci à la législation nationale. En effet, selon les dispositions de l'article 50 de la Constitution «les droits et devoirs, énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, ratifiés par le Togo, font partie intégrante de la présente constitution». La même Constitution condamne explicitement toute forme d'actes ou de pratiques tendant à favoriser ou à désavantager la jouissance des droits humains en raison de l'origine ethnique, raciale, familiale ou régionale. Quant aux articles 2 et 10 de la Constitution, ils font obligation à l'État de garantir, de respecter et d'assurer l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race, de sexe, de condition sociale ou de religion. Ainsi, tous les citoyens sans distinction aucune ont un droit égal dans la jouissance des droits reconnus dans les instruments nationaux et internationaux relatifs aux droits de l'homme.

Sur le plan de l'éducation l'État réserve les mêmes chances d'accès à tous les citoyens. Sur la plan politique, pour lutter contre la discrimination fondée sur l'origine ethnique, régionale, religieuse ou tribale, la Constitution et la loi de 1991 portant charte des partis politiques interdisent formellement qu'un parti politique s'identifie à une région, à une ethnie, à une religion ou à une corporation. Les dirigeants politiques qui par des déclarations publiques ou écrites incitent au tribalisme, au régionalisme à la xénophobie ou à l'intolérance religieuse sont exposés à la rigueur de la loi. Il en va de même des auteurs qui par écrits ou tout autre moyen de communication répandent des idées tribalistes ou incitent à la haine raciale.

Les hôpitaux et les centres de santé sont ouverts à tous les citoyens nationaux et étrangers, poursuit le rapport. En outre, le droit d'ester en justice appartient à tous les citoyens dans les mêmes conditions de capacité et de procédure. Il n'existe pas au Togo de différenciation établie par l'État, ni des mesures spéciales pour assurer la protection de certaines catégories de groupes raciaux, d'ethnies ou d'individus, précise le rapport. L'article 48, alinéa 4, de la Constitution togolaise stipule que «Tout acte ou toute manifestation à caractère raciste, régionaliste, xénophobe sont punis par la loi». Ce texte pose donc le principe de la répression de la discrimination raciale.

Bien que le Togo n'ait jamais enregistré des revendications spéciales de certaines couches sociales se disant minoritaires, l'on doit constater l'existence de deux groupes ethniques dominants c'est-à-dire: le groupe Adja-Ewe-Mina, représentant 52 % de la population totale du Togo, lequel prédomine dans la fonction publique et le groupe Kabyè-Tem-Losso, représentant 41 % de la population totale du pays et totalisant 75 % des effectifs dans l'armée. Le phénomène de la discrimination raciale est très peu connu du Togo. Il n'existe pas de mouvements ou d'organisations s'inspirant d'idées racistes. Cependant il faut signaler que, depuis le déclenchement du processus démocratique en 1990, le Togo a failli basculer vers une situation d'intolérance ethnique, notamment lorsque certains journaux de la presse privée ont publié des articles tendancieux appelant à la haine ethnique et au tribalisme. Soutenus par certains responsables politiques voulant créer l'insécurité et le désordre, des groupes ethniques se sont soulevés contre d'autres, ce qui a donné lieu à des tueries, à des chasses à l'homme et au déplacement de certaines populations. Pour mettre fin à ce phénomène nouveau, le Gouvernement a réaffirmé que l'unité nationale et la paix étaient une priorité de sa politique. Pour recoudre le tissu social le Gouvernement a initié, dès 1993, des journées de réconciliation, prôné une politique du «grand pardon» et entamé un vaste programme d'éducation et de sensibilisation. Toutefois, on relèvera que pendant la période de troubles sociopolitiques des années 90, aucune sanction du Code pénal n'a été appliquée à l'encontre des dirigeants politiques incitant à la haine tribale ou ethnique.


Examen du rapport

M. REGIS DE GOUTTES, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Togo, a tenu à rappeler que le Togo n'a pas présenté de rapport depuis son rapport initial de 1981. Le Comité ne peut donc que se féliciter de la présentation de ce rapport et des réponses apportées par le pays à la liste de questions écrites qui lui a été préalablement adressée. Par ailleurs, le Comité se félicite de la tenue récente à Lomé, les 3 et 4 décembre 2007, d'un grand atelier sous-régional sur les problèmes de discrimination raciale et la mise en oeuvre du Plan d'action de Durban.
Pour ce qui est de la situation politique et institutionnelle du Togo, a relevé M. de Gouttes, la description dans le présent rapport s'arrête en 1999, de sorte que l'évolution de 1999 à nos jours n'est pas traitée; aussi, le rapporteur pour ce pays a-t-il demandé des informations complémentaires concernant cette dernière période.

M. de Gouttes a également relevé que le rapport contient peu d'informations ayant trait à la composition ethnique de la population et à la situation démographique globale du pays. La population togolaise, évaluée à environ 6 millions d'habitants, est composée d'une multitude d'ethnies - plus de 36 - généralement classées en six grands groupes, avec leurs langues et leurs dialectes propres, a rappelé M. de Gouttes. La langue officielle est le français, mais depuis 1980 l'Ewé et le Kabyé sont considérés comme des langues nationales enseignées dans les établissements scolaires, a-t-il fait observer.

M. De Gouttes a ensuite attiré l'attention sur quelques-uns des facteurs et difficultés qui entravent l'application de la Convention et que, par ailleurs, le présent rapport reconnaît avec franchise à plusieurs reprises. Ainsi, depuis 1990, le Togo a-t-il failli basculer vers une situation d'intolérance ethnique, a rappelé le rapporteur. Soutenus par certains responsables politiques désireux de créer l'insécurité et le désordre, des groupes ethniques se sont soulevés contre d'autres, ce qui a donné lieu à des tueries, des chasses à l'homme et au déplacement de certaines populations. Pendant la période de transition, le Togo a aussi connu des troubles inter-ethniques et des incitations à la haine tribale qui ont occasionné des règlements de compte. Mais, il est par ailleurs admis qu'aucune sanction pénale n'a été appliquée à l'encontre des dirigeants politique qui ont incité à la haine raciale ou ethnique durant cette période, a relevé M. de Gouttes.

M. de Gouttes a par ailleurs noté que le rapport fait état des problèmes que rencontre la justice, laquelle souffre d'une insuffisance de ressources matérielles et humaine et d'un manque de formation, ce qui ne permet pas aux juges d'accomplir convenablement leurs fonctions. Le rapport souligne également les insuffisances en matière de participation effective de tous les citoyens à la gestion des affaires publiques, notant en particulier que les femmes, ainsi que certaines ethnies, comme les peuhls, sont sous-représentés au Gouvernement, à l'Assemblée, dans la magistrature et dans les institutions publiques. En outre, le rapport relève des cas de discrimination à l'égard des femmes, notamment en matière successorale et en matière de scolarisation et d'éducation. M. de Gouttes a aussi noté que le présent rapport reconnaît avec franchise les problèmes rencontrés avec la presse ainsi que les problèmes rencontrés dans le domaine de la santé.

Pour avoir une vision plus précise de la situation démographique et ethnique du pays, le Comité aurait besoin de données statistiques plus précises, a insisté le rapporteur. Le Togo possède-t-il une définition de la discrimination raciale totalement compatible avec la Convention, a-t-il par ailleurs demandé ? Il a en outre souhaité savoir si la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale fait partie des traités qui sont d'application immédiate au Togo et si les dispositions de cet instrument peuvent être invoquées directement devant les tribunaux nationaux. M. de Gouttes a en outre souhaité s'assurer que le Togo a bien interdit aux partis politiques de s'identifier à une ethnie, une région, une religion ou une corporation ?

En ce qui concerne l'évolution du processus de réconciliation et de paix sociale, M. de Gouttes a souhaité connaître les dernières mesures prises par le nouveau Haut Commissariat à la réconciliation et au renforcement de l'unité nationale. En particulier, quelles sont les mesures envisagées pour apaiser les tensions interethniques, pour lutter contre l'impunité et pour intégrer la lutte contre la discrimination raciale dans les politiques et les programmes adoptés par le Togo ?

M. de Gouttes a souligné que le Comité se félicite de la réforme de 2005 qui a consacré l'indépendance de la Commission nationale des droits de l'homme. Le Comité comprend également que les statuts de cette institution lui permettent de recevoir des plaintes, d'assister les victimes et de procéder à des règlements amiables. Toutefois, a relevé M. de Gouttes, bien que la Commission nationale ait reçu diverses requêtes, elle n'a pas eu à traiter de plaintes relatives à la discrimination raciale, ce qui paraît surprenant dans un pays qui a traversé de graves troubles interethniques.
S'agissant de la préférence qui serait accordée à certaines ethnies dans l'appareil de l'État, le rapport du Togo reconnaît qu'il existe deux groupes ethniques dominants dans le pays : le groupe Adja-Ewe-Mina dans la fonction publique et le groupe des ethnies du nord Kabye-Tem-Losso dans l'armée. Le rapport indique à cet égard que la configuration de l'armée laisse croire qu'il y a en son sein une préférence fondée sur l'origine ethnique ou régionale, a insisté M. de Gouttes.

Le rapporteur s'est félicité de la réforme en cours du Code pénal qui prévoit l'intégration d'une définition de la discrimination raciale conforme à l'article premier de la Convention. M. de Gouttes a attiré l'attention sur une difficulté qui tient à l'observation, contenue dans le rapport, selon laquelle la discrimination raciale est un phénomène quasi inexistant au Togo, aucune plainte n'ayant encore été enregistrée. Cette observation paraît en effet inconciliable avec le constat dressé dans le rapport, qui souligne que le Togo a failli basculer depuis 1990 dans une situation d'intolérance ethnique et que des groupes ethniques se sont soulevés contre d'autres, ce qui a donné lieu à des tueries, des chasses à l'homme, des déplacements de certaines populations, etc. Le Comité attend avec intérêt de connaître le point de vue du Gouvernement à ce sujet. Il serait intéressant en particulier de savoir s'il y a eu, ces derniers temps, des plaintes et des poursuites, a insisté le rapporteur.

Par ailleurs, le Comité aimerait savoir si les articles de presse tendancieux appelant à la haine raciale et au tribalisme, tout comme les auteurs d'émissions de radio ou de télévision de même caractère, ont fait l'objet de poursuites et de sanctions.

M. de Gouttes a par ailleurs souhaité savoir si le Gouvernement envisageait d'abroger toutes les dispositions discriminatoires du Code de la nationalité de 1998 afin de rendre la législation togolaise compatible avec la Convention ? Quelles sont les mesures adoptées par le Togo pour promouvoir une participation équitable des ethnies aux postes du gouvernement, à l'Assemblée, dans la magistrature et dans les autres institutions de l'État, a-t-il en outre demandé ?
Le rapporteur a par ailleurs demandé des informations détaillées sur la situation défavorable des Peuhls; sur les dispositions spécifiques de la réglementation domaniale relative aux terres formant la propriété collective des indigènes; ainsi que sur les mesure envisagées pour remédier aux difficultés rencontrées dans le fonctionnement de l'appareil judiciaire togolais du fait de l'insuffisance des ressources matérielles et humaines et des carences dans la formation des juges.

Revenant sur l'affirmation de la délégation selon laquelle la discrimination raciale est un phénomène quasi inexistant au Togo, aucune plainte n'ayant encore été enregistrée auprès des tribunaux ou auprès d'institutions non juridictionnelles, M. de Gouttes a insisté pour savoir comment le Togo explique cette absence de requêtes auprès de la Commission nationale des droits de l'homme concernant des cas de discrimination raciale. Quelles sont les mesures prises par le Togo pour faire connaître à la population les recours effectifs dont elle dispose contre les actes de discrimination raciale ? Le rapporteur a tenu à rappeler la doctrine du Comité selon laquelle l'absence de plaintes pour discrimination raciale ne doit pas être considérée comme nécessairement positive car elle peut en fait être révélatrice soit d'une information insuffisante des victimes sur leurs propres droits; soit de la peur de représailles; soit de la crainte du coût de la justice; soit de la peur des difficultés qu'il y aura à établir la preuve de la discrimination; soit d'un manque de confiance des citoyens vis-à-vis des autorités de police et de justice. La solution en la matière est bien celle de l'information et de la formation et de la sensibilisation de tous les agents de l'État chargés de suivre l'affaire, a insisté M. de Gouttes.
M. de Gouttes s'est en outre enquis des mesure prises par le pays pour faire connaître au public les textes internationaux des droits de l'homme. Est-ce que les médias diffusent régulièrement des programmes promouvant la tolérance entre les différentes ethnies et peuples composant le Togo ?

Enfin, le rapporteur a par ailleurs relevé que les organisations non gouvernementales n'ont pas pris part à l'élaboration du présent rapport.

D'autres membres du Comité ont souhaité en savoir davantage sur les effets du tribalisme exploité par les politiciens; sur les recrutements dans la fonction publique; sur les groupes indigènes qui existent au Togo; et sur les mesures prises pour faire reculer la culture qui décourage les filles d'aller à l'école.
Un expert a demandé si des mesures de discrimination positive étaient envisagées pour répondre aux cas de discrimination.

Un autre expert a regretté, à son tour, que le rapport ne traite pas de la situation actuelle. La situation décrite dans le rapport est-elle donc toujours d'actualité, a-t-il demandé?

Interrogée sur l'impunité des responsables politiques qui ont incité à la haine ethnique et tribale au cours des troubles qu'a connus le Togo, la délégation a déclaré qu'il devient impérieux et urgent de traiter avec courage et sagesse cette question qui alimente et encourage la violence politique au Togo. Dans le contexte transitionnel actuel, la lutte contre l'impunité doit être étroitement associée à cette quête légitime. Pour produire des effets positifs, cette lutte devra inclure, outre la réparation des torts causés aux victimes des violences politiques, des actions destinées à réformer la conscience et les réflexes des auteurs de cette violence, a indiqué la délégation. Elle a précisé que le Gouvernement a lancé des consultations nationales qui doivent aboutir à la création d'une commission vérité, justice et réconciliation pour envisager la meilleure façon de résoudre définitivement et efficacement la question de l'impunité.
Pour ce qui est de l'absence de plaintes relatives à la discrimination raciale déposées devant la Commission nationale des droits de l'homme ou les tribunaux nationaux, la délégation reconnaît qu'elle est essentiellement imputable à la méconnaissance par les populations des voies de recours existantes. Des campagnes de sensibilisation sont donc menées à ce sujet. La peur de ne pas être compris par les autorités compétentes peut également constituer un élément qui empêche les citoyens de déposer plainte, a également admis la délégation.

Le manque de ressources matérielles et humaines au niveau de la justice a trouvé des solutions dans le cadre de l'exécution du programme national de modernisation de la justice, grâce à l'appui des partenaires au développement, a rappelé la délégation. Ce programme de modernisation prend également en compte l'incorporation des instruments internationaux ratifiés par le Togo, a-t-elle précisé. La définition de la discrimination raciale au sens de l'article premier de la Convention est en cours d'intégration dans le Code pénal, a-t-elle de nouveau indiqué, rappelant en outre que l'avant-projet de ce code devrait être prochainement validé.
La délégation a par ailleurs indiqué que la France se charge actuellement du renforcement des capacités des magistrats togolais. Sur le plan du personnel, un concours de recrutement de magistrats est organisé chaque année pour renforcer leur effectif, a précisé la délégation. Ces améliorations auront un impact certain sur les conditions de détention dans les prisons, a-t-elle assuré.

La délégation a par ailleurs reconnu que malgré les écrits tendancieux de certains journalistes, aucune mesure répressive n'a été prise à ce sujet. Cependant, des campagnes de sensibilisation et de rappel à l'ordre ont toujours été menées à leur intention, a-t-elle souligné.
Les consultations nationales lancées le 15 avril 2008 par le chef de l'État ont pour but de recueillir les avis de la population afin de déterminer les fonctions, l'organisation et la composition de la future commission vérité, justice et réconciliation, a d'autre part fait savoir la délégation. Cette commission commencera ses travaux à l'issue de ce processus de consultations nationales. Créé le 22 mars 2008, le Haut Commissariat à la réconciliation et à l'unité nationale ne débutera ses activités qu'à la fin des consultations nationales, a précisé la délégation.

La délégation est par ailleurs revenue sur les initiatives prises par le Gouvernement pour rééquilibrer la représentation des ethnies dans la fonction publique, y compris dans le cadre des recrutements au sein des forces de l'ordre et de sécurité.

En ce qui concerne la situation des Peuhls, la délégation a tenu à souligner que sur le plan numérique, les Peuhls ne sont plus minoritaires. Leur activité d'éleveurs, qui leur impose souvent des déplacements, fait qu'ils se retrouvent en petits groupes disséminés dans tout le pays. En outre, leur mode de vie les oppose souvent aux autres groupes ethniques de leurs zones de résidence. La délégation togolaise a par ailleurs tenu à préciser que les termes «autochtones» et «indigènes» désignent indifféremment les propriétaires terriens, ce qui diffère de l'approche onusienne de ces concepts.

Par ailleurs, la délégation a expliqué que la décentralisation permet aux citoyens de prendre, au niveau local, une part active dans la gestion des affaires publiques. La question de l'abolition de la peine de mort est actuellement à l'étude, a-t-elle en outre indiqué.
La délégation a par ailleurs reconnu que les préoccupations du Comité relatives au mariage des mineurs étaient fondées. Cependant, le problème est réglé dans la mesure où le Code de l'enfant nouvellement adopté et la Constitution interdisent le mariage avant l'âge de 18 ans, sauf en cas de force majeure (notamment lorsqu'une mineure est enceinte, son consentement étant exigé).

Le Gouvernement togolais est conscient que la pauvreté des parents n'explique pas, à elle seule, la non-scolarisation des jeunes filles. Il n'en demeure pas moins que la politique de diminution des frais de scolarité pour les jeunes filles a porté ses fruits, car le taux de scolarisation des filles s'en est trouvé amélioré.


Observations préliminaires

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Togo, M. REGIS DE GOUTTES, a remercié la délégation pour ce dialogue interactif d'une excellente qualité. Le rôle du Comité est bien d'instaurer un dialogue et d'aider le Gouvernement togolais dans la mise en oeuvre de la Convention et dans le processus de réconciliation nationale qui est en cours, a-t-il souligné. Il a tenu à rendre hommage à la qualité méthodologique de la présentation faite par la délégation et s'est félicité des réponses positives sur le processus de réconciliation nationale, la normalisation des recrutements dans l'appareil d'État, les réformes législatives ainsi que les réformes en cours pour améliorer le fonctionnement de la justice. Le rapporteur s'est également félicité de la présence du Président de la Commission nationale des droits de l'homme.

Parmi les points qui mériteront d'être mentionnés dans les observations finales, le rapporteur a cité : les perspectives de mise en place de la commission nationale vérité, justice et réconciliation; la solution à trouver à l'impunité des violences interethniques passées; et les efforts menés dans l'établissement du processus de réconciliation nationale et de paix sociale.
Le rapporteur a par ailleurs relevé que cas de discrimination peuvent subsister entre les ethnies, notamment dans l'appareil d'État. Des efforts sont également à mener pour que les actes de racisme soient dans l'avenir mieux poursuivis et mieux sanctionnés, a ajouté M. de Gouttes.
La question de l'incorporation complète des dispositions de la Convention dans le droit national - s'agissant notamment de l'article premier, qui a trait à la définition de la discrimination raciale, et de l'article 4, qui porte sur l'incrimination de tous les actes de discrimination raciale - devra également être mentionnée dans les observations finales.

La question du régime foncier et de la réforme à entreprendre dans ce domaine sera également suivie avec intérêt, a indiqué M. de Gouttes.

Toute l'action à mener auprès des médias pour faire cesser, éviter et prévenir toute diffusion de haine raciale et ethnique et promouvoir l'entente interethnique sera aussi suivie par le Comité. Il en sera de même pour la question de la formation aux droits de l'homme à l'intention de tous les agents de l'État chargés, en particulier, de la diffusion des lois.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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